Séance en hémicycle du 5 décembre 2008 à 9h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • extérieure
  • l’étranger
  • scolarité

La séance

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La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du Quai d’Orsay fait chaque année l’objet de commentaires nourris sur le mode de la déploration : sont visées et dénoncées les baisses de crédits récurrentes.

Pourtant, dans ce contexte, nos diplomates continuent d’accomplir un travail remarquable. Permettez-moi de souligner tout particulièrement, en 2008, deux éléments majeurs.

Tout d’abord, si la réussite de la Présidence française de l’Union européenne est évidemment celle du Président de la République et du Gouvernement, elle est aussi le fruit d’une mobilisation exceptionnelle de nos diplomates tout au long de l’année et de leurs initiatives. Qu’ils en soient remerciés. Ensuite, je veux saluer la capacité des agents du Quai d’Orsay à faire face aux multiples crises qui secouent aujourd’hui le monde : je tiens à rendre hommage aux fonctionnaires du ministère qui viennent au secours de nos ressortissants étrangers, tout récemment en Inde et en Thaïlande, ou qui gèrent des prises d’otage, en Afghanistan ou au Tchad, avec un dévouement et une disponibilité qui forcent l’admiration.

Quels moyens le Gouvernement propose-t-il d’accorder à la diplomatie française ?

Nous disposons désormais d’un budget triennal, qui nous donne de la visibilité pour les exercices 2009, 2010 et 2011 et permet de discerner les ajustements à l’œuvre au Quai d’Orsay. La stabilité apparente des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », de l’ordre de 2, 5 milliards d’euros, masque des tensions difficilement soutenables à moyen terme.

Au sein du plafond de dépenses, il faut constater, d’abord, la part prise par le rebasage des contributions internationales, frappée par ailleurs d’importants aléas de change, ensuite le transfert du paiement des cotisations de pensions des personnels détachés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, enfin, la montée en puissance progressive de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français à l’étranger.

Or, au sein du budget du Quai d’Orsay, chaque euro compte et tout euro supplémentaire ici a sa contrepartie en moins ailleurs. J’ai donc pu identifier les variables d’ajustement retenues sur le budget triennal.

Ainsi, les moyens alloués à la coopération militaire et de défense sont en diminution constante, alors qu’elle pourrait prendre le relais de la présence militaire française, elle-même en baisse, en Afrique. Selon mes estimations, le budget consacré à l’action culturelle à l’étranger diminuerait de 25 % sur trois ans. En ce qui concerne les dépenses d’action sociale pour les Français établis hors de France, j’ai noté avec inquiétude la baisse de la subvention attribuée à la Caisse des Français de l’étranger, qui annonce, malheureusement, des difficultés à venir.

Je constate également que le transfert des cotisations de pension des personnels détachés à l’AEFE est insuffisamment compensé et pourra avoir des conséquences dramatiques sur le nombre de personnels expatriés, ce qui ne sera pas sans effet sur la qualité des établissements.

Quelles que soient les réformes en cours, le Quai d’Orsay est pris dans un étau budgétaire. Même les emplois économisés au titre de la révision générale des politiques publiques, que le ministère des affaires étrangères s’est efforcé de chiffrer – ce qui n’est pas si courant – dans une fourchette de 320 à 490 emplois sur trois ans, restent très en deçà des 700 emplois devant être supprimés sur la période triennale.

Toutes les initiatives permettant de desserrer l’étau budgétaire autour du Quai d’Orsay sont donc bienvenues.

Pour ma part, j’évoquerai trois pistes.

Premièrement, les contributions de la France aux institutions internationales doivent être révisées. Il est possible de défendre notre attachement au multiléralisme et de promouvoir la place de notre pays dans les enceintes internationales, tout en veillant à un calibrage plus précis des dotations que nous versons au titre du budget régulier de certaines organisations et tout en nous efforçant d’obtenir la meilleure gestion possible des cotisations versées. La masse salariale représente les deux tiers du budget des organisations internationales, avec des mécanismes d’indexation dont les fonctions publiques nationales ne bénéficient plus depuis de nombreuses années. Le Quai d’Orsay a enfin conscience que le financement des contributions internationales pouvait se faire au détriment de son budget et a engagé un effort de rationalisation que je tiens à saluer, monsieur le ministre.

S’agissant des contributions internationales, les exigences sont de plus en plus fortes. Ainsi, le souhait du secrétariat général de l’Organisation des Nations unies d’augmenter le budget de cette institution de 50 % en 2009 a conduit le ministère à ne pas considérer acceptable en l’état une telle demande et à engager une concertation avec les autres grands contributeurs.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je soutiens cette démarche, comme je me félicite que la France ait engagé avec plusieurs de ses partenaires, et sur son initiative, un travail visant à modérer les augmentations de rémunération constatées en 2008 à l’OTAN, au Conseil de l’Europe, à l’OCDE et à l’Union de l’Europe occidentale.

Ce travail patient pourra utilement s’appuyer sur les travaux que mène la Cour des comptes dans certaines organisations internationales en tant que commissaire aux comptes. Ainsi, le récent rapport de la Cour des comptes sur le bureau de la prospective de l’UNESCO met en évidence « de mauvaises habitudes de travail au sein de l’UNESCO, le fonctionnement aléatoire de la hiérarchie et l’inefficacité du contrôle interne ».

Dans le domaine des opérations de maintien de la paix, c’est évidemment la diplomatie qui prime. Je souhaite être sûr qu’en République démocratique du Congo, par exemple, la réponse à la situation actuelle passe par un renforcement de l’opération actuelle plutôt que par un redéploiement des moyens déjà engagés par l’ONU.

Deuxièmement, en ce qui concerne la prise en charge des frais de scolarité, je partage totalement l’esprit de la mesure décidée par le Président de la République. Les 18 millions d’euros qui ont été jusqu’à présent consacrés à cette mesure, principalement pour la classe de terminale, peuvent paraître limités, même s’ils s’accompagnent d’une augmentation sensible des bourses au-delà des enveloppes fixées en loi de finances initiale. Encore ont-ils dû être financés par des redéploiements en provenance d’autres postes de dépense.

À ce sujet, je pose deux questions, qui trouvent leur traduction dans un amendement de la commission des finances, identique à celui de la commission des affaires étrangères, et susceptible de faire consensus.

Première question : si la mesure venait à être étendue au-delà du lycée, cette dépense serait-elle soutenable à terme ? Il est de ma responsabilité de rapporteur spécial, comme il est de notre responsabilité de sénateurs, de nous interroger. En effet, selon les estimations du ministère des affaires étrangères lui-même, l’effort réalisé, non pas uniquement pour la prise en charge des frais de scolarité, mais pour l’ensemble de la scolarité à l’étranger, pourrait représenter, à maturité de la mesure, jusqu’à 40 % du budget du Quai d’Orsay. C’est considérable, insupportable même.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Comment cela sera-t-il financé ? Nous allons dans le mur, si vous m’autorisez cette expression ! Devrons-nous renoncer à notre diplomatie pour assumer cet effort important en faveur de nos compatriotes à l’étranger ? Il faut établir un moratoire au-delà de la classe de seconde et réfléchir sereinement aux modalités de financement d’une éventuelle extension.

Seconde question : l’égalité entre Français de l’hexagone et Français de l’étranger est-elle préservée ? J’y suis très attaché, comme l’est aussi le parent d’élève de mon département, qui nous regarde peut-être en cet instant. Dans le contexte actuel de crise, celui-ci peut légitimement se demander pourquoi le contribuable français doit régler l’intégralité des frais de scolarité des enfants français inscrits à l’institut Valmont de Lausanne – 11 000 euros par an –, sans condition aucune, dont le montant est bien supérieur à ce que l’éducation nationale paye pour ses propres enfants. Certes, il s’agit là de quelques cas très isolés, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

...comme le sont aussi les cas de familles très à l’aise qui profitent d’une mesure qui ne leur est pas destinée. C’est une raison de plus pour poser quelques limites raisonnables, afin de rendre la mesure du Président de la République d’autant plus incontestable qu’elle sera juste et propice à l’égalité de tous nos compatriotes face à l’éducation, que ceux-ci résident en France ou à l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Évitons les fractures au sein de la communauté française.

Lorsqu’il s’agit véritablement de lycées privés, qui sont simplement homologués et jouissent à ce titre d’une complète liberté tarifaire, il faut avoir une approche similaire à celle que nous avons en ce qui concerne l’enseignement privé en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Oui ! Il faut des limites aux frais de scolarité que peuvent pratiquer ces établissements et prévoir un reste à payer pour les familles, comme c’est le cas dans l’enseignement privé en France, même lorsqu’il est, et c’est le cas, subventionné et sous contrat.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je me permets de citer notre collègue Robert Del Picchia, qui s’est exprimé l’année dernière à la même époque en ces termes : « Il me paraît tout de même nécessaire de fixer un plafond.

« Pour en déterminer la hauteur, nous pouvons en débattre au sein du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, par exemple, et soumettre nos propositions tant à l’Élysée qu’au Quai d’Orsay. Je suis certain que nous parviendrons à un compromis. » Je fais miens ses propos et souhaite à mon tour que ce compromis soit trouvé.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Après le Livre blanc sur l’action extérieure de l’État et les états généraux de l’enseignement français à l’étranger, nous y sommes, mes chers collègues.

Troisièmement, malgré la RGPP, je souhaite que l’on cesse de toiser les ambassades et que s’arrête l’érosion budgétaire du ministère des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

C’est pour cela qu’il nous faut un Quai d’Orsay réformé. Les mesures annoncées par le ministère sont de bon sens. Je pense par exemple au principe de la modularité des ambassades, contrepartie évidente du maintien d’un réseau universel. C'est la raison pour laquelle je les soutiens pleinement.

Il est vrai que j’ai plus de réticences pour ce qui est de l’action culturelle à l’étranger. De mon point de vue, la réforme passe moins par la constitution de nouvelles structures que par une implication croissante du ministère de la culture, des méthodes de travail nouvelles et une redéfinition du métier de conseiller culturel, qui doit devenir un vrai métier. Cette idée est partagée par M. Bernard Faivre d’Arcier, personnalité respectée du monde de la culture, qui s’est récemment exprimé à ce sujet dans le magazine Connaissance des arts.

Je crois enfin que l’idée émise par le Quai d’Orsay d’une foncière portant la propriété des biens de l’État à l’étranger est bonne. Il faut aller jusqu’au bout de la démarche, en prenant des précautions s’agissant d’immeubles de souveraineté. On voit tout l’intérêt des cessions immobilières qui ont été réalisées à Paris et qui ont permis d’offrir aux agents du ministère, rue de la Convention, de nouveaux lieux de travail à la fois dignes et confortables.

M. le ministre approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La réussite de la RGPP dépendra de la méthode adoptée pour conduire le changement. Or on hésite, parfois, entre opacité et transparence, entre modèle directif et modèle participatif. C’est le processus global qui est en cause, pas spécifiquement le Quai d’Orsay, et je crois, pour ma part, qu’en amont des décisions prises, une plus grande association des agents, notamment des cadres supérieurs, aurait été utile. Mais, pour ce qui concerne la mise en œuvre des décisions, il nous faut des objectifs clairs et chiffrés, un calendrier détaillé et un modèle suffisamment directif. Ce sont les ambassadeurs, en serviteurs loyaux de la République, qui seront les chevilles ouvrières de la RGPP : ils doivent donc être mobilisés pleinement et soutenus.

Cette dernière mission relève, à mon sens, de la direction générale de la modernisation de l’État, à Bercy, direction qui doit être davantage aux côtés du ministère pour réussir la réforme.

Enfin, la réforme suppose des contreparties. J’ai déjà évoqué les conditions de travail des agents de la rue de la Convention. Je crois aussi que l’adaptation des indemnités de résidence à la difficulté des postes occupés et l’opportunité d’offrir une seconde carrière aux diplomates sont des chantiers auxquels vous êtes légitimement attaché, monsieur le ministre.

En conclusion, sous le bénéfice des amendements que je vous présenterai, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits prévus pour la mission « Action extérieure de l’État ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je formulerai, tout d’abord, quelques observations sur l’ensemble de la mission « Action extérieure de l’État » avant d’en venir aux programmes 105 et 151 proprement dits.

Dans le projet de loi de finances pour 2009, le budget du ministère des affaires étrangères et européennes représente 1, 37 % des dépenses de l’État ; les crédits de paiement s’élèvent à 2, 52 milliards d’euros, soit une croissance « optique » de 7 %, mais effective de 2 %, à périmètre constant. En effet, 5 % de ces crédits sont affectés au programme 185 pour la prise en charge de frais de pension d’enseignants détachés à l’étranger, auparavant réglés par le ministère de l’éducation nationale. Ce budget ne représente donc qu’une faible part des dépenses de l’État.

De plus, les nécessaires arbitrages internes au ministère pour redéfinir ses actions sont limités par le poids croissant des contributions obligatoires aux organisations internationales, notamment de celles qui sont consacrées au financement des opérations de maintien de la paix de l’ONU. Vous savez que l’instabilité internationale croissante, qui a marqué la dernière décennie, s’est traduite par l’augmentation du nombre de ces opérations ; la contribution française à leur financement va ainsi passer de 170 millions d’euros en 2000 à 370 millions d’euros en 2009.

Il faut relever que ce financement a bénéficié, ces trois dernières années, d’un « rebasage », c’est-à-dire d’une évaluation financière plus réaliste en loi de finances initiale, en vertu du contrat de modernisation conclu entre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère des finances. Ainsi, 40 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 afin de poursuivre cet ajustement aux dépenses engagées, sans parvenir cependant à résorber l’« impasse » constatée à ce jour et évaluée à 115 millions d’euros. Cette somme est comparable à celle qui restait à financer, à la fin de l’année 2006, pour faire face aux coûts des opérations alors en cours.

Cette similitude entre la situation prévalant avant le « rebasage » et la situation actuelle conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à souligner la nécessité d’une meilleure cohérence entre nos engagements internationaux et leurs modalités de financement. Il s’agit d’un problème récurrent. S’il est compréhensible que la loi de finances initiale ne puisse évaluer avec précision le coût d’opérations en cours, il est surprenant que des décisions de cet ordre, prises au plus haut niveau de l’État, suscitent de telles difficultés de financement. Ces dernières pèsent lourdement sur les actions du programme 105, qui regroupe les actions de la France en Europe et dans le monde.

Si l’on évoque la mission « Action extérieure de l’État » en termes d’emploi, on constate qu’elle dispose d’un plafond de 13 077 équivalents temps plein travaillé, soit 149 postes de moins qu’en 2008.

La programmation triennale des finances publiques se traduira par une réduction de 700 emplois au total d’ici à la fin de l’année 2011. Après avoir touché, ces dernières années, des emplois sous contrat à durée déterminée et des postes de volontaires internationaux, la poursuite de la contraction des personnels du ministère portera, cette fois, sur les titulaires, c’est-à-dire sur « l’ossature » des services. Il conviendra donc que les redéploiements de personnels induits par la modularité des ambassades inspirée par le Livre blanc sur la diplomatie soient rapidement effectués.

Certes, cette nouvelle réduction de postes est atténuée au regard de la règle générale qui s’applique à l’ensemble des administrations et prescrit le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, mais elle conduit à un niveau au-dessous duquel il conviendra de ne pas descendre au-delà de 2011, à moins de modifier substantiellement les missions confiées au ministère des affaires étrangères et européennes.

Il ne s’agit pas de nier que des marges de progression en matière de gestion existent dans ce ministère, comme dans d’autres d’ailleurs. Les réflexions menées, depuis plusieurs années, sur le « calibrage » souhaitable du réseau extérieur ont, grâce à la commission du Livre blanc sur la diplomatie, pu être traduites en décisions opérationnelles.

La modularité apportée aux fonctions remplies par nos ambassades est la condition de la préservation de l’universalité de notre réseau diplomatique, qui, avec 160 ambassades et 21 délégations permanentes, est le deuxième au monde après celui des États-Unis.

Une trentaine de nos postes diplomatiques assureront, avec un personnel réduit à un ambassadeur entouré de quelques collaborateurs, une mission de présence et de veille. Une centaine se verra confier des missions prioritaires, avec un personnel plus étoffé, et une trentaine sur le territoire de nos principaux partenaires seront polyvalentes. Les personnels affectés à ces ambassades de plein exercice seront « lissés », c’est-à-dire restructurés et réduits, ce qui me semble tout à fait opportun, car certains postes semblent proches de la pléthore, alors que d’autres sont sous-dotés.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées estime très opportune cette initiative, qui évitera de créer des déserts diplomatiques, tout en prenant acte que la mission d’un ambassadeur en poste dans une île du Pacifique n’est pas tout à fait la même que celle d’un diplomate basé dans un pays de l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE.

Cette nouvelle organisation permettra également à de jeunes cadres d’avoir des responsabilités inédites lorsqu’ils dirigeront des postes de présence et de veille, ce qui dynamisera des carrières parfois un peu stagnantes du fait d’une pyramide des âges peu équilibrée.

J’aimerais que, sur ce point, monsieur le ministre, vous esquissiez un calendrier prévisionnel de mise en œuvre, cadre temporel utile tant pour l’adaptation des personnels à cette réforme que pour la nécessaire pédagogie envers nos partenaires, qui ne doivent pas ressentir la mise en place d’ambassades à format réduit comme une prise de distance à leur égard.

J’en viens maintenant au programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires », dont je souligne le nécessaire maintien, même s’il regroupe les crédits les plus limités de la mission « Action extérieure de l’État ». Il offre une visibilité unique sur les actions conduites en faveur de nos compatriotes expatriés et nos actions consulaires.

Le périmètre de ce programme évolue, avec la création d’un centre de crises et le transfert des crédits de fonctionnement et d’investissement correspondant à l’instruction des demandes de visas au ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, à compter du 1er janvier prochain.

Conformément aux engagements pris par le Président de la République, la prise en charge des frais de scolarité des élèves français fréquentant le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, sera étendue, à la rentrée 2009, aux classes de seconde, après avoir concerné les classes de terminale en 2007 et de première en 2008. Une enveloppe de 19 millions d’euros supplémentaires est prévue à cette fin. L’essentiel de la croissance du programme tient à cette augmentation.

Cet effort financier est tout à fait justifié ; il était attendu depuis de longues années par les Français de l’étranger. Cependant, son attribution actuelle sans que soient pris en considération le niveau de ces frais et celui des revenus des familles, doit être précisée, particulièrement dans le contexte très tendu pour les finances publiques qui prévaut actuellement.

Le besoin de financement qui en découle ne cesse de croître, ainsi que le nombre d'élèves français scolarisés. Ce fait pourrait être considéré comme positif s’il ne s'accompagnait, faute d'extension des capacités des établissements, d'une éviction des élèves étrangers, alors même que les familles de ces derniers payent des frais de scolarité en augmentation.

L’une des missions de l’AEFE, qui est de contribuer à former des élites francophones, s’en trouve affectée.

De plus, les entreprises françaises, qui prenaient traditionnellement en charge les frais de scolarité des enfants de leur personnel expatrié, se désengagent très rapidement, puisque l’État assume ces dépenses : l’argent public évince ainsi les financements privés.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc adopté, à l’unanimité, un amendement précisant les modalités de l’attribution de cette prise en charge.

Sous le bénéfice de ces remarques et de cet amendement, elle vous recommande d’adopter les crédits des programmes 105 et 151 pour 2009.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme « Rayonnement culturel et scientifique » ne concerne que les crédits affectés à la diplomatie culturelle dans les pays considérés comme développés par l’OCDE. Mais c’est sur ce programme qu’est prélevée la subvention destinée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, quel que soit le pays où est situé l’établissement subventionné.

De ce fait, sur les 595 millions d’euros figurant dans ce programme, 82 % sont affectés à l’AEFE ; il ne reste donc plus que 92 millions d’euros pour la promotion de la langue et de la culture française dans quarante-sept pays, dont les vingt-sept États membres de l’Union européenne, les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Russie ou encore le Japon.

Selon le document de programmation triennale, de 92 millions d’euros en 2009, contre 105 millions d’euros en 2008, ces crédits passeront à 80 millions d’euros en 2010 et à 77 millions d’euros en 2011.

Cette diminution des crédits destinés à la diplomatie culturelle est également visible au sein du programme 209, consacré à la coopération en direction des pays en développement, dont les crédits diminueront de 9 % en 2009.

En outre, le Gouvernement a présenté deux amendements, adoptés par l’Assemblée nationale, qui visent à minorer les crédits du programme 185 de 2, 8 millions d’euros et du programme 209 de 6, 9 millions d’euros. Je souhaite savoir, monsieur le ministre, quelles actions seront concernées par ces nouvelles réductions.

En dépit de tous les discours sur la francophonie, sur « le caractère central » de l’action culturelle dans notre politique étrangère, selon votre propre expression, monsieur le ministre, on peut se demander, d’une façon purement rhétorique, si la diplomatie culturelle d’influence ne continue pas d’être la variable d’ajustement du ministre des affaires étrangères.

En 2009, les crédits destinés aux échanges scientifiques diminueront de 5 %.

Je sais, et je m’en félicite, monsieur le ministre, que vous avez personnellement insisté sur le maintien des bourses destinées aux étudiants étrangers, dont les crédits avaient baissé ces deux dernières années. Mais votre budget n’est pas exempt de paradoxes.

Ainsi, au moment où il est question de renforcer le champ d’action du réseau Campus France afin d’en faire l’opérateur central chargé de la mobilité internationale, la subvention de l’État qui lui est consentie baisse de 20 %.

Les subventions d’intervention destinées aux services culturels diminueront de 10% à 15 % en moyenne en 2009 ; celles qui sont consacrées aux centres culturels et aux alliances françaises seront réduites de moitié.

Les financements destinés à la promotion de la langue et de la culture française baisseront, quant à eux, de 14 % en 2009.

Ainsi, le programme « Français langue maternelle », le programme FLAM, qui bénéficie à plus de 4 000 enfants français, est transféré à l’AEFE, elle-même exsangue, mais sans le financement correspondant.

J’ai donc proposé à la commission des affaires étrangères un amendement en faveur du programme FLAM et de la promotion du français en Europe qu’elle a adopté et que je vous présenterai tout à l’heure, mes chers collègues.

Face à cette situation, comment va-t-on gérer la pénurie ?

En ce qui concerne l’action culturelle, domaine dans lequel on ne manque pas d’imagination sémantique, la gestion de la pénurie porte le nom de « réforme », c’est-à-dire que sur le terrain on réduit la voilure et que l’on change d’objectifs et d’organisation à Paris.

Toujours à Paris, on transfère les missions à des opérateurs, comme CulturesFrance, mais sans leur donner les moyens nécessaires à leur action, qui n’est ni évaluée ni orientée.

Sur le terrain, on fusionne les centres et les services culturels, en espérant accroître ainsi leurs capacités d’autofinancement, ou on les transforme en antennes légères, sans évaluation préalable, d’ailleurs, des expériences antérieures. Il s’agit de gestion moderne !

On évoque aussi la fermeture d’une trentaine de centres ou d’instituts culturels en Europe ou en Afrique.

Monsieur le ministre, qu’en est-il exactement ?

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » et je m’en remets donc à sa sagesse.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

Cette position n’allait pas de soi ! La commission revient de loin, monsieur le ministre, car elle souhaitait s’élever fortement contre la situation actuelle, que vous connaissez.

Je ne reprendrai pas les chiffres que notre collègue Adrien Gouteyron a excellemment présentés. Je me contenterai d’évoquer d’entrée de jeu, en concordance d'ailleurs avec les innombrables déclarations des autorités les plus respectées et les plus respectables, le problème politique que pose ce budget.

Dans le contexte mondial actuel, le rayonnement culturel de la France n’a jamais été aussi nécessaire. Le monde est en quête de sens ! Or, sans prétendre que notre pays a des révélations à faire aux autres nations, notre histoire et notre position nous permettent de jouer un rôle essentiel.

Monsieur le ministre, je ne cherche pas à vous convaincre, car vous connaissez déjà parfaitement cette réalité. Il faut y insister avec force, notre pays doit assumer pleinement sa mission dans le contexte mondial actuel !

La France a apporté une contribution décisive à l’adoption de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Mais exploite-t-elle, comme il conviendrait, dans l’organisation de ses services et dans les moyens qu’elle leur consacre, l’extraordinaire avancée que représente la reconnaissance de la diversité culturelle comme un droit, face aux forces qui s’en seraient bien passées ? Il s'agit là d’une question politique essentielle.

Or, malgré ce constat, s'agissant des moyens de notre action extérieure, « on touche à l’os », pour reprendre l’expression utilisée par notre collègue Adrien Gouteyron.

Monsieur le ministre, la commission tient à vous alerter sur cette situation, qui devient extrêmement grave, car elle suscite la démobilisation des personnels, qui ne savent pas où ils vont et s’interrogent donc sur leur propre avenir.

Notre réseau à l’étranger, qui reste un atout considérable, est en train de perdre de sa dynamique et de sa force. Il faut absolument arrêter cette dégradation !

La commission souhaite d'ailleurs travailler avec vous en cours d’année, monsieur le ministre, pour que, ensemble, nous tâchions d’améliorer ce budget. Il est évident que nous n’allons pas le modifier tout de suite, mais nous estimons qu’il reste des marges de manœuvre, afin de mobiliser de nouveau le réseau de la France à l’étranger et de lui rendre des moyens.

La question des crédits de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, est posée. Nous avons rencontré les personnels de cette agence, qui se trouve en grande difficulté en raison du transfert de charges qu’on lui impose.

Alors que d’autres institutions ont bénéficié d’une compensation à l’euro près, il n’en va pas de même de l’AEFE : il manque au budget de cette agence quelque six millions d’euros, qui deviendront d'ailleurs vingt ou trente millions d'euros demain, tant la charge augmentera de façon spectaculaire !

Je ne reviendrai pas sur le problème posé par les frais de scolarité des enfants français à l’étranger. J’indiquerai simplement que la commission soutiendra expressément les amendements déposés sur ce sujet par MM. Adrien Gouteyron et André Trillard.

Enfin, la commission est favorable – à titre personnel, je le suis également – à la création d’une grande agence destinée à regrouper les moyens de l’action culturelle de la France à l’étranger, qui disposerait d’un statut d’établissement public et pourrait gérer son personnel.

La future organisation de cette agence reste pour le moment assez floue. Certains évoquent les risques d’externalisation ou de dépossession, mais je ne crois pas que ceux-ci soient fondés : l’établissement public restera dans la main du ministre, qui nommera son directeur ou sa directrice. Ne jouons pas à nous faire peur !

Honnêtement, je crois qu’il est nécessaire d’aller au bout de cette démarche. D'ailleurs, tous les acteurs y sont prêts, leurs vives réticences initiales ayant été surmontées. Il faut agir, vite, avant que la situation ne se dégrade encore plus !

Sous réserve de ces observations, qui visent à vous alerter, monsieur le ministre, et à susciter un sursaut, la commission, je le répète, a approuvé les crédits de cette mission.

Applaudissements sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle qu’en application des décisions de la Conférence des Présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » est l’occasion de nous interroger sur la capacité de notre pays à exister en dehors de ses frontières, c’est-à-dire pour les autres, mais aussi pour lui-même, tant il est vrai qu’on ne peut séparer les affaires étrangères de la politique intérieure.

Étrangères, ces affaires le sont si peu qu’elles se répercutent souvent très vite sur les équilibres de la société française et sur nos choix politiques : crises au Moyen-Orient, crise financière, montée irréversible de la Chine, élections américaines qui rebattent les cartes en maints domaines, la multipolarité du monde est d’ores et déjà un fait.

Encore peut-on se demander si elle n’est pas elle-même dépassée par un mouvement brownien de nations qui, à côté de pays continents, aspirent à s’affirmer, hier le Vietnam, aujourd’hui l’Iran, le Venezuela, la Bolivie, la Serbie, demain sans doute la Corée.

Bref, le monde reste fait de nations et la France, puissance ancienne mais encore respectable, membre permanent du Conseil de sécurité, disposant d’une capacité nucléaire dissuasive, tête de la francophonie, qui rassemble, à travers une langue partagée, de très nombreux peuples sur tous les continents, peut encore être influente.

Monsieur le ministre, j’évoquerai tout d’abord votre budget, puis votre politique.

Si votre budget est modeste, votre mission est importante. Si vous ne disposez que de 15 866 emplois, chacun sait que le personnel du Quai d’Orsay est de très grande qualité. Son professionnalisme, sa motivation, son dévouement au service de notre pays en font un corps d’élite et, pour tout dire, une des grandes institutions de la France.

Vous avez hérité, monsieur le ministre, du deuxième réseau diplomatique du monde. C’est un grand atout pour notre pays. Mais que lisons-nous dans ce projet de budget ? À structures constantes, il baisse de 1, 53 %, selon les chiffres mêmes que vous avez fournis.

On vous « colle sur le dos » les pensions des enseignants à l’étranger, soit 120 millions d'euros, au risque d’étouffer l’AEFE.

La prise en charge passablement démagogique des frais de scolarité des enfants français – 20 millions d'euros de plus cette année, mais 94 millions d'euros à terme – ne peut manquer d’entraîner un effet d’éviction sur les enfants des élites du pays d’accueil ou de pays tiers. C’est un précieux moyen de rayonnement que nous gaspillons ainsi.

La croissance optique des crédits de votre ministère provient du « rebasage » toujours trop tardif – 41, 2 millions d'euros cette année – destiné à financer les opérations de maintien de la paix, les OMP, de l’ONU, comme l’opération Darfour, dont le coût pour la France est estimé à plus de 90 millions d'euros.

Croyez-vous vraiment que des problèmes humanitaires puissent être traités à travers le prisme militaire ? N’existe-t-il pas une approche politique, moins coûteuse, plus efficace et en définitive plus humaine ?

Les contributions de la France hors OMP aux institutions internationales, soit 405 millions d'euros en 2008, représentent plus que le coût de nos ambassades, qui s’élève à 160 millions d'euros, ou que celui de nos consulats, qui atteint 97 millions d'euros.

J’ajouterai un mot, monsieur le ministre, sur la francophonie. Son centre de gravité se trouve de plus en plus en Afrique. N’ayons donc pas peur d’affirmer la nécessité de notre présence, y compris militaire, sur ce continent, pour aider à la construction de jeunes États. Sans sécurité, il n’y a ni développement ni démocratie possibles.

J’observerai également que l’avenir de la francophonie passe par le multilinguisme. Il faut augmenter les moyens accordés au corps des interprètes et traducteurs, non seulement à l’ONU, mais dans toutes les organisations dont nous sommes membres.

Je suggère une surcharge très légère sur les transactions internationales pour préserver la diversité culturelle et linguistique du monde. Voilà une cause qui vaut la peine d’être défendue !

Une contradiction frappe ainsi le budget de votre ministère. La France réduit ses moyens d’action propres et augmente sa participation aux organisations multilatérales. Tout se passe comme si nous avions peur d’agir par nous-mêmes, comme si nous devions dissimuler notre action dans des interventions multilatérales où la France n’apparaît guère.

C’est dans ces conditions que votre ministère se voit appliquer, au nom de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, un plan de rigueur d’une exceptionnelle sévérité.

Vous devez ainsi supprimer 700 emplois en équivalent temps plein, soit 4 % de vos effectifs. Plus d’un départ à la retraite sur deux n’est pas compensé, alors que certains ministères sont beaucoup moins lourdement affectés. Ce sont des économies de bout de chandelle !

Pour reprendre l’expression d’un précédent intervenant, « on touche à l’os ». Plus de la moitié des suppressions de postes concerneront des personnels titulaires, et nous n’améliorerons pas l’image de la France en créant trois catégories d’ambassades. Certains pays se sentiront méprisés par cette différenciation, ce qui sera fortement préjudiciable à notre rayonnement.

Outre les restrictions infligées à l’AEFE, j’observe que les crédits consacrés à l’action culturelle baissent de 13 %, alors qu’on voit l’Allemagne créer des Goethe Instituts, le Royaume-Uni des British Councils, l’Espagne des Instituts Cervantès. Tout se passe comme si la coopération culturelle servait de variable d’ajustement.

D'ailleurs, soyons moins restrictifs à l’accueil des étudiants étrangers, dont l’effectif baisse pour la première fois en 2008.

Comment ne pas comparer la modestie de nos moyens propres au poids des opérations extérieures – 850 millions d’euros dans le budget de la défense, ce qui n’est pas rien, d’autant que les frais réels seraient encore supérieurs – ou au coût du tribunal pénal international pour la Yougoslavie, soit plus de 300 millions d’euros pour plus de 1000 emplois ! Je laisse ces chiffres à votre réflexion, monsieur le ministre, et à celle du Sénat.

Je pourrais également comparer ces crédits à la contribution de la France au budget de l’Union européenne, qui atteindra 17, 4 milliards d’euros. En solde net, nous paierons 4 milliards d’euros, ce qui fera de nous le deuxième contributeur net de l’Union européenne, juste derrière l’Allemagne. Où est la cohérence de notre action extérieure ? Voilà une question qui mériterait d’être posée !

Monsieur le ministre, j’en viens à votre politique.

Le XXIe siècle comporte pour la France un grave risque d’effacement, soit que nous nous laissions absorber dans un Empire, soit que notre nation se fracture entre différents communautarismes. Ces deux dangers peuvent d’ailleurs aller de pair.

L’OTAN serait la colonne vertébrale des futurs États-Unis d’Occident, sur lesquels M. Balladur théorise dans un livre récent intitulé Pour une Union occidentale. Je ne crois pas que ce soit là ni l’intérêt ni la vocation de la France : la planète est plurielle, au Sud comme au Nord, et la France a encore un beau rôle à jouer dans un monde de nations.

À quoi sert l’OTAN, monsieur le ministre, quand l’URSS a disparu et dans un monde dont les équilibres se déplacent à grande vitesse vers l’Asie ? Dans deux décennies, le PIB de la Chine aura vraisemblablement rejoint celui des États-Unis.

S’agit-il de nous mettre à la remorque de l’OTAN devenu bras armé de l’Occident, avec les conséquences que l’on observe au Kosovo ou en Afghanistan ?

L’Institut John Hopkins réfléchit, nous dit-on, à un « nouveau concept stratégique de l’OTAN ». Nous aimerions être associés à cette réflexion. Pouvez-vous nous en dire plus ?

S’agit-il de contenir la Russie ? Il est regrettable que le Président de la République ait approuvé le déploiement par l’OTAN de systèmes antimissiles en République tchèque et en Pologne.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

On ne l’a pas demandé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Le principe de l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie a été acté, même si sa concrétisation a été renvoyée à un avenir indéfini.

C’est préoccupant, car nous n’avons pas envie de nous laisser entraîner dans les conflits du Caucase ou dans une nouvelle affaire de Crimée dont Sébastopol serait l’enjeu.

Je passe sur le comportement irresponsable de certains leaders politiques qui peuvent mettre en danger la sécurité collective, comme on l’a vu en Géorgie.

On nous dit qu’il existe des critères pour l’admission dans l’OTAN. Je crains qu’en réalité nous n’ayons mis le doigt dans un engrenage.

Le Président de la République nous a expliqué que la réintégration de la France dans l’organisation militaire de l’OTAN était subordonnée dans son esprit à des progrès décisifs en matière de défense européenne. J’avoue ne pas voir ces avancées : on nous parle d’action maritime commune contre la piraterie sous l’autorité d’un amiral britannique ! Monsieur le ministre, ne nous payons pas de mots.

La seule réalisation concrète significative serait la constitution permanente d’un état-major de forces, auquel s’oppose toujours la Grande-Bretagne.

Le retour dans l’organisation militaire intégrée n’aurait pour la France que des inconvénients. Il porterait un coup à l’originalité de notre posture de défense et de politique extérieure aux yeux des peuples du Sud et des puissances émergentes.

Il renforcerait encore la propension de certains de nos officiers généraux à s’évaluer à l’aune du regard américain plutôt qu’à l’aune de l’intérêt national.

En tout cas, le Parlement a un impérieux besoin de débattre de cette question, notamment du « nouveau concept stratégique de l’OTAN », avant toute décision, et avant même le conseil de l’OTAN prévu en avril prochain à Strasbourg. Il ne serait pas admissible que celui-ci soit l’occasion d’une piteuse mise en scène du retour au bercail du fils prodigue.

Certes, il y a quelques aspects positifs dans votre politique. Le succès du lancement de « l’Union pour la Méditerranée » en est un. §(M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, acquiesce.) Mais il est obéré par le fait qu’on n’a pas vu se constituer en 2008 un état palestinien viable, contrairement à ce qu’annonçaient des propos imprudents.

Il y a eu surtout le succès de la présidence française de l’Union européenne, d’abord dans la médiation russo-géorgienne, qui préserve la possibilité d’un partenariat indispensable entre la Russie et l’Union européenne et, ensuite, face à la crise financière quand, grâce à une certaine réactivité, le Président Sarkozy a su mettre en congé – mais pour combien de temps ? – les règles européennes qui eussent pu faire obstacle à une stratégie de consolidation bancaire et, je l’espère aussi, de relance économique coordonnée à l’échelle européenne et mondiale.

Leçon de choses pour ouvrir les yeux de ceux qui ne veulent pas voir, on a assisté au retour de la puissance publique, mais aussi des États-nations Le Président Sarkozy a eu la sagesse de le comprendre et d’agir en pratiquant la géométrie variable en matière européenne. C’est par cercles concentriques successifs – G4, Eurogroupe à quinze auquel s’est jointe la Grande-Bretagne, puis Union européenne à vingt-sept – qu’a été dessiné un cadre de cohérence, dans lequel se sont emboîtés des plans qui restent nationaux.

J’observe que le président de la Commission européenne, M. Barroso, ressassant de vieilles patenôtres, voudrait faire valoir à nouveau les règles de concurrence opportunément suspendues, alors qu’il faudrait faire valoir l’idée de politiques industrielles coordonnées.

Opportune également a été la décision de réunir le G20 à Washington, même si l’application tarde et se heurte en Europe aux réticences de Mme Merkel, dont on ne sait si c’est le dogme libéral ou une vision à courte vue des intérêts de l’Allemagne qui les inspirent. Je crois que le rôle de locomotive de la relance correspond à l’intérêt européen et, par conséquent, à l’intérêt national bien compris de l’Allemagne.

La France ne doit pas avoir peur de son ombre, monsieur le ministre. Les retrouvailles avec M. Bush étaient peut-être un peu trop ostensibles, puisque nous allons devoir finalement travailler avec M. Obama, dont M. Védrine a rappelé qu’il n’était pas un Européen de gauche porté à la présidence des États-Unis. L’un de ses premiers discours, à Chicago, évoquait « un nouveau leadership américain ». La vérité est que M. Obama devra réviser à la baisse les objectifs de la politique extérieure de son pays. Il aura aussi besoin de la coopération internationale pour relancer l’économie et instaurer aux États-Unis une société moins inégalitaire.

M. Obama a souhaité nouer un rapport diplomatique avec Téhéran. Il faut résister à la tentation de frapper et donner du temps au temps. L’Iran est la puissance dominante de la région depuis l’écrasement de l’Irak. Les États-Unis peuvent faire comprendre aux dirigeants iraniens que leur intérêt n’est pas dans la prolifération nucléaire dans une région instable du monde. Il serait intelligent de la part de la France de se placer dans la perspective de ce rapprochement irano-américain probable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

J’ajouterai un mot concernant le Kosovo. Quel intérêt y a-t-il à prolonger notre présence militaire dans un micro-état non viable ? Il ne sert à rien de faire miroiter à une demi-douzaine d’Etats de l’ancienne Fédération yougoslave la perspective d’une adhésion à l’Union européenne, sans leur avoir demandé de procéder à une intégration régionale préalable.

Un mot encore sur l’Afghanistan : c’est une guerre sans issue. La solution n’est pas à Kaboul, elle est à Islamabad, où la jeune démocratie pakistanaise doit s’affranchir de la tutelle de son armée.

Enfin, une question sur la Chine monsieur le ministre : comment expliquez-vous la vivacité regrettable de la réaction chinoise aux propos du Président de la République ? Est-il bien heureux, monsieur le ministre, qu’après avoir échoué à trouver une solution politique viable au conflit israélo-palestinien, ou aux conflits balkaniques, nous allions nous immiscer dans les conflits immémoriaux de l’Hindou-Kouch, du Caucase, des vallées himalayennes ?

Il y a pour la France une manière raisonnable et honnête d’exister, loin de l’hubris de postures que nous ne pouvons soutenir dans la durée, mais tout simplement en nous tenant à la légalité internationale telle que la définit le Conseil de Sécurité, dont nous sommes membre permanent.

Un dernier mot pour dire qu’il suffirait de modifier une simple disposition à la charte de l’ONU, celle qui permet la réélection des membres élus pour deux ans, pour créer des membres semi permanents, ou quasi permanents, et asseoir encore mieux la légitimité déjà grande du Conseil de Sécurité. Ce serait une bonne idée pour la France.

Voilà, monsieur le ministre ! Au XVIe siècle déjà, Montaigne écrivait qu’il se sentait homme en général et Français par accident. J’aimerais que vous ne vous placiez pas dans cette lignée, mais que vous vous rappeliez que l’on peut défendre les intérêts de la France sans trahir ceux de l’humanité.

Applaudissements sur diverses travées

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient au nom du groupe socialiste de me livrer à l’examen critique de la politique internationale de notre pays.

Qu’il me soit permis de rappeler à quel point le budget que nous avons examiné contraint et oriente la politique internationale effectivement menée. Année du Livre blanc et de la révision générale des politiques publiques, 2008 a été de notre point de vue l’occasion manquée d’un vrai choix, celui qu’a fait avec succès voilà quelques années la Grande Bretagne : donner la priorité budgétaire aux capacités d’intervention, d’analyse et d’influence dans des pays clés et mettre fin à la chimère du réseau diplomatique universel. Au lieu de faire de vrais choix, on a fait des demi-choix, des tiers de choix, qu’on n’a pas fini de payer.

Le résultat est que votre ministère perd de sa capacité à agir d’une façon ordonnée et sur le long terme, parce qu’il sacrifie ses hommes, leur intelligence, leur énergie et leur dévouement, au profit des apparences de la puissance et des coups médiatiques.

En réalité, on brade l’action culturelle, on asphyxie l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et l’on triche sur les chiffres de l’aide publique au développement. L’écart s’accroît entre les discours de la France sur la scène internationale et sa capacité à agir conformément aux engagements pris. Face à la mondialisation, la France a besoin d’une diplomatie solide, mise en œuvre par un ministère des affaires étrangères fort de toutes ses richesses humaines, celles de ses diplomates dont on peut louer le professionnalisme, et fort de moyens financiers dignes d’un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Or, après dix ans d’hémorragie, en hommes et en moyens, vos capacités d’action seront encore plus faibles en 2009 qu’en 2008. Il est vrai que, du fait de la centralisation du pouvoir entre les mains de l’hyper président, le Quai d’Orsay pilote de moins en moins la politique étrangère.

De ce fait, plus que les ruptures annoncées par le candidat pendant sa campagne, nous assistons à des renoncements. Le premier est celui de notre politique en Afrique. Je cite ce que proclamait M. Sarkozy le 7 février 2007 : « L’Amérique et la Chine ont déjà commencé la conquête de l’Afrique. Jusqu’à quand l’Europe attendra-t-elle pour construire l’Afrique de demain ?»

La politique africaine de la France est un bon révélateur de la valse-hésitation et des volte-face du Président de la République depuis son élection. Il avait parlé de « rupture » avec les pratiques d’autrefois, avec les réseaux, les amitiés douteuses, en bref avec la Françafrique. L’Afrique allait voir ce qu’elle allait voir !

Mais on a vite vu qu’il n’en était rien. Dès le soir de son élection, parmi les amis du Président de la République invités au Fouquet’s, on trouvait de puissants financiers bien implantés en Afrique, et qui ne sont pas forcément connus pour leur souci du développement. On a vu ensuite une politique dite « d’identité nationale » et plus certainement d’anti-immigration, notamment envers les populations venant d’Afrique.

Ainsi, après avoir lancé aux Africains « un appel fraternel pour leur dire que nous voulons les aider à vaincre la maladie, la famine et la pauvreté », le Gouvernement est revenu bien vite à une politique « d’immigration maîtrisée », réduisant sa politique de soutien au développement. Et, de plus en plus, la politique française en Afrique relève désormais du ministre de l’identité nationale.

Je ne parlerai pas de Jean-Marie Bockel et de ses propos imprudents, qui lui ont valu d’être renvoyé à la demande des autocrates africains.

J’en viens maintenant au second renoncement grave du Président de la République que nous dénonçons et qui concerne notre rôle dans l’OTAN. Le candidat à la présidence avait affirmé : « L’OTAN n’a pas vocation à devenir une organisation concurrente de l’ONU. L’Europe a des intérêts de sécurité qui lui sont propres. Le renforcement de la défense européenne doit donc rester une priorité. ». Là aussi la rupture avec la promesse est pratiquement consommée. Si nos informations sont justes, la France s’apprête à revenir rapidement dans le commandement intégré de l’OTAN.

Qu’y gagnera la France ? Qu’adviendra-il de la politique européenne de sécurité et de défense, que nous sommes pratiquement les seuls à défendre dans l’Union européenne ? Plus grave encore, la France s’est-elle assurée que les perspectives, les contours et les modalités de fonctionnement de l’OTAN seront redéfinis conformément aux intérêts de la France et de l’Union européenne ?

J’en viens à l’Afghanistan, où nous sommes engagés avec force dans le cadre de l’OTAN. Deux opérations coexistent : Enduring freedom et International security assistance force, ISAF Cette coexistence entraîne des incohérences dont nos soldats sont les premiers à pâtir. Je souhaiterais savoir si notre pays œuvre concrètement pour aboutir à un commandement commun, ou au moins à une véritable coordination des actions.

Nous devrions aussi peser fortement sur le commandement américain pour que cessent les bombardements dont sont victimes en majorité les civils. Il n’y a rien de tel pour renforcer une guérilla, comme le montrent les expériences du Vietnam et de l’Algérie. Enfin, je regrette que le montant de notre aide bilatérale en Afghanistan n’ait été que de deux millions d’euros en 2007, quand celle de la Grande-Bretagne s’élevait à 171 millions d’euros. Nous avons le même PIB et l’engagement militaire britannique est aussi important que le nôtre. La disproportion de l’engagement civil est donc frappante.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

C’est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Depuis 2001, l’aide internationale à l’Afghanistan a été trop faible et mal distribuée. Nous avons de ce fait perdu la confiance de la population. Le combat qui n’a pas été gagné par la solidarité le sera-t-il avec plus de soldats ? Personnellement, j’en doute.

J’en viens maintenant à notre politique face au conflit entre l’état d’Israël et le peuple palestinien. Le Président Sarkozy avait fait un très beau discours à la Knesset. Après le discours, nous attendions les actes. Mais nous avons eu l’approfondissement du partenariat Union Européenne – Israël, qui a failli être voté hier au Parlement européen, sous présidence française.

Monsieur le ministre, il ne me semble pas acceptable de conférer à Israël un statut de quasi-membre de l’Union, au moment où il construit plus de colonies que jamais, c’est-à-dire qu’il conquiert la Cisjordanie par l’installation de populations civiles, ce qui est formellement proscrit par le droit international ; au moment où les entraves à la circulation se multiplient pour les Palestiniens et dépassent les 600 obstacles à la circulation sur 5000 km², c'est-à-dire moins que les deux tiers d’un département français.

Le blocus de Gaza depuis dix-huit mois provoque la faim, la maladie et la mort parmi 1 700 000 civils sans défense, alors que les hôpitaux n’ont plus de matériel et qu’on ne peut plus les entretenir, comme, avec notre collègue Mme Dupont, nous avons pu le voir en juillet dernier.

Monsieur le ministre, vous qui êtes médecin, allez à l’hôpital de Chifa !

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

J’y ai travaillé pendant cinq ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Allez voir ces services qu’on ferme parce que les bébés qui viennent d’y naître meurent, parce que les murs sans ciment, sans peinture sont de vrais nids à bactéries, parce qu’il n’est plus possible de faire de travaux d’entretien !

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Allons, allons, allons !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Allez opérer un malade sans avoir pu faire une radio parce que l’appareil est dangereux pour le malade comme pour les opérateurs.

Monsieur le ministre, cet upgrading d’Israël dans le système de l’Union européenne est un encouragement à la violation de la légalité internationale par un Etat créé par l’ONU et qui en est membre. C’est inacceptable.

La pression des parlementaires européens – résolution adoptée par 194 voix contre 173 – a, pour l’instant, permis de reporter cette récompense donnée aux innombrables défis par lesquels Israël répond aux injonctions de la légalité internationale.

L’État d’Israël aurait d’ailleurs bien tort de se priver d’agir ainsi puisqu’il n’a à craindre de la France et de l’Union européenne aucune sanction : il n’en reçoit que des récompenses !

Le Quai d’Orsay ne sait que « déplorer » : déplorer l’explosion de la colonisation en Cisjordanie, qui est en contradiction avec les engagements pris à Annapolis ; déplorer les destructions de maisons à Jérusalem ; déplorer les entraves mises par Israël à la réalisation des projets devant être financés avec les dons promis lors de la conférence de Paris.

Ainsi, le ciment étant bloqué à Eretz, comment construire la station d’épuration des eaux de Gaza, sans laquelle une catastrophe écologique et humaine se produira à Beit Lahiya ? C’est un projet qui vous tient pourtant à cœur, monsieur le ministre.

Enfin, nous aimerions que vous fassiez plus que « déplorer » quand les diplomates français et européens subissent, en violation de la convention de Vienne, vexations et entraves à leurs déplacements. Je vous rappelle l’ouverture à coups de godillots du coffre de la voiture de notre consul à Jérusalem, à l’entrée de Bethléem, il y a un an, sa rétention à Eretz en juin et, récemment, l’interdiction qui lui a été faite d’entrer à Gaza.

Pour résoudre le conflit israélo-palestinien, les solutions sont connues de tous et depuis longtemps. Il faut les mettre en œuvre et, pour cela, exercer les pressions nécessaires. Il faut libérer les Palestiniens de l’oppression insupportable qu’ils subissent et assurer d’un même mouvement la pérennité de l’État d’Israël.

Seules la justice et la paix protégeront l’État d’Israël à long terme : pas le mur, pas l’occupation, pas la colonisation.

Monsieur le ministre, en ce soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, je constate que la France a participé, à côté des États-Unis, à une régression généralisée de ces droits de l’homme : accords sur des mesures de contrôle des voyageurs qui portent atteinte aux libertés individuelles et publiques ; silence sur les injustes incarcérations, sévices et jugements militaires de Guantanamo, amitié et collaboration sécuritaire avec les pires autocrates et même compliments sur leurs prétendues actions en faveur des droits de l’homme, car je n’ai pas oublié ce qui a été dit sur l’élargissement des libertés en Tunisie voilà quelques mois ; soutien à la politique coloniale d’Israël, qui a fait près de 700 morts depuis Annapolis.

On ne peut pas occuper la scène internationale sans définir une ligne de politique étrangère volontariste et cohérente, conforme à nos valeurs fondamentales, ce qui suppose aussi qu’on s’en donne les moyens.

Ce n’est malheureusement pas ce que nous pouvons constater en ce qui concerne la France et c’est pourquoi nous ne voterons pas les crédits qui nous sont proposés.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le rayonnement de la France n’a pas de prix – nous en sommes tous ici convaincus –, il a un coût.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, nous a incités à plusieurs reprises à nous exprimer sans tabous lors de ce débat budgétaire. C’est donc dans cet esprit que j’aborderai tout d’abord la question des cadres du Quai d’Orsay.

Le ministère des affaires étrangères et européennes est, à coup sûr, le plus « grenello-compatible », tant il est vrai que le recyclage y tient une place importante.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Notre action extérieure ne devrait pas être une agence de recyclage pour des amis en mal d’exotisme, pour des parlementaires ayant perdu leur circonscription ou pour d’anciens ministres, par ailleurs notoirement non anglophones, propulsés au plus haut d’organisations internationales.

Je tiens à citer de brefs extraits du rapport n° 268, fait par M. Adrien Gouteyron au nom de la commission des finances et intitulé « Les cadres du quai d’Orsay : une réforme à engager d’urgence ». Il y relève « un dysfonctionnement dans la gestion des ressources humaines du Quai d’Orsay qui le conduisait à ne pas tirer profit des compétences et des talents de ses agents, d’où pour ceux-ci le risque d’une profonde démobilisation, et d’un malaise particulièrement dommageable dans l’encadrement supérieur ; un dysfonctionnement budgétaire, lié à l’existence de postes occupés par des diplomates expérimentés, et notamment par d’anciens ambassadeurs, ne correspondant pas au niveau de responsabilité que l’on pouvait attendre d’eux, d’où une masse salariale plus coûteuse que nécessaire et des sureffectifs qu’il conviendrait de résorber. »

Nous sommes bien ici, monsieur le ministre, dans le débat budgétaire !

Près d’un diplomate expérimenté sur cinq n’occupe pas un poste correspondant à son grade ou à son expérience.

Parmi les ambassadeurs, se trouvent de surcroît des ambassadeurs dits « thématiques ». Les premiers ont été créés en 1998 par le président Chirac, et cette pratique se poursuit sous l’actuelle présidence. La plupart de ces ambassadeurs thématiques ne proviennent pas du Quai d’Orsay : leur nomination est politique. Cependant, dès lors qu’elle entre dans le plafond d’emploi du ministère des affaires étrangères et européennes, elle accroît la pression sur les effectifs de l’encadrement supérieur, car toute nomination suppose la création d’un équivalent temps plein correspondant. Elle a de plus un effet budgétaire, en termes de « frais de représentation » et de personnel de soutien : secrétaires, chargés de mission, notamment.

Sur ce point, je l’avoue, j’ai un peu l’impression de me répéter d’année en année. Toutefois, depuis l’an dernier, est arrivée une bonne nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

En effet, depuis le dernier exercice budgétaire, nous avons remis la main sur l’ambassadeur chargé de la prévention des conflits, qui a fait montre d’une discrétion remarquable tout au long de sa mission : il est désormais président de l’Agence française de développement.

Nous avons aussi, du moins à ma connaissance, perdu l’ambassadeur de la parité – serait-ce que la parité ne mérite plus de représentant ou que le recyclage a fonctionné, par les voies magiques, et cette fois dans le bons sens pour votre budget, du suffrage universel ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Franchement, monsieur le ministre – je le dis sans en faire une question de personnes –, est-ce une pratique convenable, surtout en cette période de crise ?

Par ailleurs, pourquoi envoyer des ambassadeurs non arabisants dans les pays arabes et ceux qui parlent arabe en terre anglophone ? Pourquoi de très brillants ambassadeurs qui parlent des langues rares sont-ils confinés dans des ministères comme conseillers diplomatiques alors que le terrain les appelle ?

Quels sont les critères de sélection pour nos postes d’expansion économique et, surtout, pour des postes d’attaché culturel ?

Je rejoins ce qui a été dit précédemment : nous savons à quel point les relations culturelles et universitaires sont essentielles au soutien des relations économiques.

On ne dira jamais assez les effets majeurs de l’implantation de la Sorbonne et du Louvre à Abu Dhabi ou de Saint-Cyr au Qatar sur le rayonnement de la France. Je tiens à saluer au passage le remarquable travail de M. Dominique Baudis à la tête de l’Institut du Monde arabe, institut atypique qu’il faut soutenir sans réserve.

J’en profite pour dire un mot de la formation en matière de langues étrangères. J’avais déjà alerté, l’an dernier, votre collègue en charge de l'éducation nationale : 0, 2 % de nos élèves apprennent l’arabe, 0, 5 % étudient le russe.

Comment préparer une génération d’acteurs compétitifs dans ces conditions et pourquoi ne pas utiliser l’excellent Centre de formation interarmées au renseignement, le CFIAR, situé à Strasbourg, comme centre de formation linguistique interministériel ? C’est une proposition que d’autres avant moi ont faite.

Le rayonnement de la France, c’est aussi la politique des visas. Nous en avons longuement et stérilement débattu ici durant l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie.

Vous souhaitez, monsieur le ministre – et l’on vous comprend –, une politique attractive pour les étudiants, comme en témoigne la page 97 du « bleu budgétaire ».

Je vous renvoie également à l’excellent rapport d’Adrien Gouteyron sur le casse-tête des visas.

Vous savez bien entendu que, à la suite de dispositions européennes, nous sommes non seulement les premiers, mais aussi les plus sévères à appliquer cette politique des visas avec empreintes digitales.

Imaginez que tel cheikh des Émirats ou tel membre de la famille royale du Qatar se rendre dans notre consulat à la décoration improbable pour déposer ses empreintes, puis attendre une dizaine de jours pour obtenir un visa !

La présidence française, à l’agenda certes très chargé, n’a rien résolu. Nos amis anglais ont trouvé une solution : c’est leur ambassadeur qui se déplace muni d’une valise et recueille lui-même les empreintes digitales.

M. Brice Hortefeux, à qui j’avais demandé qu’une mesure similaire soit appliquée, m’a répondu, le 20 juin dernier, par la négative.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner quelques raisons d’espérer, s’agissant de ce problème des visas, notamment pour les étudiants ?

Pourriez-vous également faire le point sur la liste de ces ambassadeurs thématiques ou, à défaut, nous transmettre un rapport retraçant sinon leur activité – il ne faut tout de même pas être naïf ! –, du moins leur localisation géographique et leur incidence sur votre budget ?

Il n’est pas douteux que ces ambassadeurs pudiquement qualifiés « thématiques » vivent au-dessus de nos moyens.

Je vais évoquer maintenant l’action de la France à l’étranger – sujet plus classique, épreuve imposée – et notre rôle dans le golfe Persique.

Vous voulez faire des Émirats arabes unis un poste pilote. Bravo ! L’ambassadeur y est brillant, l’équipe est au travail. Les Émirats arabes unis constituent un allié de poids dans la débâcle économique que nous connaissons.

Je souhaite attirer votre attention sur l’Alliance française à Abu Dhabi, qui est totalement incapable de faire face à ses missions en raison d’une demande accrue de formations linguistiques. Il faudrait créer à Abu Dhabi un centre moderne qui unifierait nos outils de francophonie, et y associer les émiriens. Vous ne pouvez pas les solliciter uniquement pour qu’ils donnent des subventions : il faut absolument les associer, car ils sont des partenaires actifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Considérer le Qatar comme un joker diplomatique est une stratégie brillante, dans le dialogue euro-méditerranéen comme dans les autres dossiers. En effet, le Qatar occupe une place stratégique de premier plan. Ses richesses en gaz et en pétrole proviennent d’une nappe qu’il partage avec l’Iran. Ses moyens sont cependant bien supérieurs, et il prélève beaucoup plus que l’Iran, mais leurs intérêts sont liés, ce qui explique le déplacement de Son Altesse l’Émir de l’État du Qatar en Iran et l’invitation du président iranien à la réunion du Conseil de coopération des pays du golfe Persique.

En effet, en cas de conflit ou de dégradation de la situation, le Qatar, ses tours et son développement exemplaire seront aux premières loges. Chacun a donc intérêt à la paix des braves.

J’ajoute que, hormis le royaume de Bahreïn, le Qatar est le seul pays de la région à entretenir des relations avec l’État d’Israël, ce qui peut aider pour les rapprochements dans cet « Orient compliqué ».

Le Yémen, pays le plus pauvre de la région, est prioritaire pour notre action culturelle. Je m’en réjouis.

J’ai passé quelques jours à Sanaa pour y constater l’excellent travail du centre culturel et la francophilie de nos amis yéménites, qui doivent recevoir encore plus de projets de coopération, car ce pays est un maillon faible dans la chaîne du terrorisme et, maintenant, dans celle de la piraterie.

Il faudrait aussi aider les autorités yéménites à résoudre le problème des réfugiés qui, par milliers, quittent la corne de l’Afrique et traversent la mer au péril de leur vie. Le Yémen est débordé par ces réfugiés, qui vivent dans des camps au sud du pays et nourrissent le terrorisme.

Le Koweït nous pose d’autres problèmes. Il est indiqué dans un rapport que ce pays pourrait être doté d’un poste mixte avec un autre pays européen.

Le Koweït est détenteur des quatrièmes réserves pétrolières du monde. Pour entretenir de bons rapports avec lui, je vous encourage chaudement, monsieur le ministre, à nommer un ambassadeur arabisant.

La dernière visite officielle d’un ministre au Koweït fut celle, de quelques heures, de Philippe Douste-Blazy, le 10 mars 2007, un an après celle de Mme Christine Lagarde, alors ministre du commerce extérieur. C’est peu, très peu ! Mais peut-être le site de l’ambassade n’est-il pas à jour, ce qui serait une preuve supplémentaire de ses dysfonctionnements ?

Bien que la situation institutionnelle y soit toujours un peu instable, du fait d’un Parlement un peu turbulent, ce qui est un bon signe pour la démocratie, il faudrait y planifier une visite, monsieur le ministre.

J’en viens à l’Iraq.

Nous n’avons pas appliqué, alors que tous les autres pays européens l’ont fait, la résolution 1483 du 23 mai 2003 du Conseil de sécurité, qui précise, en son article 23, que les États membres de l’Organisation des Nations unies « sont tenus de geler sans retard ces fonds ou autres avoirs financiers ou ressources économiques et () de les faire immédiatement transférer au Fonds de développement pour l’Iraq ».

Il faut absolument que ces avoirs soient dégelés avant le 31 décembre prochain. L’ambassadeur d’Iraq en a fait plusieurs fois la demande : il n’a reçu aucune réponse. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

Nous travaillons tous au rayonnement de la France.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Nous voterons évidemment en faveur des crédits qui nous sont proposés.

Je souhaite que, cette année, on vous laisse le temps de nous répondre, ce qui n’avait pas été le cas l’année dernière puisque vous aviez, à mon grand regret, été contraint d’écourter votre intervention.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, du RDSE et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2009 de la mission « Action extérieure de l’État » ne permettra guère à notre pays de se distinguer de manière positive sur la scène internationale.

Son examen nous donne aujourd'hui l’occasion, au-delà des débats purement financiers, de faire un bilan, certes non exhaustif compte tenu du temps dont nous disposons, de la politique étrangère de la France.

À l’heure où le monde est bousculé par des conflits de toutes sortes, aux enjeux majeurs, et secoué par une terrible crise du capitalisme financier, aux lourdes conséquences économiques et sociales, à l’heure où la France est aux commandes de l’Union européenne, la question de l’orientation de la politique étrangère de notre pays est plus que jamais posée.

Cette orientation relève toujours, me semble-t-il, du seul ressort du Président de la République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

…lequel cherche sans cesse davantage à attirer les projecteurs sur lui plutôt que de porter, sur le plan international, une parole de la France qui pourrait être entendue.

Les relations du Président avec les autres dirigeants du monde sont empreintes d’un volontarisme excessif. Des crispations se font sentir çà et là : récemment, la Chancelière allemande n’a pas caché qu’elle était excédée par l’attitude du président Sarkozy. Je l’ai déjà fait remarquer, notre pays gagnerait certainement à rompre avec ce qui, à bien des égards, est perçu à l’extérieur comme de l’arrogance bardée de certitudes, une attitude dont nous n’avons guère les moyens.

Malgré les déclarations intempestives du chef de l’État, le bilan est jugé plutôt terne et l’image de la France dans le monde semble altérée pour les années à venir.

M. le ministre soupire.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

En Afghanistan – c’est le dossier le plus urgent –, sept ans après l’intervention de la coalition internationale, les talibans sont aux portes de Kaboul. À l’évidence, notre présence militaire, engagée dans des opérations guerrières, n’est pas le bon choix. La logique actuelle du Gouvernement français conduit à un renforcement de nos troupes, qui ont pourtant essuyé de lourdes pertes en août dernier et pas moins d’un incident par jour sur les quatre derniers mois. Cela n’a pas de sens !

Je réitère donc notre demande de voir respectés les engagements pris par la France en 2001, à savoir la participation à une mission de maintien de la paix, l’instauration de nouveaux droits pour les femmes et la mise en place d’un contrôle de la drogue.

Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas laisser la France s’enliser dans une guerre qui, de plus en plus, nous entraîne dans ce qu’il faut bien appeler un véritable bourbier.

Comment justifier cette tendance de notre pays à augmenter sa présence en Afghanistan, alors que des retraits sont programmés dans des pays à l’avenir incertain ? Je pense à la Bosnie-Herzégovine, en proie à une évolution intérieure gravissime, où le démantèlement de l’EUFOR est pourtant prévu pour 2009. Je pense aussi à la République démocratique du Congo, pays à propos duquel j’aimerais que vous nous précisiez les intentions du Gouvernement.

M. le ministre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Cette décision de renforcer nos effectifs en Afghanistan participe du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. C’est un véritable retour en arrière, qui préoccupe nombre de nos collègues, opposition et majorité confondue, et qui soulève de nombreuses questions. La France risque en effet, d'une part, de voir son rôle et sa place sur la scène internationale affaiblis, et, d'autre part, de ne plus avoir de marge de manœuvre autre que celle, extrêmement réduite, que lui laissera, disons-le, un alignement docile derrière les États-Unis.

Je ne pense pas, pour ma part, que l’élection récente de Barack Obama, qui constitue un incontestable symbole, soit de nature à changer le cours des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Les intérêts américains resteront prioritaires : il n’y a aucun doute, aucune illusion à se faire en la matière.

Ce budget pour 2009 s’appuie sur les recommandations du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, rendu public, l’été dernier, par Alain Juppé. À cet égard, je formulerai un certain nombre d’observations.

Premièrement, la répartition annoncée des ambassades en fonction de l’importance du pays ou de la région constitue un moyen subtil de cacher la baisse des effectifs, sur laquelle je reviendrai. Ambassadeurs ou membres de l’exécutif de certains pays concernés, ils sont quelques-uns à m’avoir fait part – mais sans doute aussi à d’autres – de leurs profondes inquiétudes et de leurs craintes de voir l’image de leur pays altérée par une classification de circonstance qui, à leurs yeux, est purement politique.

Deuxièmement, la réduction du réseau consulaire en Europe se fera au profit des pays émergents, comme la Chine, l’Inde ou le Kurdistan d’Irak. D’autres parlementaires l’ont souligné, la présidence française de l’Union européenne a boudé l’Amérique latine à différents niveaux et à différents moments, notamment en refusant de se rendre au sommet Europe-Amérique latine. La crédibilité des discours officiels sur les pays émergents se trouve alors, bien sûr, fortement entamée.

Troisièmement, concernant l’immigration, le « nouveau regard » sur l’Afrique est naturellement souhaitable, voire obligatoire. Pour cela, il faut redéfinir notre politique africaine, déjà lourdement handicapée par la politique d’immigration et les reconduites à la frontière en hausse constante, ainsi que par une politique d’aide publique au développement – nous l’avons constaté voilà deux jours, en examinant les crédits budgétaires correspondants – qui s’écarte sensiblement et de façon très inquiétante des objectifs fixés.

N’oublions pas non plus les déclarations excessives du Président de la République en Afrique du Sud et à l’occasion de la conférence des ambassadeurs, qui n’ont en rien apaisé la tempête légitime qu’a soulevée chez nos amis africains le discours de Dakar du mois de juillet 2007, lequel a été et est toujours considéré, en Afrique et dans le monde, comme l’un des plus régressifs qui soient.

Quatrièmement, enfin, il reste encore du chemin à parcourir pour concilier les intérêts, notamment économiques et culturels, et le respect des droits de l’homme, au regard de la réception en grande pompe du président Kadhafi, des déclarations en Tunisie ou de l’inconstance pour le moins marquée de nos relations avec la Chine.

Mon collègue Michel Billout reviendra tout à l’heure sur d’autres aspects de notre politique extérieure et insistera, en particulier, sur la situation au Proche-Orient.

J’en viens à présent au budget proprement dit.

La révision générale des politiques publiques, imposée bien avant l’heure au ministère des affaires étrangères, contribue, pour cette année encore, à réduire de 190 agents les effectifs. Ce que vous nommez fièrement une « rationalisation de l’outil » ressemble à s’y méprendre à un plan social. La direction générale de l’administration et vous-même, monsieur le ministre, démentez la formule, bien évidemment, ce qui est tout à votre honneur, mais tout en confirmant les suppressions !

Les perspectives pour 2009-2011 ne sont guère plus réjouissantes. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est exactement, sans masquer la réalité par des restructurations dissimulées ?

Je souhaite également attirer votre attention sur la prise en charge à 100 % des frais de scolarité à l’étranger. Cette mesure est totalement injuste, car elle ne tient pas compte des ressources des familles et avantage assurément les plus hauts revenus.

Dans le même temps, le budget pour 2009 confirme un recul de l’action culturelle et de l’utilisation de la langue française dans le monde, auxquelles j’attache beaucoup d’importance, sous couvert, encore une fois, de rationalisation Nous ne pouvons que le déplorer, et je rejoins nombre des observations formulées à ce propos par notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga.

Monsieur le ministre, les actions internationales de la France, affichées tous azimuts, sont à l’image présidentielle, souvent incohérentes et malheureusement peu efficaces. Le budget pour 2009 de la mission « Action extérieure de l’État » est, certes, en légère progression, mais, les programmes n’étant pas dotés dans le sens que nous souhaitons, mes collègues du groupe CRC-SPG et moi-même voterons contre !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

Monsieur le ministre, comme chaque année, je vais vous entretenir non pas de l’action extérieure de la France, sujet qui m’intéresse toutefois au plus haut point, mais des crédits qui y sont affectés et qui sont évidemment indispensables pour que, sous votre conduite, cette action soit menée.

À cet égard, depuis votre entrée en fonction, je me demande si votre ministère n’a pas qu’une seule priorité, à savoir la scolarisation des enfants des Français établis hors de France. Il s’agit d’un sujet extrêmement important, pour lequel le Président de la République a fait un choix simple : assurer la gratuité de l’enseignement français à l’étranger dans les établissements conventionnés de notre important réseau pour les élèves de terminale et de première, et, prochainement, pour ceux de seconde.

Je suis de ceux qui pensent qu’un tel choix est à la fois porteur et bénéfique pour les Français de l’étranger, lesquels peuvent ainsi faire scolariser leurs enfants pratiquement dans les mêmes conditions que nos compatriotes de métropole.

Je constate néanmoins avec regret que, sur ce point, les choix du Président de la République sont contestés dans sa propre majorité. En effet, conformément à ce que souhaite la gauche, certaines associations de parents d’élèves, des parlementaires, des membres de votre ministère et vous-même, me semble-t-il, pensent qu’il aurait été plus judicieux d’augmenter les bourses données aux familles dont les revenus sont les plus modestes plutôt que d’assurer la gratuité.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je n’ai pas dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

Les représentants des Français de l’étranger sont partagés. Toutefois, nous nous rappelons que la promesse de François Mitterrand en 1981…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

…d’assurer la gratuité totale de l’enseignement pour tous les Français de l’étranger s’est soldée, à la fin de son mandat, par le doublement des frais de scolarité pour ces familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

Madame, je ne vous ai pas interrompue, alors, je vous en prie, laissez-moi m’exprimer !

Selon moi, l’engagement pris, au cours de sa campagne, par le Président de la République est porteur, même s’il est sélectif ; il a le mérite d’engager résolument une action. Soyons encore plus clairs : le Président n’a pas décidé d’augmenter les bourses scolaires. Ne détournons donc pas sa décision. Je soutiendrai donc l’amendement de mon collègue Robert del Picchia, qui a le mérite de vouloir dresser un bilan avant toute décision.

Mais un autre problème, monsieur le ministre, me guide dans mon intervention : celui de la couverture sociale des Français de l’étranger.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

C’est légitime !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

Certains d’entre eux ne sont-ils pas dans une situation précaire, voire difficile, qui nécessite une aide de notre pays leur assurant un minimum de couverture sociale ?

J’ai essayé dans le passé de vous intéresser à ce sujet, mais, je dois l’avouer, je suis quelque peu consterné du résultat du fonds d’action sociale de votre ministère, dont l’objectif est d’agir en faveur des Français âgés, nécessiteux, handicapés, de soutenir les organismes d’assistance, les sociétés de bienfaisance et les centres médicaux, en ce qui concerne, notamment, les rapatriements.

Monsieur le ministre, vous qui, au cours des années passées, avez mené une action résolue et appréciée dans le domaine humanitaire, je vous interroge : l’action sociale de votre ministère est-elle une priorité ? Si c’est le cas, comment se fait-il que les crédits du fonds d’action sociale stagnent de façon dramatique depuis votre arrivée ? Permettez-moi simplement de citer les montants attribués ces dernières années : 16, 810 millions d'euros en 2006, 16, 340 millions d'euros en 2007, 16, 343 millions d'euros en 2008, soit une diminution en euros constants.

Je siège à la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l’étranger depuis sa création. Or la réunion annuelle dont l’objet est de répartir les crédits entre les comités consulaires se résume à une gestion de la pénurie, gestion bien faite, d’ailleurs, par les fonctionnaires de votre ministère.

Sur le pôle social de votre ministère, l’adoption internationale, dotée de 160 000 euros, n’a bien entendu qu’une fonction indicative. L’aide de 16 millions d’euros mise en place pour continuer à prendre en charge les Français âgés ou handicapés inscrits au registre des Français établis hors de France est insuffisante, compte tenu de la progression du nombre d’allocataires, passé de 5 162 en 2006 à 5 214 en 2007, puis à 5 358, en 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

Dans la mesure où l’enveloppe n’augmente pas dans les proportions attendues, on aboutit bien à une gestion de pénurie, qui rend l’accès à cette allocation de plus en plus difficile pour nos compatriotes expatriés.

Pour ce qui est des sociétés de bienfaisance, qui, dans l’esprit de vos prédécesseurs, au début des années quatre-vingt, devaient pratiquement disparaître, nous constatons leur rôle de plus en plus indispensable devant la défaillance de votre ministère, qui doit être comblée par les associations caritatives, vilipendées à une époque, mais que nous avons toujours défendues et que nous considérons comme incontournables.

S’agissant de la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, que j’ai l’honneur de présider, la loi de modernisation sociale votée en 2002, sur l’initiative du gouvernement de M. Jospin, a mis en place une troisième catégorie aidée afin de permettre à un certain nombre de nos compatriotes dont les moyens sont limités d’accéder à cette caisse.

Dans les premières années, on a demandé à la CFE de puiser dans ses réserves pour faire face à la mise en place de cette mesure, dont le relais a été assuré, après deux ans d’existence, par une ligne budgétaire créée spécifiquement au sein de votre ministère. Les choses ont bien fonctionné grâce aux directeurs successifs de la direction des Français à l’étranger, mais force est de constater que, pour 2009, la ligne budgétaire ne prévoit que 500 000 euros, ce qui est tout à fait inférieur à la dépense réelle de cette ligne.

Certes, cette troisième catégorie aidée issue de la loi de 2002 pourra faire face à l’année 2009, compte tenu des avances budgétaires mises en place, et j’en remercie le directeur des Français à l’étranger, mais je ne peux qu’être extrêmement inquiet s’agissant de l’année 2010, puisque ces 500 000 euros ne représentent que moins d’un quart de la dépense réelle. La loi de modernisation sociale de 2002 serait-elle donc remise en cause ?

Je n’ose vous rappeler, monsieur le ministre, que le conseil d’administration de la CFE avait demandé à l’unanimité, en 2007, que cette aide soit portée à 50 % de la cotisation. Le nouveau conseil d’administration de la CFE, qui se réunira au début du mois de janvier 2009, aura à se pencher sur ce sujet.

Le poste « Emploi et formation » est doté de 800 000 euros, destinés à soutenir l’emploi et la formation professionnelle des Français de l’étrange. C’est une très bonne idée, mais ces crédits sont bien entendu totalement insuffisants sur ce sujet d’actualité.

Je ne m’étendrai pas sur les rapatriements, dotés de 500 000 euros et sur les subventions aux centres médicaux sociaux, qui s’élèvent à 280 000 euros. La faiblesse de ces chiffres est tout à fait significative.

Monsieur le ministre, je voudrais vous dire à nouveau mon étonnement que ne soit pas mieux prise en compte au sein de votre ministère, quelles que soient les difficultés budgétaires actuelles, la couverture sociale de nos compatriotes Français de l’étranger.

Nous en sommes bien conscients désormais : nous traversons une crise économique majeure, exceptionnelle, et les Français de l’étranger ne seront pas épargnés.

Des mesures vont êtres prises en France pour aider nos compatriotes en difficulté, en situation d’exclusion. Vous êtes le ministre des affaires étrangères, mais aussi le ministre qui veille sur nos compatriotes expatriés. Il vous appartient donc de vous assurer que ces derniers ne sont pas exclus de la solidarité nationale.

Vous avez fait de grandes choses dans le domaine humanitaire. C’est bien ! N’oubliez pas d’aider les Français âgés, nécessiteux, handicapés, exclus, qui sont de plus en plus nombreux dans le monde.

Avant de conclure cette intervention, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, combien le président du groupe d’amitié France-Afrique centrale, président délégué de France-Gabon et sénateur des Français de l’étranger que je suis est choqué, ulcéré même, par la relance, pour la énième fois, d’attaques contre les présidents Sassou Nguesso, du Congo, Omar Bongo Ondimba, du Gabon, Obiang Nguema Mbasogo, de Guinée équatoriale, au sujet de leurs propriétés en France. Ces affaires ont fait l’objet d’instructions de la justice française, classées sans suite. Or je constate, une fois encore, que l’on vient les relancer et que des associations qui ne représentent qu’elles-mêmes, relayées complaisamment par certains médias – France Info, Radio France Internationale, Europe 1 –, tentent à nouveau de créer des polémiques.

Est-il utile de vous rappeler que nombreux sont nos compatriotes qui résident au Congo, au Gabon et en Guinée équatoriale, et que la France a des intérêts importants dans ces pays ?

Je constate que les pays anglo-saxons savent mieux que nous gérer leurs intérêts à l’extérieur. Mettre en cause, comme on le fait, des amis de la France comme le président Omar Bongo Ondimba est choquant et irresponsable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, d’une logique de présence à une logique d’influence, la diplomatie française trouve aujourd’hui un nouveau souffle, en redéfinissant ses priorités selon les enjeux de la mondialisation et en donnant un rôle majeur de coordination interministérielle à l’ambassadeur.

Ce budget triennal de la mission « Action extérieure de l’État », prévoyant 2, 50 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2, 52 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2009, marque une nouvelle impulsion de la politique étrangère et une modernisation en profondeur du Quai d’Orsay. Ces réformes voulues par le Président de la République sont le résultat des conclusions du Livre blanc sur la politique étrangère et de la révision générale des politiques publiques.

Ces réformes vont dans le sens que j’appelle de mes vœux depuis des années, et je m’en réjouis. En effet, il était plus que temps de rationaliser la répartition géographique des ambassades et consulats, de l’orienter vers les pays émergents au fort potentiel économique et de donner un rôle central et décisif à l’ambassadeur, qui devient le chef effectif des services extérieurs de l’État dans son pays de résidence.

Le deuxième réseau diplomatique mondial, comptant 160 ambassades, 97 consulats et consulats généraux, et 21 représentations multilatérales, coûte 94, 8 millions d’euros, selon le projet annuel de performance 2009. Si l’universalité du réseau qui caractérise la diplomatie française est préservée, celui-ci sera désormais modulé en fonction de nos intérêts et aura un caractère évolutif. L’adaptation du format des ambassades en trois types, en fonction des priorités géographiques de la politique étrangère française, est une mesure efficace et rationnelle.

L’ouverture de consulats dans des pays émergents – deux en Chine, deux en Inde et un en Russie depuis 2005 –, la rationalisation géographique de certaines fonctions consulaires pour créer des pôles régionaux en Europe et aux États-Unis, le besoin de présence de la France dans certains pays, sont des réalités qui conduisent notre pays à redéfinir ses zones d’influence prioritaire. À mon sens, ce sont, entre autres, la Chine et l’Inde, pays qui comptent des villes de plusieurs millions d’habitants et où nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à s’installer, la Russie et l’Asie centrale, où les projets, notamment énergétiques, se multiplient et offrent de larges perspectives à nos entreprises, ou encore le monde indo-persan, région conflictuelle où se jouent et la paix et la sécurité mondiales et, bien sûr, le Brésil, qui passe de statut de pays du futur à celui de pays du présent.

Monsieur le ministre, je souhaiterais obtenir des précisions sur les critères qui seront retenus pour définir les zones prioritaires et la modulation en trois catégories de nos ambassades, ainsi que sur le calendrier de mise en œuvre.

Par ailleurs, la création d’un centre de crise compétent pour l’alerte précoce, la réactivité opérationnelle et le partenariat avec les acteurs humanitaires permet au ministère des affaires étrangères de jouer pleinement son rôle de coordination de l’action extérieure. La mise en place d’une direction générale de la mondialisation est l’autre adaptation indispensable à ce monde en effervescence et en pleine mutation.

Notre diplomatie d’influence connaît un nouvel élan grâce à la réorganisation des services culturels, des instituts et centres de recherche ainsi que des Alliances françaises pour une meilleure stratégie culturelle. Elle prend tout son sens grâce à l’image spécifique que la France véhicule dans le monde, en particulier dans des pays sortant des sphères habituelles. Ainsi, les services culturels français en Afghanistan sont actifs et la création d’un bureau d’ambassade et d’une annexe du centre culturel français à Erbil, au Kurdistan irakien, obéit à la même logique de demande de présence française comme élément d’équilibre.

Pour ce qui concerne l’Europe, il existe encore vingt-huit consulats français au sein de l’Union européenne, mais la régionalisation des sections consulaires en Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Portugal et Pologne, ainsi que la transformation de douze consulats généraux en consulats à gestion simplifiée depuis 2004, ont permis l’économie d’une soixantaine d’emplois en Europe et leur redéploiement dans les pays émergents. Le transfert de certaines compétences des postes consulaires aux préfectures ou mairies frontalières françaises est une excellente initiative, qui doit être développée au niveau de tous les membres de l’Union européenne.

Cependant, on devrait aller plus loin en s’appuyant sur le concept de citoyenneté européenne. Les administrations de l’Union européenne devraient pouvoir répondre aux demandes des ressortissants de tous les États membres.

Je préconise depuis longtemps le développement des co-localisations européennes. Elles sont effectives entre la France et l’Allemagne, conformément à l’accord-cadre de 2006, comme à Astana au Kazakhstan ou à Lilongwe au Malawi, en projet à Dacca au Bangladesh et à Maputo au Mozambique, mais encore embryonnaires ou inexistantes avec les autres États membres. Elles doivent être multipliées à partir de ce modèle de référence qu’est l’accord franco-allemand. Les zones prioritaires comme les zones non politiquement stratégiques doivent être définies en coordination au niveau européen.

Enfin, le développement de la formule des postes mixtes consulats-missions économiques est une réalité que je souhaite voir émerger partout pour soutenir, en particulier, notre commerce extérieur déficient. Pouvez-vous m’apporter des précisions sur le nombre et la localisation des postes mixtes existants comme sur les perspectives nouvelles de création ?

En effet, les 165 missions et services économiques sont en nombre équivalent en postes et la coordination avec l’ambassade pour la politique économique est fondamentale. La future direction des politiques de mobilité et d’attractivité, compétente pour l’appui aux entreprises, jouera certainement un rôle moteur dans la mise en œuvre de notre politique économique à l’étranger. Je me réjouis de l’efficacité et de la coordination interministérielle à travers le Comité des réseaux internationaux de l’État à l’étranger, le CORINTE, et du rôle clé de votre ministère.

Monsieur le ministre, les réformes entreprises sont indispensables et courageuses. Je soutiendrai votre budget.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le ministre, ce budget, le second sous votre responsabilité, s’inscrit dans la suite d’un double exercice, largement contradictoire : d’une part, les conclusions de la commission du Livre blanc, présidée par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer, et, d’autre part, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, aggravée par le contexte de crise économique, financière et donc budgétaire.

Les efforts demandés au ministère des affaires étrangères et européennes qui demeure, non par sa mission mais par ses moyens, un ministère faible, viennent s’ajouter à des efforts lourds et constants déjà consentis par le passé. En effet, la rationalisation du Quai d’Orsay a été entreprise bien avant la RGPP. Il a déjà perdu beaucoup de sa substance. Les coupes pourtant se poursuivent, notamment sur le terrain des emplois, puisque 190 d’entre eux sont supprimés pour l’année 2009.

Le risque est réel, et déjà perceptible, monsieur le ministre, qu’à court terme, après avoir taillé dans la chair, on touche désormais à l’os, selon l’expression maintes fois répétée ici et parfaitement juste. Cette crainte était d’ailleurs évoquée par le Livre blanc, qui évoque dans ses conclusions la hausse nécessaire des crédits de la mission, sous peine de déstabiliser en profondeur l’outil diplomatique et, en conséquence, d’affaiblir notre politique étrangère.

Cette toile de fond étant posée, je souhaiterais aborder, après avoir dit un mot sur les évolutions de structure au sein du ministère, l’action culturelle extérieure, puis la situation de l’audiovisuel extérieur, qui sont probablement les deux domaines à subir le plus largement la dégradation budgétaire évoquée.

Monsieur le ministre, j’avais eu l’occasion, lors du précédent exercice budgétaire, de vous faire part de mes interrogations sur les évolutions dont il était alors seulement question concernant la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, et de ma crainte de la voir tout simplement disparaître par absorption ou éclatement.

J’avais rappelé à la fois la nécessité d’opérer une actualisation des structures, dix ans après la réunion du ministère de la coopération et du ministère des affaires étrangères, et le risque de voir la DGCID en quelque sorte « effacée » dans une grande direction transversale.

Il n’est pas certain, et c’est un euphémisme, que la transformation de la DGCID en une nouvelle direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats, issue d’un rapprochement entre l’actuelle DGCID et la direction des affaires économiques, soit de nature à nous rassurer.

Vous semblez vouloir faire, monsieur le ministre, de cette nouvelle direction générale un organe de poids. Ma crainte est que ce nouvel organe ne soit plutôt… pesant, quand notre administration centrale aurait besoin de souplesse, de fluidité et de réactivité.

Mon autre crainte est que, au sein de cette nouvelle superstructure, la coopération culturelle ne se trouve désormais, au mieux, reléguée après les questions économiques et de développement, comme la culture l’est trop souvent et, au pis, délaissée. Le risque est vécu avec une particulière acuité dans nos relations avec le continent africain.

Permettez-moi, en outre, d’émettre des doutes sérieux sur la capacité du ministère d’accompagner financièrement et humainement ces évolutions de structure.

L’objectif de confier à cette nouvelle direction générale le pilotage stratégique effectif ne pourra être atteint qu’à la condition qu’elle bénéficie des moyens correspondants. Or la diminution des effectifs, ajoutée à la stagnation ou à la baisse des subventions de l’État aux opérateurs, me laisse, de ce point de vue, dubitative.

La mission « Action extérieure de l’État » est prise en tenaille entre le poids des contributions internationales et le coût croissant de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français, décrétée par le Président de la République. C’est l’action culturelle extérieure qui sert de variable d’ajustement. Les crédits diminuent de 13 % en 2009 et, selon le document de programmation triennale, ils pourraient baisser de 25 % de 2009 à 2011.

Je crois que, sous couvert d’une réorganisation qui demande, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, quelques réponses de votre part quant au traitement réservé au pôle consacré à la coopération culturelle, le Gouvernement mène en fait une simple politique de réduction des crédits et des emplois.

Partagez-vous, monsieur le ministre, le point de vue exprimé par M. Woerth à l’Assemblée nationale selon lequel il y a suffisamment d’argent dans le domaine culturel ?

Après avoir évoqué la question des moyens financiers conférés aux opérateurs, je souhaite dire quelques mots sur CulturesFrance. Destinée à devenir l’opérateur unique et central en matière de coopération culturelle internationale, cette structure est confrontée à une situation budgétaire dont ne sauraient se satisfaire celles et ceux qui sont profondément attachés à ses missions.

La dotation de l’État était passée de 22 millions d’euros en 2007 à 16 millions en 2008. Le projet de loi de finances pour l’année 2009 n’opère qu’une réévaluation mineure – 18, 6 millions d’euros – et qui, surtout, reste artificielle compte tenu de l’élargissement du périmètre d’action de CulturesFrance, comme l’a souligné notre rapporteur pour avis, Mme Cerisier Ben Guiga.

En tout état de cause, les crédits budgétaires pour CulturesFrance, qu’ils proviennent des programmes 185, 209, ou 224, ne lui permettront pas de répondre pleinement aux missions élargies qui sont les siennes.

De plus, CulturesFrance a besoin d’un statut juridique adéquat. Sa structure associative ne lui permet assurément pas de s’imposer comme l’opérateur unique de la coopération culturelle. C’est pour remédier à cette carence que notre Haute Assemblée a adopté en 2006, à l’unanimité, une proposition de loi tendant à donner à CulturesFrance le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial. Aussi vous saurais-je gré de bien vouloir nous indiquer, monsieur le ministre, le délai dans lequel la proposition de loi pourrait être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, discutée, et je l’espère, adoptée.

Je souhaiterais clore mon propos en évoquant la dimension audiovisuelle de l’action extérieure de l’État.

La dotation pour 2009 est notoirement insuffisante. Je sais bien que l’audiovisuel extérieur ne relève plus directement de votre compétence ni de la mission « Action extérieure de l’État »: Je sais bien aussi qu’il est actuellement de bon ton de placer l’audiovisuel public au plus près du sommet du pouvoir, mais, en l’occurrence, c’est une aberration pour l’action extérieure de la France.

Cela revient à affaiblir, de fait, toute volonté de rapprochement, de coordination et de cohérence entre le futur opérateur unique de l’action culturelle extérieure et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Ce cloisonnement constituera sans nul doute un « moins-disant » diplomatique et culturel important, autant pour l’opérateur unique annoncé que pour l’outil audiovisuel extérieur.

Cet outil audiovisuel extérieur connaît de profondes mutations, avec la création, en avril 2008, de la nouvelle société « Audiovisuel extérieur de la France ». Alors que l’avènement d’un nouvel outil demandait un effort budgétaire marqué, l’année 2009 consacre pourtant une stagnation des crédits et s’avère être de fait, en contradiction avec les objectifs nouveaux, une année de rigueur budgétaire.

Des projets sont, en conséquence, provisoirement différés ou simplement abandonnés. France 24 va devoir reporter le lancement de son canal en arabe en continu et l’extension de sa couverture en Amérique du Nord et en Asie, deux zones où votre politique étrangère a pourtant de grandes ambitions ! RFI s’attend à d’importantes suppressions de postes, à la fermeture de certaines de ses antennes et à l’arrêt de plusieurs de ses émissions en langue étrangère à destination de l’Allemagne, de la Pologne ou encore de la Turquie.

Nous vous avons adressé, monsieur le ministre, avec plusieurs de mes collègues du groupe socialiste, un courrier vous faisant part de notre vive émotion face à ces annonces multiples de suppressions. Votre récente réponse, qui s’abrite derrière les contraintes budgétaires et les audiences, ne nous éclaire nullement sur la stratégie diplomatique.

L’action culturelle extérieure et l’audiovisuel extérieur sont des leviers majeurs pour notre diplomatie et pour la diffusion de notre culture, de notre langue. Ils sont la marque distinctive de la politique étrangère française. Il vous appartient, monsieur le ministre, de les moderniser, de les actualiser, de les développer, mais aussi de les préserver.

Faute d’engagements en ce sens, nous ne pourrons pas voter les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, à l’occasion de l’examen des crédits sur les actions extérieures de l’État, évoquer le Proche-Orient, qui a constitué longtemps un axe fort de la politique internationale de la France. Or la situation se dégrade fortement dans cette région.

Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, c’est à présent 38 % de la superficie de la Cisjordanie qui sont occupés et utilisés par l’État d’Israël, soit pour l’implantation illégale de colonies, au nombre de 120 aujourd’hui, soit pour établir des voies de communication, interdites aux Palestiniens.

La bande de Gaza fait, pour sa part, l’objet d’une « punition collective », d’un blocus inacceptable, encore renforcé depuis le début du mois de novembre, imposant aux populations des conditions de vie intolérables ; je pense notamment à l’accès aux soins, à l’approvisionnement en énergie et en denrées alimentaires, à l’éducation.

Alors que l’ensemble des ONG dénonce une situation qui n’a jamais été aussi déplorable, Israël reste sourd aux appels de la communauté internationale sur la levée du bouclage de Gaza.

La trêve sécuritaire annoncée en juin dernier est aujourd’hui menacée. Nous savons pourtant que la violence d’État perpétré par Israël contre les Palestiniens au nom de la lutte contre le terrorisme nourrit les positions extrêmes qui ajoutent, de façon intolérable, aux drames existants des actions très condamnables. Cela éloigne encore les perspectives de paix dans cette région du monde.

Le non-respect par Israël de la IVe convention de Genève, qui a trait à la protection des populations civiles, et l’indifférence aux résolutions émises par le Conseil de sécurité de l’ONU depuis 1947 appellent aussi une réponse internationale forte.

Pourtant, la Commission et le Conseil européens ont toujours refusé de prendre des sanctions contre la politique d’occupation menée par Israël.

Une sanction nécessaire et juste devrait notamment passer par la suspension de l’accord d’association de l’Union européenne avec ce pays. La demande en ce sens a été rejetée par la Commission et le Conseil européen. À l’inverse, le Conseil de l’Union européenne a donné, le 16 juin dernier, une réponse favorable à la demande israélienne de progresser vers l’établissement d’un partenariat stratégique donnant un droit d’accès à toutes les politiques communautaires. Comme si Israël était quasiment un État membre de l’Union européenne !

Ce projet est même l’un des objectifs rappelés par Nicolas Sarkozy lors de la présentation des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne devant la commission des affaires étrangères du Parlement européen, le 15 juillet dernier.

Selon une clause particulière, ce statut spécial est lié aux progrès à réaliser dans le processus de paix. Toutefois, il s’agit plus d’une clause de style que d’une véritable condition puisque aucune contrainte en cas de manquement ou de non-respect des engagements pris.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Rappelons, à ce titre, que la clause identique dans l’accord d’association n’a jamais empêché, bien au contraire, Israël de poursuivre sa politique contestable et l’Union européenne de considérer ce pays comme un partenaire privilégié. Soyons donc sans illusion sur cette clause, d’ailleurs contestée sur le fond par certains États membres.

En outre, comment ne pas voir dans ce statut privilégié la confirmation d’un système à deux poids, deux mesures ? Je m’explique : lors de la crise du Caucase, l’État russe a été sommé de quitter le territoire géorgien avant toute reprise des discussions sur le nouvel accord de partenariat, ce qui était une bonne chose. À l’inverse, la politique de colonisation et le non-respect du droit par Israël ne sont pas considérés comme des obstacles de principe à la mise en œuvre de partenariats spécifiques par l’Union européenne. C’est profondément regrettable !

Dès lors, comment ne pas voir dans le refus de vote du Parlement européen du 3 décembre dernier sur le rehaussement des relations avec Israël un signal encourageant, qui devrait conduire le Conseil de l’Union à réviser sa position en la matière ?

Le Président de la République avait appelé de ses vœux la création d’un État palestinien avant la fin de l’année 2008. Mais il n’a, malheureusement, engagé aucune action concrète en vue de la réalisation de cet objectif, notamment dans le cadre de la présidence française de l’Union.

Pour le groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, l’objectif de création d’un véritable État palestinien doit redevenir l’une des priorités de l’action française sur le plan international, notamment au niveau de l’Union européenne.

Le Gouvernement français doit donc prendre ses responsabilités en exigeant une prise de position claire sur la levée du blocus imposé à Gaza, sur l’arrêt de la colonisation comme conditions préalables à l’existence d’un quelconque partenariat et en portant résolument cette exigence au niveau de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Dans ce cadre, le Gouvernement français doit, au sein des institutions européennes, prolonger le report du rehaussement des relations avec Israël jusqu’au jour où ce pays aura donné les « signes sérieux de bonne volonté traduits par des résultats tangibles sur le terrain », notamment concernant les engagements pris lors de la conférence d’Annapolis.

En clair, la France doit s’imposer, au sein de l’Union européenne, comme moteur d’une véritable résolution politique du conflit, en travaillant à l’élaboration d’une feuille de route, comme l’avait annoncé le président Sarkozy le 15 juillet dernier devant la commission des affaires étrangère au Parlement européen. Le Gouvernement français devrait enfin s’y engager, monsieur le ministre. §

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je voudrais, contrairement à d’autres, commencer par vous féliciter, monsieur le ministre. En effet, malgré les difficultés budgétaires évoquées, malgré la très grande complexité de la situation mondiale, que certains des collègues qui m’ont précédé connaissent peut-être moins bien qu’ils ne le prétendent, la politique que vous menez avec le Président de la République nous satisfait, comme elle satisfait nos compatriotes de l’étranger.

Nous nous réjouissons de voir que l’image de notre pays est plutôt bonne et que celui-ci tient sa place malgré les difficultés. On l’a vu notamment depuis que la France a pris la présidence de l’Union européenne.

Je ne ferai, en cet instant, que citer la crise en Géorgie, sujet qui mériterait sans nul doute d’amples développements. Ceux-ci pourraient d’ailleurs trouver leur place dans un débat de politique étrangère organisé ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Du reste, il est évident que vous ne pourrez pas, aujourd'hui, dans le cadre de ce débat budgétaire, répondre à tous les intervenants sur tous les thèmes qui seront abordés. Un tel débat de politique étrangère n’en paraît que plus justifié.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

J’en suis le premier partisan !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Merci, monsieur le ministre !

Je développerai surtout la question de la prise en charge des frais de scolarité. Comme vous le savez, elle fait couler beaucoup d’encre, certains estimant qu’elle risque de mettre en péril le budget de la nation ou, du moins, de contribuer dangereusement au déficit budgétaire. Nous allons voir que ce n’est pas le cas.

Je voudrais tout d’abord faire quelques rappels à l’attention de ceux de mes collègues qui ne connaîtraient pas tous les aspects du problème. Pourquoi cette prise en charge des trois classes de lycée ?

Il faut être clair et parler vrai : il est exact qu’il s’agit d’une décision politique, prise par le Président de la République. Elle répond à une demande formulée depuis de nombreuses années par de nombreuses familles de Français de l’étranger. Les parents d’élèves réclamaient que la scolarité fût gratuite dans les écoles françaises à l’étranger comme elle l’est dans les écoles publiques en France.

Chers collègues de gauche, Mme Ségolène Royal avait promis exactement la même chose que Nicolas Sarkozy.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Elle avait fait une promesse du même ordre. La méthode était différente, mais le but était bien celui-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Et vous allez sans doute dire que Jospin l’avait aussi promis avant, mais ce sera tout aussi faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Les trois précédents Présidents de la République avaient pris des engagements en ce sens. Aucun n’a pu les tenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Pourquoi choisir de ne prendre en charge que les frais de scolarité des élèves des trois classes de lycée ? Pour trois raisons.

Premièrement, il faut le reconnaître, nous n’avions pas les moyens de prendre en charge les frais de scolarité de toutes les classes.

Deuxièmement, les parents d’élèves qui ont payé pendant neuf années peuvent, en quelque sorte, profiter d’une prime de fidélité à l’école.

Troisièmement, il s’agissait d’enrayer l’hémorragie des élèves après la classe de troisième, qui correspond à la fin de l’obligation de scolarité. La pyramide des âges des élèves est très claire à cet égard.

Cette mesure a donc été prise et elle est appliquée.

Pour ceux qui s’y opposent, elle est injuste et discriminatoire, coûterait cher et rejetterait les enfants étrangers de nos écoles françaises.

Je crois qu’il faut raison garder et se fonder sur les chiffres réels, non sur des estimations. Selon les chiffres réels, fournis très récemment par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et le ministère – ils ont été présentés hier au conseil d’administration de l’Agence –, nous avons dépensé 18 214 593 euros pour les deux campagnes ouvertes à ce jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Une fois la mesure étendue aux trois classes du lycée, nous atteindrons un montant d’environ 40 millions d’euros en année pleine ; peut-être 45 millions d’euros.

Si l’on trouve que l’école est trop chère à l’étranger, laissez-moi quand même rappeler que, selon les statistiques de l’éducation nationale, un lycéen coûte en France 10 320 euros par an, en moyenne, contre 3 600 euros pour un élève d’un de nos établissements à l’étranger. Mais laissons là le débat sur le coût par élève.

Des 12 560 lycéens qui peuvent prétendre au bénéfice de la mesure, il faut retrancher les 32 % – pourcentage qui figure dans le « bleu » budgétaire – d’élèves boursiers ou dont les parents perçoivent déjà une prise en charge de l’employeur. D’ailleurs, bon nombre de diplomates et de fonctionnaires, en raison du supplément familial, ne peuvent prétendre à cette prise en charge. La mesure ne concerne donc en fait que 8 540 élèves.

Toujours selon les opposants à cette mesure, la gratuité de la scolarité au lycée provoquerait un appel d’air entraînant des inscriptions en masse. C’est tout simplement faux, car impossible. Un enfant résidant à l’étranger qui, avant l’âge d’entrée au lycée, n’a jamais fréquenté l’école française a nécessairement été jusque-là scolarisé dans une école étrangère. Dès lors, il ne pourra pas entrer directement en classe de seconde ou en classe de première.

Certains pourraient, me direz-vous, venir exprès de France. Mais la circulaire de l’Agence le précise : en raison de l’obligation de résidence des parents dans le pays du lycée concerné, il n’y aura pas de tourisme linguistique à Londres, à Madrid ou à Berlin. Bien entendu, si l’expatriation prévoit que les parents se déplacent dans un pays, ils pourront bénéficier de cette prise en charge. Cependant, nous l’avons vu, l’expatriation augmente peu, sauf en Asie, où elle répond à un but économique.

Quant à la question de l’éviction des enfants étrangers de nos établissements, elle ne se pose pas : il y a, dans nos écoles à l’étranger, plus d’enfants étrangers que d’enfants français.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Selon les chiffres livrés hier par l’Agence, les trois classes de lycée comptent, 12 560 enfants français et 16 600 enfants étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

J’en suis ravi, moi aussi ! C’est excellent pour le rayonnement de la France, pour notre politique. C’est aussi très bon pour le fonctionnement de l’Agence. En tout cas cela n’invalide en rien l’intérêt de la mesure en cause.

On nous parle, bien sûr, d’équité : le fait que des enfants de familles très riches profitent de la prise en charge suscite des réticences. Je peux comprendre ce point de vue et il faudra réfléchir à un éventuel plafonnement de la mesure. J’y reviendrai tout à l’heure en présentant l’amendement que j’ai déposé. Au passage, je remercie d’ailleurs le rapporteur spécial, M. Gouteyron, de m’avoir cité, reconnaissant ainsi que j’étais et demeure favorable à une telle mesure.

En revanche, je souhaite que soit, préalablement à toute décision, établi un bilan de son application à la classe de seconde, car nous ne pouvons évidemment pas encore en apprécier exactement les conséquences. Une fois ce bilan dressé, nous pourrons prendre les dispositions nécessaires, différentes modalités pouvant être envisagées : plafonnement, retour progressif vers des bourses, etc.

En attendant, les sommes correspondant, d’une part, à la prise en charge, d’autre part, aux bourses figurent de toute façon dans le programme 151. Comme elles sont gérées, me semble-t-il, par la direction des Français à l’étranger, l’éventuel surplus d’argent alloué à la prise en charge sera automatiquement affecté aux bourses. L’inverse n’est pas envisageable puisque les bourses nécessitent plus d’argent que la prise en charge.

Quoi qu'il en soit, contrairement à ce que prétendent certains, les Français de l’étranger ne sont pas tous des exilés fiscaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Pour un Johnny Halliday qui s’établit en Suisse, il se trouve des centaines de milliers d’anonymes, ni plus riches ni plus pauvres que les autres Français, qui vont vivre hors de nos frontières ! La population française à l’étranger compte, elle aussi, une classe pauvre et, surtout, une classe moyenne.

Peut-être faudra-t-il aller plus loin que le double plafonnement et opter pour une autre mesure, ramenant vers les bourses de façon progressive, avec un pourcentage de remboursement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

… mais attendons de disposer d’un bilan de l’application concrète de la prise en charge pour les élèves de seconde.

Pour l’instant, on fait des prévisions, on échafaude des propositions à partir de vagues estimations qui sont manifestement beaucoup trop hautes. Attendons donc d’avoir les chiffres exacts pour déterminer quoi faire.

Je propose d’ailleurs, monsieur le ministre, un moratoire sur l’extension de cette mesure aux autres classes, et tout le monde, me semble-t-il, approuve cette idée. Mais je fais dès aujourd’hui le pari que les chiffres qui ont été avancés se révéleront totalement fantastiques et que nous reviendrons à ordres de grandeur raisonnables.

J’espère que cet amendement sera adopté. Il constitue peut-être la solution qui nous permettra de sortir d’une situation difficile – sinon d’une impasse –, que la crise financière nous incite à gérer de la manière la plus fine possible.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, je souhaite, si vous le permettez, concentrer mon intervention sur la présidence française de l’Union européenne, qui va se terminer dans quelques semaines.

Au moment même où nous débattons se tient à Poznan la Conférence internationale sur le changement climatique. L’Union européenne, vous le savez, y est particulièrement attendue.

Bien sûr, cette conférence de suivi du protocole de Kyoto est perçue comme intermédiaire. Le rendez-vous le plus crucial, celui qui devra engager le monde dans l’après-Kyoto, aura lieu l’an prochain, à Copenhague. Si c’est une administration américaine défaite qui, à Poznan, représente les États-Unis, nous savons que le président élu, Barack Obama, s’est engagé à ce que son pays adopte une autre politique et se fixe d’autres ambitions, en matière de lutte contre le changement climatique.

Barack Obama ne prenant ses fonctions que le 20 janvier prochain, la conférence de Poznan se déroulera, pour ainsi dire, en apesanteur : il s’agira effectivement, pour l’Union européenne et pour les autres parties prenantes, de négocier avec des représentants américains dont chacun sait bien qu’ils n’ont plus la main. Cet étrange jeu de dupes serait amusant s’il ne s’agissait – nous en conviendrons tous ici – d’affaires si graves.

C’est en tout cas, monsieur le ministre, une raison supplémentaire pour que l’Union européenne ne faille pas à son rôle pionnier dans la lutte contre le dérèglement climatique. C’est pourquoi la France, qui préside actuellement l’Union, doit elle aussi se montrer exemplaire.

De ce point de vue, je dois bien avouer que j’ai quelques inquiétudes. On connaît les aléas du paquet climat-énergie, dont personne ne sait, à l’heure actuelle, s’il pourra effectivement être adopté avant la fin de l’année ni, surtout, s’il est adopté, dans quel état il le sera.

Il y a quelques jours, un compromis sur la future réglementation européenne visant à obliger les constructeurs à réduire les émissions de CO2 des voitures neuves a été conclu entre les États membres de l’Union, le Parlement européen et la Commission européenne. Ce compromis, permettez-moi de le dire aussi franchement que simplement, est déplorable. L’objectif de réduction des émissions de CO2 par kilomètre passe d’une moyenne de 120 grammes à une moyenne de 130 grammes et, au surplus, le délai laissé aux constructeurs pour l’atteindre s’allonge : il n’expire plus en 2012 mais en 2015.

Je ne veux pas être pessimiste, mais quand même : hier, le Président de la République a annoncé une prime au retrait des voitures vieilles de dix ans au profit de voitures neuves à condition que ces dernières n’émettent pas plus de 160 grammes de CO2 par kilomètre. Voilà qui est encore plus laxiste. Ce n’est pas bon signe.

Ce compromis entache nettement la présidence française de l’Union, alors que la lutte contre le dérèglement climatique avait été érigée en priorité, ce qui était une bonne chose.

Vous me répondrez, monsieur le ministre, que le Président de la République n’a ménagé ni ses efforts ni son énergie et qu’il a fait preuve d’un volontarisme considérable. Je vous entends d’ici : « Voyez la Géorgie ! Voyez la crise financière ! La France présidente de l’Union européenne a hissé haut les couleurs de l’Europe ! »

Je vous le concède, monsieur le ministre : vous avez fait preuve de constance, de sérieux et d’efficacité, et M. le secrétaire d’État aux affaires européennes peut-être davantage encore. Si j’en crois la presse, il a plus d’une fois remplacé tel ou tel membre du Gouvernement qui peinait à se rendre à Bruxelles pour y négocier avec les services de la Commission, les parlementaires ou les représentants des États membres. §Plus d’une fois, il a su et pu dénouer malentendus, difficultés et blocages. Je crois que chacun est disposé à le reconnaître, dans cet hémicycle et ailleurs, à droite comme à gauche.

Alors, s’il faut le dire, je vous le dis : ces six derniers mois, la France a plutôt bien mérité de l’Europe. Elle a été meilleure élève qu’elle ne l’a bien souvent été dans son histoire, notre attitude passée nous valant, chez une bonne partie de nos voisins, la fâcheuse réputation de n’être européens que du bout des lèvres et de persister à ne voir l’Europe que comme une France en plus grand.

Cependant, si la France a été bonne élève ces six derniers mois, le sera-t-elle demain ? Ou reviendra-t-elle à ses mauvaises habitudes ?

M. le ministre sourit

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

En termes plus crus, le Président de la République, une fois qu’il aura quitté la présidence de l’Union, saura-t-il poursuivre dans cette voie ou renouera-t-il avec son affligeante manie de contester toute décision européenne comme une pitrerie de technocrates et de traiter nos partenaires comme des subalternes qui devraient, en constatant l’excellence française, le supplier de prendre une nouvelle présidence, celle du gouvernement économique européen ?

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Est-ce bien une question ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Voilà qui peut susciter quelques interrogations, monsieur le ministre. Notre comportement au cours des prochaines années sera-t-il conforme à celui des six derniers mois ?

Si la cohérence d’une action politique se mesure, évidemment, dans les choix budgétaires, elle se mesure aussi dans les valeurs qui sous-tendent ces choix. De ce point de vue également, j’aimerais que vous puissiez me rassurer.

En matière de politique étrangère, les choix de la France sont parfois courageux, et l’on veut croire que votre présence au Gouvernement, dont je ne veux pas discuter ici l’opportunité politique, a été assez liée à cette volonté affichée de rompre avec la vieille diplomatie pour lui préférer une action extérieure fondée, si je me souviens des engagements de campagne du Président de la République, sur la protection des droits humains.

Hélas, les choix du Gouvernement ont parfois été très peu éloignés de la vieille diplomatie : la rupture n’était guère visible. Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler les conditions du séjour en France du dirigeant libyen Kadhafi, la mégalomanie invraisemblable du dictateur et la déplorable faiblesse avec laquelle il fut accueilli.

Je m’attarderai davantage sur la Chine, puisque le Président de la République rencontre demain le dalaï-lama.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Comme toutes celles et tous ceux qui sont solidaires du combat du peuple tibétain, je me réjouis de savoir que cette rencontre, après avoir été annulée en août dernier, aura enfin lieu. Je me pose cependant une question, et je vous la pose évidemment : faudra-t-il, une fois passée cette rencontre, que la France s’excuse à nouveau auprès du régime chinois ? Et s’excusera-t-elle ? Faudra-t-il que nous fassions comme nous avons fait après le passage bousculé de la flamme olympique à Paris ? La France enverra-t-elle à nouveau Jean-Pierre Raffarin offrir à Pékin une nouvelle biographie du général de Gaulle ? Bref, changerons-nous encore une fois d’avis, et nous montrerons-nous très faibles pour faire excuser un acte de bravoure isolé ?

J’attends votre réponse, monsieur le ministre, mais quelque chose me dit qu’elle n’évoquera probablement pas les raisons pour lesquelles nous savons nous montrer si cléments avec Pékin, avec Téhéran et, hélas, avec bien d’autres !

Oserez-vous évoquer les intérêts de nos champions nationaux, celui des technologies ferroviaires, mais aussi celui de l’industrie nucléaire, si à l’étroit à l’intérieur de nos frontières qu’il offre ses technologies à l’étranger ; des technologies si inquiétantes qu’on les livre qu’on les livre sous prétexte de désaliniser l’eau de mer, et à des dirigeants dont on ne sait pas bien, ou dont on redoute de trop bien savoir quelles sont les intentions.

Je terminerai, si vous le voulez bien, sur un constat presque optimiste.

L’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis, que beaucoup à gauche et à droite ont saluée, a brisé bien des tabous : non seulement aux Etats-Unis, sur la question raciale, mais aussi au-delà, sur deux points majeurs.

J’ai déjà évoqué le premier de ces points ; la lutte contre le changement climatique ; je n’y reviens que pour souligner que l’engagement des États-Unis dans cette bataille de laquelle ils sont totalement absents depuis la conférence de Kyoto peut considérablement changer la donne.

Le second point est la nécessité de régulations nouvelles, négociées de manière multilatérale.

Il s’agit d’abord des régulations économiques. L’OCDE, qui n’est pas suspecte d’être une officine de l’ultragauche, a publié récemment un rapport très critique sur les politiques menées depuis trente ans par ses États membres, d’ailleurs sur ses propres conseils. Selon l’organisation, ces politiques de déréglementation ont considérablement accru les inégalités. Elle ne reconnaît pas vraiment s’être trompée, et avec elle les gouvernements qui ont suivi ses indications, mais cela y ressemble.

Il s’agit ensuite des régulations dans les relations internationales et dans la prévention des conflits. Barack Obama s’est engagé à renouer de manière apaisée le dialogue entre les États-Unis et ses partenaires, au premier rang desquels l’Union européenne.

Aussi, ma dernière question est-elle simple, monsieur le ministre : dans ce nouveau paysage, quelle sera la volonté de la France ? Quelles seront, encore une fois, la cohérence et la constance de son action ?

Le Président de la République, quittant la présidence de l’Union, reviendra-t-il à l’alignement atlantiste qui a été le sien ? L’a-t-il, d’ailleurs, jamais vraiment quitté ? Poursuivra-t-on dans la voie d’une intégration européenne plus poussée en matière de défense commune ou devra-t-on constater que le choix privilégié, qui ne fait pas vraiment l’objet d’un débat démocratique, sera celui de l’OTAN ? Continuerons-nous, tête baissée, à poursuivre en Afghanistan un effort de guerre sans issue dans les termes où il est porté aujourd’hui, où accepterons-nous de revoir, enfin, notre stratégie ?

Monsieur le ministre, au-delà des sujets strictement budgétaires, ce sont à ces questions, et à quelques autres qui ont été posées par mes collègues, que je souhaite vous entendre répondre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de vous dire ma gratitude et de vous féliciter pour le rôle éminent que la France a joué dans l’élaboration de la convention sur l’interdiction des armes à sous-munitions, armes immondes dont 98 % des victimes sont des civils, des enfants pour un tiers.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Voilà à peine deux ans, nous étions encore très peu à y croire. Il a fallu la détermination et l’engagement du président Sarkozy, du Gouvernement, de vous-même et d’Hervé Morin pour parvenir à ce progrès remarquable en matière de droit international humanitaire.

Votre présence et votre intervention à Oslo avant-hier, lors de la cérémonie de signature de cette convention, à côté d’une centaine d’autres ministres des affaires étrangères, ont été un signal fort, important pour l’image de notre pays. Je tenais donc à vous en remercier.

Je lance un appel à mes collègues sénateurs pour que la ratification de cette convention par le Parlement français intervienne le plus rapidement possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Nous, Français de l’étranger, sommes très fiers de l’action de notre pays à l’étranger. La voix de la France y est de plus en plus écoutée, respectée. Nous nous en réjouissons et, là encore, monsieur le ministre, nous vous en remercions.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Mais nous, parlementaires, avons aussi la responsabilité de contrôler le budget de l’État. Il est de notre devoir et de notre honneur de veiller à ce que l’argent de la nation, l’argent du contribuable, soit dépensé à bon escient. C’est tout particulièrement le cas aujourd’hui dans le contexte de crise grave qui est hélas le nôtre.

En ce qui concerne la mission « Action extérieure de l’État », qui se décline en trois programmes, je tiens à saluer l’excellent travail et la vigilance de notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, qui a toujours su, dans un esprit particulièrement constructif, veiller au bon emploi de ces crédits et suggérer des gains de productivité importants.

À ce stade de la discussion, beaucoup a déjà été dit et les chiffres ont déjà été largement commentés. Je me limiterai donc à vous livrer quelques interrogations personnelles.

Le budget du ministère s’élève à 4, 6 milliards d’euros pour 2009, soit 1, 66 % seulement du budget général. C’est bien sûr très décevant pour un parlementaire représentant les Français de l’étranger, soucieux du prestige de notre pays, car c’est largement insuffisant au regard de nos légitimes ambitions.

Vu la crise actuelle et le déficit des finances publiques, l’élaboration d’un budget aussi resserré est bien évidemment rationnelle, voire indispensable : nous nous devons de faire des économies. Toutefois, cette démarche a des limites.

Le ministère des affaires étrangères est sans aucun doute celui qui, depuis des années, a été le plus vertueux en matière de réduction des dépenses, et sans doute aussi celui qui en a le plus souffert.

Notre personnel diplomatique et consulaire, d’une qualité exceptionnelle, reconnue et enviée, a toujours fait la force de notre réseau. Une très large part du succès de la présidence française de l’Union européenne et de nos avancées aux quatre coins du monde lui est également due.

La baisse constante des effectifs, malgré l’accroissement des charges et la nécessité d’ouvrir de nouveaux postes dans les pays émergents, risque de démotiver ces personnels, d’engendrer une baisse de la qualité du travail et de nuire à l’image de nos postes diplomatiques et consulaires, donc à l’image de la France. Comment, par exemple, répondre à nos obligations morales en proposant un accueil digne et respectueux des demandeurs de visa lorsque les files d’attente s’allongent désespérément à l’extérieur de nos consulats ?

Pour contenir ce budget, ne devrions-nous pas envisager non pas une nouvelle contraction du nombre des personnels, car nous ne pouvons guère aller plus loin, mais une simplification des procédures, une amélioration des conditions de travail et des modes de fonctionnement ? Ne devrions-nous pas développer les procédures sur internet ou installer des systèmes de vidéoconférences dans nos ambassades et consulats ? Cela permettrait de supprimer un grand nombre de déplacements aussi coûteux en temps et en énergie qu’en empreinte carbone.

Ne devrions-nous pas aussi réfléchir à des modes d’emploi des seniors, ces jeunes retraités qui ont encore tant à donner. Beaucoup, sans doute, seraient heureux, avec un encadrement minimum, d’offrir leur expérience et leurs compétences à des pays en voie de développement quelques mois par an ?

Dois-je rappeler que le taux de vaccination dans plusieurs pays d’Afrique est passé de 90 % à moins de 20% en l’espace de dix ans et que le nombre d’assistants techniques est tombé de 30 000 à 700 ?

Et que dire de l’externalisation, qui se révèle parfois beaucoup plus coûteuse que nos placements traditionnels ? Je pense en particulier au remplacement de nos gendarmes dans un certain nombre de postes, et ce en dépit de la qualité de leur travail, de leur mobilisation permanente et, surtout, des garanties qu’ils apportent en termes de sécurité.

Je m’interroge toujours sur notre politique en matière de patrimoine immobilier. Plutôt que de vendre les bâtiments que nous ont laissés nos prédécesseurs, ne devrions-nous pas plutôt penser aux futures générations et investir dans les pays où les prix de l’immobilier sont encore au plus bas, notamment dans certains pays d’Asie, mais qui sont appelés à croître de manière considérable dans un futur proche ?

Monsieur le ministre, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de vous le demander, ne devrions-nous pas réfléchir à un meilleur contrôle de l’utilisation de l’aide internationale ? Des centaines de millions d’euros partent vers des organismes et fonds internationaux à vocation humanitaire et caritative, certes remarquables, et il est du devoir de la France de continuer à les soutenir – je pense en particulier à ceux qui interviennent en Afrique ou au Fonds alimentaire mondial –, car nous nous devons d’honorer nos engagements. Mais on entend ici ou là qu’un pourcentage important des aides versées s’évapore au profit d’intermédiaires, de consultants ou autres officines, qui se sont multipliées du fait de l’externalisation et de la suppression de nombreux postes d’assistants techniques.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous garantir que ces fonds sont bien utilisés ? Comment apporter plus de transparence au processus ? Comment nous assurer que ces fonds vont vraiment à ceux qui en ont le plus besoin ? Nous avons souvent l’impression que des sommes considérables sont attribuées à certains programmes sans véritable contrôle, alors que des initiatives extrêmement modestes – je pense, par exemple, en matière d’enseignement, aux tout petits programmes d’enseignement du français langue maternelle – voient leur budget constamment érodé et subissent un relatif harcèlement en matière de contrôle de leurs dépenses.

Au regard de ces énormes flux, l’aide sociale apportée à nos communautés françaises est dérisoire et elle n’a fait l’objet d’aucune revalorisation depuis plus de dix ans. Je puis pourtant vous garantir qu’aucun euro attribué à nos consulats ou à nos sociétés françaises de bienfaisance n’est gaspillé. Or les demandes ne cessent et ne cesseront de s’amplifier, du moins au cours des quelques années de crise qui nous attendent.

Comme je l’ai indiqué lors de la réunion de la commission des affaires étrangères, il est indispensable d’augmenter le fonds d’action sociale qui est destiné à aider nos compatriotes les plus démunis à l’étranger.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter d’avoir ouvert un centre de crise au Quai d’Orsay. La sécurité de nos compatriotes est une préoccupation croissante. Il était indispensable d’améliorer notre réactivité.

J’en profite pour vous demander où en est le projet de création d’un fonds de solidarité destiné à aider nos compatriotes qui doivent être rapatriés en France du fait d’événements géopolitiques.

En ce qui concerne les lycées à l’étranger, je salue l’initiative généreuse du Président de la République, qui a répondu au vœu d’équité que formulent nos concitoyens de l’étranger depuis des dizaines d’années, à savoir l’obtention de la gratuité de l’enseignement dans nos établissements français. Beaucoup avaient promis cette gratuité. Le président Nicolas Sarkozy a été le seul à tenir son engagement, et nous ne pouvons que lui en être très reconnaissants.

Force est cependant de constater l’émoi suscité par cette mesure dans un grand nombre de communautés expatriées. Cet émoi est dû non pas à l’octroi en lui-même de la gratuité de l’enseignement, mais à certains comportements. Je tiens à souligner que quelques-uns de nos compatriotes ont eu l’élégance d’en refuser le bénéfice parce qu’ils estimaient que le niveau de leurs revenus leur donnait le devoir de participer à l’effort d’éducation de leurs enfants. L’émoi est dû au fait que, paradoxalement, les charges qui pèsent sur les familles se sont considérablement alourdies : celles-ci ne comprennent pas que de grosses entreprises, qui payaient la scolarisation des enfants de leurs employés, profitent de cette aubaine sans contribuer pour autant aux caisses ou aux fonds sociaux des lycées.

Enfin, dois-je le rappeler, nos établissements scolaires n’accueillent qu’une petite partie des enfants de nos ressortissants. Et, en dehors de ces établissements, c’est souvent le grand désert !

Ainsi, en Grande-Bretagne, un des pays où la présence française est la plus forte – 300 000 personnes et plus de 100 000 inscrits dans les consulats –, il n’y a aucun lycée français en dehors de Londres. Comment les familles françaises qui n’ont pas la chance d’habiter le centre de la capitale britannique peuvent-elles accepter que tous les crédits soient concentrés sur moins de 3 % des enfants, alors que les petits établissements de soutien linguistique hors de Londres perçoivent des aides dérisoires, de l’ordre de quelques milliers d’euros ?

Nous devons également penser aux effets pervers potentiellement induits par cette mesure. Si nos lycées de l’étranger ont un tel niveau d’excellence, avec des taux de réussite atteignant presque toujours 100%, c’est aussi grâce au mixage des nationalités et des cultures. On pourrait craindre que, du fait de cette gratuité, il n’y ait plus de places pour tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Veuillez conclure, madame Garriaud-Maylam, car vous avez d’ores et déjà dépassé votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Je souhaite aller au bout de mon propos, monsieur le président, puisque tout le monde a dépassé son temps de parole, mais je serai très brève.

C’est déjà le cas dans plusieurs établissements. Je pense au lycée de Londres, qui ne peut accueillir tous les jeunes Français qui demandent une place.

L’AEFE a annoncé un nouveau prélèvement de 6 % sur les frais de scolarité pour couvrir une part des frais associés aux retraites des fonctionnaires et pour alimenter un fonds immobilier susceptible de financer un certain nombre de projets indispensables dans le monde.

Cette charge supplémentaire est très mal acceptée, monsieur le ministre, et je sais que vous avez déjà reçu un certain nombre de télégrammes diplomatiques à ce sujet. Elle s’ajoute à un accroissement des charges déjà considérable. Pour en rester à l’exemple de Londres, les familles ont déjà subi un accroissement annuel de 9 % des frais de scolarité, allant jusqu’à 42 % d’augmentation cette année pour les nouveaux entrants en maternelle et même 68% pour certaines classes bilingues.

C’est pourquoi je considère, avec les associations de parents d’élèves, que les amendements de M. Gouteyron, un nom de la commission des finances et de M. Trillard, au nom de la commission des affaires étrangères, vont dans le bon sens. En instituant un double plafond à cette aide financière étatique, nous répondrons à la fois à l’objectif de soutien à la scolarisation des jeunes français à l’étranger et au principe d’équité réclamé par nos concitoyens, sans encourager pour autant un développement abusif des frais de scolarité dans certains établissements.

Quant aux sommes économisées, leur redéploiement est inévitable si l’on veut que les familles soient traitées de manière plus équitable et que l’AEFE puisse enfin faire face à l’entretien et à l’expansion de son réseau : nombre de nos lycées sont exsangues et doivent réaliser d’importants travaux, ne serait-ce que pour l’indispensable mise aux normes de sécurité. C’est pour cette raison que je ne suis pas favorable à la réaffectation aux bourses scolaires des crédits ainsi dégagés.

Nous avons trop longtemps regretté que le système des bourses, qui reste indispensable, exclue de facto les familles moyennes ou celles qui comptent plus de deux ou trois enfants. Il importe donc d’introduire le principe de subsidiarité et de faire en sorte qu’une part plus grande des sommes économisées revienne aux utilisateurs, aux conseils d’établissement et aux parents d’élèves. Je rappellerai que nombre d’associations de parents d’élèves ont déjà créé des fonds d’aide sociale, variable d’ajustement qui permet d’aider telle ou telle famille, voire de financer l’achat de nouveaux postes informatiques.

J’aurais pu, mes chers collègues, vous entretenir encore longuement de toutes ces questions, mais je ne veux pas dépasser davantage mon temps de parole.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je vous en remercie, madame ; un dépassement d’un tiers me semble en effet raisonnable !

La parole est à M. Jean Besson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Besson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2008 aura été marquée par la présidence française de l’Union européenne. Or force est de constater que le dynamisme affiché à cette occasion par le Président de la République ne se traduit pas dans le projet de budget pour 2009.

En effet, les crédits en faveur de la présence de la France en Europe restent toujours aussi faibles. Au sein de la mission « Action extérieure de l’État », que nous examinons aujourd’hui, les crédits de paiement du programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde » s’élèvent à 1, 61 milliard d’euros, soit, il est vrai, une augmentation de 3, 8 %.

Malheureusement, seuls 3 % de ce montant sont consacrés à l’action « Action européenne », qui, déjà sous-dotée, voit ainsi ses moyens financiers diminuer de 1, 53 % par rapport à 2008. Cette action est pourtant loin d’être négligeable puisqu’elle rassemble, notamment, les crédits d’intervention et de communication mis à la disposition du secrétariat d’État chargé des affaires européennes, les crédits destinés à soutenir la présence d’experts français dans les missions européennes et les contributions au Conseil de l’Europe.

L’action consulaire n’échappe pas non plus à cette diminution progressive de la présence française sur le vieux continent. La poursuite en 2009 de la transformation de consulats généraux de plein exercice en postes « à gestion simplifiée », comme cela s’est déjà fait à Séville, Stuttgart ou encore Turin, en est une illustration.

Le rayonnement culturel de notre pays, notamment chez nos partenaires historiques, est lui aussi affecté par la « rationalisation de la dépense publique », pour reprendre la formule consacrée. À titre d’exemple, un tiers des centres ou des instituts culturels français ont été fermés ces dernières années en Allemagne, et l’on constate un net recul de l’apprentissage mutuel du français et de l’allemand.

La présidence française de l’Union européenne s’était fixé pour objectif de réconcilier l’Europe et les citoyens français. Mais la concrétisation de cet objectif supposerait qu’une politique volontariste de communication et d’information à valeur pédagogique soit menée auprès de nos concitoyens, qui, le plus souvent, hélas, assimilent l’Europe à une administration froide et éloignée de leur quotidien. Or, faute de moyens et d’ambition réelle en la matière, il ne sera pas atteint cette année. Il ne le sera pas non plus en 2009 et, de fait, ce sont les collectivités territoriales qui, dans le cadre de leurs coopérations décentralisées, grâce à un vrai travail de proximité, contribuent le plus souvent à faire émerger ce sentiment d’appartenance à l’Europe.

Depuis cinquante ans, de nombreux liens – près de 4 200 – ont été tissés entre les collectivités françaises et les structures homologues des autres pays européens. Tous les échanges, linguistiques, culturels, économiques, ainsi créés forment un maillage extraordinaire et œuvrent plus à la construction européenne et au rayonnement de la France que bien des discours ou des sommets non suivis d’effets ; vice-président de la région Rhône-Alpes délégué aux affaires européennes et aux relations internationales, je peux en témoigner.

Les collectivités territoriales s’affirment ainsi comme les meilleurs relais de la France et de ses forces vives sur le Vieux Continent. Cela ne poserait d’ailleurs pas de difficulté si elles disposaient des mêmes ressources que les länder allemands ou les régions espagnoles ; or on sait que ce n’est pas le cas.

L’examen du projet de budget pour 2009 confirme donc l’absence de stratégie claire et ambitieuse pour assurer à la France la place qui devrait être la sienne en Europe.

L’insuffisance des moyens que l’État consacre à ses actions extérieures n’est, bien sûr, que partiellement comblée par les collectivités territoriales, qui demeurent asphyxiées par de nombreux transferts de compétences non intégralement compensés par l’État.

C’est notamment pour cette raison que le groupe socialiste ne votera pas ce projet de budget.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, être le treizième intervenant dans une discussion présente un avantage : peu de problèmes sont restés dans l’ombre et l’on peut se concentrer sur un sujet unique. J’axerai donc mon intervention sur la collectivité à laquelle j’appartiens, celle des Français de l’étranger, et plus précisément, vous l’aurez deviné, sur l’enseignement français à l’étranger.

La solidarité nationale ne peut s’arrêter aux frontières géographiques de notre pays. Il n’est pas normal qu’un enfant français soit exclu de notre système d’enseignement soit pour des raisons financières, soit pour des raisons géographiques.

Pour cette raison, le Président de la République a souhaité que, dès la rentrée scolaire 2007, le coût de la scolarité des enfants dans les lycées français à l’étranger soit pris en charge par la collectivité nationale, et ce en commençant par la classe de terminale en 2007, en poursuivant par la classe de première en 2008 et, je l’espère, en l’étendant à celle de seconde en 2009.

J’ajouterai que l’on ne peut pas, d’un côté, continuer d’inciter les Français à s’expatrier et, de l’autre côté, leur demander de supporter des frais de scolarité dont le niveau les oblige trop souvent à renoncer à inscrire leurs enfants dans les établissements français.

Si nous adoptions les conditions proposées, qui nous ramèneraient en fin de compte à la situation initiale, le signe que nous donnerions serait aussi fort que déplaisant pour nos compatriotes de l’étranger, qui sont restés trop longtemps ignorés.

Le renforcement du lien entre la République et ses expatriés doit s’opérer dans tous les domaines de la vie quotidienne, au premier rang desquels figure l’éducation de nos jeunes expatriés.

L’expatriation est un pari ; il faut que ce soit un pari gagnant. La France doit être aux côtés de tous ceux qui désirent créer, innover, travailler comme ils le souhaitent et qui ont choisi de s’expatrier pour le faire. Je ne partage pas l’idée, à mon goût un peu trop répandue en métropole, selon laquelle nos expatriés seraient des privilégiés qu’il faudrait à tout prix chercher à contrôler ou à pénaliser pour leur choix. Tous ne résident pas en Suisse, en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou dans des paradis fiscaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa. Ce n’est pas un paradis fiscal, madame, vous devriez le savoir !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Scolariser ses enfants à Ouagadougou, ce n’est pas aussi simple et évident qu’à New York ou en France, par exemple à Nice, Rosières ou Saint-Gildas-des-Bois…

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, et M. André Trillard, rapporteur pour avis, sourient.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Si j’ai bien compris l’exposé des motifs des amendements adoptés par la commission des finances et par la commission des affaires étrangères, l’ambition des auteurs serait de pérenniser la prise en charge des frais de scolarité tout en rendant cette mesure soutenable sur le plan des contraintes budgétaires. Ce souci est probablement très louable sur le plan de l’orthodoxie comptable, mais je ne pense pas que nous puissions décemment remettre en cause une telle mesure par de simples amendements au projet de loi de finances pour 2009, alors même que l’estimation de son coût réel, à maturité, varie du simple au triple selon les sources.

De plus, la complexité liée à la multitude des critères de gratuité doit nous conduire à une plus grande vigilance dans notre manière d’aborder la réforme d’un système qui est, somme toute, encore très récent. Vous me permettrez d’ailleurs de trouver un peu légère la condamnation de la prise en charge par l’État des frais de scolarité de nos jeunes compatriotes fréquentant les lycées français à l’étranger avant même que la mesure soit totalement appliquée : son expérimentation a commencé voilà à peine plus d’un an ! Au demeurant, je suis très favorable à ce que ses conséquences financières sur le budget de la mission « Action extérieure de l’État » soient étudiées en profondeur : en cela, mais en cela seulement, je rejoins l’avis de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères.

En revanche, je ne suis pas du tout favorable à une remise en question de cette mesure sur la base des arguments qui ont été présentés. C’est une bonne mesure, espérée et attendue de longue date par nos compatriotes de l’étranger, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

… et elle doit être étendue, comme le Gouvernement l’a promis et comme nous nous y sommes engagés.

Il faudra certainement, j’en conviens, procéder à des ajustements au cas par cas. Il est notamment possible d’explorer de nouvelles pistes, tels la prise en charge des frais par certaines entreprises ou le conventionnement entre celles-ci et les établissements scolaires. Mais poser des conditions de revenu et plafonner les aides, ce serait faire plusieurs pas en arrière par rapport à notre ambition et à notre volonté. Je ne peux pas l’admettre. Le risque existe d’ailleurs que ces propositions, si elles étaient adoptées, ne provoquent l’effet inverse de celui qui est recherché.

La notion de service public implique que l’on puisse bénéficier d’un enseignement à l’étranger de la même manière qu’en France, c’est-à-dire que les familles françaises résidant à l’étranger ne soient pas contraintes d’en assumer le coût. Nous avons commencé par les classes de terminales : c’est un geste fort !

Je crois plus cohérent et bénéfique de réunir sur le sujet un groupe de travail s’appuyant sur l’expertise de l’Assemblée des Français de l’étranger, du ministère des affaires étrangères et européennes, de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, des sénateurs représentant les Français établis hors de France, mais surtout de l’ensemble des acteurs sur le terrain : c’est par cette voie concertée qu’il convient de rechercher les améliorations susceptibles d’être apportées au système existant afin de le rendre à la fois plus performant et plus supportable pour les finances de l’État. En cela, je rejoins totalement la position exprimée par notre collègue Robert del Picchia, raison pour laquelle j’ai cosigné son amendement.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en considération cette proposition de bon sens qui, dans le même souci qui anime mes collègues Gouteyron et Trillard, vise à ne laisser personne sur le bord du chemin tout en maîtrisant les dépenses.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mes collègues sénateurs des Français de l’étranger, je centrerai mon intervention sur l’examen des crédits alloués au programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires ».

Monsieur le ministre, je vous adresserai une première requête : pourriez-vous veiller à la publication rapide de la nouvelle organisation du ministère ? Vous nous avez certes communiqué quelques avant-projets, mais il serait maintenant utile d’aboutir et, en particulier, d’indiquer ce qu’il adviendra de la DGCID, la direction générale de la coopération internationale et du développement : l’incertitude actuelle entraîne un certain trouble, peut-être épargnés aux services de votre ministère, mais qui frappe les postes consulaires, où, pour certaines questions, personne ne sait plus à qui s’adresser. Il serait donc de bonne politique de publier le nouvel organigramme.

Les crédits du programme 151 seront de nouveau en diminution en 2009. La baisse, de 0, 2 %, est certes modeste, mais elle vient après de nombreuses autres – elle atteignait plus de 8, 3 % dans le budget pour 2008 –, et ce alors même que les communautés expatriées augmentent. Bien entendu, l’action consulaire suit cette évolution budgétaire, que nous déplorons.

Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le rôle des consuls et des consuls généraux. Le système ne tient aujourd’hui que grâce à leur action et à leur dévouement : ils se tuent véritablement à la tâche, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… travaillant le samedi, le dimanche, s’occupant de tout parce qu’ils n’ont plus d’effectifs, plus de cadres. Ils sont donc la cheville ouvrière du dispositif, grâce à laquelle tout tient et à défaut de laquelle tout risque de s’écrouler.

J’ai l’impression, après avoir visité de nombreux postes consulaires, que leurs personnels souffrent de ne pas être considérés. Ils sont en quelque sorte les soutiers du ministère et je crois exprimer leur sentiment – ils ne me l’ont pas demandé ! – en disant qu’ils souffrent de ne pas être reconnus à leur juste valeur.

Sur les autres éléments du programme 151, je note que les crédits alloués à l’action sociale en faveur des Français de l’étranger augmentent légèrement en 2009 : 16 millions d’euros, contre 15, 57 millions d’euros en 2008. Cependant, pour les années suivantes, c’est une baisse qui est anticipée dans votre projet triennal.

En revanche, les crédits consacrés à l’emploi et à la formation professionnelle des Français de l’étranger – sujet important – sont maintenus au même niveau qu’en 2008, 800 000 euros, c’est-à-dire pas grand-chose. C’est un choix que je déplore parce que développer la formation professionnelle permet de maintenir les Français de l’étranger dans les pays où ils vivent et évite d’avoir à les rapatrier en France, avec toutes les difficultés que cela entraîne. Or ces crédits ont baissé de 28 % en 2008 et de 34 % en 2007, c’est-à-dire au total de plus de 50 %.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, je souhaitais vous demander si le futur Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, que nous a présenté hier M. Hortefeux, continuera de participer aux actions relatives à l’emploi et à la formation professionnelle des Français de l’étranger, mission qui est actuellement assurée par l’ANAEM, l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations. Au demeurant, le Sénat a examiné hier un amendement visant à réduire les crédits de l’ANAEM ; je l’ai combattu parce que j’estime que cela aurait pour conséquence de réduire les crédits disponibles pour la formation professionnelle des Français établis à l’étranger.

J’évoquerai au passage, bien que cela ne dépende pas de votre ministère, les problèmes de délais d’obtention des certificats de nationalité. Nous avons l’impression de répéter sans cesse la même chose ! On demande des certificats de nationalité, alors même que M. le directeur des Français à l’étranger a bien donné les instructions nécessaires pour que l’on n’en réclame pas un à tout propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le problème ne relève donc pas de vos services : il vient de la Chancellerie puisque c’est le tribunal de la rue du Château-des-Rentiers qui n’a pas assez de greffiers qualifiés pour délivrer ces certificats. De ce fait, les Français de l’étranger attendent vingt, vingt-cinq, voire trente mois, ce qui crée des situations juridiquement aberrantes et humainement insupportables.

J’en viens aux questions relatives à l’enseignement français à l’étranger, qui ont été abordées par plusieurs orateurs, et je me réjouis de l’intervention de notre collègue Robert del Picchia : il a reconnu le bien-fondé d’un certain nombre des critiques qui sont formulées, et il n’était pas loin de reprendre à son compte notre proposition initiale de passer par la voie d’une augmentation de l’enveloppe consacrée aux bourses, tout le monde étant par ailleurs d’accord sur l’objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. M. del Picchia a eu la grande sagesse d’évoquer le programme de Ségolène Royal.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan, présidentde la commission des affaires étrangères. Il aurait pu citer Martine Aubry, mais malheureusement elle n’a rien dit sur le sujet !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je rappelle que ce programme, que je connais quand même un petit peu, était très simple : il consistait à dire que nous parviendrions au même objectif en portant l’enveloppe des bourses de 52 millions ou 53 millions d’euros à 75 millions ou 80 millions d’euros. Telle était la méthode proposée.

L’argument essentiel à mes yeux est le suivant : ce système, tel qu’il est mis en œuvre, a pour inconvénient d’augmenter les frais de scolarité pour les enfants non français. Or ce système ne tient que parce qu’il y a des enfants non français dans nos établissements, et dans une proportion d’environ deux tiers. Autrement dit, si nous écartons les élèves étrangers – mais ils ne vont pas tous partir, Dieu merci ! – il n’y aura plus d’enseignement français à l’étranger.

Par conséquent, en faisant porter le poids de la gratuité sur les enfants non français, on envoie un message négatif aux familles d’élèves étrangers : « Ne mettez plus vos enfants dans nos écoles ! »

Autre conséquence, l’AEFE, qui est étranglée financièrement par d’autres mesures, prévoit de prélever une sorte de super-taxe de 6 % sur les frais d’écolage des écoles conventionnées et de 2 % pour les écoles homologuées.

Selon mes informations, c’est une mesure qui passe évidemment très mal et qui risque d’avoir pour conséquence de pousser certains des 400 établissements à quitter le sein généreux et maternel de l’AEFE, qui doit superviser le système.

Cette mesure est très dangereuse parce qu’elle entraînera le « détricotage » du réseau éducatif français à l’étranger. Nous devons l’éviter à tout prix et je pense qu’il faudra revenir sur l’idée de ces taxes abusives, dont je me demande d’ailleurs quel est le fondement juridique.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai l’amendement de la commission des affaires étrangères ou celui de la commission des finances, visant à instaurer un double plafonnement en fonction, d’une part, des revenus des parents et, d’autre part, du montant des droits de scolarité.

De la même manière, j’apporterai mon soutien à l’amendement présenté par notre collège Monique Cerisier-ben Guiga et visant à attribuer 600 000 euros au financement du programme FLAM, « Français langue maternelle », qui rencontre un énorme succès, pour un coût relativement modeste, et qui est une sorte de guichet d’entrée dans le système éducatif francophone.

Telles sont les principales observations que je souhaitais formuler, monsieur le ministre, et qui expliquent que nous aurons quelques hésitations à voter les crédits de votre mission

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

Dernier orateur inscrit, intervenant après un certain nombre de collègues sénateurs des Français de l’étranger, je vous rassure, mes chers collègues, je serai aussi bref que possible.

Monsieur le ministre, je tiens à profiter de cette tribune pour partager avec vous les bonnes nouvelles pour la francophonie que j’ai rapportées de l’océan Indien.

Je reviens de Madagascar, où j’ai eu la bonne surprise d’apprendre de notre chargé d’affaires que le président Ravalomanana, qui n’avait pas jusqu’à maintenant la réputation d’être un grand « francophonophile »…

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

C’est surtout qu’il n’aimait pas notre ambassadeur !

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

Le problème n’est pas là, ma chère collègue. Le problème, nous le savons, est qu’il a introduit l’anglais comme troisième langue officielle dans son pays…

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

… et il est clair que, depuis un certain nombre d’années, la francophonie était en régression.

Or, grâce à votre action, monsieur le ministre, le prochain sommet de la francophonie aura lieu à l’automne 2010 dans la Grande Île. Le président malgache en est manifestement très heureux, et cela l’a amené à opérer un virage à cent quatre-vingts degrés : il est devenu notre grand ami.

Monsieur le ministre, il nous faut à tout prix profiter de cette conjoncture tout à fait favorable ; nous avons deux ans devant nous, c’est suffisamment proche pour mobiliser les énergies et suffisamment long pour s’organiser.

J’ai lancé le même appel à votre collègue M. Darcos il y a deux jours dans cet hémicycle et il l’a très bien reçu.

Il convient, me semble-t-il, de profiter de cette chance quasi historique que nous offre ce grand porte-avions qu’est Madagascar, déjà en grande partie francophone, situé à proximité relative – eu égard à la taille de l’océan Indien ! – de cette sorte d’archipel francophone que constituent la Réunion, Maurice, les Comores, Mayotte et les Seychelles. Il s’agit maintenant, selon moi, de décréter un véritable branle-bas de combat !

Nous avons deux ans pour rattraper le temps perdu. La tâche est immense, il ne faut pas se le cacher. Le président Ravalomanana a avancé des chiffres un peu extravagants, parlant de 70 000 enseignants à former en français, ce qui ne semble pas très réaliste.

Il s’agit d’une occasion unique à saisir. Il faut mobiliser toutes nos forces de coopération, l’éducation nationale, l’île de la Réunion, ainsi que l’Agence française de développement, à laquelle on reproche trop souvent de manquer de culture du résultat.

Monsieur le ministre, vous l’avez compris, je suis venu à cette tribune prêcher un véritable plan Marshall pour la francophonie dans l’océan Indien.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Mon intervention sera brève.

Je répondrai d’abord à M. Ferrand – ce sera ma seule réponse de politique générale – que nous sommes conscients de la nécessité d’accélérer les choses à Madagascar. J’espère que notre nouvel ambassadeur sera bien accueilli. Les choses sont un peu compliquées psychologiquement et politiquement, mais la tâche est immense. Le sommet de la francophonie aura lieu dans deux ans ; nous nous y préparons et Madagascar également.

Madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la richesse de vos interventions. J’aime débattre avec vous…

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Je vois que Dominique Voynet a compris ce que je voulais dire...

J’ai déjà eu l’occasion de participer avec vous à un débat de politique générale et je suis tout à fait prêt à en avoir un de nouveau en janvier si vous le souhaitez. En effet, c’est un peu difficile avant la fin de l’année, d’autant que la présidence française est très contraignante.

Par conséquent, vous voudrez bien me pardonner, mais je ne répondrai que sur le budget, …

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

… aussi intéressé que je puisse être par tous les sujets qui ont été abordés et par vos interrogations, qui appellent effectivement des réponses.

Je rappellerai tout d’abord que les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » s’élèvent à 2, 5 milliards d’euros et sont en progression, il faut tout de même le souligner, de 7 %. Ce n’est pas assez, pensez-vous. Mais vous reprochez toujours à un ministre qui voudrait beaucoup plus d’argent de ne pas en avoir assez ! Je suis d’accord avec vous, mais ces crédits font partie d’un budget général qui tient compte de la situation économique globale de l’économie de notre pays. Ce budget résulte de décisions qu’il a fallu prendre dans une période de crise, laquelle s’est de plus révélée après que les crédits ont été arbitrés.

Ces crédits recoupent trois grandes priorités qui se concrétisent par leur volume financier.

La première concerne nos contributions internationales, grâce auxquelles nous concourons à la paix dans le monde – même si ce n’est pas toujours facile –, à la gestion des crises – nous le faisons de façon très visible et efficace – et à l’animation des forums multilatéraux.

La deuxième priorité concerne notre réseau à l’étranger, qui subit une profonde évolution.

Enfin, la troisième priorité a trait à notre action culturelle. Certes, les moyens qui lui sont dédiés sont insuffisants, je me charge de trouver des fonds supplémentaires, de concentrer notre effort et de donner à cette action une vraie dynamique.

Je sais l’importance de notre action culturelle, qui est même un atout par rapport aux autres diplomaties, mais je souhaiterais qu’elle le soit plus encore, notamment pour ce qui concerne notre réseau de lycées français à l’étranger, de centres culturels, etc.

Avec un projet de budget pour 2009 prévoyant 695 millions d’euros au titre des contributions internationales, c’est une grande partie des crédits du ministère des affaires étrangères et européennes qui est dédiée à cette priorité.

Les budgets des organisations internationales connaissent une croissance constante moyenne de 2, 3 % par an. Ainsi, le volume financier des opérations internationales de maintien de la paix est important et continue, depuis l’an 2000, de croître de 10 % par an, avec environ 100 000 Français déployés.

La majorité de ces opérations a lieu dans des zones où la France est très directement concernée ; nous ne pouvons donc guère limiter ses forces d’intervention. Toutefois, la réduction de nos forces armées est à l’étude en Côte d’Ivoire et au Liban. La France contribue ainsi pour le seul Darfour, région où elle n’est pas présente, à hauteur de 85 millions d’euros. Nous avons obtenu une dotation de 340 millions d’euros pour les opérations, soit une hausse de 40 millions d’euros par rapport à 2008, qui correspond aux besoins. Mais le rythme de dépense des opérations telles que la MINUAD, la Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour, ou la MINURCAT, la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, remettrait en cause cette évaluation.

Je n’ai pas le temps de développer cette question, mais je vous informe, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour le Tchad, un quart des personnes déplacées sont rentrées chez elles et je parie que, d’ici au mois de mars prochain, échéance à laquelle l’opération EUFOR s’achèvera et sera, je l’espère, remplacée par une opération des Nations unies, la moitié d’entre elles seront rentrées.

Pour autant, nous essayons autant que possible de contenir cette dépense. Ainsi avons-nous transféré à d’autres ministères, à hauteur de 17 millions d’euros, les contributions d’une cinquantaine d’organisations que ces ministères suivaient déjà dans les faits, et nous allons continuer de le faire sur la période 2010-2011.

La France plaide aussi systématiquement pour la discipline budgétaire. Mais il est de notre intérêt de conserver un système multilatéral qui fonctionne.

Monsieur le rapporteur spécial, j’ai bien compris le sens de votre amendement sur l’Union latine, qui regroupe les pays latins d’Europe et d’Amérique latine. La négociation est actuellement en cours, et je puis vous assurer de la plus grande fermeté de notre position à l’égard de nos partenaires.

M. Jean-Pierre Chevènement m’a interrogé sur le budget des Nations unies. Il est certes en très forte hausse, mais celle-ci est concomitante du nombre des opérations engagées.

La demande initiale du secrétariat des Nations unies aurait conduit à une augmentation de notre contribution de 50 % environ, compte tenu de la présence des forces de ces dernières en Irak et en Afghanistan, des investissements informatiques et des créations de poste. Certaines de ces demandes sont légitimes, voire inévitables.

Quand peut-on souhaiter le départ des Nations unies d’Irak ou d’Afghanistan ? C’est une question dont nous pourrons débattre, même si nous ne sommes pas présents en Irak. En tout cas, ce n’est pas notre départ qui est essentiel. Depuis la conférence de Paris, il est désormais primordial aux yeux de tous de passer les commandes aux Afghans ; telle est bien notre stratégie. Il faut faire des choix, et les Nations unies doivent aussi faire des économies partout là où c’est possible.

Par ailleurs, je vous informe, mesdames, messieurs les sénateurs, que, par souci de régionalisation, nous allons réunir, en France, la semaine prochaine, les pays voisins de l’Afghanistan, à savoir l’Iran, le Pakistan, et tous les autres.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Ce sera une première ! C’est un début de dialogue pour faire changer les stratégies.

Autre grand axe de dépenses : près de 450 millions d’euros sont accordés à notre réseau à l’étranger. Par son nombre d’implantations, avec 160 ambassades, 97 consulats et consulats généraux, 21 représentations multilatérales, celui-ci est le deuxième au monde, et il le restera, même si, je l’avoue, j’aspirerais à ce qu’il soit le premier…

Notre ambition est de réussir la mutation du ministère des affaires étrangères et européennes, et donc sa réforme, pour le bien de nos services et de l’action extérieure de la France.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je commence à connaître les ministères, et celui-là en particulier. Je puis vous dire, sans trop m’avancer, qu’une rationalisation est possible. Il ne s’agit pas de supprimer des postes par pur plaisir ! Rationaliser, le mot est faible ; en réalité, il faudrait revoir globalement la manière de travailler ensemble pour que chacun remplisse une mission déterminée. Pour éviter les doublons, chacun devrait assurer une tâche spécifique. Ainsi, il serait beaucoup plus fier de son travail et d’appartenir à ce ministère.

Je ne veux pas faire de généralités, mais il arrive souvent que certaines personnes fassent la même chose ! §Mais si, c’est souvent le cas !

Hier, j’étais à Helsinki pour participer au Conseil ministériel de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – mais je l’ai aussi constaté au cours d’autres déplacements en Norvège ou à Bruxelles –, et je puis vous assurer qu’il est possible de rationaliser le travail de tous ces groupes.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Souvent, ils font la même chose. Je ne dis pas qu’il faut supprimer des postes, je dis qu’il faut rationaliser !

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

L’opinion a retenu que la réforme du Quai d’Orsay consistait, pour l’essentiel, dans la modulation de nos ambassades, avec une trentaine d’ambassades polyvalentes, une centaine d’ambassades à missions prioritaires et une trentaine de postes de présence diplomatique. Ce procédé n’a rien d’insultant pour qui que ce soit. Nous prendrons les pays un par un, et vous verrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’on se demandera même pourquoi nous maintenons une représentation dans certains pays.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Nous resterons, mais les tâches devront vraiment être mieux distribuées !

M. Trillard m’a interrogé sur les critères retenus pour la mise en œuvre de cette réforme et sur son rythme.

Le critère fondamental retenu pour la répartition des ambassades est avant tout fonctionnel. Le calendrier est triennal et porte sur la période 2009-2011.

Concernant le rythme, le secrétaire général a demandé aux ambassadeurs de proposer, avant le 15 octobre, un plan triennal d’évolution de leurs moyens fondé sur leur propre analyse. C’est donc en collaboration avec eux que nous engageons cette réforme.

Je vous signale d’ailleurs que cette démarche générale avait été précédée de deux démarches particulières, l’une menée en Allemagne et l’autre au Sénégal. Les résultats y sont excellents, car les personnes concernées ont précisément retrouvé une place qui correspond nettement mieux à leurs spécificités et à leurs goûts. La mise en place de ce plan prend un certain temps. Certes, tout devrait être terminé, mais les listes ont été partiellement publiées.

Enfin, la réforme a une dimension interministérielle forte, qui se traduira par la création d’un comité interministériel, le comité des réseaux internationaux de l’État à l’étranger.

Les réseaux consulaires et culturels se réforment aussi pour assurer une meilleure répartition par rapport à nos dispositions diplomatiques.

Nos consulats s’adaptent à l’évolution du monde. Nous serons, c’est vrai, moins présents en Europe, mais nous le serons plus dans les pays en développement, notamment les pays émergents.

Monsieur de Montesquiou, vous avez relevé dans votre intervention les autres réformes en cours ; je vous remercie de votre soutien:

Le nouveau centre de crise a démontré, depuis le mois de juillet dernier, son efficacité. Ainsi, ces derniers jours, nous avons été confrontés à plusieurs événements en même temps : la situation de crise en Thaïlande et en Inde, l’enlèvement d’un travailleur humanitaire en Afghanistan et de deux journalistes en Somalie. Les cinquante personnes du centre de crise ont travaillé jour et nuit, avec les résultats que l’on connaît : un premier avion rapatriant des touristes français en provenance de Bangkok est arrivé mercredi soir ; nous déplorons des morts à Bombay et la situation continue d’être préoccupante, mais des rescapés des attentats ont été rapatriés ; l’otage français en Afghanistan a été libéré et nous continuons à chercher une solution pour les deux journalistes pris en otage en Somalie, qui, nous venons de l’apprendre, se sont d’ailleurs finalement révélés ne pas être français.

Vous m’avez interrogé sur les postes mixtes consulaires et commerciaux. Actuellement, ils sont au nombre de cinq : à Bombay, Houston, Atlanta, Chengdu et Bangalore. Je ne sais pas si le mouvement se poursuivra, car tout dépend de la satisfaction que nous en retirerons, mais c’est, sans aucun doute, une piste de réforme.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Les discussions se poursuivent avec Bercy pour l’extension du dispositif à Johannesburg.

Nous nous sommes engagés à consentir, au cours des trois années qui viennent, un effort important pour réduire nos effectifs de 700 personnes. Cet engagement sera tenu au rythme suivant : 190 suppressions en 2009, 255 en 2010 et 255 en 2011. Ces 700 suppressions d’emplois procèdent d’une concertation avec les agents concernés et les syndicats ; j’y insiste, car je sais combien c’est important pour eux. Cette réforme, qui était attendue, se passe bien jusqu’à présent ; j’espère que cela continuera ainsi !

Ces diminutions d’emplois seront obtenues en trois ans, par le biais du non-remplacement de départs en retraite ou du non-remplacement d’agents contractuels à l’issue de leur contrat. Cela correspond au non-remplacement de deux agents sur trois pour l’ensemble des personnels et d’un sur trois pour les fonctionnaires titulaires.

En termes fonctionnels, les suppressions se répartissent comme suit : 315 pour les métiers politiques, la gestion et la coordination de l’action de l’État ; 135 pour les métiers consulaires ; 90 dans les secteurs culturel et scientifique ; 160 dans les domaines de la coopération.

La répartition fine par pays dépendra de l’évolution des missions et sera faite en concertation avec les agents.

Le montant global des économies attendues est estimé à 28 millions d’euros. J’ai obtenu de récupérer une partie de ces économies, soit 60 % du montant, pour nos personnels. Mais nous irons bien au-delà.

Nous réformons notre administration centrale en remodelant l’encadrement supérieur et en mettant en place le dispositif innovant de la deuxième carrière. Sur vingt demandes, quatorze nouvelles carrières ont été acceptées. Vous le savez, avec la deuxième carrière, un agent du ministère des affaires étrangères et européennes peut, dès cinquante ans, changer de ministère ou aller dans le privé. À cet effet, il reçoit un petit pécule, lequel n’est d’ailleurs pas, à mon avis, suffisant.

Par ailleurs, nous améliorons les conditions de la tutelle de l’Agence française de développement. Comme le propose M. Duvernois, nous créons également de nouveaux établissements publics, dont CulturesFrance, ou un opérateur chargé de la mobilité et de la politique d’attractivité qui regroupera l’association EGIDE, France coopération internationale, et CampusFrance. Je vous le dis, il y a aura une direction réelle, forte et dynamique de nos opérations culturelles, toutes ensemble. Quoi qu’il en soit, je suis prêt à en discuter avec vous ; un rendez-vous a été fixé avec Yves Dauge. Je n’ai rien à cacher ; au contraire, toutes les idées sont les bienvenues.

Je répondrai maintenant à M. Gouteyron, qui m’a interrogé sur un opérateur en cours de préfiguration : la foncière des biens immobiliers de l’État à l’étranger.

Le travail préalable de rédaction du rapport Dumas a préconisé la création d’une foncière, qui est un instrument de mutualisation de la politique immobilière de l’État à l’étranger, et Dieu sait si nous en avons besoin ! Elle implique une tutelle forte du ministère parce que les besoins diplomatiques et les traditions diffèrent d’un pays à l’autre.

La politique immobilière de l’État à l’étranger est en effet un outil au service de notre action extérieure, pas le contraire ! Les impératifs de souveraineté et de sécurité relèvent du contrôle du ministère des affaires étrangères et européennes.

Le patrimoine historique doit faire l’objet d’un mode de gestion spécifique. Le palais Farnèse, à Rome, le palais d’Abrantes, à Lisbonne, ou encore le palais Bucquoy, à Prague, par exemple, ne doivent pas être traités seulement comme des biens immobiliers.

Nos recommandations sont les suivantes : la foncière doit combler, à sa création, un besoin immédiat pour les opérations complexes menées par les ambassadeurs, alors que ce n’est évidemment pas leur spécialité. Elle doit inclure la question des logements des agents en poste à l’étranger.

Comme l’ont souligné les agents diplomatiques que j’ai reçus, l’indemnité de résidence est absolument insuffisante dans certains pays. Nous allons la revaloriser et commencerons par les pays les plus concernés, tels les États-Unis, où le logement est terriblement cher. En janvier prochain, cette indemnité sera augmentée de 19 %.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer les initiatives nombreuses et différenciées, traduites dans trois amendements qui seront présentés tout à l'heure, concernant la défense de notre réseau, et je me réjouis de l’excellent débat qui s’est engagé sur la gratuité de la scolarité des élèves français dans nos lycées à l’étranger. Cette question mériterait que l’on y consacrât plus de temps, mais, si vous m’accordez la moindre confiance, je vous demande de surseoir à toute décision trop brutale.

Le Président de la République a accepté, dans un débat très ouvert et qui a, me semble-t-il, apporté une grande satisfaction, d’assurer la gratuité des frais de scolarité des élèves français des lycées français à l’étranger pour les classes de terminale, de première et de seconde. Un moratoire a été décidé pour le mois de septembre prochain, afin de mettre en œuvre l’autre promesse faite par le Président de la République, à savoir celle qui a trait aux bourses.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Il avait été proposé d’accorder la gratuité de la scolarité et, simultanément, de trouver un équilibre en matière d’octroi de bourses. Je vous demande de ne pas figer la situation, car nous sommes sur la bonne voie. Il y a trois mois, qui aurait pu dire que nous allions décider d’un moratoire pour engager une réflexion ? La discussion préalable a été fructueuse, les deux représentants des Français de l’étranger étant d’accord. Acceptez donc d’attendre les conclusions de cette réflexion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons la question des bourses. Elle fera l’objet d’une nouvelle proposition, que nous soumettrons au Président de la République.

M. Jean-Pierre Cantegrit applaudit

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

J’ai conscience que les élèves locaux et leurs familles pourront rencontrer, même si ce n’est pas encore le cas, de grandes difficultés pour assumer une telle charge financière. Même si leur éviction n’est pas encore évidente aux yeux de tous, elle le deviendra. Si certains élèves obtiennent la gratuité de leurs frais de scolarité, alors que ceux de leurs camarades augmentent, nous ne serons pas satisfaits, car nous n’aurons pas fait progresser la francophonie et la fréquentation de nos lycées et de nos universités !

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Si vous voulez bien me faire confiance – je vous rappelle que j’ai toujours tenu mes promesses –, je m’engage à discuter de ce problème avec le Président de la République.

Des moyens importants sont mobilisés : les crédits de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, atteignent quelque 500 millions d’euros, dont 415 millions d’euros sont consacrés à son fonctionnement et 86 millions d’euros aux bourses. Plus largement, les crédits de la politique d’attractivité représentent près de 100 millions d’euros.

Cette somme de 500 millions d’euros est répartie entre le programme « Rayonnement culturel et scientifique », pour 415 millions d’euros, et le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires », pour 86, 1 millions d’euros. Le rapporteur spécial a souligné à juste titre la hausse des coûts, que je viens d’évoquer, qui pourrait pénaliser les élèves locaux.

L’augmentation de 123, 7 millions d’euros au titre du programme « Rayonnement culturel et scientifique », qui atteignait 291, 3 millions d’euros en 2008, s’explique par le transfert à ce programme, pour 120 millions d’euros, de la charge des cotisations de pensions civiles. Ce budget, pour le moment, est déséquilibré. Le complément de 3, 7 millions d’euros couvrira l’augmentation de la masse salariale et financera le déficit de fonctionnement constaté en 2008.

L’augmentation de 19, 14 millions d’euros au titre du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires » permettra d’étendre la prise en charge des droits de scolarité des lycéens français.

L’AEFE est pour moi un exemple en matière de tutelle. Nous partageons les mêmes difficultés, mais aussi les mêmes succès. C’est un outil merveilleux, auquel j’attache une très grande importance. Le rapport qui m’a été remis cet été comporte une grande quantité d’idées intéressantes, que nous devrons mettre en œuvre ensemble.

Au-delà, la politique d’attractivité et de promotion du français passe par le maintien de la priorité donnée aux bourses destinées aux étudiants étrangers. Je me bats pour qu’elles soient plus nombreuses, car, aujourd’hui, à l’évidence, leur nombre est bien insuffisant. Dans nos universités, nous ne faisons pas venir suffisamment les étudiants étrangers, y compris ceux qui suivent les cours dispensés dans nos lycées !

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Les alliances, dont le rôle a été souligné, voient leurs moyens maintenus ; la recherche de partenariats, notamment scientifiques, avec le privé doit être développée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens à l’action culturelle. J’évoquerai brièvement l’avenir de notre réseau culturel, objet de toute votre attention. À cet égard, je veux saluer l’excellent travail de Mme Cerisier-ben Guiga et de M. Dauge.

Dans ce domaine aussi, la RGPP a permis de réaffirmer le rôle interministériel fondamental de l’ambassadeur. Or celui-ci n’a pas toujours la capacité ou le goût d’assurer une telle mission. Nous déterminerons donc les postes d’ambassadeurs en fonction de ce critère. Si tel ambassadeur n’aime pas le développement alors qu’une grande partie de ses tâches devrait y être consacrée, il ne sera pas nommé dans ce type de poste. C’est ce rôle fondamental de l’ambassadeur qui légitime le maintien d’un point d’entrée unique, au sein de ce ministère, pour toutes nos opérations de coopération scientifique, universitaire et culturelle.

Je voudrais également vous dire mon sentiment sur ce que doit être et demeurer le sens de notre action culturelle, ô combien importante dans le monde d’aujourd’hui. Je vous le répète : je souhaite reconstituer une forte direction des activités culturelles et du français – une direction !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s’exclame.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

À l’étranger, nous ressentons un vrai besoin dans le champ culturel. L’action culturelle extérieure, c’est aussi le soutien à nos industries culturelles, qui jouent un rôle important, à une conception pluraliste de la culture, à l’innovation et à l’avant-garde de notre pays.

Enfin, permettez-moi de le souligner, tout cela représente un coût minime pour le budget de la France. Il faut donc absolument maintenir et développer cette action.

Nous essayons, dans ce contexte difficile, de préserver les grandes lignes d’une action culturelle que je serai très heureux d’évoquer avec vous.

Je souhaite maintenant répondre à la question qui a été posée par M. Ferrand sur Madagascar et la francophonie.

Il faut donner un nouvel élan pour construire des relations solides, puisque les difficultés sont désormais réglées, et ce dans un esprit de respect mutuel et de confiance. Un nouvel ambassadeur a ainsi été sélectionné.

Je me réjouis que la candidature de Madagascar ait été retenue pour organiser le sommet de la francophonie en 2010. Il faut désormais travailler à sa réalisation, qui représente un budget important, mais aussi, pour une ville, des efforts colossaux à réaliser. Or deux ans, c’est une durée relativement courte. Ce choix rend hommage au profond attachement que le peuple malgache témoigne au patrimoine culturel et linguistique commun à nos deux pays.

J’ai choisi ainsi de préserver les moyens de fonctionnement de nos opérateurs comme CulturesFrance. J’ai décidé de fusionner les centres culturels et les instituts au sein d’« EspacesFrance ». Nous allons bientôt choisir leur nom. J’avais proposé « Victor Hugo », mais il semble que « Institut français » tienne la corde pour le moment. Au demeurant, c’est moi qui déciderai !

J’en viens aux réponses aux questions plus spécifiques qui m’ont été posées.

Monsieur le rapporteur spécial, je ne suis pas tout à fait d’accord avec la proposition que vous formulez dans votre rapport d’intégrer au plafond d’emploi les personnels des centres culturels de droit local.

M. le rapporteur spécial s’exclame.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

L’intérêt de ces nouveaux établissements réside dans le statut juridique – établissement à autonomie financière à la recherche d’un autofinancement croissant –, qui permet l’intervention des personnalités et, surtout, des entreprises locales. Face à une évolution rapide du contexte, les EspacesFrance adapteront les profils de postes à des métiers en mutation.

Madame Goulet, j’ai rencontré l’Émir, le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères du Koweït les 21 et 22 avril derniers. J’ai ensuite revu le Premier ministre à New York. Le Président de la République compte se rendre de nouveau dans ce pays en 2009.

Pour ce qui concerne l’Irak, il s’agit du contentieux dit des « avoirs gelés » né de la première guerre du golfe. Je ne vous ferai pas l’historique de cette affaire. Mais les Irakiens nous devaient beaucoup d’argent par ailleurs !

Nous avons annulé les dettes. Cette opération a été bénéfique pour le budget irakien, qui est excédentaire ! J’espère que nos relations avec ce pays vont s’intensifier, puisque la situation entre les entreprises françaises et l’État irakien commence à s’améliorer. Je vous rappelle à ce sujet que les entreprises concurrentes allemandes, chinoises, russes et américaines sont évidemment dans ce pays depuis longtemps.

L’État irakien demande depuis 2003 le retour des biens et actifs irakiens gelés par la résolution 687 du Conseil de sécurité des Nations unies. Si l’essentiel du problème a été réglé, on déplore encore des contestations devant les tribunaux, du fait des créances et impayés irakiens dus à des Français, notamment au titre du programme « pétrole contre nourriture ». Il y a aussi des contestations portant sur le droit de propriété, car l’Irak demande par exemple le retour de biens, notamment deux villas, appartenant à des personnalités du régime baasiste. Dans ces affaires, nous faisons le maximum.

Permettez-moi de conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous remerciant encore pour l’ensemble de vos contributions, qui ont nourri notre débat. Je le sais, je n’ai pratiquement répondu à aucune de vos interrogations bien légitimes concernant la politique extérieure de la France. Je le ferai en janvier prochain, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, si vous le souhaitez

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, deux solutions s’offrent à nous : soit nous suspendons la séance et nous examinons les amendements cet après-midi, soit nous poursuivons sur notre lancée. Selon mes estimations, il nous reste encore trois quarts d’heure à une heure de débat. Mais tout dépend de vous, mes chers collègues.

Vous avez la parole, monsieur le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Tout d’abord, je vous remercie, monsieur le ministre, de la concision de votre réponse.

Vous l’avez rappelé, il s’agit aujourd’hui d’un débat budgétaire. Au demeurant, je ne doute pas que nos collègues de la commission des affaires étrangères – je parle sous le contrôle du président de Rohan – apprécient le débat que vous leur proposerez au début de l’année prochaine.

Il est treize heures dix. Il nous reste quatorze amendements à examiner. J’observe que la plupart d’entre eux ont déjà été explicités par leurs auteurs à l’occasion de leur intervention liminaire.

La décision que nous avons à prendre nous engage tous : nous ne pouvons décemment pas aller au-delà de treize heures quarante-cinq, ce qui nécessite naturellement une extrême concision de la part de chacun des auteurs des amendements et de ceux qui voudront, le cas échéant, expliquer leur vote.

La question est donc de savoir si nous sommes prêts, les uns et les autres, à respecter ces horaires, afin de pouvoir suspendre au plus tard vers treize heures quarante-cinq, faute de quoi il convient de suspendre la séance maintenant, pour reprendre nos travaux à quinze heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je consulte le Sénat sur l’opportunité de poursuivre nos travaux.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Nous allons donc procéder à l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », figurant à l’état B.

En euros

Action extérieure de l’État

Action de la France en Europe et dans le monde

Dont titre 2

523 993 926

523 993 926

Rayonnement culturel et scientifique

Dont titre 2

87 758 043

87 758 043

Français à l’étranger et affaires consulaires

Dont titre 2

188 536 752

188 536 752

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° II-199, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

5.000.0005.000.000

5.000.0005.000.000

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

Français à l'étranger et affaires consulairesDont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Comme je l’ai déjà indiqué, cet amendement vise, compte tenu de la suppression des ambassadeurs thématiques, à diminuer les crédits de l’action n° 1 « Coordination de l’action diplomatique ».

Je le retirerai dès que vous m’aurez donné l’assurance, monsieur le ministre, que vous nous communiquerez bientôt la liste de ces ambassadeurs thématiques et, subsidiairement, le poids qu’ils représentent dans votre budget. Les sommes correspondantes pourraient sans doute utilement être dirigées vers d’autres actions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Monsieur le ministre, acceptez-vous la condition de retrait qui est posée ?

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Condition acceptée ! Je vous communiquerai cette liste, madame Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Par conséquent, je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° II-199 est retiré.

L'amendement n° II-200, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

Français à l'étranger et affaires consulairesDont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il s’agit d’un amendement « familial », que mon mari avait déposé bien avant moi. Il concerne la suppression des contributions obligatoires à l’UEO, l'Union de l'Europe occidentale.

Cette organisation est absolument moribonde. Ses missions ont été transférées au Parlement européen, au titre des missions dites de Petersberg. J’ajoute que la signature du traité de Lisbonne rendra cette assemblée, qui a d’abord été temporaire et qui s’est ensuite autoproclamée parlementaire, totalement obsolète.

Par ailleurs, elle coûte un argent fou, essentiellement au titre de pensions et retraites et non pas d’actions. Les sommes qui y sont consacrées permettraient de réunir un brain trust de prix Nobel invités à discuter des problèmes liés à la défense !

Le président de la commission des affaires étrangères du Parlement européen est d’ailleurs tout à fait favorable à une telle suppression.

Monsieur le ministre, je suis également prête à retirer cet amendement. Cela dit, pourriez-vous, dans le cadre de la présidence française, examiner avec vos collègues européens les conditions éventuelles d’une dissolution de cette assemblée, qui relève d’un traité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel

Mme Nathalie Goulet opine

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Hélas ! nous sommes loin de la mise en application du traité de Lisbonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° II-200 est retiré.

L'amendement n° II-2, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

Français à l'étranger et affaires consulairesDont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Comme je l’ai annoncé précédemment, il s’agit d’inciter le Gouvernement, qui est engagé sur une très bonne voie, à renégocier les contributions internationales, ce qui paraît indispensable. M. le ministre nous a fait part de sa volonté d’agir en ce sens.

Je propose donc de réduire les crédits affectés à l’Union latine, dont la France assume, en la dotant de 600 000 euros, une large part du financement.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Je suis désolé, monsieur le rapporteur spécial, mais le Gouvernement a une préférence pour les amendements identiques n° II-48 rectifié et II-188 rectifié parce qu’ils nous permettent de conserver les crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Monsieur le président, je retire l’amendement n° II-2, au bénéfice des amendements identiques n° II-48 rectifié et II-188 rectifié qui affectent les crédits concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° II-2 est retiré.

L'amendement n° II-203, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

Français à l'étranger et affaires consulairesDont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

C’est une victoire de l’optimisme sur l’expérience. Nous avons un ambassadeur de France à Strasbourg, dont la mission est de s’intéresser aux travaux du Conseil de l’Europe, dont très peu de personnes font cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Effectivement !

Grâce au TGV, vous pourriez très bien, monsieur le ministre, déléguer l’un de vos nombreux fonctionnaires ou ambassadeurs thématiques pour assister à ces travaux.

Nous ferions une économie de 195 933 euros en supprimant cette ambassade de France à Strasbourg, qui me semble excessive par rapport aux besoins de votre ministère.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Il est défavorable. L’ambassadeur loge dans un bâtiment qui appartient à l’État français.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Si ce bâtiment appartient effectivement à l’État français, pourquoi un loyer est-il inscrit dans le « bleu » budgétaire ?

Cela étant dit, je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° II-203 est retiré.

L'amendement n° II-47, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé du programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État » :

Action culturelle et scientifique extérieure

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Cet amendement vise à changer l’intitulé du programme 185 de la mission « Action extérieure de l'État », afin de trouver des mots qui soient plus conformes à la réalité que l’expression « rayonnement culturel et scientifique ». Toutefois, un peu plus de temps serait sans doute nécessaire pour trouver la bonne formulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suggère effectivement qu’on réfléchisse à cette question. En attendant, je sollicite le retrait de cet amendement, car il est impossible de prendre une telle décision en séance.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Je partage l’avis exprimé par M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Madame le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-47 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° II-47 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° II-48 rectifié est présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.

L'amendement n° II-188 rectifié est présenté par M. Duvernois.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

Français à l'étranger et affaires consulairesDont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-48 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Cet amendement vise à utiliser les 600 000 euros que nous retirons à l’Union latine pour financer, d’une part, le programme « Français langue maternelle » – FLAM – qui concerne les deux tiers des enfants français établis à l’étranger et, d’autre part, le « Plan pluriannuel pour le français dans l’Union européenne », lequel nous paraît essentiel. Ces deux programmes ont été brutalement privés de financement cette année.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Louis Duvernois, pour présenter l’amendement n° II-188 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

Le programme FLAM, qui vient d’être évoqué, a fait la preuve de son succès sur le terrain, ainsi que l’a confirmé un rapport d’audit de 2007, qui recommande la poursuite de sa progression. En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je milite moi-même régulièrement, sur le terrain, pour la montée en puissance de ce programme. C’est pourquoi je partage l’engagement qu’a exprimé, au nom de la commission des affaires étrangères, ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga. Nous démontrons ainsi que l’enthousiasme pour cette initiative dépasse les clivages politiques.

Je voudrais insister, monsieur le ministre, sur le coût très modique de ce programme, qui représente 200 euros seulement par élève, et même 75 euros si l’on prend également en compte les enfants étrangers qui bénéficient du programme.

Le retour sur investissement est particulièrement appréciable, ce programme favorisant la pratique de la langue française chez des enfants français scolarisés localement dans une autre langue que le français, qui sont deux fois plus nombreux que les enfants scolarisés dans notre réseau d’enseignement français à l’étranger.

Que l’on ne se trompe pas sur mes intentions : je regrette d’avoir à chercher les économies nécessaires sur la réduction de notre contribution à l’Union latine. Je reste naturellement très attaché à la coopération linguistique et culturelle entre les pays de langues romanes. Néanmoins, comme l’a rappelé notre collègue Adrien Gouteyron, cette organisation reste profondément méconnue.

Or mon souci est de donner toutes leurs chances à des initiatives prometteuses de la société civile qui, en dépit de moyens extrêmement réduits, font la preuve de leur efficacité sur le terrain et représentent un retour sur investissement de très loin supérieur aux bénéfices que nous retirons de nos contributions à certaines organisations internationales.

Mercredi, j’ai milité, en séance publique, pour une politique francophone d’initiatives. Je poursuis sur la même ligne en demandant que, parmi les économies réalisées sur l’Union latine, un apport de 300 000 euros soit garanti au programme FLAM.

Néanmoins, cet apport me semble encore insuffisant. En 2008, le programme FLAM disposait d’un budget de 310 000 euros. Ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga et moi-même avons, je le crois, proposé au Gouvernement un compromis très satisfaisant en offrant que l’autre moitié des économies générées par la réduction de notre contribution à l’Union latine, c’est-à-dire 300 000 euros, soit consacrée au Plan pluriannuel pour le français dans l’Union européenne, car j’estime que cette initiative du Gouvernement mérite d’être saluée et d’être soutenue.

Marques d’impatience sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

Je veux en effet féliciter notre ministre et le Président de la République pour leurs efforts en faveur du maintien de l’influence du français dans l’Union européenne. À partir de ce compromis, je demande au Gouvernement qu’il s’engage, lui aussi, en faveur du programme FLAM §qui nous tient tous à cœur, en nous donnant l’assurance qu’il comblera la différence pour que ce programme bénéficie d’un budget important lui permettant de poursuivre sa montée en puissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président. Merci de votre concision, monsieur Duvernois !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° II-209 rectifié, présenté par M. del Picchia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Guerry et Cantegrit, Mme Kammermann, MM. Cointat et Frassa, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

Français à l'étranger et affaires consulairesDont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Robert del Picchia.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Cet amendement d’appel a pour objet le rattachement au programme 151 des crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger – l’AEFE – qui figurent actuellement au programme 185, afin de rassembler tous les crédits de l'AEFE au sein du même programme.

Le programme 185 contient déjà les bourses et la prise en charge des frais de scolarité des enfants français. Il est, de surcroît, géré par la Direction des Français à l'étranger.

Nous avions présenté un amendement similaire l’an passé.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. La dimension « rayonnement culturel » et l’accueil des enfants étrangers ne doivent pas, non plus, être oubliés.

M. le ministre opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En revanche, la commission émet un avis favorable sur les amendements identiques n° II-48 rectifié et II-188 rectifié, puisqu’elle a retiré l’amendement n° II-2 au profit de ceux-ci.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Il est favorable sur les deux amendements identiques. J’ai toutefois une préférence pour l’amendement présenté par Mme Monique Cerisier-ben Guiga, dans la mesure où il autorise davantage de souplesse dans la distribution de ces 300 000 euros. Monsieur Duvernois, j’ai bien entendu tout ce que vous avez dit.

Quant à l’amendement n° II-209 rectifié, présenté par M. Robert del Picchia, le Gouvernement émet un avis défavorable, dans la mesure où il faut conserver certaines ressources pour les inscrits locaux.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission, modifiés.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° II-15, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

A. - Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Nonobstant l'octroi de bourses à caractère social, la prise en charge par l'État des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger ne peut excéder un plafond fixé par décret, pris après avis de l'Assemblée des Français de l'étranger. Le décret détermine, en outre, les conditions dans lesquelles le niveau de revenu des familles peut faire obstacle à une telle prise en charge.

II.- Toute extension éventuelle de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger en sus des classes de seconde, de première et de terminale est précédée d'une étude d'impact transmise au Parlement, précisant notamment les modalités de son financement.

B. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Action extérieure de l'État

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Tous les arguments ou presque ayant été exposés et nos collègues étant sans doute informés, j’apporterai simplement quelques précisions.

Tout d’abord, je rappellerai que la situation actuelle est fondée sur une simple instruction. Celle-ci prévoyait deux dispositions qui, à ma connaissance, n’ont pas été appliquées : la prise en compte du revenu brut de la famille et la possibilité pour l’AEFE de plafonner la prise en charge des frais de scolarité en cas de contraintes budgétaires pesant sur la dotation allouée au dispositif. Vous le constatez, mes chers collègues, nous n’innovons guère…

Ensuite, je ferai remarquer que cet amendement comporte deux parties. L’une d’entre elles est un moratoire. On prend acte : la gratuité est appliquée pour les enfants français des classes de seconde, de première et de terminale. Toute extension de la prise en charge des frais de scolarité doit être précédée d’une étude.

En outre, il me semble en effet important de corriger certains effets pervers. C’est pourquoi il est proposé de poser des limites, mais je n’y reviens pas.

Enfin, on constate des distorsions absolument insupportables. Ainsi, pour deux élèves scolarisés dans la même ville, San Francisco, l’État prend en charge 16 000 euros au lycée international franco-américain et 13 000 euros au lycée français La Pérouse. C’est intenable !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga opine.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le sous-amendement n° II-214 rectifié qua ter, présenté par MM. Ferrand, J. Blanc et Bourdin, Mme Bout, MM. Cambon, Carle, Cazalet, César et Deneux, Mme Dini, MM. Dulait, Fourcade, Gaillard, Garrec, C. Gaudin et J. Gautier, Mme N. Goulet, MM. Gournac, Lefèvre, Longuet, du Luart et Pozzo di Borgo, Mme Procaccia et MM. Revet, Trucy, Braye, Amoudry, Richert, Adnot, François-Poncet et Legendre, est ainsi libellé :

Compléter le I du A de l'amendement n° II-15 par un alinéa ainsi rédigé :

Le gouvernement remet au Parlement, avant le 31 mars 2009, un rapport précisant les conditions dans lesquelles les économies ainsi réalisées sont affectées au financement de bourses à caractère social pour les enfants français scolarisés à l'étranger.

La parole est à M. André Ferrand.

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

Pour réfléchir sainement et sérieusement à ces amendements, je crois qu’il faut se reporter aux engagements généreux que le Président de la République avait pris durant sa campagne électorale.

Il avait promis la gratuité pour les classes de lycée. Il a tenu parole : nous sommes actuellement dans la phase finale d’application de ce premier engagement.

Je pense qu’il est temps maintenant de réaliser la deuxième partie de son engagement. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler ce que Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidence de la République, avait déclaré aux Français de l’étranger : « Je souhaite également que les coûts d’inscription de vos enfants, au primaire et au secondaire, soient fortement diminués grâce à une augmentation des bourses. »

Le conseil d’administration de l’AEFE s’est réuni hier. Tous les observateurs ont pu constater que cette agence était pressurée par la compensation très partielle des cotisations de pensions, qui n’était donc pas une compensation à l’euro près, monsieur le ministre. Comme un orateur l’a souligné tout à l’heure, le manque à gagner pour l’AEFE, de 6 millions d’euros la première année, atteindra sans doute 15 ou 20 millions d’euros la deuxième, et ira ensuite crescendo.

Cette agence devra aussi faire face à la dévolution du patrimoine immobilier que l’État lui a transmis sans lui transférer les crédits correspondants.

L’AEFE sera donc obligée d’augmenter considérablement les frais de scolarité, ce qui risque de provoquer des phénomènes d’exclusion au détriment des enfants de l’étranger.

Sur ce point encore, je vous renvoie aux déclarations du Président de la République : « J’affirme tout d’abord qu’il n’est pas normal qu’un enfant français soit exclu de notre système d’enseignement, soit pour des raisons financières, soit pour des raisons géographiques. » Malheureusement, dans toutes les classes qui ne sont pas gratuites, c’est-à-dire partout ailleurs que dans les classes de lycée, nous en sommes là !

La communauté scolaire attend donc du Sénat un geste fort, qui rejoindrait les recommandations du Livre blanc des affaires étrangères ainsi que les conclusions des états généraux de l’enseignement français à l’étranger, qui ont couronné les travaux de la commission de réflexion sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger, laquelle avait regroupé toutes les parties concernées.

Ce sous-amendement, mes chers collègues, a pour objet de s’assurer que l’argent économisé grâce au double plafonnement qui vient d’être présenté ne soit pas versé ailleurs que dans la caisse de l’enseignement français à l’étranger et qu’il serve, par un système de vases communicants, à augmenter le niveau des bourses afin, je le répète, que les enfants de familles modestes ne soient pas exclus de notre enseignement à l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° II-45, présenté par M. Trillard, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La prise en charge par l'État des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger ne peut excéder un plafond fixé par décret, pris après avis de l'Assemblée des Français de l'étranger. Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles le niveau de revenu des familles est pris en compte pour l'obtention de cette prise en charge.

II. - L'éventuelle extension de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger à d'autres classes que celles de seconde, de première et de terminale est précédée d'une étude d'impact transmise au Parlement, établissant le bilan financier de la prise en charge des classes de lycée, et déterminant les modalités du financement de son extension à de nouvelles classes.

La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Cet amendement se rapproche de celui qui a été présenté par le M. Gouteyron. Il laisse se dérouler les opérations en lycée mais prévoit une étude sur des plafonnements et un système modulable en fonction des revenus et du montant des frais de scolarité dans les différents territoires concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° II-187, présenté par M. del Picchia, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et MM. Cantegrit, Cointat, Duvernois, Frassa et Guerry, est ainsi libellé :

Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les conditions et modalités d'application de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français inscrits dans les classes de lycée des établissements d'enseignement français à l'étranger telles qu'issues de la réglementation en vigueur sont fixées par décret, établi sur la base d'un bilan complet de cette mesure après sa mise en application aux classes de seconde. Ce décret entrera en vigueur, pour les trois classes de lycées, pour les inscriptions de la rentrée de septembre 2010.

II. - Sur la base des résultats de l'application du décret aux classes de lycée, une étude d'impact sera réalisée pour l'extension éventuelle et progressive de cette prise en charge aux classes de collège des établissements d'enseignement français à l'étranger.

La parole est à M. Robert del Picchia.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je serai bref, chacun ayant amplement développé son point de vue.

Monsieur le ministre, comme vous, je pense qu’il serait plus sage d’attendre que soit dressé un bilan de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français inscrits dans les classes de lycée des établissements d’enseignement français à l’étranger avant de prendre une décision qui sera applicable en septembre 2010.

Trancher dès à présent n’aurait pas de sens, d’autant qu’il sera peut-être nécessaire d’aller au-delà du double plafonnement et de trouver des solutions pour les bourses. De la sorte, nous satisferions la demande du Président de la République, à savoir une prise en charge des frais de scolarité, mais aussi les bourses.

Mon amendement est tout simple et je ne vois aucune raison de le repousser, alors même que nous parvenons en phase finale. Nous avons attendu jusqu’à ce jour, nous pouvons bien attendre encore six mois !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La commission ne s’est pas prononcée sur le sous-amendement n° II-214 rectifié quater, mais, celui-ci s’inscrivant dans l’esprit des propositions qu’elle a elle-même formulées, je crois pouvoir dire qu’elle aurait émis un avis favorable.

S’agissant de l’amendement n° II-45, M. Trillard a dit lui-même qu’il était quasi identique à celui de la commission des finances. Aussi, peut-être pourrait-il le retirer.

Enfin, monsieur del Picchia, la fixation des grands principes relève non pas d’un décret, ainsi que vous le proposez dans votre amendement n° II-187, mais de la loi. En outre, le moratoire est possible si l’on vote le texte, puisque celui-ci prévoit un décret, qui sera complexe à mettre au point. Ne nous berçons pas d’illusions, il ne pourra pas être publié avant septembre prochain. Nous avons donc le temps de le préparer. Il doit en effet être soigneusement étudié, parce qu’il devra fixer des principes mais en prévoyant une application pays par pays, et même, dans certains pays, en tenant compte aussi précisément que possible des réalités locales. Le découpage sera donc assez fin.

Il n’y a de notre part aucune précipitation. Pour assurer l’équité et afin de pérenniser la mesure, il faut prendre certaines précautions, ce que prévoit notre amendement.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Vous l’avez compris, le Gouvernement marche sur des œufs…

Sur le fond, nous sommes tous d’accord. C’est pourquoi je fais une dernière tentative – ce n’est pas grand-chose – pour nous permettre d’aboutir à un accord.

À partir du mois de septembre, la prise en charge des frais de scolarité s’appliquera aux classes de seconde, de première et de terminale. Notre seul point de désaccord porte sur la question du plafonnement : je rappelle que les bourses sont concernées par le moratoire, puisque la proposition présidentielle – je ne reviens pas sur celle qu’avait faite la gauche pendant la campagne pour l’élection présidentielle et qui était assez proche – visait à instaurer la gratuité des frais de scolarité mais aussi à mettre en place un régime de bourses plus harmonieux et plus juste.

Je souscris à l’idée de procéder à une étude préalable avant toute extension du dispositif au-delà du lycée. Cependant, je propose à la commission une modification, légère, de son amendement. Pourquoi ne pas parler d’une réflexion sur le plafonnement dans le cadre du moratoire ? Dans ce cas, le décret trouverait toute sa place.

À compter du mois de septembre, une fois acquise la gratuité des frais de scolarité en classes de seconde, de première et de terminale, nous travaillerons sur la question des bourses, de manière à parvenir très rapidement à un accord.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous demande pas un effort considérable. Il serait bon que nous puissions procéder ainsi. Nous avons passé un an et demi à ne pas pouvoir aborder ce sujet. Nous pouvons enfin l’aborder : tentons d’harmoniser nos positions.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Moi aussi, je marche sur des œufs !

Sourires

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

M. Bernard Kouchner, ministre. Mais ce sont les mêmes œufs !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Monsieur le ministre, quels risques prendrions-nous à voter cet amendement, qui peut être interprété avec suffisamment de souplesse pour autoriser toutes les réflexions souhaitables ?

Aussi, je propose que nous en restions là. La discussion aura lieu ensuite.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut qu’émettre, à regret, un avis défavorable.

Le sous-amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° II-15.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

En tant que sénateur des français établis hors de France, membre du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, connaissant le réseau depuis fort longtemps, je me rallie à l’amendement de la commission des finances, modifié par le sous-amendement que le Sénat vient d’adopter, et à l’amendement de la commission des affaires étrangères, que nous avons voté en commission.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 56, et les amendements n° II-45 et II-187 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° II-234, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 15 mars de chaque année, la liste des ambassadeurs thématiques accompagnée de leur grade ainsi que les charges afférentes à leurs missions.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

M. le ministre s’étant engagé à me communiquer la liste des ambassadeurs thématiques missionnés par le ministère des affaires étrangères, je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° II-234 est retiré.

L'amendement n° II-235, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé au sein du ministère des affaires étrangères une direction des ressources humaines chargée de valider les candidatures des fonctionnaires et agents servant dans les postes diplomatiques et d'apprécier notamment leurs compétences linguistiques.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Cet amendement, que j’avais déjà déposé lors de l’examen du texte qui est devenu la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, vise à créer une direction des ressources humaines au sein du ministère des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Mme Goulet fait une proposition de bon sens, mais celle-ci ne relève pas du domaine législatif. Je lui demande donc de bien vouloir retirer son amendement.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Je partage l’avis de M. le rapporteur spécial. De surcroît, permettez-moi de vous signaler, madame la sénatrice, qu’il existe déjà une direction des ressources humaines au sein du ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Non, je le retire, monsieur le président.

Cela dit, je serais heureuse de pouvoir effectuer un stage au sein de cette direction, afin de savoir comment elle fonctionne.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Très volontiers, madame !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° II-235 est retiré.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante, sous la présidence de M. Roland du Luart.