J’aimerais revenir un instant sur un argument qui a été avancé par Mmes Virginie Klès et Nicole Borvo Cohen-Seat.
Toutes deux ont le sentiment que le Gouvernement, au travers de ce redécoupage, souhaiterait favoriser l’électorat rural au détriment de l’électorat urbain. Des comparaisons ont ainsi été faites entre la deuxième circonscription de Lozère, qui, avec ses 35 000 habitants, est l’exemple extrême, et le département du Val-d’Oise. En réalité, la circonscription la plus peuplée – elle compte 210 000 habitants – se situe dans le Var. Selon Mme Borvo Cohen-Seat, un électeur de Seine-Maritime « pèsera » deux fois moins qu’un électeur des Hautes-Alpes.
À l’inverse, madame le sénateur, le député de la circonscription unique de la Creuse – le département compte 123 000 habitants et 110 000 électeurs inscrits – sera le député le plus représentatif de France. Il « pèsera » deux fois plus que la moyenne des députés de Paris ou des départements de banlieues. Vous le voyez, on peut démontrer beaucoup de choses en utilisant des chiffres… Je tenais à insister sur ce point, qui me semble significatif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable. En effet, l’ordonnance qu’il vous est demandé de ratifier répond à toutes les critiques qui ont pu être émises sur les différentes travées de cet hémicycle quant à l’éventuel maintien du statu quo s’agissant de la situation électorale de notre pays, notamment à l’Assemblée nationale.
Pensez-vous sérieusement que nous puissions encore attendre avant de renouer avec la légalité – car c’est bien de cela qu’il s’agit – d’une des chambres de notre institution parlementaire ?
Imaginons que la motion tendant à opposer la question préalable soit adoptée. Dans ce cas, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles réponses apporterez-vous au Conseil constitutionnel, qui a déclaré qu’il vous incombait de modifier le découpage électoral ? Quelles réponses apporterez-vous à notre juridiction suprême, qui nous a demandé de le faire aussitôt après les élections législatives, alors que bientôt deux années se sont écoulées depuis cette échéance ? Quelles réponses apporterez-vous au juge constitutionnel, qui affirmait voilà un an et demi qu’il était désormais impératif – je rappelais ce terme tout à l’heure – de procéder à un tel découpage ? Quelles réponses apporterez-vous aux citoyens, qui – il faut le savoir – fondent de plus en plus souvent leur recours contre l’élection d’un député lors des élections partielles sur les disparités démographiques affectant les circonscriptions ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne pouvez pas attendre encore, alors que près de dix ans se sont écoulés depuis le dernier recensement. Je vous demande donc de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.