Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un plaisir d’être parmi vous aujourd’hui pour examiner cette proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire.
Je profite de cette occasion pour exposer devant le Sénat la politique que mène le Gouvernement en matière de fret ferroviaire, qui doit devenir une solution de remplacement au transport routier.
Il s’agit d’un sujet important, sur lequel la Haute Assemblée a beaucoup travaillé. Je remercie les sénatrices et les sénateurs qui ont pris la parole aujourd’hui et reprendrai chacune de leurs interventions, en développant certains points.
Je tiens à saluer la qualité du rapport d’information sur l’avenir du fret ferroviaire réalisé par le groupe de travail composé de cinq sénateurs issus de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et présidé par Francis Grignon.
Je fais mienne l’appréciation que vient de porter Louis Nègre sur les propositions contenues dans ce rapport d’information et je les partage. Celles-ci s’inscrivent dans la droite ligne de notre politique, dont la priorité est d’assurer l’essor du fret ferroviaire au cours de la prochaine décennie.
Vous avez voté, dans le Grenelle I, un objectif clair et particulièrement ambitieux : faire passer de 14 % à 25 % la part des modes alternatifs à la route et à l’aérien – le ferroviaire, le maritime et le fluvial – d’ici à 2022.
Comment faire pour bâtir une offre de fret ferroviaire utile et compétitive ?
Vous l’avez tous rappelé, le fret ferroviaire en France, à la différence d’autres pays européens, connaît depuis plusieurs années, et quels que soient les gouvernements et les majorités à l’Assemblée nationale, de graves difficultés et peine à trouver sa cohérence économique. Il a été touché de plein fouet par la crise économique que nous connaissons depuis deux ans et, si des signes de reprise sont perceptibles, ils restent encore bien modestes.
Les crises sociales qui ont lieu depuis le début de l’année, particulièrement au cours des dernières semaines, auront malheureusement des conséquences sur l’activité de la SNCF. C’est par centaines que des trains sont actuellement « calés », comme on dit dans le langage cheminot, et certains clients partiront vers d’autres opérateurs ferroviaires, vers le transport fluvial dans le meilleur des cas, ou, pire, vers le fret routier.
Dans ce contexte difficile, l’entreprise publique a joué un rôle important dans l’acheminement des produits pétroliers qu’elle a traité en priorité, ce qui témoigne de la réactivité de ses équipes.
Désormais, notre objectif n’est pas de conquérir des parts de marché. Nous voulons les reconquérir. Les chargeurs sont demandeurs, vous l’avez tous relevé, mesdames, messieurs les sénateurs, en illustrant vos propos d’exemples.
Se pose également, vous le savez, un problème de rénovation du matériel. Autant le matériel ferroviaire à destination des voyageurs, qu’il s’agisse des TGV, des TER ou des transiliens, s’est modernisé, autant, en matière de fret, y compris d’équipement de triage que citait tout à l’heure Mme Beaufils, on en est resté à des technologies des années soixante-dix, pour ne pas dire des années cinquante ! Le parc de wagons, à quelques exceptions près, n’est pas un parc de qualité, notamment en termes de bruit ou de freinage.
Par conséquent, nous devons engager des améliorations en ce sens et faire en sorte que la concurrence se déroule convenablement. Je vous le rappelle, avant la crise sociale actuelle, la SNCF assurait 85 % du fret ferroviaire, les entreprises publiques ou privées autres que la SNCF ayant pris en quelques années à peu près 15 % de parts de marché. Malheureusement, la situation risque d’évoluer au détriment de la SNCF et les chiffres seront certainement très différents dans quelques semaines.
Nous avons mis en place avec le concours du Parlement – M. le président Emorine et la commission de l’économie ont joué un rôle important en ce sens – l’Autorité de régulation des activités ferroviaires. Cette haute autorité d’arbitrage est en place, son siège est fixé dans une ville ferroviaire, Le Mans. Elle est dotée de pouvoirs étendus : elle peut notamment se prononcer sur tous les litiges relatifs à l’accès au réseau ferroviaire ainsi que sur la tarification des péages. Elle est donc aujourd’hui opérationnelle.
Vous avez tous évoqué l’engagement national pour le fret ferroviaire. De quoi s’agit-il précisément ? C’est un programme d’actions que Jean-Louis Borloo et moi-même avons lancé, dans le cadre duquel il est prévu de déployer 7 milliards d’euros d’ici à 2020 uniquement pour le fret ferroviaire. Il constitue évidemment une feuille de route pour l’État, RFF et l’ensemble des entreprises et des acteurs concernés.
Quels sont les moyens mis en place ?
Nous avons prévu de dégager des sillons pour le fret, en augmentant la construction de lignes nouvelles de 4 500 kilomètres dans les trente prochaines années, 2 000 avant 2020 et 2 500 après.
Par exemple, lorsque nous construirons une ligne nouvelle au sud de Tours en direction de Bordeaux, madame Beaufils, c’est la ligne classique partant de Saint-Pierre-des-Corps à Bordeaux qui sera disponible pour l’autoroute ferroviaire ou le TER. Nous allons dégager sur les lignes classiques énormément de sillons pour le fret ferroviaire.
Que souhaitons-nous faire dans ce plan ? Notre action s’articule autour de huit axes que vous avez tous rappelés : la création d’un véritable réseau d’autoroutes ferroviaires cadencées, le doublement du transport combiné de marchandises, l’installation d’opérateurs ferroviaires de proximité, le développement du fret à grande vitesse, l’instauration d’un réseau orienté fret, la mise en place de mesures favorisant la desserte des ports, que M. Nègre vient d’évoquer, la suppression des goulets d’étranglement et l’amélioration du service offert aux transporteurs.
S’agissant de la création d’un réseau d’autoroutes ferroviaires cadencées, comme l’a souligné M. Teston, nous avons démarré entre le triage de Bettembourg, au Luxembourg, et Portbou. Alors qu’il n’existait au départ qu’une seule navette par jour, nous en serons bientôt à quatre navettes quotidiennes, la quatrième devant être mise en place tout prochainement. Cette liaison se développe de façon satisfaisante.
Sur l’Atlantique, nous avons engagé une consultation pour désigner le futur opérateur ; nous recevrons les offres des trois candidats le mois prochain.
L’idée est de venir du nord de la France, de transiter par la région parisienne, de descendre vers Saint-Pierre-des-Corps et d’utiliser ensuite la ligne classique vers Poitiers-Angoulême-Bordeaux, avec, pendant la mise au gabarit B 1 pour le combiné des tunnels au sud de Poitiers, l’utilisation de l’ancienne ligne de l’État par Niort-Saintes et Bordeaux.
L’adaptation du réseau est en cours pour atteindre cet objectif.
Sur le Mont-Cenis et Orbassano que Michel Teston a également cités, il s’agit d’élargir la phase de transport. Nous avons donc lancé un appel avec les Italiens pour partir plus près de Lyon et aboutir plus loin en Italie, le but étant de saturer le Mont-Cenis avant le tunnel Lyon-Turin dont je reparlerai tout à l’heure.
Nous étudions actuellement une quatrième autoroute ferroviaire avec RFF, sur un itinéraire nord-sud et est-ouest.
Pour favoriser le transport combiné de marchandises, nous avons augmenté de 50 % environ l’aide à l’exploitation des services de transport combiné. Nous voulons également augmenter la longueur des trains de fret, qui est limitée par la réglementation à 750 mètres. Depuis 2009, nous faisons déjà circuler des trains de 850 mètres sur l’axe Paris-Marseille et nous travaillons actuellement avec les opérateurs du transport combiné pour permettre la mise en service de trains de 1 000 mètres sur les axes Paris-Marseille et Bettembourg-Portbou en 2012 et Lille-Bayonne en 2013.
La SNCF joue un rôle important dans le développement du transport combiné. Sa filiale NAVILAND CARGO, qui a pris le contrôle de la société NOVATRANS, est en effet le premier opérateur français de transport combiné. La SNCF s’est engagée auprès de l’Autorité de la concurrence à proposer aux autres opérateurs de transport combiné de constituer une société d’exploitation en commun sur certains terminaux, afin que chacun y ait accès librement.
J’en viens aux opérateurs ferroviaires de proximité.
Vous avez parlé tout à l’heure de Warren Buffett et des compagnies américaines qui, voilà trente ou quarante ans, étaient celles qui perdaient le plus d’argent. Aujourd’hui, grâce à un énorme marché issu de l’accord de libre échange nord-américain, l’ALENA, entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, elles sont devenues des sociétés très profitables.
Aux États-Unis, avant l’installation de ces très grands trains de fret qui traversent les États-Unis du nord au sud et d’est en ouest, il existait déjà les short lines, opérateurs ferroviaires de proximité qui rassemblent les wagons et préparent les trains.
Dans le port de Hambourg, d’où partent environ 50 % à 60 % de son fret au-delà de 350 kilomètres par la voie ferroviaire, on dénombre 150 opérateurs ferroviaires de proximité.
L’évolution du fret ferroviaire dépend donc fortement de ces opérateurs.
Le rapport d’information du groupe de travail présidé par le sénateur Francis Grignon propose de favoriser le développement des OFP. Nous avons fait évoluer le cadre législatif et réglementaire pour faciliter leur mise en place. La loi ORTF – je n’aime pas beaucoup ce sigle, parce qu’il nous renvoie à la suppression de l’ORTF en 1975 !