Intervention de André Trillard

Réunion du 5 décembre 2008 à 9h45
Loi de finances pour 2009 — Action extérieure de l'état

Photo de André TrillardAndré Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je formulerai, tout d’abord, quelques observations sur l’ensemble de la mission « Action extérieure de l’État » avant d’en venir aux programmes 105 et 151 proprement dits.

Dans le projet de loi de finances pour 2009, le budget du ministère des affaires étrangères et européennes représente 1, 37 % des dépenses de l’État ; les crédits de paiement s’élèvent à 2, 52 milliards d’euros, soit une croissance « optique » de 7 %, mais effective de 2 %, à périmètre constant. En effet, 5 % de ces crédits sont affectés au programme 185 pour la prise en charge de frais de pension d’enseignants détachés à l’étranger, auparavant réglés par le ministère de l’éducation nationale. Ce budget ne représente donc qu’une faible part des dépenses de l’État.

De plus, les nécessaires arbitrages internes au ministère pour redéfinir ses actions sont limités par le poids croissant des contributions obligatoires aux organisations internationales, notamment de celles qui sont consacrées au financement des opérations de maintien de la paix de l’ONU. Vous savez que l’instabilité internationale croissante, qui a marqué la dernière décennie, s’est traduite par l’augmentation du nombre de ces opérations ; la contribution française à leur financement va ainsi passer de 170 millions d’euros en 2000 à 370 millions d’euros en 2009.

Il faut relever que ce financement a bénéficié, ces trois dernières années, d’un « rebasage », c’est-à-dire d’une évaluation financière plus réaliste en loi de finances initiale, en vertu du contrat de modernisation conclu entre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère des finances. Ainsi, 40 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 afin de poursuivre cet ajustement aux dépenses engagées, sans parvenir cependant à résorber l’« impasse » constatée à ce jour et évaluée à 115 millions d’euros. Cette somme est comparable à celle qui restait à financer, à la fin de l’année 2006, pour faire face aux coûts des opérations alors en cours.

Cette similitude entre la situation prévalant avant le « rebasage » et la situation actuelle conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à souligner la nécessité d’une meilleure cohérence entre nos engagements internationaux et leurs modalités de financement. Il s’agit d’un problème récurrent. S’il est compréhensible que la loi de finances initiale ne puisse évaluer avec précision le coût d’opérations en cours, il est surprenant que des décisions de cet ordre, prises au plus haut niveau de l’État, suscitent de telles difficultés de financement. Ces dernières pèsent lourdement sur les actions du programme 105, qui regroupe les actions de la France en Europe et dans le monde.

Si l’on évoque la mission « Action extérieure de l’État » en termes d’emploi, on constate qu’elle dispose d’un plafond de 13 077 équivalents temps plein travaillé, soit 149 postes de moins qu’en 2008.

La programmation triennale des finances publiques se traduira par une réduction de 700 emplois au total d’ici à la fin de l’année 2011. Après avoir touché, ces dernières années, des emplois sous contrat à durée déterminée et des postes de volontaires internationaux, la poursuite de la contraction des personnels du ministère portera, cette fois, sur les titulaires, c’est-à-dire sur « l’ossature » des services. Il conviendra donc que les redéploiements de personnels induits par la modularité des ambassades inspirée par le Livre blanc sur la diplomatie soient rapidement effectués.

Certes, cette nouvelle réduction de postes est atténuée au regard de la règle générale qui s’applique à l’ensemble des administrations et prescrit le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, mais elle conduit à un niveau au-dessous duquel il conviendra de ne pas descendre au-delà de 2011, à moins de modifier substantiellement les missions confiées au ministère des affaires étrangères et européennes.

Il ne s’agit pas de nier que des marges de progression en matière de gestion existent dans ce ministère, comme dans d’autres d’ailleurs. Les réflexions menées, depuis plusieurs années, sur le « calibrage » souhaitable du réseau extérieur ont, grâce à la commission du Livre blanc sur la diplomatie, pu être traduites en décisions opérationnelles.

La modularité apportée aux fonctions remplies par nos ambassades est la condition de la préservation de l’universalité de notre réseau diplomatique, qui, avec 160 ambassades et 21 délégations permanentes, est le deuxième au monde après celui des États-Unis.

Une trentaine de nos postes diplomatiques assureront, avec un personnel réduit à un ambassadeur entouré de quelques collaborateurs, une mission de présence et de veille. Une centaine se verra confier des missions prioritaires, avec un personnel plus étoffé, et une trentaine sur le territoire de nos principaux partenaires seront polyvalentes. Les personnels affectés à ces ambassades de plein exercice seront « lissés », c’est-à-dire restructurés et réduits, ce qui me semble tout à fait opportun, car certains postes semblent proches de la pléthore, alors que d’autres sont sous-dotés.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées estime très opportune cette initiative, qui évitera de créer des déserts diplomatiques, tout en prenant acte que la mission d’un ambassadeur en poste dans une île du Pacifique n’est pas tout à fait la même que celle d’un diplomate basé dans un pays de l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE.

Cette nouvelle organisation permettra également à de jeunes cadres d’avoir des responsabilités inédites lorsqu’ils dirigeront des postes de présence et de veille, ce qui dynamisera des carrières parfois un peu stagnantes du fait d’une pyramide des âges peu équilibrée.

J’aimerais que, sur ce point, monsieur le ministre, vous esquissiez un calendrier prévisionnel de mise en œuvre, cadre temporel utile tant pour l’adaptation des personnels à cette réforme que pour la nécessaire pédagogie envers nos partenaires, qui ne doivent pas ressentir la mise en place d’ambassades à format réduit comme une prise de distance à leur égard.

J’en viens maintenant au programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires », dont je souligne le nécessaire maintien, même s’il regroupe les crédits les plus limités de la mission « Action extérieure de l’État ». Il offre une visibilité unique sur les actions conduites en faveur de nos compatriotes expatriés et nos actions consulaires.

Le périmètre de ce programme évolue, avec la création d’un centre de crises et le transfert des crédits de fonctionnement et d’investissement correspondant à l’instruction des demandes de visas au ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, à compter du 1er janvier prochain.

Conformément aux engagements pris par le Président de la République, la prise en charge des frais de scolarité des élèves français fréquentant le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, sera étendue, à la rentrée 2009, aux classes de seconde, après avoir concerné les classes de terminale en 2007 et de première en 2008. Une enveloppe de 19 millions d’euros supplémentaires est prévue à cette fin. L’essentiel de la croissance du programme tient à cette augmentation.

Cet effort financier est tout à fait justifié ; il était attendu depuis de longues années par les Français de l’étranger. Cependant, son attribution actuelle sans que soient pris en considération le niveau de ces frais et celui des revenus des familles, doit être précisée, particulièrement dans le contexte très tendu pour les finances publiques qui prévaut actuellement.

Le besoin de financement qui en découle ne cesse de croître, ainsi que le nombre d'élèves français scolarisés. Ce fait pourrait être considéré comme positif s’il ne s'accompagnait, faute d'extension des capacités des établissements, d'une éviction des élèves étrangers, alors même que les familles de ces derniers payent des frais de scolarité en augmentation.

L’une des missions de l’AEFE, qui est de contribuer à former des élites francophones, s’en trouve affectée.

De plus, les entreprises françaises, qui prenaient traditionnellement en charge les frais de scolarité des enfants de leur personnel expatrié, se désengagent très rapidement, puisque l’État assume ces dépenses : l’argent public évince ainsi les financements privés.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc adopté, à l’unanimité, un amendement précisant les modalités de l’attribution de cette prise en charge.

Sous le bénéfice de ces remarques et de cet amendement, elle vous recommande d’adopter les crédits des programmes 105 et 151 pour 2009.

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