... dont l'importance justifie une mobilisation immédiate de la représentation nationale.
La semaine dernière, l'Autorité des marchés financiers a transmis au Parquet un document accablant sur l'éventuelle réalisation d'un délit d'initiés massif concernant les actionnaires principaux et les dirigeants d'EADS en 2006.
Je précise tout de suite que l'objet de la présente résolution n'est pas de faire intervenir le Parlement sur la question de la réalisation ou non d'un délit d'initiés.
Nous savons tous, connaissant le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs législatifs et judiciaires, qu'il n'est pas de notre compétence de nous substituer à une enquête judiciaire. Notre objectif est ailleurs !
Au moment où nous parlons beaucoup, dans le cadre de la réforme des institutions, du renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement, comment pourrait-on refuser à la représentation nationale d'effectuer ce même contrôle, par l'intermédiaire d'un moyen bien simple, qui est prévu par notre droit parlementaire, c'est-à-dire la commission d'enquête ? N'est-il pas normal, dans un souci de vérité et de transparence, de contrôler la manière dont l'État s'est comporté, dans une période qui soulève beaucoup d'interrogations, en tant qu'actionnaire d'un groupe industriel européen de premier plan, EADS ?
D'ailleurs, la situation a paru suffisamment grave à la commission des finances pour qu'elle demande à auditionner, vendredi dernier, Thierry Breton, le ministre de l'économie de l'époque, et elle ira peut-être plus loin ; j'y reviendrai tout à l'heure.
Vous vous souvenez que nous avions déjà, pour ce qui nous concerne, déposé une demande de constitution d'une commission d'enquête parlementaire en décembre 2006, au moment où l'on apprenait les retards de livraison de l'A 380, les difficultés financières et industrielles d'Airbus, et l'annonce de la suppression de milliers d'emplois dans le cadre du plan Power 8. Le groupe communiste républicain et citoyen en avait fait autant.
Pour justifier son refus de constitution de cette commission d'enquête, la commission des affaires économiques du Sénat alors avait évoqué l'argument de l'exclusivité de la compétence judiciaire. Je redis qu'il n'est absolument pas question de cela aujourd'hui.
De nombreux points obscurs demeurent, par exemple celui de savoir si le Gouvernement a laissé la SOGEADE vendre les titres du groupe Lagardère, en sachant parfaitement quelles étaient les évolutions à prévoir pour le cours de l'action compte tenu de la situation de l'entreprise.
Thierry Breton a bien confirmé ici même, vendredi dernier, que les services du ministère avaient reçu une note de l'Agence des participations de l'État le 20 janvier 2006, qui était parfaitement explicite à ce sujet et qui aurait dû l'amener à s'interroger sur la suite des opérations.
Quand on fait le constat de l'acquisition des actions de la société Lagardère par la Caisse des dépôts et consignations, on ne peut s'empêcher de considérer que l'on a assisté là, pour reprendre la formule, « à la privatisation des profits et à la socialisation les pertes », et que l'on a joué ainsi avec l'intérêt général et l'intérêt de l'entreprise.
Mes chers collègues, ne pensez-vous pas qu'il est de notre responsabilité d'élus de poser certaines questions ?
Au mieux, comment l'État français a-t-il pu laisser faire, ignorer une opération d'une telle ampleur et, par là même, ne pas exercer son obligation de vigilance et de précaution ?
Au pire, oui ou non l'État a-t-il accompagné, de près ou de loin, le rachat d'une partie des actions du groupe Lagardère dans EADS le 18 mars 2006 par la Caisse des dépôts et consignations ?