J’espère que tel ne sera pas le cas, car trop, c’est trop ! Cette situation est inacceptable, car elle met gravement en cause la crédibilité non seulement de notre assemblée, mais également de notre démocratie.
Lionel Jospin avait parlé, il y a quelques années, d’« anomalie démocratique ». Si rien ne change, on aggravera cette anomalie, et ce sera un véritable « déni de démocratie » permanent !
Personne ne remet en cause le bicamérisme, et certainement pas nous ! Nous l’avons dit et redit ! La plupart des grands pays démocratiques fonctionnent sur la base du bicamérisme, garant d’une expression équilibrée des pouvoirs. Comme le Sénat français, la plupart des secondes chambres représentent les collectivités territoriales. Mais elles sont toutes soumises, à l’exception d’une, au jeu normal de l’alternance démocratique.
Le Sénat français doit évoluer. Je crois que les sénateurs, notamment ceux de la majorité, ne mesurent pas suffisamment le discrédit qui frappe leur assemblée.
Je suis sénateur depuis seize ans. Je souhaite que notre assemblée, qui est dotée de pouvoirs importants et qui réalise un travail utile et souvent méconnu, puisse s’adapter aux mutations que la société française a connues au cours des cinquante dernières années pour être à l’unisson de la revendication des Français d’approfondir la démocratie de leur pays.
Les socialistes ont, à de nombreuses reprises, avancé des propositions visant à modifier le mode d’élection des sénateurs, avec lesquelles d’ailleurs certains d’entre vous siégeant sur les travées de droite n’étaient pas en désaccord ! Mais il leur a été difficile de passer d’une analyse juste à sa concrétisation, s’agissant notamment de la question de la composition du collège électoral. Car c’est bien là le point d’achoppement ! Aucune réforme de ce collège n’est intervenue depuis 1958 ; celui-ci continue donc de surreprésenter les communes les moins peuplées.
Or la France de ce début de XXIe siècle n’est plus la France rurale du XIXe siècle, du début et du milieu du XXe ! Au fil des années, notamment depuis les années soixante, la France s’est urbanisée, et les trois quarts de la population vivent désormais en zones urbaines.
Par ailleurs, depuis 1982, avec le développement de la décentralisation, les régions sont devenues des collectivités territoriales à part entière, et les départements des acteurs essentiels de la vie publique. Or ils sont, eux aussi, sous-représentés dans le collège électoral.
Personne ne nie le fait que la composition du collège électoral sénatorial soit dépassée. Comme le reconnaît le rapport du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, dit rapport Balladur, elle « favorise à l’excès la représentation des zones faiblement peuplées au détriment des zones urbaines ». Tout est dit ! Il faut s’adapter ! Pourquoi alors mettre tant d’obstination à ne pas vouloir bouger ?
Monsieur le président, chers collègues, au moment où le Parlement – l’Assemblée nationale l’a adopté hier et le Sénat en débattra dans quelques jours – examine un projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, comment ne pas y voir l’occasion pour notre assemblée de trouver enfin une légitimité dont dépend sa représentativité ?
Pourtant, à l’évidence, vous vous y opposez. Comme les députés de droite, les sénateurs de la majorité ont refusé de discuter des articles de la proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs déposée par MM. Jean-Pierre Bel et Bernard Frimat, ainsi que par les membres du groupe socialiste et apparentés. Je le regrette vivement, car, une fois de plus, vous faites preuve d’un conservatisme d’un autre temps.