Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 29 mars 2005 à 22h00
Prévention et répression des violences au sein du couple — Articles additionnels après l'article 1er

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Voilà au moins un constat sur lequel nous serons d'accord : on légifère trop et trop mal ! Cela dit, nous sommes réunis ici pour traiter d'un problème grave, et nous allons essayer de le faire du mieux possible.

Je comprends l'agacement de Mme Gautier, car bien des phrases ont été prononcées ici qui donnent à penser qu'il est décidément assez difficile de regarder la réalité en face. Je n'accuse personne en particulier, car je crois que, collectivement, nous avons un peu de mal avec ce sujet.

Les violences conjugales, pourtant communes dans tous les pays européens, ont été longtemps sous-estimées ; le sujet était tabou ; il a longtemps été traité sur le mode du rire graveleux, des blagues abjectes, du désastreux « bats ta femme tous les jours, si tu ne sais pas pourquoi, elle le sait ! », ou sur le mode de l'incrédulité horrifiée.

La prise de conscience a été lente et incomplète. En effet, il est difficile de s'avouer que la plupart des viols à l'encontre des enfants sont exercés dans le cadre familial. Il est difficile de reconnaître que l'essentiel des violences à l'encontre des femmes sont commises par des gens avec lesquels elles avaient une relation affective - leur père, leur frère, leur mari, leur compagnon, leur concubin. Il est également difficile d'admettre que tous les groupes sociaux, toutes les classes d'âges sont concernés, même si les inégalités socioéconomiques sont évidemment des facteurs aggravants, ne serait-ce que parce qu'il est très difficile, en situation de précarité, de surmonter ce handicap pour fuir une vie de terreur et d'humiliation, notamment lorsqu'il y a des enfants.

Il faut donc affronter la réalité. M. le président de la commission des lois a certes raison de souligner que, juridiquement, le terme « violences » inclut toutes les violences, y compris celles qui ne laissent pas de cocard sur l'oeil. Mais, politiquement, je crois qu'il a tort ! En effet, le premier réflexe de l'homme violent sera de dire : « mais je ne lui ai pas fait de marques, mais je ne l'ai pas frappée ! ». Le premier réflexe de la femme battue sera de se sentir dévalorisée, culpabilisée, humiliée. Ainsi, afin de reconnaître qu'elle fait bien l'objet de violences, peut-être a-t-elle besoin de savoir que les humiliations du quotidien, les vexations, la dévalorisation devant les enfants, le sentiment d'être niée dans son identité de femme constituent bien de la violence, et que cela figure noir sur blanc dans un code.

Cela mérite vraiment d'être inscrit, même si, pour une fois, c'est un peu redondant par rapport à d'autres dispositions du code. Monsieur Hyest, vous devez comprendre que, si ces choses vont de soi pour un juriste, elles vont encore mieux en le disant pour tous ceux qui ne le sont pas...

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