Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 31 mars 2010 à 14h30
Lutte contre les discriminations — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’histoire de notre pays est ainsi faite que les vagues successives de migrations, sans remonter à des temps immémoriaux, ont enrichi chacune à leur tour le corps de la nation. Les récents chiffres publiés par l’Office des migrations internationales de l’ONU montrent d’ailleurs que la France est la deuxième terre d’accueil de migrants dans le monde.

Notre pays, fort de son idéal de patrie des droits de l’homme, peut s’enorgueillir d’une longue tradition d’accueil des étrangers, tradition dont on trouve déjà la trace dans l’introduction du droit du sol à l’article 3 du titre II de la Constitution de 1791.

L’enracinement républicain de ce droit, en 1889, fut certes motivé par l’idée de fournir davantage d’hommes aux armées, dans l’obsession d’une revanche face à l’Allemagne.

Les vagues successives d’immigration ont d’ailleurs, d’une manière générale, coïncidé avec les soubresauts de l’histoire du monde. Systématiquement, l’étranger fut pointé du doigt, exclu, assigné à un rôle de bouc émissaire responsable de tous les maux, avant d’être finalement, et heureusement, accepté. Il en va évidemment de même aujourd’hui.

En revanche, ce qui est nouveau, c’est l’urgence qu’il y a de définir un véritable modèle d’intégration pour ces étrangers et surtout pour leurs enfants, tous Français à part entière.

Notre pays est aujourd’hui divers dans son corps social, mais il demeure monolithique pour ce qui relève des leviers du pouvoir politique ou économique. Cela doit changer !

Quel espoir la République peut-elle offrir aux filles et fils d’immigrés lorsqu’ils subissent dans leur vie quotidienne la lèpre des discriminations ?

Comment ne pas s’inquiéter des chiffres alarmants de l’abstention dans certains quartiers populaires aux élections régionales, preuve – s’il en fallait encore une – du rejet qu’inspire à une partie de nos compatriotes le modèle de société qui leur est offert ?

Comment ne pas être consterné lorsque ce gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, nous impose une réforme des collectivités territoriales qui s’affranchit sans scrupule du principe de parité entre hommes et femmes ?

L’égalité des citoyens, proclamée à l’article Ier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, n’est encore qu’une chimère.

Les discriminations sont bien sûr multiples et aux plus visibles s’ajoutent les plus insidieuses, tout aussi aliénantes, puisqu’elles visent le sexe, l’origine ethnique, l’origine sociale, le handicap, l’orientation sexuelle, l’opinion politique.

Le combat pour l’abolition de ces discriminations a malheureusement un bel avenir !

Les délits de faciès ou de patronyme sont d’une consternante banalité : la HALDE a d’ailleurs connu en 2009 une hausse de 21 % des requêtes.

La République ne doit pourtant laisser personne sur le bord du chemin. Dans son discours prononcé à l’École polytechnique le 17 décembre 2008, le Président de la République indiquait qu’il souhaitait prendre à bras-le-corps le problème des discriminations, avec le volontarisme d’intention qu’on lui connaît…

Les annonces semblaient aller dans la bonne direction : diversification de la composition des classes préparatoires aux grandes écoles, création d’internats d’excellence, généralisation du CV anonyme, création d’un label « diversité » pour les administrations et les entreprises, diversification des nominations aux postes de hauts fonctionnaires. Hélas ! et malheureusement sans surprise, ces annonces n’ont pas été suivies d’effets ni de mesures concrètes, laissant nos compatriotes discriminés dans leur juste colère.

Depuis 2002, malgré les divers textes législatifs, plans de lutte ou autres mesures annoncées, la ségrégation sociale n’a pas reculé d’un iota.

La nomination médiatisée de « personnalités issues de la diversité » à de hauts postes cache, avec grande difficulté, la multiplication des zones reléguées aux marges de la République.

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