Séance en hémicycle du 29 mars 2005 à 22h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • circonstance
  • conjoint
  • conjugales
  • couple
  • infraction
  • mariage
  • médiation
  • physique
  • psychologique

La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Philippe Richert.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous reprenons la discussion des conclusions du rapport de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur :

- la proposition de loi, présentée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues, tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression,

- et la proposition de loi, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues, relative à la lutte contre les violences au sein des couples.

Dans la discussion des articles nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 24, présenté par Mme Dini, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 411-5 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Lorsque le demandeur est mineur. »

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'amendement repoussant l'âge légal du mariage, adopté par le Sénat voilà quelques heures, ne réglera pas le cas de tous les mariages forcés.

Une jeune fille étrangère résidant en France, mariée selon le droit coutumier dans son pays pendant les vacances, n'aura pas la possibilité d'empêcher son mari de la rejoindre en vertu de l'article L.411-5 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'amendement n° 24 a pour but de reculer l'âge de cette arrivée au moins jusqu'à la majorité de la jeune fille, ce qui peut laisser à cette dernière le temps de réagir et de trouver, en France, l'aide nécessaire à une action en annulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Cet amendement vise, afin de lutter contre les mariages forcés, ce qui est un objectif tout à fait louable, à interdire le regroupement familial lorsque la personne cherchant à faire venir son conjoint en France est mineure.

Toutefois, il ne peut viser qu'un demandeur étranger. Or, le risque de mariage forcé afin de faire obtenir des papiers au conjoint étranger concerne essentiellement des femmes françaises ou binationales.

La commission des lois a considéré que cet amendement portait une atteinte disproportionnée à la vie familiale. En effet, en vertu de l'article 3 du code civil, et à défaut de convention bilatérale contraire, les personnes étrangères ont droit au respect de leur statut personnel en France, pour autant que ce dernier ne soit pas contraire à l'ordre public français, lequel, je vous le rappelle, s'oppose uniquement à la reconnaissance des mariages de jeunes filles non pubères célébrés à l'étranger.

Ainsi, dès lors que le mariage a été valablement célébré à l'étranger, le droit français ne peut pas contester sa légalité. On ne peut donc pas empêcher une jeune femme mariée de faire venir son conjoint en France ; c'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle

Le Gouvernement l'avis de la commission.

Madame Dini, je comprends bien l'objet de cet amendement, dont je mesure toute la pertinence pour éviter les mariages forcés et leurs conséquences.

Néanmoins, puisque nous avons engagé une réflexion très large sur les femmes et l'immigration, je vous suggère de retirer pour l'instant cet amendement afin que nous examinions la disposition qu'il prévoit à l'occasion de propositions actuellement à l'étude concernant la contrainte pour mariage ou le délai de prescription pour les mutilations sexuelles. Cet amendement mérite en effet d'être reconsidéré, avec les réserves qui viennent d'être exprimées, sous un angle élargi.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je ne retirerai pas mon amendement parce que je considère que l'on recule sans cesse. Aujourd'hui, alors que nous débattons d'une proposition de loi sur les violences faites aux femmes, nous ne faisons rien pour ces jeunes femmes qui résident en France, de sorte qu'elles pourront toujours être victimes de tels actes.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Il est question là non pas de violences, mais de l'interdiction faite à une jeune femme, légalement mariée dans son pays d'origine, de faire venir son conjoint. Il y a simplement une présomption de violences. Mais, à partir du moment où une jeune femme étrangère a été légalement mariée dans son pays d'origine et où le droit français respecte son statut personnel, au nom de quoi, en l'absence de violences établies, pourrait-on lui interdire de faire venir son mari ?

Si la commission des lois s'est opposée à cet amendement, c'est parce que l'on ne peut pas considérer comme une violence le fait qu'une jeune femme mineure résidant en France se soit mariée légalement dans son pays. C'est la stricte application du droit de son pays !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 34, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Un plan national d'action contre la violence à l'égard des femmes est mis en oeuvre pour la période 2005-2008.

Ce plan doit intégrer des actions visant à améliorer l'accueil, l'accompagnement et la protection des victimes, la formation des professionnels concernés, à éviter le classement sans suite des plaintes et à développer la prévention, notamment à l'intention des jeunes.

La parole est à Mme Hélène Luc.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous discutons d'une loi qui ne doit pas être en décalage avec la réalité vécue par les femmes. Or, je crains, pour le moment, qu'elle ne le soit.

La souffrance liée aux violences a été relatée ici, mais cela ne peut traduire toute la souffrance physique que subissent les femmes et leurs enfants quand elle n'entraîne pas leur mort ...

Qui pourra dire que l'Etat ne peut pas faire ce que réalisent bénévolement des associations ? La question est-elle d'ordre réglementaire ? Est-elle d'ordre législatif ? Si nous en avons, toutes et tous, la volonté, quelque chose pourra changer dans la loi, laquelle doit être appliquée en termes tant de formation des personnels que de moyens financiers.

Je citerai l'exemple d'un département que je connais bien, le Val-de-Marne, pour illustrer ce qui reste à faire et ce qui manque dans la loi pour aller plus loin.

Le conseil général du Val-de-Marne a créé un observatoire de l'égalité et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Il accorde d'importantes subventions aux quatre associations qui jouent un rôle primordial en la matière et que, en ma qualité de présidente de cet observatoire, j'ai longuement écoutées avec mes collègues femmes et le président du conseil général. Le conseil général participe à la commission départementale de lutte contre les violences faites aux femmes, créée par M. le préfet du Val-de-Marne.

De son côté, le tribunal d'instance de Créteil a créé l'unité de consultation médico-judiciaire de Créteil, qui accueille, en liaison avec les comités locaux de sécurité, les femmes victimes de violences.

Les membres de la sous-commission « Suivi des plaintes et prise en charge judiciaire » proposent de mieux lier leur réflexion à celle du conseil départemental de prévention de la délinquance.

Des initiatives, relatives aux problèmes de la mixité, ont été prises, en un an, dans vingt-deux collèges, sous l'impulsion de M. l'inspecteur d'académie.

Un travail a été engagé avec l'ordre des médecins sur la question du secret professionnel, les praticiens souhaitant s'exprimer publiquement dans leur journal professionnel.

La question des mains courantes revient de façon récurrente dans les conversations. Les mains courantes sont en effet un moyen de suivre préventivement les victimes. Des instructions sont données dans les commissariats pour reprendre contact avec ces dernières après une main courante.

Le parquet des mineurs est lui-même en cours de réorganisation afin d'améliorer la prise en charge, par le secteur protection de l'enfance, des victimes de violences infligées dans le cadre familial.

Les magistrats du siège sont interpellés par l'article L. 220-1 du code civil, qui prévoit l'expulsion du mari violent du logement. Des questions se posent, madame la ministre, quant à l'intervention des forces de police pour expulser le mari et à l'endroit où le conduire. La prise en charge des auteurs de violences devient une question à laquelle il faut aussi apporter des réponses. Quelle prise en charge pénale prévoyez-vous ? J'ajoute que, depuis l'adoption de cette nouvelle disposition légale, aucune demande d'expulsion n'a été enregistrée dans le département du Val-de-Marne.

Des informations doivent donc être données aux préfets et aux parquets à cet égard.

En conclusion, je voudrais dire que, afin de prévenir la violence faite aux femmes et de lutter contre ce phénomène, il est essentiel d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques conçues dans un cadre global, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

Ces politiques doivent être impulsées par un plan national d'action contre la violence à l'encontre des femmes. Ce plan serait le cadre idéal pour proposer des politiques cohérentes sur l'ensemble du territoire, en coordonnant l'action des différentes institutions, associations et professionnels concernés par la lutte contre les violences faites aux femmes.

Puisque le Gouvernement prend enfin conscience de l'urgence qu'il y a à combattre les violences faites aux femmes, il lui faut aujourd'hui prendre ses responsabilités et, dans le souci d'une plus grande efficacité, encadrer au niveau national la lutte contre ces violences.

C'est pourquoi il convient d'adopter notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Cet amendement vise à instituer un plan national d'action contre la violence à l'encontre des femmes. Or, la préoccupation tout à fait légitime exprimée dans ce texte apparaît satisfaite par le plan global de lutte contre les violences faites aux femmes que vous avez présenté, madame la ministre, lors du conseil des ministres du 24 novembre 2004. Pour la première fois, ce plan réunissait dans un ensemble cohérent les dispositions indispensables pour mieux répondre aux difficultés rencontrées par les femmes victimes de violences.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Le Gouvernement n'a pas attendu le dépôt de cette proposition de loi pour s'engager résolument sur un terrain que Mme Luc connaît bien pour s'en occuper depuis longtemps. Je suis tout à fait au courant, madame, des expériences que vous avez citées, mais je confirme que le Gouvernement a élaboré un plan global pour l'autonomie, en dix mesures, plan qui est en cours d'application et dont je suis disposée à vous parler quand vous le souhaiterez : je suis en effet prête à rendre des comptes précis sur l'évaluation de ces dispositifs.

Toujours est-il que je ne vois ni comment ni à quel titre nous reviendrions sur un principe qui est déjà concrétisé et qui, comme en témoignent les exemples que je vous ai cités voilà quelques instants, se traduit déjà dans les faits par un certain nombre d'actions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Madame la ministre, j'ai sous les yeux l'article 220-1 du code civil, publié au Journal officiel du 27 mai 2004 et entré en vigueur le 1er janvier 2005.

Mais la question que je vous ai posée à propos de l'intervention des forces de police a été soulevée par M. le préfet. Tous les participants à la réunion du 7 mars dernier l'ont posée, parce qu'aucune solution n'est avancée.

Je sais bien, madame la ministre, que vous vous souciez de ce problème et qu'une campagne télévisée est organisée sur votre initiative. Nous nous en sommes d'ailleurs entretenues. Mais il faut reconnaître que nous sommes bien loin des mesures qu'il faudrait prendre pour changer les choses d'une manière radicale.

Toutes ces femmes qui vont voir les permanents des associations et les élus n'en peuvent plus. Le problème a été évoqué longuement au sein de la délégation aux droits des femmes. Il faut cesser de pousser les femmes à quitter leur domicile, avec leurs enfants, alors même que ce sont les maris les agresseurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Par conséquent, que faut-il prévoir pour accueillir ces hommes, qu'ils soient conjoints, concubins ou pacsés ?

Telle est bien la question : comment aller plus loin et plus vite ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 36, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le ministère de l'Intérieur, dans son recensement des crimes et délits, édite des statistiques sexuées.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Si nous disposons aujourd'hui d'éléments d'analyses, de renseignements et d'études sur les violences conjugales, c'est essentiellement grâce au travail des associations. Elles ont été les premières, en effet, à être confrontées à des femmes victimes de violences au sein de leur couple. Le travail de terrain effectué par ces associations nous a donc donné une première connaissance de ce phénomène, plus ou moins bonne, mais en tout cas perceptible.

Par ailleurs, c'est grâce à l'enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France que nous disposons de chiffres précis, alors que les statistiques de la justice et de la police n'en représentent qu'une infime proportion.

A l'heure actuelle, nous sommes confrontés au problème suivant en matière de recensement de ces violences : les associations ne sont pas en mesure - et ce n'est d'ailleurs pas leur rôle - de recenser à l'échelon national les victimes de violences selon leur sexe. Les statistiques éditées par le ministère de l'intérieur, dans son recensement des crimes et délits, ne sont pas sexuées. Il n'existe donc aucun instrument statistique national permettant de distinguer si la victime de violences, et plus spécifiquement de violences conjugales, est un homme ou une femme.

L'existence de statistiques sexuées est pourtant primordiale, en termes aussi bien de lutte contre ces violences, que de prévention de ces dernières.

De telles statistiques permettraient un réel dépistage des situations de violences et, par là même, la définition d'actions et de politiques publiques mieux adaptées, ainsi que de mesures de prévention plus appropriées qu'elles ne le sont aujourd'hui, parce que plus pertinentes. Elles donneraient également une idée plus juste de l'ampleur réelle du phénomène. La lutte n'en serait donc que plus efficace.

Je tiens tout de même à préciser que la délégation aux droits des femmes a émis cette recommandation dans son rapport sur la lutte contre les violences au sein des couples.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Cet amendement vise à faire établir par le ministère de l'intérieur des statistiques sexuées dans le recensement des crimes et délits.

Cette disposition appelle des réserves dans la mesure où la proposition de loi traite de la violence au sein du couple en tant que tel, même si, à l'évidence, les femmes sont les premières victimes.

D'ores et déjà, le ministère de la justice détient des statistiques permettant de recenser les condamnations pour lesquelles la circonstance aggravante liée à l'état de concubin ou de conjoint a été retenue.

Cela étant, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat et souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Je partage la première partie de l'argumentation développée par M. le rapporteur.

J'ajoute que le ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin, qui est totalement sensibilisé à ce sujet, procède actuellement à la mise en place, au sein des services du ministère, d'un nouveau projet informatique de traitement des informations sur les infractions, lequel sera opérationnel avant la fin de l'année 2006.

Cette version beaucoup plus sophistiquée de l'outil statistique actuel s'inscrit tout à fait dans l'esprit des recommandations, que je tiens à saluer, de la délégation du Sénat aux droits des femmes.

Parallèlement, l'observatoire national de la délinquance doit introduire, à ma demande, l'analyse sexuée dans le domaine des violences.

J'ai également demandé à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, ou DREES, du ministère des solidarités, de la santé et de la famille, d'élaborer une étude « violence et santé » qui tiendra compte de ces critères.

Comme vous le voyez, là encore, le Gouvernement a d'ores et déjà engagé les travaux répondant à l'objet de cet amendement, en s'appuyant sur toutes les informations qui ont été exprimées tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale et les associations.

Par conséquent, considérant que cet amendement, qui ne relève d'ailleurs pas non plus du domaine législatif, n'a pas de raison d'être, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Après l'article 132-79 du code pénal il est inséré un article 132-80 ainsi rédigé :

« Art. 132-80. - Dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.

« La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-80 du code pénal par les mots :

dans un délai de cinq ans suivant la date à laquelle le divorce est devenu définitif ou suivant la rupture du concubinage ou du pacte civil de solidarité

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai également l'amendement n° 2, l'amendement n° 1 étant un amendement de repli par rapport à ce dernier.

Le texte proposé pour l'article 132-80 du code pénal dispose, dans son premier alinéa, que, « dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».

Si cet alinéa nous paraît acceptable, le second l'est moins. Il maintient, en effet, la circonstance aggravante prévue au premier alinéa lorsque les faits sont commis non plus par le conjoint, mais pas l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.

Il nous semble que le maintien, sans condition de délai, de cette circonstance aggravante pose problème en créant en quelque sorte une indissolubilité du lien conjugal, du lien de concubinage, ou du pacte civil de solidarité. Cette disposition nous paraît peu opportune.

En effet, on peut imaginer l'hypothèse où un couple, qui a été pacsé pendant quelques semaines, serait confronté, dix ans, vingt ans ou quarante ans plus tard, à un différend n'ayant rien à voir avec son ancienne vie de couple, et se verrait néanmoins appliquer cette circonstance aggravante.

C'est la raison pour laquelle nous proposons d'assortir cette disposition d'une condition de délai, qui serait de cinq ans, avec l'amendement n° 1, et de cinq ans prorogés, « le cas échéant, jusqu'à la majorité du plus jeune enfant né de l'union du couple durant la période du mariage ou du concubinage ou du pacte civil de solidarité », avec l'amendement n° 2.

Nous estimons que les circonstances aggravantes auront suffisamment matière à s'appliquer dans des hypothèses où elles seront effectivement liées à la vie de couple.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le sous-amendement n° 26, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n°1 pour compléter le second alinéa de cet article, remplacer le chiffre :

cinq

Par le chiffre :

sept

Ce sous-amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 2, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-80 du code pénal par les dispositions :

dans un délai de cinq ans suivant la date à laquelle le divorce est devenu définitif ou suivant la rupture du concubinage ou du pacte civil de solidarité. Ce délai est prorogé, le cas échéant, jusqu'à la majorité du plus jeune enfant né de l'union du couple durant la période du mariage ou du concubinage ou du pacte civil de solidarité.

Cet amendement a déjà été défendu.

Le sous-amendement n° 27, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n°2 pour compléter le second alinéa de cet article, remplacer le chiffre :

cinq

Par le chiffre :

sept

Ce sous-amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 1 et 2 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Ce sujet a donné lieu à d'amples discussions au sein de la commission des lois.

Plusieurs magistrats ont rappelé, à l'occasion de leur audition par la commission, que les violences conjugales s'exerçaient en général dans les premiers temps de la rupture, et qu'il n'était donc pas souhaitable d'envisager de maintenir la circonstance aggravante éternellement.

J'ai proposé de limiter cette circonstance aggravante à cinq ans. La commission n'a pas retenu cette proposition et a préféré supprimer ce délai, mais elle s'est prononcée en faveur de l'amendement n° 2.

En effet, la disposition proposée est cohérente, puisque les violences conjugales sont généralement liées à la nécessité des membres des couples de se rencontrer pour des sujets tels que l'éducation des enfants ou le paiement de la pension alimentaire. On peut penser que, à la majorité des enfants, ces questions disparaissent et les raisons de violences diminuent. Par conséquent, si la circonstance aggravante est l'une des avancées de ce texte, son maintien pour une durée illimitée paraît excessif à la commission.

Par conséquent, en tant que rapporteur, j'indique que la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 2 et défavorable sur l'amendement n° 1.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Rien ne me paraît justifier de limiter dans le temps l'application de la circonstance aggravante. La violence reste toujours illégitime.

De même, aucune raison ne me semble devoir légitimer l'atténuation de la responsabilité de l'auteur, alors même que le comportement violent perdurerait.

Ce qui pose problème est par conséquent, me semble-t-il, non pas la durée du délai, mais son existence même. Dans ce domaine, il convient de faire confiance au juge qui apprécie ce type de situation.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Compte tenu de la rédaction de la commission, la circonstance aggravante est automatique et ne permet pas au juge de l'écarter.

C'est la raison pour laquelle, dans le cas où une violence interviendrait cinquante ans après la rupture, pour un motif n'ayant rien à voir avec l'ancienne vie commune, la circonstance aggravante s'appliquerait ipso facto. Cela nous paraît excessif. Pourquoi faut-il laisser cette circonstance aggravante perdurer alors que le juge n'a pas le pouvoir d'appréciation, compte tenu de la rédaction actuelle du texte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je suis attaché à la logique juridique : ce qui importe, c'est de savoir si les violences perdurent, que ce soit dans le cas des conjoints ou des anciens conjoints.

Or il se trouve que, le soir même du jour où la commission avait décidé de ne pas fixer de délai, malgré les efforts remarquables de plaidoirie déployés par le rapporteur en faveur d'un délai de cinq ans, un homme a tué son ancienne épouse dont il était séparé et qu'il pourchassait de foyer en foyer depuis sept ans.

Mme Luc a évoqué tout à l'heure, à juste titre, les plaintes et les efforts qui devaient être faits pour assurer la protection des victimes.

En réalité, le problème tient au fait que les violences persistent. Il s'agit de savoir si l'on admet que la circonstance aggravante s'applique ou non aux anciens conjoints. Si elle s'applique, pourquoi fixer un délai ? Hélas, la haine et la violence peuvent durer plus de cinq ans.

Pour ma part, je comprends mal que les circonstances aggravantes ne s'appliquent plus après ce délai de cinq ans.

M. Lecerf a indiqué que cette situation est souvent liée aux enfants. En effet, un homme refusant catégoriquement le divorce demandé par son ex-épouse peut persécuter cette dernière pendant des années.

La logique juridique commande que la peine soit fixée en tenant compte des circonstances aggravantes.

Si cela n'a aucun lien avec le mariage, le juge n'en tiendra pas compte. L'exemple que vous avez pris, monsieur Lecerf, est quelque peu caricatural. Comment raisonnablement penser que, dans un couple pacsé pendant deux mois, l'un des deux commettrait un acte de violence envers son partenaire, alors qu'ils sont séparés depuis quarante ans ?

Pour ma part, j'ai cité un exemple concret. Il peut arriver que les violences durent plus de cinq ans.

Par conséquent, quels que soient les efforts consentis par notre collègue Jean-René Lecerf, nous ne devons pas accepter un délai. S'il n'y a plus de violences après les premières années, alors, progressivement, il n'y aura plus de crainte, et l'aggravation de la peine ne pourra être retenue. A partir du moment où l'on accepte l'aggravation de la peine pour les ex-conjoints, seules comptent les violences commises.

Permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que ce n'est pas parce que l'on a divorcé - la pérennité du lien est plus délicate s'agissant du PACS ou du concubinage - que les liens ont complètement disparu. Les liens affectifs peuvent encore exister. On le sait, certains divorces sont extrêmement conflictuels, et ils peuvent conduire certains êtres à faire preuve de violence.

L'aggravation de la peine étant l'un des éléments essentiels du texte que nous allons adopter, il serait dommage de prévoir une limite dans le temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous avons effectivement longuement débattu de cette question. Pour ma part, je soutiens la position de M. Hyest et de Mme la ministre. En effet, c'est le principe qui compte.

Même si le fait n'est pas commun, il n'est pas rare de voir un ex-conjoint poursuivre en permanence, avec toute son animosité, une femme qui l'a quitté au seul prétexte qu'elle l'a quitté, que la chose qu'elle était s'est dérobée et qu'il n'a plus de prise sur elle.

Comme les personnes que nous avons auditionnées l'ont indiqué, on peut parfois considérer que le moment difficile se concentre sur le temps de la rupture et sur l'éducation des enfants. Mais le problème lié à l'éducation des enfants est que l'on ne tient compte que de la majorité de l'enfant. Or, certains pères ont du mal à admettre que, à sa majorité, l'enfant n'est pas toujours pour autant autonome. Nous le savons tous, il faut continuer de payer une pension, de s'occuper de ce jeune adulte et de lui apporter des soins.

Je considère donc que nous devons nous en tenir à une position de principe. C'est une avancée considérable pour de nombreuses femmes ; ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mme Michèle André. ... elles seraient déçues que nous nous arrêtions à cette petite marche.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

J'ai bien entendu les arguments avancés par M. Hyest et par Mme la ministre.

Toutefois, je veux dire que la plupart des violences à l'égard des femmes sont commises par des personnes qui ne sont ni conjoints, ni concubins, ni pacsés. Je pense notamment à l'amoureux déçu, celui qui a été rejeté et qui est généralement l'auteur des violences. Celui-là ne verra pas sa peine aggravée alors qu'il aura agressé, tué celle qui se refuse à lui.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

verra sa peine aggravée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Le système ne me paraît donc pas suffisamment étayé juridiquement.

De surcroît, le mariage et le PACS - pour ce qui concerne le concubinage, c'est quelque peu différent - sont des contrats qui, à un moment donné, n'existent plus. Dans ces conditions, au-delà du contrat, comment maintenir des liens entre des personnes qui n'ont plus de liens contractuels ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

J'admets la possibilité de maintenir les circonstances aggravantes cinq ans après le divorce ou la rupture du concubinage ou du PACS, ou jusqu'à la majorité des enfants ; mais au-delà, les personnes sont des étrangers l'un envers l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Mais si ! Et nous créons une inégalité entre, d'une part, une personne mariée, un pacsé ou un concubin qui va commettre des violences à l'égard de sa conjointe et, d'autre part, une personne qui s'est fait des idées et va tuer celle qui se refuse à lui. Or les deux sont dans la même situation. A mon sens, cela constitue une inégalité de traitement.

En conséquence, je soutiens l'amendement de M. Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je veux tout d'abord préciser que cet amendement dépasse les clivages politiques.

Je reprendrai les propos de M. Badinter, qui a donné, à mon avis, le meilleur exemple, en disant ceci : imaginons deux antiquaires qui ont été pacsés quelques semaines et qui, vingt ans, trente ans ou quarante ans plus tard, ont une dispute à l'occasion de la vente d'un objet qu'ils souhaiteraient tous deux pouvoir commercialiser.

A partir du moment où ils ont été pacsés, la circonstance aggravante pourra être invoquée alors même que cela n'a strictement rien à voir avec le couple qu'ils ont formé des années auparavant. Le législateur crée donc une rupture flagrante d'inégalité devant la loi.

Dans ce cas - et je rejoins là un peu les propos de M. le rapporteur -, si le juge pouvait au moins dire que la circonstance aggravante ne joue pas, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

... puisque le délit n'est nullement lié au couple qu'ils ont formé, ce serait un moindre mal.

Toutefois, le libellé du texte proposé pour l'article 132-80 du code pénal est tel que le juge est totalement enfermé par l'obligation de retenir les circonstances aggravantes : « La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. »

Il s'agit donc bien là, je le répète, d'un problème de principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Monsieur Gélard, votre intervention me laisse à penser que vous allez défendre le crime passionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cela y ressemble beaucoup !

Nous avons élargi la disposition aux ex-conjoints, aux ex-concubins et aux ex-pacsés. C'est un fait reconnu. Si l'on prévoit un délai, cela signifie que l'on ne les reconnaît plus comme tels, ou que l'on ne les reconnaît comme tels que pendant un certain temps.

Toutefois, les liens perdurent au-delà de la fin du mariage ou d'une vie commune ; la violence peut aller beaucoup plus loin. Il est donc nécessaire de protéger les femmes contre leur ex-conjoint qui va continuer de les poursuivre ; il est absurde de prévoir un délai, parce que cette situation peut durer très longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf. Je retire l'amendement n° 1, monsieur le président.

Mmes Dominique Voynet et Gisèle Printz applaudissent .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 1 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 2.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa () de l'article 41-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... - Demander à l'auteur des faits de se présenter dans une antenne de psychiatrie et de psychologie légales afin qu'il soit établi un diagnostic. Ce diagnostic pourra conduire le procureur de la République à obliger l'auteur violent à se soumettre à un suivi psychologique spécifique ».

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

En vertu de l'article 41-1 du code de procédure pénale, « s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, [...] le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, procéder à un certain nombre de mesures.

Parmi ces mesures figure la possibilité de « procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi », de « demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci, et de « faire procéder [...] à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime ». Le procureur de la République peut également « orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ».

L'amendement n° 6 rectifié vise à compléter la liste des mesures qui sont à la disposition du procureur de la République. Il prévoit, pour ce dernier, la possibilité de proposer à l'auteur des violences « de se présenter dans une antenne de psychiatrie et de psychologie légales afin qu'il soit établi un diagnostic » permettant d'écarter les personnes les plus dangereuses. Le procureur de la République aura la possibilité d'imposer aux personnes les moins dangereuses un suivi psychologique spécifique. C'est une sorte de « classement sous condition ».

Toutefois, il est essentiel que ce suivi soit effectif. Dans le cas contraire, comme le prévoit le dernier alinéa de l'article 41-1 du code de procédure légale, le procureur de la République pourra engager des poursuites.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Cet amendement vise à compléter l'article 41-1 du code de procédure pénale, afin de donner au procureur de la République la possibilité d'obliger l'auteur de violences à se soumettre à un suivi psychologique spécifique.

Or l'article 41-1 prévoit d'ores et déjà que le procureur de la République peut, avant la mise en mouvement d'actions publiques, orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire. Cet amendement me paraît donc inutile puisqu'il est satisfait par cet article.

Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Je ne reprendrai pas l'argumentation que M. le rapporteur vient excellemment de développer.

La loi confère déjà au parquet la possibilité d'orienter l'auteur des faits violents vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle. Cette personne devra donc se présenter dans une antenne de psychiatrie et de psychologie légales.

J'ajoute - c'est important - que cette pratique est déjà utilisée par nombre de parquets. Elle est d'ailleurs préconisée dans le guide de l'action publique relatif à la lutte contre les violences au sein du couple. Elle est même très précisément décrite aux pages 76 et 77 de ce rapport qui indiquent notamment que l'auteur des violences doit faire l'objet d'une prise en charge pluridisciplinaire associant notamment psychologues, conseillers conjugaux et infirmiers psychiatriques.

Je suis personnellement très sensible au développement de tels soins. Nous accompagnons sur le territoire une dizaine d'associations qui prennent en charge les hommes violents. Je mesure l'effort à poursuivre ; ces structures sanitaires, sociales ou professionnelles constituent une réponse parmi d'autres - mais une réponse importante -, à ces situations.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 28, présenté par Mmes Dini et G. Gautier, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 222-33-2 du code pénal, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est puni des mêmes peines, le fait pour une personne de harceler son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, par des agissements répétés ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale. »

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Cet amendement a pour objet d'incriminer le fait pour une personne de harceler moralement son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, au même titre que les violences physiques.

Les violences psychologiques au sein du couple, notamment envers les femmes, sont quelquefois difficiles à prouver.

Cet amendement vise à faire en sorte que le harcèlement sexuel ou psychologique au sein du couple soit considéré comme une violence, et soit donc puni des mêmes peines que les autres formes de harcèlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Cet amendement vise à incriminer spécifiquement les violences psychologiques commises au sein du couple. Il est indéniable que les violences peuvent avoir une dimension psychologique, mais le principe d'une telle incrimination n'a pas été retenu par la commission, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, il est souvent difficile d'établir un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice.

Ensuite, il est important de souligner que la jurisprudence considère que l'infraction de violence concerne aussi bien les violences psychologiques que les violences physiques. Sous le vocable « violences » sont regroupés ces deux éléments.

A plusieurs reprises, la Cour de cassation a rappelé que la seule condition requise tient à l'existence d'un acte sciemment commis dans l'intention d'atteindre la personne d'autrui. Par conséquent, à partir du moment où un acte, qu'il soit physique ou psychologique, est sciemment commis à cet effet, il tombe sous le coup de la loi. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Il n'est pas nécessaire de faire de la violence psychologique un fait distinctif alors, d'une part, qu'il est très difficile de définir cette notion et, d'autre part, que la jurisprudence considère sous le vocable « violences » toutes les violences physiques et psychologiques.

Il serait tout à fait dommageable, me semble-t-il, qu'un amendement de cette nature, une fois voté, aille à l'encontre d'une jurisprudence absolument constante permettant au juge de retenir, à partir des faits qui lui sont soumis, la notion de violences, qu'elles soient physiques ou psychologiques.

Il est donc inutile de préciser les diverses catégories de violences.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Madame Dini, vous avez parfaitement raison de mettre en exergue les violences psychologiques, qui sont importantes et doivent être prises en compte.

Je confirme, à la suite de M. le rapporteur, que les violences, qu'elles donnent ou non lieu à une ITT, peuvent faire l'objet d'une condamnation. Effectivement, la jurisprudence reconnaît les violences psychologiques.

La difficulté réside plutôt dans la détection et la preuve de telles violences.

De ce point de vue, je relève la préoccupation qui est exprimée. Je peux ainsi vous répondre que nous entreprenons actuellement, avec l'ordre des médecins, une action de sensibilisation particulière du corps médical, notamment sur la rédaction des certificats médicaux et sur le retentissement psychologique qu'il convient de décrire lorsque ces violences existent.

Au nom du Gouvernement, j'émets, comme la commission, un avis défavorable ; toutefois, madame Dini, je voulais vous rassurer pleinement sur le fait que, grâce aux certificats médicaux, la détection de ces violences sera renforcée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

Je souhaiterais simplement poser une question qui relève du bon sens : sur quels critères convient-il de s'appuyer pour détecter les harcèlements psychologiques ou moraux qui détruisent les femmes ou les hommes qui en sont les victimes ? Je vous le demande à vous, les uns et les autres, que vous soyez médecin ou magistrat. J'attends simplement une réponse.

A l'occasion de mon intervention lors de la discussion générale, j'ai précisé que les violences morales ou psychologiques faites aux femmes ne laissent aucune trace physique. Cela relève du virtuel, allais-je dire - c'est un mot dans l'air du temps ! Sur quels critères peut-on alors s'appuyer pour affirmer que le harcèlement qu'exerce une personne sur son conjoint, son concubin, son partenaire par des agissements répétés est puni des mêmes peines que celles qui sont prévues pour les violences physiques ?

Encore une fois, je suis très étonnée de notre discussion de ce soir. Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, vous n'avez procédé à aucune audition ! C'est impossible !

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

Laissez-moi parler ! Pardonnez mon ire, mais le fait que nous n'allions pas au fond des choses me met en colère !

Après avoir auditionné des femmes, des hommes aussi - il ne faut pas sexuer les violences perpétrées à l'égard de l'être humain -, on ne peut pas délibérément admettre que le harcèlement moral n'est ni répété ni patent. Il faut aller jusqu'au fond des choses. En effet, le sujet abordé ce soir est extrêmement grave, nous avons l'occasion d'en discuter en profondeur, et ce même s'il faut y passer du temps.

C'est la raison pour laquelle je pose encore une fois la question : sur quels critères s'appuie-t-on pour reconnaître les violences de harcèlement moral ?

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

J'ai précédemment affirmé que cet amendement me paraissait inutile compte tenu de la jurisprudence ; à ce titre, je voudrais faire référence à un arrêt de principe de la Cour de cassation : « la cour d'appel qui, pour retenir la culpabilité du prévenu, relève que la victime [...] a subi des perturbations du sommeil et des manifestations anxieuses entraînant un traumatisme psychologique, et ajoute que ces faits caractérisent l'infraction de violences avec préméditation, s'agissant d'un comportement persécutoire à l'égard de la victime ». Voilà la jurisprudence de la Cour de cassation qui fait autorité.

Ainsi, comme l'a indiqué tout à l'heure Mme la ministre, les tribunaux, sur la base de certificats médicaux, peuvent retenir les violences psychologiques comme fondement d'une infraction. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter une incrimination particulière dans la mesure où la violence peut être physique comme psychologique.

Les tribunaux condamnant les faits qui leur sont soumis lorsqu'ils ont pour conséquence un traumatisme psychologique tel que ceux que je viens de rappeler, je ne vois pas ce que votre amendement apporterait de plus par rapport à la jurisprudence de la Cour de cassation, déjà très claire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, je suis confus d'avoir provoqué votre ire.

J'ai la chance, comme d'autres ici, d'avoir participé à l'élaboration du code pénal. D'ailleurs, j'aurais souhaité qu'on ne touche pas à ce code pendant dix ans, car, à force de le modifier, on entre trop dans le détail alors qu'il convient d'avoir une vision globale.

Chère madame, vous confondez à mon avis deux choses : le fait d'incriminer les violences morales - le rapporteur vous a très bien expliqué que ces violences morales étaient parfaitement incriminées, au même titre que les violences physiques, dans l'article que vous citez -, et la difficulté de produire la preuve des violences morales, constat qui ressort des auditions. Ce qui soulève un problème, c'est non pas l'incrimination en tant que telle, mais la preuve.

Il est vrai que la preuve n'est pas toujours facile à apporter. Le magistrat saisi d'une plainte doit bien entendu disposer d'éléments de preuve pour pouvoir prononcer une condamnation. Il peut éventuellement s'agir d'un examen psychologique ou psychiatrique, des faits que la victime peut relater, des témoignages qu'elle peut recueillir. Tous ces éléments peuvent permettre la sanction des violences morales, qui sont parfois très graves et sont d'ailleurs susceptibles d'entraîner des conséquences extrêmement sérieuses.

Madame Gautier, le droit pénal, tel qu'il est, permet de poursuivre ces violences morales.

La difficulté - et madame le ministre, peut-être faudrait-il faire un appel à tous les parquets à cet égard - réside dans le fait qu'on a parfois l'impression, lorsque certains agissements ne font l'objet d'aucune poursuite, qu'il n'y a pas de politique pénale dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Une telle politique pénale existe certes, mais elle n'est pas suffisante ! Il y a encore des efforts à faire, des instructions précises à donner afin qu'il y ait des politiques de parquet, que l'on ne classe pas sans suite, comme cela arrive encore, des agissements qui ne paraissent pas trop graves...

Madame Gautier, voilà ce que je souhaitais simplement rappeler.

C'est pourquoi, pour conserver la structure à peu près équilibrée du code pénal, cet amendement ne me paraît ni indispensable ni même utile. Alors que la jurisprudence est tout à fait claire, on va se demander pourquoi une nouvelle incrimination a été inscrite dans le code pénal. Ce n'est franchement pas nécessaire !

Reconnaissez-moi au moins le droit d'exprimer parfois mon souci de simplifier et de clarifier le droit plutôt que de le compliquer ! Légiférer en permanence pour chaque cas particulier n'est pas une bonne méthode, d'autant que, demain, cet effort sera considéré comme insuffisant et que l'on fera encore autre chose !

La jurisprudence me paraît claire. Le problème des preuves est posé. Restons-en là, s'il vous plaît !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Voilà au moins un constat sur lequel nous serons d'accord : on légifère trop et trop mal ! Cela dit, nous sommes réunis ici pour traiter d'un problème grave, et nous allons essayer de le faire du mieux possible.

Je comprends l'agacement de Mme Gautier, car bien des phrases ont été prononcées ici qui donnent à penser qu'il est décidément assez difficile de regarder la réalité en face. Je n'accuse personne en particulier, car je crois que, collectivement, nous avons un peu de mal avec ce sujet.

Les violences conjugales, pourtant communes dans tous les pays européens, ont été longtemps sous-estimées ; le sujet était tabou ; il a longtemps été traité sur le mode du rire graveleux, des blagues abjectes, du désastreux « bats ta femme tous les jours, si tu ne sais pas pourquoi, elle le sait ! », ou sur le mode de l'incrédulité horrifiée.

La prise de conscience a été lente et incomplète. En effet, il est difficile de s'avouer que la plupart des viols à l'encontre des enfants sont exercés dans le cadre familial. Il est difficile de reconnaître que l'essentiel des violences à l'encontre des femmes sont commises par des gens avec lesquels elles avaient une relation affective - leur père, leur frère, leur mari, leur compagnon, leur concubin. Il est également difficile d'admettre que tous les groupes sociaux, toutes les classes d'âges sont concernés, même si les inégalités socioéconomiques sont évidemment des facteurs aggravants, ne serait-ce que parce qu'il est très difficile, en situation de précarité, de surmonter ce handicap pour fuir une vie de terreur et d'humiliation, notamment lorsqu'il y a des enfants.

Il faut donc affronter la réalité. M. le président de la commission des lois a certes raison de souligner que, juridiquement, le terme « violences » inclut toutes les violences, y compris celles qui ne laissent pas de cocard sur l'oeil. Mais, politiquement, je crois qu'il a tort ! En effet, le premier réflexe de l'homme violent sera de dire : « mais je ne lui ai pas fait de marques, mais je ne l'ai pas frappée ! ». Le premier réflexe de la femme battue sera de se sentir dévalorisée, culpabilisée, humiliée. Ainsi, afin de reconnaître qu'elle fait bien l'objet de violences, peut-être a-t-elle besoin de savoir que les humiliations du quotidien, les vexations, la dévalorisation devant les enfants, le sentiment d'être niée dans son identité de femme constituent bien de la violence, et que cela figure noir sur blanc dans un code.

Cela mérite vraiment d'être inscrit, même si, pour une fois, c'est un peu redondant par rapport à d'autres dispositions du code. Monsieur Hyest, vous devez comprendre que, si ces choses vont de soi pour un juriste, elles vont encore mieux en le disant pour tous ceux qui ne le sont pas...

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Je souhaite ne pas laisser un instant le doute s'instaurer sur l'engagement du Gouvernement. Il ne faut pas confondre une rigueur juridique avec un engagement politique.

Je ne peux pas vous laisser dire qu'il y a des réserves, de près ou de loin. Il n'y en a pas, et vous le savez ! Nous sommes tous convaincus, dans cet hémicycle, à la fois de l'exigence et de l'urgence qu'il y a à faire avancer non seulement le droit, mais aussi les autres décisions, qu'elles soient réglementaires ou administratives.

Les violences psychologiques sont parfaitement intégrées dans notre droit, madame Dini, madame Gautier. Simplement, nous rencontrons parfois un souci dans la charge de la preuve, même si la jurisprudence est assez explicite. C'est pourquoi un travail doit être fait avec l'ordre des médecins quant au certificat médical. Et ce n'est pas parce que de telles dispositions ne figurent pas dans un texte législatif qu'elles n'existent pas.

Sachez que, avant le dépôt de ces propositions de loi, un certain nombre de mesures avaient déjà été prises, et que d'autres le seront encore après ; je souhaiterais que personne n'en doute. Cette question s'inscrit dans un processus évolutif qui distingue bien, toutefois, le droit et la vision politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le représentant de la délégation aux droits des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le rapporteur de la commission des lois.

Pour m'être fait communiquer l'arrêt de la Cour de cassation, je dois reconnaître, monsieur le président de la commission des lois, que, sur le strict plan du droit, cet arrêt dit tout. L'on peut donc à juste titre penser, comme vous l'avez fait remarquer, madame la ministre, que cela suffit.

Mais cet amendement n'a pas été déposé par caprice ! Toutes les personnalités que la délégation aux droits des femmes a auditionnées, notamment les représentants des associations, ont évoqué les violences psychologiques et ont insisté sur le fait qu'elles n'étaient pratiquement jamais punies !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Cela nous a été répété à chaque fois !

En tant qu'élus locaux - j'ai moi-même été maire pendant trente ans et membre d'un conseil général durant trente et un an -, nous avons tous entendu et vu des femmes dans la détresse !

« Tu es moche », citait Roland Courteau cet après-midi. Mon cher collègue, nous pourrions chacun ici énumérer les insultes qu'une femme entend ou peut entendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Elles sont d'ailleurs bien pires que cela !

Chacun s'accorde à le reconnaître : s'exprimer ainsi, non pas une fois de temps en temps mais quotidiennement, plusieurs fois par jour, la nuit même, c'est détruire l'autre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

Nous avons tous un peu raison. J'ai d'ailleurs été le premier à reconnaître, monsieur le président de la commission des lois, que le droit disait vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce n'est pas parce que l'on changera le texte que la loi sera meilleure !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président de la commission des lois, cet amendement a été défendu : ses auteurs ont ainsi voulu montrer combien il était important de rappeler aux magistrats l'existence de cette incrimination.

Je ne fais pas de procès aux magistrats, loin s'en faut ! Mais tous les instruments qui existent ne sont pas mis en oeuvre pour souligner à la fois les dégâts que cela provoque chez la femme harcelée et insultée et les drames que cela engendre pour la famille tout entière, notamment pour les enfants.

Certes, on peut soutenir que l'arrêt de la Cour de cassation permet de donner satisfaction. Il n'en reste pas moins que, dans les faits, il n'est pas encore correctement appliqué.

En déposant cet amendement, nous manifestons notre volonté que, demain, des procédures beaucoup plus pertinentes se développent afin que les femmes qui subissent ces violences soient réconfortées par la condamnation de ceux qui les leur infligent. Cela me paraît logique.

D'ailleurs, on parle évidemment beaucoup des femmes, mais les hommes aussi - 1 % d'entre eux - subissent des violences. A ce propos, je remercie la commission des lois de m'avoir invité à assister à l'audition d'un professeur célèbre. A cette occasion, j'ai pu constater qu'un éminent membre de la commission des lois avait souligné que les hommes aussi étaient parfois humiliés dans le milieu familial ou en public.

Certes, nous nous plaçons du point de vue de la femme, car c'est tout de même elle qui subit le plus grand nombre d'insultes. Mais, qu'il s'agisse de la femme ou de l'homme, il faut qu'il y ait matière à enclencher une procédure qui aujourd'hui fait défaut.

Je me réjouis que cet amendement ait été défendu et ne voterai pas contre.

Applaudissements sur les travées du groupe UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

M. Henri de Richemont, rapporteur. J'ai écouté avec grand intérêt l'exposé passionné et passionnant de mon collègue et ami Jean-Guy Branger : j'ai retrouvé la passion qui nous caractérise sur le bord de notre Charente chérie, le plus beau fleuve de notre royaume !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Les propos fougueux qu'il a tenus m'étonnent toutefois, et je pense qu'ils ont dépassé sa pensée. On ne peut pas soutenir que les conseillers à la Cour de cassation rendent les arrêts qu'ils veulent, mais qui, finalement, ne servent à rien, car ils ne sont pas suivis d'effet !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

M. Henri de Richemont, rapporteur. A partir du moment où les jugements rendus par la Cour de cassation sont utiles, je ne vois pas à quoi sert l'amendement n° 28 !

Mme Dominique Voynet proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Madame Dini, la Cour de cassation prévoit exactement ce que, par cet amendement, vous cherchez à inclure dans le droit, à savoir « des agissements répétés ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale ». Dans un arrêt de principe - il est suivi d'effet parce que les violences aussi bien physiques que morales sont poursuivies et condamnées ! -, elle précise en effet que la condition requise pour qu'il y ait incrimination et peine est l'existence d'un acte sciemment commis dans l'intention de porter atteinte à la personne d'autrui.

C'est quasiment la même chose ! Dès qu'il y a volonté de porter atteinte à la personne d'autrui, que ce soit par une violence physique ou par une violence psychologique, il y a répression. Cette jurisprudence donne lieu à une application par les tribunaux sur la base des certificats médicaux ou d'autres éléments de fait soumis à l'appréciation des magistrats.

Or l'amendement n° 28 vise à créer une incrimination nouvelle au motif que les arrêts rendus par la Cour de cassation ne serviraient strictement à rien !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

C'est ce que j'ai cru comprendre ! Mais je pense que Jean-Guy Branger ne voulait pas aller aussi loin !

Si, dans un pays comme le nôtre, on ne peut pas avoir confiance dans la loi telle qu'elle est interprétée par la Cour de cassation et appliquée par les tribunaux, cela ne sert strictement à rien ! Je répète que l'arrêt de la Cour de cassation est suivi par les tribunaux et que l'amendement n° 28 est donc inutile. Si ce dernier vise à créer des incriminations artificielles pour le plaisir, pour des raisons politiques ou pour un affichage politique, nous ne sommes plus dans un Etat de droit normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

M. Henri de Richemont, rapporteur. Faites plutôt confiance à l'arrêt de la Cour de cassation et à son application par les tribunaux, ce sera bonne justice !

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

J'ai commencé mon propos en disant que je m'étais fait communiquer l'arrêt de la Cour de cassation, qu'il avait été remarquablement écrit et que, juridiquement, il suffisait. En aucun cas, je ne veux mettre les magistrats en cause ! Pour autant, nous avons tous constaté que la procédure n'était pas appliquée.

C'est la raison pour laquelle cet amendement a été déposé. Je maintiens que je ne voterai pas contre !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Je me suis très largement exprimé sur le problème des violences psychologiques au cours de la discussion générale. Je n'y reviendrai donc pas, d'autant que Jean-Guy Branger a repris certains de mes propos.

Notre proposition de loi prévoit également, dans son article 1er, les actes de violence psychologique. Nous considérons en effet que les violences psychologiques sont aussi destructrices que certaines violences physiques et qu'elles ne sont jamais punies. C'est pourquoi je partage tout à fait les propos du représentant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Je terminerai par deux remarques, monsieur le président.

D'une part, en 2002, nous avons voté des dispositions contre le harcèlement moral au travail contenues dans la loi de modernisation. Pourtant, le problème de la preuve se pose également en cette matière.

D'autre part, la jurisprudence reconnaît le viol entre époux depuis l'arrêt de la Cour de cassation de 1990, confirmé en 1992. Pourtant, M. le rapporteur et la commission des lois, nous suivant d'ailleurs dans nos propositions, s'apprêtent à nous inviter à mentionner dans le code pénal le viol entre époux, concubins et pacsés.

Dominique Voynet l'a fait remarquer tout à l'heure : cela irait sans le dire, mais cela ira mieux en le disant !

C'est la raison pour laquelle nous voterons l'amendement n° 28.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Rappelez-vous les circonstances dans lesquelles a été instituée l'incrimination de harcèlement moral au travail. Il s'agit d'un cas très particulier, puisque ce type d'incrimination de violences au travail n'existait pas auparavant.

Si vous ajoutez l'incrimination particulière de violence psychologique au sein du couple à celle de harcèlement moral au travail, et non dans les violences énumérées après l'article 1er des conclusions de la commission des lois, cela signifie que l'ensemble de la jurisprudence de la Cour de cassation exclura le harcèlement des formes de violence morale entre époux. En effet, vous créerez une incrimination particulière qui ne pourra plus être retenue dans le cas général.

Je vous mets en garde : c'est comme cela que la Cour de cassation fait du droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je mets aux voix l'amendement n° 28.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 162 :

Nombre de votants329Nombre de suffrages exprimés319Majorité absolue des suffrages exprimés160Pour l'adoption159Contre 160Le Sénat n'a pas adopté.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Le 6° de l'article 222-3, le 6° de l'article 222-8, le 6° de l'article 222-10, le 6° de l'article 222-12 et le 6° de l'article 222-13 du code pénal sont complétés par les mots suivants : « ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ». -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 16, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 222-16 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - La privation des pièces d'identité ou relatives au titre de séjour ou de résidence d'un étranger, par son conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ex-conjoint, ex-concubin, ou ex-partenaire, est punie de 1 an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. ».

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le président, je sollicite votre patience et votre compréhension. Toute jeune sénatrice, je comprends mal comment on travaille dans cet hémicycle.

Une fois que le Sénat se sera prononcé sur ce texte, l'Assemblée nationale l'examinera et, compte tenu de la navette, nous en serons saisis à nouveau en deuxième lecture. J'avoue donc ne pas très bien comprendre ce qui aurait empêché qu'un sujet source de discussions sur toutes les travées de notre assemblée soit pris en compte, quitte à y revenir ultérieurement.

Vous me répondrez sans doute que ce n'est pas ainsi que travaille le Sénat. Pour ma part, je constate qu'une occasion peut-être unique d'ouvrir un débat au-delà des rôles convenus des uns et des autres a été perdue, et je le regrette.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Les cinq amendements visant à insérer un article additionnel après l'article 2 tendent à compléter l'arsenal dont nous disposons pour protéger des femmes menacées, car placées dans une situation particulière.

L'amendement n° 16 porte sur la privation des pièces d'identité, ou des pièces relatives au titre de séjour ou de résidence en France d'un étranger. Nous n'avons pas précisé le sexe de la personne, même si, nous le savons, ce sont des femmes qui, dans 99 % des cas, sont privées par leur conjoint de leurs pièces d'identité.

Il s'agit d'éviter que des femmes de nationalité étrangère ne se trouvent dans une situation administrative irrégulière à la suite d'une séparation de leur mari, concubin ou partenaire, du fait de la rétention par ce dernier de leurs papiers d'identité.

Dans la pratique, les femmes ont rarement la possibilité d'émigrer directement. Elles se définissent en général par leur statut familial - elles sont « épouses de... », « soeur de... » ou « fille de... » - et se trouvent en situation de dépendance, notamment par rapport à leur mari et au droit de séjour de ce dernier.

Dans de nombreux cas, les maris auteurs de violences détiennent volontairement les pièces d'identité ou cartes de séjour de leurs épouses ; ils exercent sur elles un chantage, les empêchant ainsi de prendre la fuite.

Un tel comportement doit être sanctionné. Il peut être considéré comme une violence économique ou psychologique qui, à mes yeux, est tout aussi condamnable que la violence physique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Madame Voynet, permettez-moi d'apporter quelques précisions quant au déroulement de nos travaux.

Le débat qui s'est instauré fut animé et même passionné. Chacun a pu exprimer ses convictions, ce qui est tout à fait légitime.

Vient le moment où le président de séance doit faire procéder au vote sous la forme qui convient, soit à main levée, soit par scrutin public. Il est alors amené à prendre acte du résultat du scrutin.

Néanmoins, le sujet est loin d'être clos : la navette va permettre au débat de se poursuivre, comme cela est souhaitable, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 16 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Madame Voynet, sur tous les papiers administratifs, en particulier les documents fiscaux, l'homme est désigné par son nom et par la mention « époux » suivie du nom de sa femme. Je ne crois pas qu'il ait pour autant le sentiment d'être dans une situation de dépendance. Le fait d'être « épouse » ou « époux » traduit plutôt un sentiment profond, un lien entre conjoints.

L'amendement n° 16 soulève un vrai problème. Il concerne la privation par un conjoint, un concubin ou un partenaire lié par un pacte civil de solidarité, des papiers d'identité de l'autre membre du couple. On pourrait considérer qu'il s'agit d'un vol ; mais le vol n'est pas répréhensible entre conjoints. En revanche, si ce vol aboutit à une forme de séquestration, à une entrave à la sortie du territoire national, on pourrait admettre qu'il y a violence. Mais a-t-on l'assurance qu'un homme qui vole les papiers d'identité de son épouse pour l'empêcher de quitter le territoire, donc qui exerce un ascendant sur elle, sera tenu pour responsable d'une violence susceptible d'être sanctionnée ?

C'est l'objet du débat, et c'est pourquoi la commission souhaite entendre le Gouvernement avant de se prononcer.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Le Gouvernement considère que la situation qui est visée ne peut être isolée du contexte de violence au sein du couple. Or les violences sont toujours punissables.

C'est pourquoi il a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 16.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le président, je maîtrise sans doute mal la langue française : je n'ai en effet jamais considéré qu'être présenté comme « l'époux de... » constituait un problème. J'ai simplement souligné le fait que beaucoup de femmes étrangères n'ont pas de statut personnel en dehors de leur statut matrimonial. C'est souvent en qualité de conjointe d'un homme disposant d'un titre de séjour qu'elle réside en France.

La difficulté ne tient pas au fait que la privation de leurs papiers d'identité empêche ces femmes de quitter le territoire ; la difficulté, c'est au contraire qu'elles risquent de ne pas pouvoir y rester. L'homme la menace en lui disant : « si tu me quittes, tu seras expulsée puisque je ne te rendrai pas les papiers qui te permettraient de justifier de ton droit au séjour. » C'est la menace d'être placée dans une situation de précarité au regard du droit au séjour que je veux conjurer.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Cet amendement vise la privation des pièces d'identité relatives au titre de séjour. La commission est consciente du fait qu'une femme qui obtient un titre de séjour au nom du rapprochement familial dépend de son conjoint. On a toutefois l'impression, à la lecture de cet amendement, que la privation du titre de séjour vise le titulaire du document.

Il n'en demeure pas moins que cet amendement soulève un vrai problème. Je conçois très bien qu'il peut y avoir un risque d'expulsion et que cela constitue une violence. Cela peut-il être réprimé au titre de la violence ? Mme la ministre nous a répondu par l'affirmative. Je prends acte de sa réponse.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré après l'article 2.

L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 222-33-1 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves, dans le but de l'obliger à donner son consentement à un mariage est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. ».

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Au début de la discussion des articles, le Sénat, à l'unanimité, a adopté un amendement prévoyant l'harmonisation de l'âge minimum du mariage fixé pour les deux sexes à dix-huit ans. Cette mesure, nous a-t-on dit, est notamment destinée à éviter les mariages forcés.

J'ai alors indiqué que je défendrai plusieurs amendements visant à compléter ce dispositif, en particulier pour protéger de jeunes majeures soumises à des pressions de leur famille ou de leur entourage en vue de les convaincre de donner leur consentement, superficiel certes, à un mariage.

L'amendement n° 18 rectifié tend à créer un nouveau délit : le fait de harceler autrui en donnant des ordres, en proférant des menaces, en imposant des contraintes ou en exerçant des pressions graves, dans le but de l'obliger à donner son consentement à un mariage, serait puni d'une peine de prison et d'une amende.

Nombre de ces pressions concernent des femmes majeures qui cèdent aux menaces familiales. Le contexte est bien connu. Il ne concerne d'ailleurs pas une communauté spécifique, et les garçons peuvent eux aussi être victimes de ces comportements.

L'amendement n° 18 rectifié vise à sanctionner cette pratique, à qualifier d'infraction le harcèlement au mariage, qui est une violation des droits humains. L'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 est en effet ainsi rédigé : « Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux. » La mesure présentée dans cet amendement, largement médiatisée, serait à mon avis de nature à réduire le nombre des mariages forcés.

Il semblerait qu'en France, depuis quelques années, des jeunes filles soient mariées à des hommes par leur famille pour un prix qui avoisinerait 1 500 euros en moyenne. Chaque week-end, ces derniers viennent dans leur belle-famille retrouver leur « épouse » pour lui imposer des rapports sexuels, avec la complicité de tous.

Il s'agit de mariages traditionnels qui concernent souvent de très jeunes filles. On a eu connaissance de cas de suicide, de cas très graves de perturbations psychologiques. Leurs enfants, si elles en ont, sont eux aussi en danger.

Il me semble que la France doit mettre sa législation en conformité avec les conventions internationales qu'elle a signées et condamner purement et simplement ce genre de pratiques dans son droit interne.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Cet amendement a pour objet de créer une infraction spécifique de harcèlement au mariage.

Il est vrai que, actuellement, les mariages forcés ne sont pas réprimés en tant que tels. Toutefois, la responsabilité pénale des individus usant de la contrainte pour parvenir à une union doit être recherchée sous l'incrimination de menaces sous condition, d'extorsion de signature, de violences volontaires, voire de viol, et les tribunaux ont à plusieurs reprises condamné des parents de jeunes filles mineures pour complicité de viol à partir du moment où ils avaient été complices de ce mariage forcé.

Il n'est pas certain, pour la commission, que la nouvelle infraction que cet amendement tend à créer apporterait véritablement un changement. Il serait plus utile d'encourager les femmes qui sont victimes de ces violences à porter plainte contre leur entourage, malgré les pressions dont elles ont été l'objet.

L'avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Je partage totalement le souci de Mme Voynet de voir mieux prévenus les mariages forcés, qui font par ailleurs l'objet - je tiens à le souligner -d'un groupe de travail que Dominique Perben, Dominique de Villepin et moi-même avons mis en place sur le thème : « femmes et immigration ».

Outre que la rédaction de cet amendement n'est pas satisfaisante, car elle tendrait à laisser confondre la notion de harcèlement avec celle de contrainte ou de menace, je précise que nous reviendrons sur ces questions à l'issue des réflexions du groupe de travail, car je compte proposer une série de mesures législatives qui couvriront non seulement la contrainte au mariage, mais également les mutilations sexuelles.

Je propose par conséquent à Mme Voynet que nous nous retrouvions dans quelque temps sur ce sujet, dont l'importance ne m'a pas échappé.

L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 19, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 222-33-1 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. - Les jeunes filles mineures qui ont été victimes de pressions et de menaces de la part des membres de leur famille ou de leur futur époux pour les obliger à consentir au mariage, doivent bénéficier de l'aide sociale à l'enfance ».

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Les amendements n° 19, 20 et 21 concernent le même sujet. Aussi, pour assurer la cohérence de ma démonstration, je les défendrai ensemble.

L'amendement n° 19 traite du cas de jeunes filles mineures qui ont été victimes de pressions et de menaces de la part des membres de leur famille et qui doivent être protégées.

Certes, elles bénéficient déjà de l'aide sociale à l'enfance. Cependant, il est important de préciser que ce bénéfice doit être non pas seulement une possibilité pour le mineur, mais d'abord une obligation de l'Etat de veiller à ce que la mineure qui a été victime de violences soit protégée de façon efficace.

L'amendement tend donc à permettre la prise en charge automatique de jeunes filles mineures qui ne peuvent plus continuer à vivre normalement au sein de leur famille.

L'amendement n° 20 vise à étendre l'obligation qui est faite aux parents d'enfants majeurs poursuivant leurs études aux parents de jeunes filles qui ont été victimes de menaces et de pressions de leur part, en précisant que l'obligation d'entretien qui pèse sur les parents n'est pas levée du simple fait que leur enfant a été obligé de quitter le domicile familial et de demander la protection de la collectivité.

Cet amendement a donc pour objet d'inciter les juges, au-delà même de l'article 371-2 du code civil, qui prévoit une obligation d'entretien et d'éducation à la charge des parents, à octroyer une pension alimentaire aux enfants majeurs poursuivant leurs études même si ceux-ci ont coupé tout contact avec leur famille du fait des violences exercées à leur encontre. En effet, la jurisprudence ne fait pas toujours une application systématique de cette obligation, et bien des jeunes filles qui ont été amenées à se réfugier dans des foyers ou à demander le soutien d'une association renoncent de fait à poursuivre leurs études et se trouvent placées en situation de grande fragilité.

Enfin, l'amendement n° 21 a pour objet de prévoir que, si les parents ne sont pas en situation d'assumer leurs responsabilités, la solidarité nationale peut s'y substituer. Il serait en effet tout à fait choquant que nous puissions mettre à l'abri des pressions exercées par leur famille de jeunes femmes adultes qui poursuivent des études, mais que ces jeunes femmes soient néanmoins forcées d'interrompre celles-ci du fait de l'absence de dispositif de solidarité spécifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 19 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Cet amendement tend à insérer dans le code pénal l'obligation de faire bénéficier les mineures victimes de harcèlement au mariage de l'aide sociale à l'enfance.

L'insertion de cette disposition dans le code pénal nous paraît un peu étonnante. Surtout, nous tenons à souligner qu'une procédure d'assistance éducative peut être engagée lorsque la victime est mineure et que la contrainte émane du milieu familial, que le signalement ait été fait au procureur ou au juge des enfants.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Je partage exactement l'analyse que vient d'exposer M. le rapporteur.

Les mineures victimes de violences sont des mineures en danger et bénéficient à ce titre des dispositions relatives à l'enfance en danger. L'autorité judiciaire doit en effet être saisie de toute situation de violence à l'égard d'un mineur par quiconque en a connaissance.

Je précise à cet égard que M. Jean-Louis Borloo, en liaison avec un certain nombre d'associations et de bailleurs de logements sociaux, est en train de mettre en place un dispositif d'urgence destiné à ces jeunes femmes victimes de menaces de mariage forcé.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 20, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 371-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette obligation s'applique aux parents d'enfants majeurs qui poursuivent leurs études ou suivent une formation et qui ont été victimes de menaces et de pressions de leur part pour les obliger à consentir au mariage. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

L'obligation d'entretien et d'éducation des enfants par les parents ne prend pas fin à la majorité.

Si la commission des lois est sensible aux difficultés rencontrées par les jeunes gens qui se trouvent dans la situation décrite dans l'amendement, l'automaticité à laquelle tend celui-ci ne lui paraît pas opportune. Il convient en effet de conserver au juge une marge d'appréciation afin qu'il puisse prendre sa décision en fonction des éléments et des pièces qui lui sont soumis.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

L'obligation des parents de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants ne cesse pas à la majorité de ceux-ci. Elle continue, en particulier, lorsque ces enfants poursuivent leurs études, et le fait que ces derniers aient été victimes du comportement de leurs parents n'a aucune incidence sur ce point.

Toutefois, en cas de carence ou d'insolvabilité des parents, les jeunes majeurs âgés de moins de vingt et un ans, s'ils sont confrontés à « des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants », peuvent bénéficier d'une aide financière ou d'une prise en charge du service de l'aide sociale à l'enfance, conformément aux dispositions des articles L. 222-2 et L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles.

La difficulté, là aussi, réside essentiellement dans la mise en application la plus rapide possible des dispositifs en vigueur, dont l'existence rend cet amendement sans objet.

Cette observation vaut également pour l'amendement n° 21.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 21, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 371-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de carence des parents, la solidarité nationale peut s'y substituer. »

II. - Les conséquences financières résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

La commission des lois ne pense pas qu'il appartienne à la solidarité nationale de se substituer systématiquement à la carence des parents. Il faut au contraire obliger ceux-ci à payer et à faire face à leurs obligations.

Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le Gouvernement a déjà exprimé son avis défavorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 21.

L'amendement n'est pas adopté.

Avant le dernier alinéa de l'article 221-4 du code pénal, il est inséré un dixième alinéa ainsi rédigé :

« 9° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. » -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans l'article 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, après la référence : « 222-10 » sont insérées les références : « 222-12, 222-13 ».

II. - Les conséquences financières entraînées par l'application du I sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

L'article 65 de la loi dite « Perben I » du 9 septembre 2002 a créé au sein de la loi n° 91-647 du 11 juillet 1991 relative à l'aide juridique un article 9-2 qui dispose que la condition de ressources pour l'accès à l'aide juridictionnelle n'est pas exigée des victimes de crimes, d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, de violences aggravées, de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente aggravée, de violences habituelles sur les mineurs ou sur les personnes vulnérables ayant entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité, de viol ou de viol aggravé, ainsi que des atteintes commises par acte terroriste.

Par cet amendement, nous proposons d'étendre ce dispositif aux violences aggravées ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, visées à l'article 222-12 du code pénal, ainsi qu'aux violences, également aggravées, ayant entraîné une ITT de moins de huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail. Ainsi, toutes les victimes de violences au sein des couples pourront bénéficier de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources.

En effet, ces personnes sont souvent également victimes de violences économiques et dépendent financièrement de leur conjoint, ce qui, pour elles, constitue un frein.

Porter plainte implique en effet de prendre un avocat. De deux choses l'une : ou bien ces victimes, compte tenu des ressources du ménage, ne peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, ou bien elles peuvent en bénéficier. Dans les deux cas, elles devront soit produire à l'appui de leur demande des pièces justificatives dont elles ne disposent peut-être pas, soit établir des chèques qui n'échapperont pas à la vigilance de certains conjoints.

Il faut bien avoir présent à l'esprit que ces victimes sont le plus souvent dans un état psychique grave et qu'elles sont rongées par la peur : peur des représailles sur elles-mêmes ou sur leurs enfants, dont la presse se fait l'écho bien trop souvent.

Il me semble qu'étendre cette aide juridictionnelle à toutes les violences irait dans le sens à la fois du dispositif mis en place par M. le garde des sceaux dans la loi du 9 septembre 2001 pour les victimes en général et du plan de lutte contre les violences exercées à l'encontre des femmes présenté par Mme Ameline.

Nous proposons que les conséquences financières entraînées par la mise en application de cette mesure soient compensées par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 avait déjà ouvert le bénéfice automatique de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes des infractions les plus graves : atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, viols.

J'attire votre attention sur le fait que l'enveloppe de l'aide juridictionnelle est passée de 187 millions d'euros en 1998 à 300 millions en 2003.

Faut-il, comme cela nous est demandé par les auteurs de l'amendement, aller plus loin et étendre l'aide juridictionnelle sans condition de ressources à de nouvelles infractions, alors que la loi du 10 juillet 1991 avait institué cette aide afin de favoriser l'accès au droit des plus démunis ?

En tout état de cause, nous considérons que l'impact financier d'un élargissement du champ de l'aide juridictionnelle mériterait une évaluation de son impact financier.

C'est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Les victimes mineures de violences physiques ou sexuelles ont la possibilité d'accéder à l'aide juridictionnelle prévue par la loi du 10 juillet 1991 sans condition de ressources dans plusieurs cas de figure, notamment si elles sont en conflit d'intérêts avec leurs parents.

L'ensemble des victimes mineures ou majeures peuvent aussi accéder à ce droit si leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt : elle est alors examinée par la commission d'aide juridictionnelle.

De plus, pour les infractions les plus graves, ce bénéfice a été ouvert par la loi du 9 septembre 2002.

Parallèlement, le ministère de la justice favorise l'application rapide des mesures d'aide juridictionnelle - c'est l'objet de la circulaire du 19 août 2003 -, notamment grâce à l'organisation par les barreaux de permanences pour les victimes organisées. Un guide retraçant les actions mises en place par le réseau associatif accompagnant les victimes ou les auteurs de violences sera d'ailleurs prochainement diffusé par le ministère de la justice.

Au regard de l'ensemble des ces améliorations substantielles, il n'apparaît pas souhaitable d'aller plus loin en ce qui concerne la généralisation de l'aide juridictionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Outre les obstacles de droit, il existe des obstacles de fait qui sont bien plus importants encore.

Par conséquent, lorsque l'on est dans une situation inextricable, le fait de savoir que l'on pourra être aidé financièrement, que l'on aura les moyens de faire appel à la justice, est psychologiquement fondamental, d'autant que cela ne suppose vraisemblablement pas des dépenses extraordinaires.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Il est créé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, au sein de chaque tribunal de grande instance, une « antenne de psychiatrie et de psychologie légales ».

II - Les conséquences financières entraînées par l'application de cette disposition, sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Certes, nous l'avons vu précédemment, le nouveau code pénal reconnaît la gravité des violences, et la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui va encore améliorer cette répression.

Toutefois, certaines victimes disent encore avoir été convaincues par les services de police de transformer leur plainte en simple main courante. Et, comme elles n'en ont souvent pas gardé les références, elles ne peuvent en obtenir copie.

Sauf lorsque l'incapacité totale de travail était importante ou les blessures graves, les violences conjugales ont longtemps été banalisées par les services de police et de justice comme relevant de la sphère privée, au sein de laquelle il apparaissait normal de ne pas s'immiscer. Cela relevait non du domaine répressif, mais plutôt du champ social ; de ce fait, aucune politique pénale n'était déclinée.

Par ailleurs, si la plainte est déposée, le traitement juridique variera considérablement en fonction des tribunaux.

De nombreux parquets ont désormais une politique pénale en la matière, mais ces directives sont très disparates d'un tribunal de grande instance à l'autre, voire au sein d'un même tribunal. Cette absence de cohérence est fort dommageable.

Tous les conjoints violents ne sont pas des malades : ils ont des profils allant du « normal » au « franchement pathologique », en passant par toute la gamme des profils névrotiques. Ces personnes doivent être amenées à comprendre leur violence et doivent apprendre à la contrôler. Cela suppose une aide à la maîtrise, à la maturation : les deux ressorts de la violence sont, en effet, l'immaturité et l'égocentrisme.

Pour les psychiatres, la prise en charge repose sur deux leviers : l'obligation de suivi et les techniques de groupe. En effet, lorsque l'on est immature, on répugne à aller de soi-même vers une prise en charge. Les personnes violentes ne viennent consulter que sur la pression de la famille ou du juge. Seul, à froid, l'auteur de violences aura tendance à ne pas reconnaître ce qui s'est passé et à se réfugier dans l'autojustification, la dénégation, la minimisation des faits, allant même jusqu'à en faire porter la responsabilité sur la victime.

Les techniques de groupe permettent aux auteurs de violences de prendre plus facilement conscience de gravité de leurs actes. Cette technique a été éprouvée pendant une dizaine d'années à La Garenne-Colombes : le parquet de Paris, en partenariat avec la Ligue française pour la santé mentale, a ouvert une antenne de psychiatrie et de psychologie légales.

Envoyées par le procureur de la République, les personnes violentes sont examinées afin de distinguer de simples disputes de faits plus graves impliquant des personnes particulièrement violentes qu'il convient d'éloigner.

Pour ceux qui ne font pas partie de cette dernière catégorie, le parquet propose un classement sous condition : on ne vous poursuit pas pour l'instant, mais vous vous soumettez à un suivi.

Les parquets de Nîmes et de Douai proposent également des solutions de « classement sous condition ».

Toutefois, le traitement judiciaire des violences conjugales devrait s'inscrire dans les politiques publiques mises en place par le Gouvernement. D'où la nécessité de généraliser ces antennes de psychiatrie et de psychologie légales dans tous les tribunaux de grande instance.

C'est l'objet de notre amendement ; nous invitons le Gouvernement à créer ces antennes dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Conscients de la charge que constitue la création de ces antennes, nous proposons de la compenser par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Je salue les expériences de Nîmes et de Paris, qui répondent à un besoin et qui méritent d'être encouragées. Toutefois, le fait même qu'elles existent prouve qu'elles peuvent être créées sans qu'une loi soit nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Ces antennes ont été créées dans des départements où cela était nécessaire !

En revanche, une obligation législative se heurterait sans doute à des problèmes de moyens financiers et humains, compte tenu, en particulier, du nombre insuffisant de psychiatres.

En outre, une systématisation de ces expériences ne serait peut-être pas nécessairement adaptée aux situations locales. Si une prise en charge médicale est évidemment souhaitable, il convient de laisser aux juridictions le soin des méthodes et des moyens.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Même avis défavorable, monsieur le président.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 222-13 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art ... . - Les victimes, quelles que soient leurs ressources financières, leur nationalité, et leur situation administrative de séjour, qui ont subi, au sein de leur couple, des violences de nature sexuelle, physique ou morale ayant entraîné une incapacité temporaire de travail d'une durée supérieure à trois mois peuvent relever de la solidarité nationale. Dans la mesure où la victime ne bénéficie plus de ressources suffisantes, elle peut prétendre à une aide financière de l'Etat et à un dispositif facilitant son accès à un emploi, dans des conditions déterminées par décret. »

II. - Les conséquences financières résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Il s'agit de permettre la prise en charge par l'Etat de l'ensemble des victimes qui ont subi des violences d'une très grande gravité. Nous visons, en effet, les personnes qui ont subi, au sein de leur couple, des violences qui ont entraîné une ITT d'une durée supérieure à trois mois.

Nous proposons donc de mettre en place un dispositif permettant à ces personnes de retrouver un emploi : il est nécessaire de rassurer celles qui n'auraient peut-être pas la folle audace de quitter leur conjoint violent et qui resteraient exposées à de terribles violences si on ne leur donnait pas les moyens de reconstruire leur vie.

Les victimes qui ont subi une incapacité temporaire de travail d'une durée supérieure à trois mois et qui n'ont plus de ressources suffisantes sont extrêmement fragilisées. Elles auront donc, plus que d'autres, des difficultés à retrouver un emploi, et ce d'autant plus qu'une longue période de dévalorisation de soi et de rupture avec l'emploi aura précédé la prise de conscience et le geste de quitter la personne violente.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 40, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Les victimes de violences au sein de leur couple, qui ont des revenus inférieurs à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance, bénéficient d'une aide financière payable en une seule fois et correspondant à six fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.

II. Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Avec cet amendement, nous abordons la très importante question de la prise en charge financière des victimes.

Outre la violence physique, verbale, psychologique ou sexuelle, la violence peut être aussi économique.

Dans ce cas précis, elle est alors utilisée comme un moyen de contrôle permanent de la victime et s'associe à d'autres comportements agressifs et destructeurs. Elle peut prendre différentes formes : empêcher de travailler, d'avoir accès à l'argent du couple, d'avoir un carnet de chèques, vérifier les dépenses de la femme, l'obliger à démissionner. Les violences sont multiples, et les conjoints violents ont beaucoup d'imagination.

Nous pensons qu'il est important, dans la mesure où la victime ne bénéficie pas de ressources suffisantes parce qu'elle dépend financièrement de son mari, parce qu'elle ne travaille pas ou parce qu'elle travaille à temps partiel, de prévoir une aide financière de l'Etat.

Nous nous sommes inspirés, en fait, du dispositif qui existe en Espagne, où une loi organique de 2004 prévoit une aide financière pour les victimes qui n'ont pas de revenus personnels et qui risquent, compte tenu de leur âge et de leur formation, de ne pas trouver d'emploi. Cette même loi considère les victimes de telles violences comme prioritaires pour l'accès à des logements sociaux.

J'aurais aimé que nous puissions, nous aussi, élaborer une loi semblable, madame la ministre !

Je suis déçue de constater que les conclusions adoptées par la commission des lois ne prévoient aucune aide financière de l'Etat.

Cette dernière disposition permettrait pourtant aux femmes de se reconstruire, en particulier sur le plan professionnel, en leur donnant les moyens de recouvrer leur autonomie, une autonomie dont vous avez dit, madame la ministre, devant la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qu'elle constituait une « notion capitale pour les femmes ».

J'ose espérer que nous serons entendus et je compte sur votre soutien, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Ces amendements visent à permettre la prise en charge par l'Etat des victimes de violences au sein du couple lorsque lesdites violences ont entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois.

Il convient de rappeler que l'article 706-3 du code de procédure pénale prévoit une réparation intégrale du préjudice par l'auteur de l'infraction lorsque l'ITT est supérieure à un mois. Et, si la commission des lois n'a pas pris en considération vos propositions en matière d'aide aux victimes, madame Mathon, c'est parce que ces mesures d'aide existent déjà avec le RMI ou avec l'allocation de parent isolé, l'API.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

A partir du moment où votre préoccupation est satisfaite par les dispositions existantes, il ne nous paraît pas souhaitable de créer des mesures supplémentaires.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Je réaffirme que l'autonomie financière et le retour à l'indépendance économique sont tout à fait essentiels dans le traitement des violences.

Pour autant, aujourd'hui, il s'agit d'appliquer en temps réel le dispositif existant, sur lequel vous me permettrez de revenir quelques instants.

Les victimes de violences au sein du couple qui n'ont pas de ressources suffisantes peuvent effectivement disposer d'une aide financière : il s'agit de l'aide sociale à l'enfance pour les jeunes âgés de moins de vingt et un ans ou du revenu minimum d'insertion pour les personnes âgées de plus de vingt-cinq ans.

En outre, les victimes qui ont des enfants peuvent également bénéficier non seulement d'une aide dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance pour elles et leurs enfants, mais aussi et surtout de l'allocation de parent isolé, qui a été récemment réévaluée, si elles ont un enfant âgé de moins de trois ans.

Dans le plan que j'ai présenté le 25 novembre dernier, j'ai tenu tout particulièrement à ce que ces aides soient mobilisées le plus rapidement possible. Cette volonté est d'ailleurs très largement partagée.

Ainsi, en ce qui concerne le RMI et l'API, je rappelle qu'il est possible de neutraliser les ressources de la demandeuse de ces aides et, donc, de ne pas prendre en compte le plafond des ressources pour obtenir cette aide. Cela permet de décréter la mise en oeuvre d'une procédure d'urgence, conformément aux dispositions de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale.

En clair, il est possible d'accorder sans délai aux femmes victimes de violences un versement d'urgence, qui peut s'accompagner d'avances versées par les CAF, les caisses d'allocations familiales. Encore faut-il - et je rejoins là votre préoccupation, madame la sénatrice - que ces victimes connaissent bien de tels dispositifs.

A cet effet, nous avons élaboré un dépliant d'information. Toutefois, dans le cadre d'une mutualisation des compétences sur le terrain, grâce à des référents capables d'apporter effectivement une solution en temps réel, il convient de faire en sorte que cette allocation, qui existe et qui peut donc tout à fait être opérante, soit versée le plus rapidement possible.

Je rappelle en outre, madame la sénatrice - je n'ai peut-être pas été assez claire sur ce point -, que la France dispose aujourd'hui d'un dispositif d'ensemble assez équivalent à celui de l'Espagne. Les mesures d'aides en la matière sont bien prévues, même si, j'en conviens, aucun texte de loi ne les regroupe. Notre discussion nous a d'ailleurs permis de les mettre en exergue, car elles peuvent effectivement servir cette cause, même si elles ne sont pas toujours assez visibles.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

La formule utilisée par M. le rapporteur peut prêter à confusion. Il ne s'agit pas, en effet, de faire prendre en charge par l'Etat les victimes de violences au-delà des dispositifs existants, mais simplement de bien préciser que les victimes, quelles que soient les ressources financières de la cellule familiale, quelles que soient leur nationalité et leur situation administrative de séjour, peuvent, dans les meilleurs délais, avoir accès aux dispositifs d'aides.

Madame la ministre, vous avez cité le RMI et l'allocation de parent isolé, mais il convient également de citer les dispositifs de retour à l'emploi, qui me paraissent indispensables.

Par conséquent, pouvez-vous me confirmer que les dispositifs dont vous venez de nous rappeler les grandes lignes sont accessibles à toutes les femmes, quelles que soient les ressources de leur conjoint, quelles que soient leur propre nationalité et leur situation au regard du droit au séjour ?

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Ces dispositifs de soutien sont parfaitement accessibles, et sont d'ailleurs mis en pratique. Je regrette simplement que de nombreuses femmes n'en aient pas connaissance à ce jour. Il convient donc de corriger cette situation, pour que ces dispositifs soient mobilisés plus efficacement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce serait mieux de les inscrire dans la loi !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 222-14 du code pénal, après les mots : « connue de leur auteur », sont insérés les mots : « ou sur un conjoint, un concubin ou un partenaire lié par un pacte civil de solidarité lorsqu'elles sont commises par leur conjoint, leur concubin ou leur partenaire ».

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Dans sa rédaction actuelle, l'article 222-14 du code pénal prévoit que les violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne vulnérable sont punies sévèrement. Sont ici visées des violences ordinaires dans leur manifestation, mais qui doivent avoir été exercées sur une victime spécifique.

A défaut d'une définition précise en la matière, tant dans le code pénal que dans cette proposition de loi, il faut reprendre la jurisprudence antérieure selon laquelle l'habitude est caractérisée dès le second fait constaté.

Or les victimes visées dans l'article 222-14 du code pénal sont les mineurs de quinze ans et les personnes vulnérables. Je souhaite donc introduire un troisième cas de figure, afin de prendre en compte à la fois la qualité de la victime et l'auteur des violences.

A cet égard, il convient que le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité figurent parmi les victimes des violences habituelles lorsque ces dernières sont commises par le conjoint, le concubin ou le partenaire, lesquels seront ainsi passibles des peines aggravées prévues à l'article 222-14.

Comme je l'ai moi-même constaté lors de mes permanences d'élu et comme me l'ont indiqué les associations et toutes les personnes - magistrats, psychiatres, avocats, médecins - que nous avons rencontrées lors de l'élaboration de cette proposition de loi, les violences sont le plus souvent habituelles, voire quotidiennes.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer largement sur ce sujet au cours de la discussion générale : la violence au sein des couples n'est pas le symptôme d'un conflit au sein d'un couple, ce dernier est d'une tout autre nature.

En l'espèce, la violence caractérise un processus de destruction élaboré consciemment ou inconsciemment sur le long terme. La violence ne surgit pas brusquement à la faveur d'un désaccord ; au contraire, elle s'installe progressivement, pour aller crescendo, au fur et à mesure que l'emprise de l'agresseur s'affermit et entre dans un cycle d'habitude.

Il me paraît donc souhaitable de faire figurer, aux côtés des mineurs de quinze ans et des personnes vulnérables, les conjoints, les concubins et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité lorsque ces violences sont commises par le conjoint, le concubin ou le partenaire.

Par ailleurs, pour les violences les plus graves qui ont entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité, les victimes et leurs ayants droit pourraient ainsi bénéficier de l'accès à l'aide juridictionnelle sans condition de ressources, telle qu'elle est prévue par l'article 65 de la loi Perben du 9 septembre 2002.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

J'avoue ne pas très bien comprendre ce qui nous est proposé.

En effet, l'article 222-14 du code pénal vise à aggraver les peines pour les violences habituelles commises sur un mineur de quinze ans ou sur une personne particulièrement vulnérable.

Or le code pénal et la loi relative au divorce prévoient déjà une circonstance aggravante pour les violences commises dans le couple, même en cas de rupture du couple.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

De plus, ainsi que cela est ressorti très clairement lors de nos auditions, nous nous accordons tous sur le fait que la violence commise dans le couple, qu'elle concerne des conjoints, des pacsés ou des concubins, présente les caractéristiques d'une violence habituelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Par conséquent, vouloir créer une double circonstance aggravante au motif qu'il s'agit d'une violence habituelle me paraît absolument illogique, à partir du moment où nous avons déjà prévu, dans les sanctions, une circonstance aggravante pour la violence commise dans le couple. En effet, nous avons parfaitement conscience que cette violence est, par nature, habituelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas les intentions des auteurs de cet amendement et je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Il me paraît en effet satisfait par les dispositions que nous avons votées, qui sont d'ailleurs conformes aux mesures figurant dans la proposition de loi que vous avez cosignée.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet, bien entendu, un avis défavorable sur cet amendement, qu'elle ne comprend pas.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Même avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur Courteau, l'amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

Après le premier alinéa de l'article 222-23 du code pénal, est inséré un deuxième alinéa ainsi rédigé :

« La qualité de conjoint ou de concubin de la victime ou de partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ne peut être retenue comme cause d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité. » -

Adopté.

I.- L'article 132-45 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 19° En cas d'infraction commise contre son conjoint, son concubin, ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, résider hors du domicile ou de la résidence du couple. »

II.- Avant l'avant-dernier alinéa de l'article 138 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 17° En cas d'infraction commise contre son conjoint, son concubin, ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, résider hors du domicile ou de la résidence du couple. »

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le mouvement vers une généralisation de la médiation a pris de l'ampleur avec la loi du 4 janvier 1993, qui a donné un fondement légal incontestable à une telle solution.

Justice de proximité, préventive, éducative et réparatrice plus que répressive, le but de la médiation est d'aboutir à la satisfaction de la victime, avec son accord, et à la restauration de l'ordre public sans recours aux poursuites et aux sanctions pénales.

La médiation est censée régler les « petits désordres sociaux » par le recours à un tiers qui favorise la confrontation des points de vue des deux parties, pour rechercher une solution au conflit et une réparation au trouble causé.

Dans la situation d'engorgement dans laquelle se trouve l'institution judiciaire depuis quelques années, nous sommes tout à fait favorables au développement de ces procédures alternatives.

Toutefois, le recours à la médiation est-il pertinent dans tous les cas, tout particulièrement en matière de violences conjugales ?

Dans de telles situations, les critères de la médiation tels que la volonté de coopération, le respect de l'autre dans la recherche d'une solution, et plus particulièrement la reconnaissance par le conjoint délinquant de ses actes de violences deviennent difficilement applicables.

Ces critères font référence à un état d'esprit et à une liberté de pensée qui sont absents dans les cas de violences au sein des couples. L'agresseur et l'agressé ne sont pas sur un pied d'égalité en termes de pouvoir : ainsi, la liberté d'expression est le plus souvent inexistante chez la victime.

Par ailleurs, en mettant les deux parties sur un même plan, la médiation atténue la visibilité de l'infraction et, par là même, la prise de conscience par l'auteur des violences du caractère anormal et répréhensible de son acte.

En effet, il faut toujours avoir en mémoire que la violence au sein des couples est, par définition, doublée d'un système de harcèlement moral et de violences psychologiques graves que la justice a bien du mal à appréhender.

Comme nous y invitaient de nombreuses associations luttant contre les violences conjugales ainsi que la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous avions envisagé d'exclure la possibilité pour le procureur de la République, préalablement à sa décision sur l'action publique, de faire procéder à une mission de médiation dans le domaine des violences au sein des couples.

Toutefois, parce que nous sommes généralement favorables à ces missions de médiation, nous avons finalement choisi de ne pas déposer d'amendement sur le sujet. Nous souhaitons simplement que, dans le cadre des violences au sein des couples, les parquets soient invités à n'avoir recours à la médiation qu'après mûre réflexion et à privilégier le classement sous condition avec obligation de soins, même s'il s'agit d'un premier passage à l'acte.

En effet, force est de constater qu'en matière de violences au sein des couples un grand nombre de violences graves ou de décès consécutifs à des coups mortels pourraient être évités si l'intervention du parquet avait lieu dès les premiers signes de violences.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 39, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa du II de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

Le 10° de l'article 138 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou de prévention des violences au sein du couple ; ».

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Les violences au sein du couple sont des violences bien particulières. En effet, elles s'inscrivent dans une relation de couple qui est tout de même, a priori et dans la majorité des cas, une relation amoureuse, ... du moins au départ.

La violence, psychologique ou physique, sur une personne que l'on prétend aimer n'est pas anodine. Je ne me substituerai pas aux médecins et aux psychologues, mais je pense que le processus qui conduit un homme à être violent vis-à-vis de sa conjointe n'est pas le même que dans les cas de violences sur une personne inconnue ou extérieure au couple.

Comme le montrent toutes les analyses, l'auteur de violences conjugales élabore souvent un schéma d'emprise psychologique sur sa victime. Dans le même temps, les violences exercées par le conjoint enferment la victime dans le silence et l'isolement. L'emprise exercée par le conjoint procède par des attaques psychologiques parfois très subtiles et difficiles à détecter, ou encore par des stratégies de manipulation.

C'est pourquoi nous pourrions faire en sorte que le conjoint violent soit soumis à une obligation de soins, dans le cadre du contrôle judiciaire.

Cette mesure, encadrée par un magistrat, serait importante en matière de lutte contre les violences conjugales, car elle permettrait au conjoint, en contact avec des professionnels de santé, de prendre conscience de ses actes, ce qu'un renforcement des sanctions pénales à son encontre ne permet pas systématiquement.

Cette mesure pourrait donc compléter l'article 138 du code de procédure pénale, qui prévoit l'obligation de se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication.

Cette proposition devrait réjouir M. le rapporteur, puisqu'il s'agit de mesures encadrées.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Comme d'habitude, madame Mathon, je vous ai écoutée avec grand intérêt, et je vous répondrai très brièvement.

L'obligation de soins prévue dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve ou du contrôle judiciaire vaut bien évidemment pour l'auteur de violences conjugales, pour lequel elle est même particulièrement recommandée. Les tribunaux ont donc toute latitude de prononcer ces mesures. C'est la raison pour laquelle la précision que vous proposez ne me paraît pas indispensable.

Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le quatrième alinéa () de l'article 132-45 du code pénal est complété par les mots : « et notamment d'aide aux auteurs de violences au sein des couples ».

II. Le douzième alinéa (10°) de l'article 138 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou d'aide aux auteurs de violences au sein des couples ».

La parole est à Mme Christiane Demontes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

La loi du 26 mai 2004 relative au divorce a complété l'article 220-1 du code civil relatif aux mesures urgentes en ces termes : « Lorsque les violences exercées par l'un des époux mettent en danger son conjoint, un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences. Le juge se prononce, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Les mesures prises sont caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée. »

Or rien ne figure à ce titre dans notre législation répressive.

Dans la proposition de loi que nous avions déposée, nous souhaitions combler ce vide, en proposant que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention puisse, parmi les mesures du contrôle judiciaire, interdire à l'auteur des violences de se rendre au domicile du couple, cette mesure s'appliquant aux personnes mariées, aux concubins et aux personnes liées par un pacte civil de solidarité.

Des dispositions semblables étaient d'ailleurs proposées dans la proposition de loi déposée par Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues.

La commission des lois a maintenu - et même complété - ces dispositions, en les étendant au régime de mise à l'épreuve, ce dont nous nous réjouissons.

Toutefois, il nous paraît utile d'offrir au procureur de la République une nouvelle possibilité. En effet, l'expérience menée depuis dix ans à La Garenne-Colombes par l'équipe du docteur Coutanceau, qui propose une nouvelle thérapie dans le champ des troubles du comportement, a porté ses fruits. C'est la raison pour laquelle, en partenariat avec le parquet de Paris, elle est proposée aux auteurs de violences au sein des couples.

Nous proposons donc, par cet amendement, de généraliser cette expérience, sur décision du procureur de la République exerçant l'action publique, dans le cadre du régime de mise à l'épreuve et dans celui du contrôle judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

L'avis de la commission est identique à celui qu'elle a exprimé sur l'amendement précédent. Je vous renvoie donc aux observations que j'ai présentées tout à l'heure : avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le troisième alinéa du 2° de l'article 706-3 du code de procédure pénale, après les mots : « réprimés par les articles », sont insérées les références : « 221-4 (), 222-3 (), 222-8 (), 222-10 (), 222-12 () et ».

II. - Les conséquences financières entraînées par l'application de cette disposition, sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

L'article 706-3 du code de procédure pénale prévoit que « toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne » lorsque les faits concernent les agressions sexuelles, la traite des êtres humains, les atteintes sexuelles, aggravées ou non, sur mineurs de quinze ans.

Notre amendement tend à compléter cette liste, afin d'y inscrire toutes les violences au sein des couples : meurtre, tortures et actes de barbarie, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours.

Nous proposons que les conséquences financières entraînées par la mise en application de cette mesure soient compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 41, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 2° de l'article 706-3 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - soit ont été commis à l'égard d'un conjoint, d'un concubin ou d'un partenaire lié par un pacte civil de solidarité dans le cadre des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 221-1, 221-3, 222-15, 222-16, 222-17, 222-18, 222-23, 222-29, 222-30, 223-1, 223-5, 224-1 du code pénal ».

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

La loi du 6 juillet 1990 a créé le FGTI, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, qui est chargé d'indemniser non seulement les victimes des actes de terrorisme, mais aussi les victimes d'infractions pénales telles que, notamment, les agressions, les coups et blessures volontaires ou involontaires.

Nous proposons, par cet amendement, que les femmes victimes de violences conjugales puissent être indemnisées comme le sont les autres victimes d'agressions. Il est important que ces femmes soient reconnues en tant que victimes. Il s'agit aussi de leur verser une indemnisation en cas d'agression ou de blessure.

En fait, cet amendement est complémentaire de celui qui vise à octroyer une aide financière à la femme qui souhaite quitter rapidement le domicile conjugal à la suite de violences. La dimension financière prend en effet une place particulière dans la reconstruction de la victime.

Telles sont les raisons pour lesquelles il est essentiel d'adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

L'amendement n° 13 rectifié tend à compléter l'article 706-3 du code de procédure pénale, afin que soit mentionnées spécifiquement cinq infractions pour lesquelles il serait possible d'obtenir la réparation intégrale des dommages prévus à cet article.

Pour les quatre premières infractions, la réparation intégrale du dommage par la Commission des indemnisations des victimes est d'ores et déjà possible. En effet, l'article 706-3 du code de procédure pénale prévoit cette indemnisation lorsque les faits « ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ».

La seule modification proposée concerne donc la réparation du préjudice résultant d'une violence ayant provoqué une ITT supérieure à huit jours mais inférieure à un mois.

La commission estime que le dispositif actuel, qui couvre un champ d'infractions déjà très large, permet d'assurer l'équilibre entre le recours à la solidarité nationale pour les infractions les plus graves et le principe selon lequel l'indemnisation des victimes incombe d'abord aux auteurs condamnés dans le cadre d'instances pénales ou civiles. Il faut condamner les hommes violents à assumer financièrement de telles réparations avant de recourir à la solidarité nationale !

La commission a formulé les mêmes remarques en ce qui concerne l'amendement n° 41.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 13 rectifié et 41.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 13 rectifié et 41.

Je souhaite simplement rappeler le dispositif existant. L'indemnisation des victimes incombe d'abord, comme l'a excellemment rappelé M. le rapporteur, aux auteurs condamnés dans le cadre d'instances pénales ou civiles.

Cependant, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu des difficultés rencontrées par certaines victimes - au nombre desquelles figurent les victimes de violences au sein du couple - pour obtenir la condamnation de l'auteur de ces violences puis le paiement des dommages et intérêts qui leur sont dus, le législateur a mis en place le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, permettant aux victimes les plus gravement atteintes d'être indemnisées quel que soit le devenir de la procédure engagée.

Aujourd'hui, les victimes de violences au sein du couple peuvent donc bénéficier du régime général de la réparation intégrale lorsqu'il s'agit de violences ayant entraîné une ITT égale ou supérieure à un mois, une incapacité permanente ou, a fortiori, la mort, ou bien lorsqu'il s'agit de viols ou d'agressions sexuelles.

Cela dit, comme l'a rappelé M. le rapporteur, les amendements proposés vont plus loin, mais ils ne paraissent pas parvenir au juste équilibre que nous souhaitons entre le jeu de la solidarité nationale - qui s'exprime assez largement, me semble-t-il, dans les dispositions que je viens d'évoquer - et la responsabilité de l'auteur des violences.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 29 rectifié, présenté par Mmes Dini et G. Gautier, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 41-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le 5° de cet article ne s'applique pas dans les cas visés au 6° de l'article 222-10, au 6° de l'article 222-12 et au 6° de l'article 222-13 du code pénal. »

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

S'agissant des violences conjugales, nous sommes face à une victime et à son agresseur, pour ne pas dire son bourreau. Il ne s'agit pas d'un divorce, où la séparation est déjà en préparation : nous sommes face à un homme violent et à une femme victime, meurtrie dans son esprit et dans son corps. Envisager la médiation, c'est reconnaître que cette femme a des torts et qu'il est peut-être juste qu'elle soit maltraitée. Cela paraît totalement impensable !

Cet amendement a pour objet de supprimer le recours à la médiation pénale lorsque l'infraction est commise au sein du couple et de faire en sorte qu'aucune femme victime de violence ne se trouve dans une telle situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

L'amendement n° 29 rectifié a pour objet d'interdire le recours à la médiation pénale dans les cas visés au 6° de l'article 222-10 du code pénal, c'est-à-dire en cas de violences, mutilations ou infirmités, et au 6° de l'article 222-12 du code pénal, c'est-à-dire en cas d'ITT supérieure à huit jours.

Or, en l'espèce, lorsqu'il y a mutilation ou violences, il ne peut pas y avoir de médiation pénale.

Il est exact que la médiation pénale a été critiquée, certains considérant qu'il ne s'agissait pas du moyen le plus adapté pour répondre au problème de la violence dans le couple.

Au demeurant, madame la ministre, le guide de l'action publique publié conjointement par le ministère de la justice et le ministère de la parité et de l'égalité professionnelle préconise la limitation du nombre de procédures de médiation pénale.

Il n'en demeure pas moins que, de l'avis de nombreux magistrats, la médiation pénale peut être une bonne solution en cas de violences limitées, surtout lorsque le couple peut encore être sauvé.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Madame Demessine, nous avons écouté des magistrats qui connaissent le problème ! D'après eux, si, dans certains cas, la médiation pénale n'est certainement pas adaptée, dans d'autres cas, elle peut être une solution. Par conséquent, pourquoi enlever systématiquement cet outil aux magistrats ? A eux de l'utiliser de manière limitée, comme le préconise le parquet, dans les instructions dont j'ai fait état tout à l'heure ! Au demeurant, s'agissant des violences les plus graves, que j'ai rappelées tout à l'heure, la médiation pénale est, bien entendu, exclue.

Supprimer systématiquement la médiation pénale ne semble donc pas une bonne solution. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Mme Dini a été entendue car le garde des sceaux, dans l'élaboration de ce guide de l'action publique, a rendu plus marginale la médiation pénale.

Je connais comme vous les arguments qui ont été développés par les associations, mais j'ai aussi entendu un certain nombre de magistrats souhaiter que cette procédure ne soit pas totalement écartée dans les alternatives aux poursuites.

Il me paraît important d'avoir strictement encadré la médiation pénale par des critères liés à la situation de violence et d'avoir spécifiquement indiqué que le médiateur devait être très spécialisé sur ces questions.

Je partage, encore une fois, le souhait de ne pas voir se recréer un rapport de domination à quelque niveau que ce soit de la procédure, mais écarter cette procédure serait, à n'en pas douter, se priver d'un outil utile, même s'il est rarement employé.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Je soutiens l'amendement présenté par Mme Dini, car je n'ai pas du tout été convaincue par les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre.

La médiation pénale ne peut être utilisée en cas de violences conjugales, sauf à admettre que les deux conjoints ont chacun des torts, ce qui n'est pas acceptable. De plus, ce serait entrer dans le jeu du conjoint violent.

Pour avoir suivi, au sein d'associations, de nombreux cas de femmes battues, je peux vous dire que les conjoints violents sont très souvent repentants le lendemain ou le surlendemain des faits. Je ne vois donc pas l'utilité de recourir à la médiation pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

Que les choses soient claires : la violence physique est toujours intolérable et elle est absolument inadmissible.

Accepter la médiation pénale, c'est, dites-vous, admettre que les torts peuvent être partagés. Or, dans certains cas - et je reviens au débat que nous avons eu tout à l'heure -, il peut y avoir eu des violences psychologiques de l'un des conjoints auxquelles il a été répondu par une inacceptable violence physique de l'autre conjoint. Si la violence n'est pas trop grave et si les conjoints ne souhaitent pas se séparer, la médiation pénale peut alors être une réponse appropriée.

Supprimer systématiquement cette possibilité offerte au magistrat ne me paraît pas forcément bon. Le fait de recourir à la médiation pénale ne signifie pas que les torts sont partagés ! Certes, ils peuvent l'être, mais la médiation pénale peut aussi être une mesure adaptée lorsque les conjoints ne veulent pas se séparer. Envoyer systématiquement le conjoint coupable devant le tribunal correctionnel pourrait être dommageable et disproportionné par rapport au mal qui a été fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour la victime, le recours à la médiation, ce n'est pas la reconnaissance a priori de torts ; sinon, il faudrait purement et simplement supprimer cette procédure !

Les responsabilités ne sont pas partagées : il y a la victime et il y a l'auteur des faits, et on essaie de trouver une solution adaptée sans recourir au tribunal correctionnel. La médiation pénale est donc un outil mis à la disposition des magistrats et, pour ma part, je suis plutôt enclin à leur faire confiance pour qu'ils l'appliquent uniquement lorsqu'elle est utile.

Si, aujourd'hui, on décide que la médiation n'est pas possible dans certains cas, on trouvera demain de nombreux autres cas où l'on considérera qu'elle n'est pas possible non plus ! Je pense aux conflits de voisinage, à l'occasion desquels il peut y avoir des violences extrêmement régulières ou du harcèlement.

Mme Michelle Demessine s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il convient donc de ne pas interdire la médiation pénale dans ces cas précis. Je comprends les arguments avancés par les associations, mais les magistrats disent quant à eux qu'ils utilisent la médiation pénale à bon escient et avec prudence. Si l'on ne fait plus confiance aux magistrats, je suis un peu inquiet pour l'avenir de la répression pénale telle qu'elle devrait être organisée et telle que la prévoient les textes !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Le sujet est effectivement grave : il s'agit de savoir quelle réponse pénale on apporte à des situations de violence.

La réponse qui paraît la plus adaptée, c'est celle que le juge prononce dans le prétoire. Mais est-ce vraiment la meilleure réponse pénale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Certes, celui qui a commis la violence reçoit alors une condamnation. Mais n'oublions pas que la médiation pénale est aussi un progrès en raison de la qualité de la prise en charge des victimes !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

En cas de violences, le fait que le juge prononce une condamnation ne suffit pas, il faut aussi organiser une prise en charge de la victime. Et, pour avoir vu fonctionner des associations de médiation, je puis vous dire que la prise en charge est plus globale dans ce cadre.

Il ne s'agit pas de faire cohabiter des gens qui ne peuvent plus vivre ensemble, mais de se demander si la meilleure réponse consiste à dire la vérité juridique du haut d'une chaire ou à tenir compte de la situation humaine de chacun et de la façon dont on va essayer de prendre en charge la victime. Si la prise en charge des victimes par les tribunaux était une grande réussite, cela se saurait !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Dans le procès pénal, lorsque ce sont des personnes qui sont mises en cause, la plupart du temps, la question qui reste posée est la prise en charge de la victime. La société a obtenu réparation, mais la victime, elle, n'a pas obtenu réparation !

Il faut donc avoir une vision un peu plus globale des choses. Je comprends bien ce que veulent dire Mmes Gautier et Dini, mais, comme beaucoup d'entre vous ici, j'ai aussi travaillé avec des associations de médiation et j'ai pu constater que l'on ne peut pas toujours rejeter de telles solutions.

La médiation ne peut pas être la seule réponse possible, mais écarter totalement la médiation pénale, est-ce aller dans le sens d'une bonne prise en charge des victimes ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 22, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après les mots : « de son conjoint, », la fin du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée : « le renouvellement du titre est accordé de plein droit par l'autorité administrative »

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

L'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le renouvellement de la carte de séjour délivrée à un étranger - en général une femme, mais pas exclusivement - marié à un Français est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue sur l'initiative de l'étranger en raison des violences qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre de séjour.

Dans sa rédaction actuelle, cet article donne simplement à l'administration la possibilité de renouveler le titre de séjour lorsque l'étranger a été victime de violences conjugales.

Force est de constater que cette rédaction génère des inégalités selon les différentes préfectures, qui accordent parfois difficilement ce renouvellement.

C'est pourquoi l'amendement que je propose a pour objet de faire du renouvellement du titre de séjour de l'étranger victime de violences la règle lorsque la communauté de vie a été rompue sur son initiative en raison des violences conjugales qu'il a subies.

Cet amendement permet de faire obstacle au chantage exercé par le conjoint auteur des violences, par exemple pour empêcher le dépôt de plainte ou le départ du domicile, le renouvellement d'un titre de séjour étant subordonné à la communauté de vie.

Cet amendement permettrait également de lutter contre une nouvelle forme de proxénétisme conjugal touchant des femmes victimes de leur conjoint, qui ne peuvent quitter l'auteur des violences au risque de se retrouver en situation irrégulière, sans ressources parce qu'ayant souvent abandonné un parcours professionnel. Elles restent donc tributaires de leur mari, qui les oblige à se prostituer.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

La condition de l'existence d'une communauté de vie est en principe requise pour le renouvellement du titre de séjour. Toutefois, l'article L. 313-12 autorise le renouvellement du titre de séjour si l'étranger a été victime de violences de la part du conjoint.

Cet amendement vise à rendre automatique le renouvellement. Est-ce opportun ? La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

La loi de novembre 2003 permet en effet de garantir le maintien des droits au séjour de victimes de violences conjugales en cas de rupture de la vie commune. Le préfet peut ainsi accorder le renouvellement du titre de séjour au conjoint qui ne peut plus justifier d'une vie commune en raison des violences qu'il subit.

Cette mesure a été introduite par voie d'amendement, sur l'initiative du Haut conseil à l'intégration, et elle vise à prendre en compte les situations difficiles que vous évoquez, certaines ressortissantes étrangères n'osant pas quitter le domicile conjugal de peur de se retrouver en situation irrégulière.

Aux termes de la circulaire du 20 janvier 2004, les préfets doivent examiner ces situations avec bienveillance au regard des justificatifs produits, en particulier des signalements effectués par les associations actives dans ce domaine de l'accueil des étrangers, et singulièrement des femmes.

L'application de cette disposition ne peut s'inscrire que dans le cadre du pouvoir d'appréciation des autorités préfectorales, sous peine, le cas échéant - il faut tout de même évoquer cette possibilité ! -, de voir se multiplier les détournements de procédure sur ce fondement. Il faut en effet éviter que de prétendues violences conjugales puissent être alléguées.

Je tiens également à insister sur le fait qu'être victime de violences conjugales relève non pas d'une catégorie juridique objective mais bien d'une situation de fait qui doit être appréciée au cas par cas. Et je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir apporté tous les apaisements nécessaires quant à la bienveillance avec laquelle les autorités préfectorales sont aujourd'hui à même d'appréhender de telles situations.

C'est pourquoi le présent amendement, qui tend à rendre cette mesure obligatoire, me semble devoir être rejeté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 42, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mineurs victimes d'agressions physiques ou sexuelles peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle sans considération des ressources dont disposent leurs parents ou tuteurs légaux. »

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Nous souhaitons préciser une disposition de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et améliorer le système de l'aide juridique accordé aux victimes d'agressions sexuelles ou physiques en prévoyant l'automaticité du bénéfice de l'aide juridictionnelle aux mineurs victimes de telles agressions.

Certes, ce faisant, nous sortons quelque peu du cadre des violences conjugales. Néanmoins, il n'est pas inutile de préciser que des jeunes femmes mineures ont pu, ou peuvent encore, même si un amendement portant sur l'âge légal du mariage vient d'être adopté, être victimes de violences sexuelles ou physiques de la part de leur époux. La disposition que nous prévoyons pourrait donc leur être appliquée.

De manière plus générale, se pose le problème des violences sexuelles et physiques exercées sur des mineurs. Or, cette fois encore, le fait de reconnaître un droit peut permettre aux victimes qui, le plus souvent, sont isolées et vivent dans le silence, de dénoncer les agressions qu'elles subissent.

Par ailleurs, je pense qu'il serait tout aussi nécessaire de réexaminer le problème de l'aide juridictionnelle, par le biais, par exemple, d'un projet de loi sérieux sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

La commission des lois ne comprend pas très bien ce que cet amendement vient faire dans un débat sur les violences conjugales ! En effet, madame Mathon, vous évoquez le cas de mineures victimes d'agressions physiques ou sexuelles en dehors du cadre des relations conjugales.

En tout état de cause, à partir du moment où un mineur est victime d'une agression, il est considéré sans ressources et il a droit automatiquement à l'aide juridictionnelle.

Par conséquent, votre inquiétude peut être apaisée par les dispositions actuelles relatives aux mineurs victimes d'infractions, dès lors qu'ils sont considérés comme sans ressources.

Votre amendement étant inutile, la commission des lois a émis à son sujet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement dépose sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples portant notamment sur les conditions d'accueil et d'hébergement des victimes, leur réinsertion sociale ainsi que les structures de soin des auteurs de violences conjugales.

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Afin de centraliser toutes les actions mises en oeuvre dans les différents secteurs concernés, d'en dresser le bilan et d'évaluer les besoins, il nous paraît indispensable que le Gouvernement dépose chaque année sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples.

Ce rapport évoquerait, notamment, les conditions d'accueil et d'hébergement des victimes, leur réinsertion sociale, et les structures de soins des auteurs de violences conjugales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 44, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A compter de la publication de la présente loi, le gouvernement dépose chaque année sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport sur la mise en oeuvre de la politique de lutte contre les violences conjugales, portant notamment sur l'application effective de la législation en vigueur, sur les actions de prévention et d'information, enfin sur la répression du sexisme.

Ce rapport donne lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 44 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 14 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Richemont

La commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

En effet, pourquoi ne pas donner satisfaction à M. Courteau - et Dieu sait si nous l'avons suivi sur les plus importantes de ses propositions ! - lorsqu'il souhaite le dépôt annuel d'un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples ?

Un rapport peut toujours être utile, et c'est la raison pour laquelle la commission a émis cet avis, en attendant de connaître la position du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Au cours de ce débat, j'ai trop souvent rappelé que le Gouvernement avait, sans attendre l'examen de ce texte, mis en oeuvre un certain nombre d'actions à travers le plan que j'ai eu l'honneur de présenter et qui comporte dix mesures en faveur de l'autonomie des femmes pour ne pas effectivement m'engager dans la voie d'une évaluation.

Au demeurant, j'ai pu noter, dans le rapport de M. Branger, fait au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, ce même souhait de disposer d'une évaluation.

C'est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable à cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré après l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 15, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Voynet et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :

Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 3 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les lois françaises concernant l'état et la capacité des personnes s'appliquent aux étrangers qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France, dès lors que les lois régissant leur statut personnel sont contraires à l'ordre public français. ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

Les dispositions de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Iles Wallis-et-Futuna. - (Adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Balarello, Baudot, Beaumont, Bécot, Bertaud, Béteille, Besse, Bizet et P. Blanc, Mme Bout, MM. Branger et Braye, Mme Brisepierre, MM. Cantegrit, Carle, Cazalet et Cointat, Mme Debré, MM. Del Picchia et Detcheverry, Mme B. Dupont, MM. Duvernois, Esneu, Falco, Ferrand, Fouché, Fournier, Gaillard, Gélard et Gournac, Mme Gousseau, MM. Gouteyron, Grignon, Guerry et Houel, Mme Hummel, MM. Hyest et Juilhard, Mmes Kammermann, Keller et Lamure, MM. Laufoaulu, Lardeux et Leroy, Mme Malovry, M. Martin, Mme Melot, M. Natali, Mme Papon, MM. Peyrat et Portelli, Mme Procaccia, M. Richert, Mmes Rozier et Sittler, MM. Souvet et Texier, Mme Troendle, MM. Vasselle et Vial, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi harmonisant l'âge minimum du mariage pour l'homme et pour la femme

et renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple

L'amendement n° 32, présenté par Mme G. Gautier, M. Zocchetto, Mme Dini, M. About et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter l'intitulé de la proposition loi par les mots :

et modifiant l'âge légal du mariage.

L'amendement n° 38, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi, David, Luc et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi relative à l'âge du mariage et à la lutte contre les violences au sein des couples

L'amendement n° 31, présenté par Mmes G. Gautier et Dini, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de loi :

Proposition de loi relative à lutte contre les violences au sein du couple et notamment à l'égard des femmes

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, la plupart des groupes ont déposé des amendements de précision tendant à modifier l'intitulé de cette proposition de loi. Or sa formulation actuelle renforce déjà la prévention, notamment en matière de mariages forcés, ainsi que la répression des violences au sein du couple.

C'est la raison pour laquelle je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, ainsi que nous en avons convenu ce matin en commission. A cette heure tardive, cela ferait gagner du temps au Sénat, ce que chacun, je crois, apprécierait !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Madame Garriaud-Maylam, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Madame Gautier, les amendements n° 32 et 31 sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Non, monsieur le président, je le retire également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur les propositions de loi n° 62 et 95, je donne la parole à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les violences conjugales ne relèvent pas du conflit : il s'agit non pas d'une histoire d'amour qui a mal tourné, mais d'un délit inscrit dans une relation dominant-dominé. Aussi était-il essentiel que nous renforcions notre droit pénal pour mieux lutter contre ce fléau. C'est ce que nous sommes en train de faire ce soir dans le cadre d'un texte de loi spécifique, et je m'en réjouis.

La proposition de loi de mon collègue Roland Courteau prenait en compte la dimension psychologique tout à fait particulière de ces situations à travers un volet préventif et un volet d'aide spécifique aux victimes, que nous vous avons proposé d'adopter, mes chers collègues, par le biais d'amendements tendant à insérer des articles additionnels. En effet, si le rôle de la justice est de rendre le statut de sujet citoyen aux personnes qui ne l'auraient jamais eu ou qui l'auraient perdu, la justice est aussi l'institution qui arrive en dernier lieu dans le parcours de la victime de violences conjugales. L'éloignement du domicile du couple de l'auteur des violences dans le cadre des obligations du sursis avec mise à l'épreuve et du contrôle judiciaire visé à l'article 5 ne peut, en effet, être que l'aboutissement d'un processus long et douloureux.

Au niveau institutionnel, le premier secteur contacté est bien souvent le milieu médical ou hospitalier. D'où la préconisation du rapport Henrion, parmi les dix actions prioritaires à mettre en place, de sensibiliser les médecins et les professionnels de santé afin de favoriser le dépistage des violences conjugales.

Nous vous avons proposé - nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls ici - d'étendre cette exigence de formation aux personnels sanitaires et sociaux, à ceux de la police nationale et de la gendarmerie ainsi qu'aux magistrats et avocats, dans le cadre d'une formation continue obligatoire.

Il nous semble qu'il s'agissait là d'une mesure essentielle afin de lutter contre la déperdition que l'on constate entre le nombre de faits réels et celui qui est porté à la connaissance de la justice. L'adoption d'une telle disposition aurait été bénéfique.

Le suivi et le soutien institutionnel permettent la préparation nécessaire de la victime à la confrontation avec l'extérieur, dans son parcours de « dévictimation », si j'ose dire, et d'évolution vers un statut de sujet actif qui prend son avenir en main.

De la non-identification comme victime, la femme qui subit des violences conjugales passe à la phase de victime objet. La peur est toujours très présente, et l'intéressée multiplie alors les allers et retours : elle quitte le domicile, puis y revient ; elle manifeste ses hésitations, ses décisions mais aussi ses contre-décisions ; elle va déposer une main courante au commissariat, ne voulant pas porter plainte, ou bien elle va déposer une plainte et la retirer quelques jours après, au grand dam des policiers.

Il faut essayer de comprendre ces attitudes paradoxales et poursuivre l'accompagnement pour que la victime puisse accéder au statut de victime sujet. La peur commence alors à s'atténuer, sous l'effet d'une déculpabilisation progressive. La victime choisit de se confronter à la loi sociale : elle va consulter un médecin et obtient un certificat médical ; elle dépose un dossier au civil chez un avocat ; elle porte plainte, même si elle hésite encore à s'en servir au pénal.

Toutefois, elle a d'ores et déjà commencé à intégrer une loi, symbolique et fondamentale : « il n'a pas le droit de me battre, j'ai le droit de ne pas être battue », et devient, de ce fait, actrice de son histoire dans le présent et en vue d'un avenir dans lequel elle a encore du mal à se projeter.

C'est là que le rôle des policiers et gendarmes est déterminant. Si la femme est accueillie correctement, c'est-à-dire traitée comme une victime, cette prise en considération vient conforter ses décisions et confirmer l'interdit transgressé par l'auteur des faits.

Tel est l'objectif que nous visions, au-delà de l'article 5, à travers nos amendements.

Il est regrettable, dans un texte spécifique à la lutte contre les violences au sein du couple, de ne s'en tenir qu'au strict renforcement pénal, même si cela constitue une avancée majeure. Espérons que les engagements que vous avez pris, madame la ministre, seront suivis d'effets !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Madame la ministre, vous avez, dans votre propos liminaire, salué les « convergences d'objectifs » des différents groupes politiques sur les textes que nous avons examinés cet après-midi et ce soir. Nous sommes d'accord avec vous sur ce point, et je tiens à souligner que, pour notre part, nous avons participé à ce débat en étant animés de la sincérité de nos convictions, sans esprit partisan.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nos convictions se sont traduites dans le travail de notre collègue Roland Courteau, qui a bien voulu en rappeler la filiation en citant Mme Michèle André, qui est aujourd'hui notre collègue.

Je mentionnerai également Mme Nicole Péry, qui, en 1997, avait lancé la première enquête statistique nationale sur ce sujet douloureux.

Je voudrais aussi rappeler que le rapport Henrion, qui a été abondamment cité sur toutes les travées de cette assemblée, avait été commandé par Mme Dominique Gillot, alors secrétaire d'Etat à la santé.

Mais, tout au long de ce débat, nous n'avons pas toujours ressenti la prise en compte de ce travail, de cette histoire, de cette filiation.

Certes, nous sommes minoritaires dans cet hémicycle, mais c'est pourtant une proposition de loi de notre groupe qui est à l'origine du présent débat. Dans ces conditions, nous nous attendions à plus d'ouverture et, pourquoi ne pas le dire, à plus d'élégance de la part de la majorité sénatoriale.

Pour être juste, je constaterai également une certaine méfiance de votre part à l'égard de certains - je pense au représentant valeureux de la délégation aux droits des femmes -, alors que nous sommes au début de la navette et que le droit passe aussi, ce qui est tout à notre honneur, par l'initiative parlementaire.

C'est ainsi que nous regrettons le sort défavorable qui a été réservé à nos amendements visant à renforcer le volet de la prévention. Je pense notamment à celui qui concernait la formation des professionnels et l'information au sein de l'éducation nationale.

Nous avons, il est vrai, obtenu plus de satisfaction sur le volet répressif, même si le vif débat qui s'est instauré sur certains amendements, finalement repoussés de justesse, a montré qu'il était encore nécessaire de batailler pour faire reconnaître par les jurés les violences morales et psychologiques.

Quoi qu'il en soit, ce débat important n'a pu que contribuer à lever le tabou qui a trop longtemps rejeté dans l'ombre les violences commises dans la sphère privée et il a permis de véritables avancées législatives.

J'en citerai quelques-unes : la reconnaissance légale du viol entre époux, l'éloignement de l'agresseur du domicile, l'extension des circonstances aggravantes aux ex-conjoints, ex-concubins et ex-pacsés.

Nous approuvons aussi la mesure visant à aligner, par souci d'égalité, la femme et l'homme pour ce qui est de l'âge requis pour pouvoir contracter mariage.

Mais cette disposition, dont nous ne pouvons pas actuellement apprécier la portée réelle sur les mariages forcés, ne doit pas nous faire oublier l'essentiel, notamment toutes les mesures d'accompagnement : les moyens nouveaux donnés aux parquets ainsi que les instructions visant à homogénéiser leur pratique, ou encore les aides financières attribuées aux victimes.

Madame la ministre, nous comptons sur vous pour rendre compte de nos débats à M. le garde des sceaux, puisqu'il n'est pas présent dans cet hémicycle. La pratique divergente, quelquefois désordonnée, de certains parquets nous a en effet beaucoup préoccupés.

Merci, madame la ministre, d'avoir satisfait à notre souci en acceptant le rapport annuel d'évaluation. Merci aussi à vous, monsieur le rapporteur, de vous en être remis à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce point. En effet, ce rapport nous permettra de nous tenir informés sur tout ce qui concerne l'accompagnement, les capacités d'hébergement. C'était une revendication légitime des associations.

Pour conclure, je dirai qu'en votant ce texte nous souhaitons émettre un signal positif en direction de l'opinion ainsi qu'une mise en garde ferme aux agresseurs.

Lucides, nous gardons les yeux ouverts sur l'avenir et sur le travail qui nous attend !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Au terme de la discussion de ce texte, j'avoue que je suis un peu déçue. En effet, notre proposition de loi initiale ne se réduisait pas au seul volet pénal - qui résume à lui seul le texte qui nous est soumis ce soir - et comportait au contraire d'autres mesures très importantes concernant notamment la prévention et l'éducation.

Je regrette ainsi que la présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Gautier, n'ait pas voté notre amendement tendant à insérer des mesures d'éducation civique.

Notre proposition initiale comportait des mesures d'information, de formation. Si l'on veut vraiment éradiquer cette violence, il ne faut pas agir uniquement sur le plan pénal. C'est un travail de long terme, qui s'étalera sans doute sur des années.

Vous avez parlé, madame la ministre, de votre plan global. Les membres du groupe CRC seront vigilants s'agissant de la mise en oeuvre de ce plan !

Par ailleurs, pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quand l'Assemblée nationale sera amenée à discuter de ce texte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Quoi qu'il en soit, en attendant, nous voterons ce texte avec quelque tristesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

Nous venons d'examiner un texte qui porte sur un sujet majeur. Il a fait l'objet d'un travail tout à fait remarquable, pendant de longs mois, au sein de la délégation aux droits des femmes et de la commission des lois.

Je voudrais notamment insister sur la qualité des auditions que la délégation a organisées. Nous avons ainsi pu aborder cette question avec discernement, d'une façon tout à fait inhabituelle.

Je souhaite aussi souligner la qualité du rapport qui a suivi et qu'a excellemment défendu, avec passion mais aussi avec lucidité, notre collègue Jean-Guy Branger.

Nous étions saisis d'une question importante qui concerne le sort actuel et à venir de milliers de femmes, et nous nous réjouissons d'avoir eu l'occasion de faire évoluer notre droit afin de défendre davantage ces femmes, victimes de l'insupportable.

Je me réjouis, à cet égard, de la qualité du débat de ce soir, qui est à la hauteur de l'importance du sujet. Nous avons parfois eu quelques échanges un peu vifs, mais, après tout, ils témoignent de la sensibilité du thème abordé et des convictions qui nous animent les uns et les autres.

Toutefois, si nous nous réjouissons tous de l'adoption de la disposition relative à l'âge légal du mariage, j'exprimerai tout de même le profond regret que l'ensemble de nos amendements aient été rejetés. Ils avaient notamment pour objet la formation, l'enseignement à la non-violence et à la paix, l'incrimination du harcèlement moral ou l'organisation de la médiation.

Ce rejet est regrettable, car nombre de ces amendements étaient fondés sur des attentes légitimes et reprenaient - j'insiste sur ce point - des recommandations émanant de la délégation aux droits des femmes après l'audition de personnalités compétentes et de représentants d'associations, sur la base de travaux extrêmement sérieux. De plus, ces recommandations avaient été adoptées, il est important de le rappeler, à l'unanimité des membres présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

Parce qu'il est urgent d'agir pour faire évoluer les mentalités, pour faire avancer notre législation, mais aussi pour donner un signal fort aux Français sur l'importance de ce phénomène, le groupe UC-UDF votera ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos en rendant hommage à un homme, ce qui n'est pas si fréquent de ma part, car j'ai été très touchée de la façon dont Roland Courteau a relaté - non pas avec l'autorité du spécialiste ou du professionnel, mais avec beaucoup de modestie, de justesse, avec la sensibilité de l'honnête homme qui prend conscience d'un problème - son expérience d'élu amené à recevoir souvent, trop souvent, des femmes victimes. C'est d'ailleurs ainsi que la plupart d'entre nous avons pris conscience de la réalité, de la fréquence, de la gravité de ce problème. Je remercie donc Roland Courteau, ainsi que Nicole Borvo Cohen-Seat, d'avoir pris l'initiative de déposer une proposition de loi sur ce sujet.

Cela étant, nous avons essentiellement parlé ce soir des violences conjugales concernant les femmes, qui représentent effectivement l'énorme majorité des cas que nous examinons. Néanmoins, même s'ils sont encore minoritaires, des cas de violences conjugales faites à des hommes ont été récemment recensés, même si ces quelques cas ne suffisent pas à masquer aujourd'hui la réalité, à savoir les phénomènes de domination masculine et l'inégalité des rapports de pouvoir au sein du couple. Toutefois, si l'on se contentait de sourire de ce qui reste aujourd'hui un phénomène apparemment marginal, on ne démontrerait qu'une chose : notre sensibilité au stéréotype de genre. Il faut passer outre.

Au-delà même des dispositions concrètes qu'il comporte, le texte que nous examinons constitue d'abord un signal politique. Il s'agit d'indiquer d'une façon aussi incontestable que possible que la violence n'est pas plus acceptable au sein du couple et de la famille qu'elle ne l'est en société. Ce faisant, nous émettons un double signe : un signe à l'homme violent, un signe à la femme victime.

Notre vote constitue aussi une reconnaissance et un hommage aux chercheurs - et surtout aux chercheuses et praticiennes comme Emmanuelle Piet, Marie-Victoire Louis, Anne Zelenski, Margaret Maruani et bien d'autres -, qui nous ont aidé à approfondir notre réflexion et à avoir une appréhension juste de ce qui constitue aujourd'hui le triste vécu de trop de femmes.

Nous voulons aussi rendre hommage aux associations, que l'on n'hésite jamais à solliciter quand il faut trouver un lit en pleine nuit pour une femme et ses enfants. Ces structures tentent de compenser, par un surcroît de générosité et d'engagement, l'érosion des aides publiques. Mais ces associations se sentent trop souvent abandonnées et finissent par douter de l'utilité qu'il y a à remplir des dossiers de subvention.

Je voudrais insister ici sur le fait que ces associations ne s'occupent pas seulement de l'accompagnement des femmes victimes. Elles travaillent aussi à l'éducation des hommes violents, et plus généralement des pères, des frères, des amis, des maris, qu'il s'agit de convaincre que l'on peut être un homme autrement : quand on aime, on ne frappe pas ! C'est précisément le message de la campagne qui est actuellement menée en Seine-Saint-Denis.

Cette proposition de loi est utile, et je la voterai.

Je regrette toutefois que nous ne soyons pas allés plus loin pour « muscler » les dispositions de prévention des mariages forcés.

Je regrette aussi que nous n'ayons pas adopté une disposition générale permettant une éducation à la non-violence et à la prévention des comportements violents.

J'espère, madame la ministre, parce qu'il ne s'agit pas uniquement de se contenter de voter une loi, que nous ne ferons pas l'impasse sur l'aide psychologique et matérielle que l'Etat se doit d'accorder aux victimes de violences conjugales.

Nous revenons là sur la douloureuse et lancinante question des moyens d'accompagnement et je veux croire que l'unanimité de notre vote sur ce texte vous permettra de convaincre le Premier ministre de ne pas mesurer son soutien à tous ceux qui, sur le terrain, sont en première ligne.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le travail que nous avons accompli tous ensemble aujourd'hui est plus qu'intéressant et il aura une grande portée car, au-delà de tout texte que nous adoptons, il y a aussi - il ne faut pas l'oublier ! - les travaux préparatoires ; aujourd'hui, il s'agit en l'occurrence de deux rapports.

Vous ne devez pas être déçus, mes chers collègues, que telle ou telle disposition ne figure pas dans le texte qui va être voté ce soir. La loi ne peut pas contenir toutes les dispositions ! Comme l'a si bien dit le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, on ne peut pas y mettre ce qui ne relève pas du domaine de la loi, c'est-à-dire ce qui appartient plus aux déclarations d'intention qu'aux règles ayant une portée normative, ou encore des dispositions redondantes qui n'apporteraient rien de plus et qui compliqueraient plutôt le texte initial, le rendant illisible, ce qui n'est pas le cas du texte que nous allons adopter.

Oui, ce texte est lisible par tous, il n'est pas pollué par des amendements qui l'auraient transformé, voire détourné. Il comporte, au contraire, des dispositions qui peuvent être comprises par tous ; je pense notamment à l'âge du mariage, qui est maintenant le même pour les garçons et pour les filles, ainsi qu'aux violences, qui sont désormais des circonstances aggravantes lorsqu'elles ont lieu entre conjoints, pacsés ou concubins. Ces dispositions simples, claires, nettes, sont un véritable message apporté à tous.

S'ajoutent à cela les engagements qui ont été pris par Mme le ministre sur de très nombreux points et qui démontrent la volonté du Gouvernement de poursuivre dans cette voie en luttant non seulement contre les violences, mais aussi, à terme, contre les mariages forcés.

Par conséquent, nous pouvons vraiment nous féliciter du travail accompli ici ce soir et du travail de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Je tiens également à féliciter le rapporteur de la commission des lois, dont la tâche était très difficile. Il n'est en effet jamais simple de modifier le droit pénal. C'est un domaine si complexe que, comme pour un château de cartes, le fait de toucher à l'un des éléments risque d'avoir de graves conséquences sur l'ensemble de l'édifice que constitue le code. Là encore, le président Jean-Jacques Hyest avait attiré notre attention sur ce point.

Mes chers collègues, ne soyez pas déçus. Vous n'avez d'ailleurs aucune raison de l'être car, si nous avions adopté tous les amendements proposés, le texte aurait, je le crains, perdu de sa pertinence et de sa portée. Nous avons vraiment accompli du bon travail et c'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera unanimement le texte proposé.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des lois sur les propositions de loi n° 62 et 95.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre

Monsieur le président, je tiens à remercier la commission des lois et chaque parlementaire ici présent pour cette image d'unanimité qui est donnée aux femmes de France sur un sujet qui rassemble en effet beaucoup plus qu'il ne peut diviser.

Quel chemin parcouru entre le besoin, naguère, de dénoncer la violence et les propositions faites aujourd'hui pour accompagner effectivement les femmes vers le retour nécessaire à l'autonomie !

Au-delà des avancées législatives très significatives qui viennent d'être adoptées ce soir, nombre des propositions qui ont été exprimées m'ont permis de rappeler l'acquis législatif ou réglementaire ainsi que les engagements du Gouvernement, engagements qui, je vous le dis clairement, seront tenus.

Ce texte s'inscrit dans un contexte, dans une perspective, et il constitue une base nouvelle pour d'autres progrès.

Je souhaite maintenant avoir très rapidement l'opportunité de le soumettre à l'Assemblée nationale. Mais, au-delà de ce calendrier, ce qui me paraît important, c'est son caractère très emblématique, grâce à la confiance qu'il peut redonner aux femmes qui sont aujourd'hui dans la souffrance.

Monsieur le président, je tenais à exprimer mes remerciements et ceux du Gouvernement à la Haute Assemblée. Ensemble, nous allons accélérer l'Histoire !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 267, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu de MM. Francis Grignon, Hubert Haenel et Philippe Richert une proposition de loi relative à la journée de solidarité dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 268, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi relative à l'élection des conseillers généraux et remplaçant les cantons par des circonscriptions cantonales calquées sur les intercommunalités à fiscalité propre.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 269, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques communautaires sur la structure et l'activité des filiales étrangères.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2845 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Livre vert sur le droit applicable et la compétence en matière de divorce.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2846 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 30 mars 2005, à quinze heures et le soir :

Discussion en deuxième lecture, du projet de loi (183, 2004-2005), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux ;

Rapport (260, 2004-2005) fait par M. André Lardeux, au nom de la commission des affaires sociales.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux aéroports (259, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 30 mars 2005, à dix-sept heures.

Projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques (240, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 avril 2005, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 avril 2005, à seize heures.

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le référendum relatif au projet de loi autorisant la ratification du Traité établissant une constitution pour l'Europe (application du deuxième alinéa de l'article 11 de la Constitution) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 avril 2005, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 30 mars 2005, à une heure quinze.