Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 31 mars 2010 à 14h30
Lutte contre les discriminations — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur l’une des dimensions de la lutte contre les discriminations. Elle porte sur un droit fondamental, acquis depuis l’adoption des lois Quilliot, en 1982, et Besson, en 1990 : le droit au logement.

Ce droit est devenu opposable avec la loi DALO en 2007. Hélas ! force est de constater que, malgré les nombreux dispositifs juridiques en place, le droit effectif au logement est tenu en échec et que les discriminations d’accès au logement se manifestent très souvent. Elles se manifestent, en particulier, dans la concentration de populations d’origine étrangère, réelle ou supposée, dans certaines zones géographiques ou certaines communes, favorisant ainsi la constitution de véritables ghettos, et ce n’est pas le maire de Mulhouse qui me démentira !

Tout le monde partage, au moins sur le plan des principes, la volonté d’une vraie mixité sociale. Celle-ci constitue l’un des remparts les plus efficaces contre la discrimination. C’est pourquoi nous sommes conscients que la question de l’accès sans discrimination au logement relève, pour une large part, de la responsabilité des bailleurs sociaux et privés.

À ce titre, je souhaite saluer le partenariat engagé entre l’Union sociale de l’habitat et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et l’égalité. Le « guide des procédures d’attribution de logements sociaux » publié à la fin de 2009 et intégrant une contribution de la HALDE montre que la transparence dans les procédures d’attribution constitue un canal nécessaire à l’objectif de mixité sociale.

Dans ce cadre, celle-ci doit cependant rester un objectif permanent de progrès pour les bailleurs sociaux. Cette exigence devrait aussi faire l’objet d’une transparence plus effective de la part des bailleurs proposant des logements conventionnés.

Pour autant, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle : l’éradication des discriminations en matière de logement ne saurait reposer sur la seule bonne volonté des bailleurs sociaux et privés.

La France s’est dotée d’outils juridiques complets pour favoriser la mixité sociale, me direz-vous. Et vous aurez raison ! Depuis la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain du 13 décembre 2000 imposant le fameux « 20 % de logements sociaux » dans les communes de plus de 3 500 habitants jusqu’à la loi portant engagement national pour le logement du 13 juillet 2006 et à la loi dite « Boutin » de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, adoptée le 25 mars 2009, l’arsenal législatif est important !

Mais la réalité observable montre que les mécanismes tendant à éviter les discriminations en matière de logement sont inefficaces ou, pour le moins, insuffisants. En effet, selon le comité régional de l’habitat d’Île-de-France, pour ne prendre que l’exemple de cette région, 44 % des communes, soit 83 sur 181, ne respectent pas, sur la période 2005-2007, l’objectif de 20 % de logements sociaux fixés par la loi SRU. Voilà encore une prescription du législateur qui, faute de volontarisme politique, n’est pas suivie d’effet.

Quelles mesures convient-il de mettre en œuvre pour lutter contre les discriminations constatées au titre de l’accès au logement ? Le rapport de la HALDE de 2009 et l’association SOS-Racisme proposent plusieurs catégories de mesures pour promouvoir l’égalité.

Pour éviter la concentration des populations d’origine étrangère dans les secteurs les plus défavorisés – ce qui constitue, par définition, une discrimination organisée – diverses actions sont nécessaires. Je souhaiterais vous en soumettre quelques-unes, ma liste n’étant pas exhaustive : la construction mais, surtout, la réhabilitation de logements sociaux supplémentaires ; un meilleur respect de la loi SRU par l’augmentation importante des pénalités et par la réquisition de logements sociaux dans les villes ne respectant pas la loi, ainsi que nous l’avons proposé ; le rachat de logements privés par les offices HLM dans les villes où il n’y a plus de place pour construire des logements sociaux ; l’obligation pour chaque nouvel ensemble de logements privés de comporter en son sein 20 % de logements à loyer modéré.

Enfin, et je veux insister sur ce point, il y a sans doute lieu de tirer un premier bilan de la loi DALO. Il semble, en effet, que l’un des effets pervers de cette loi – on peut le vérifier au travers des indicateurs produits – concentre, de fait, les demandes de logement émanant de personnes défavorisées sur certaines zones géographiques, souvent les mêmes.

Monsieur le secrétaire d’État, il ne faut pas seulement des lois pour endiguer les discriminations. Les textes sont naturellement nécessaires, mais il faut aussi une volonté. Il faut, surtout, une véritable instrumentation pour les appliquer. C’est le résultat que nous attendons de ce débat.

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