Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 5 décembre 2008 à 9h45
Loi de finances pour 2009 — Action extérieure de l'état

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Le principe de l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie a été acté, même si sa concrétisation a été renvoyée à un avenir indéfini.

C’est préoccupant, car nous n’avons pas envie de nous laisser entraîner dans les conflits du Caucase ou dans une nouvelle affaire de Crimée dont Sébastopol serait l’enjeu.

Je passe sur le comportement irresponsable de certains leaders politiques qui peuvent mettre en danger la sécurité collective, comme on l’a vu en Géorgie.

On nous dit qu’il existe des critères pour l’admission dans l’OTAN. Je crains qu’en réalité nous n’ayons mis le doigt dans un engrenage.

Le Président de la République nous a expliqué que la réintégration de la France dans l’organisation militaire de l’OTAN était subordonnée dans son esprit à des progrès décisifs en matière de défense européenne. J’avoue ne pas voir ces avancées : on nous parle d’action maritime commune contre la piraterie sous l’autorité d’un amiral britannique ! Monsieur le ministre, ne nous payons pas de mots.

La seule réalisation concrète significative serait la constitution permanente d’un état-major de forces, auquel s’oppose toujours la Grande-Bretagne.

Le retour dans l’organisation militaire intégrée n’aurait pour la France que des inconvénients. Il porterait un coup à l’originalité de notre posture de défense et de politique extérieure aux yeux des peuples du Sud et des puissances émergentes.

Il renforcerait encore la propension de certains de nos officiers généraux à s’évaluer à l’aune du regard américain plutôt qu’à l’aune de l’intérêt national.

En tout cas, le Parlement a un impérieux besoin de débattre de cette question, notamment du « nouveau concept stratégique de l’OTAN », avant toute décision, et avant même le conseil de l’OTAN prévu en avril prochain à Strasbourg. Il ne serait pas admissible que celui-ci soit l’occasion d’une piteuse mise en scène du retour au bercail du fils prodigue.

Certes, il y a quelques aspects positifs dans votre politique. Le succès du lancement de « l’Union pour la Méditerranée » en est un. §(M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, acquiesce.) Mais il est obéré par le fait qu’on n’a pas vu se constituer en 2008 un état palestinien viable, contrairement à ce qu’annonçaient des propos imprudents.

Il y a eu surtout le succès de la présidence française de l’Union européenne, d’abord dans la médiation russo-géorgienne, qui préserve la possibilité d’un partenariat indispensable entre la Russie et l’Union européenne et, ensuite, face à la crise financière quand, grâce à une certaine réactivité, le Président Sarkozy a su mettre en congé – mais pour combien de temps ? – les règles européennes qui eussent pu faire obstacle à une stratégie de consolidation bancaire et, je l’espère aussi, de relance économique coordonnée à l’échelle européenne et mondiale.

Leçon de choses pour ouvrir les yeux de ceux qui ne veulent pas voir, on a assisté au retour de la puissance publique, mais aussi des États-nations Le Président Sarkozy a eu la sagesse de le comprendre et d’agir en pratiquant la géométrie variable en matière européenne. C’est par cercles concentriques successifs – G4, Eurogroupe à quinze auquel s’est jointe la Grande-Bretagne, puis Union européenne à vingt-sept – qu’a été dessiné un cadre de cohérence, dans lequel se sont emboîtés des plans qui restent nationaux.

J’observe que le président de la Commission européenne, M. Barroso, ressassant de vieilles patenôtres, voudrait faire valoir à nouveau les règles de concurrence opportunément suspendues, alors qu’il faudrait faire valoir l’idée de politiques industrielles coordonnées.

Opportune également a été la décision de réunir le G20 à Washington, même si l’application tarde et se heurte en Europe aux réticences de Mme Merkel, dont on ne sait si c’est le dogme libéral ou une vision à courte vue des intérêts de l’Allemagne qui les inspirent. Je crois que le rôle de locomotive de la relance correspond à l’intérêt européen et, par conséquent, à l’intérêt national bien compris de l’Allemagne.

La France ne doit pas avoir peur de son ombre, monsieur le ministre. Les retrouvailles avec M. Bush étaient peut-être un peu trop ostensibles, puisque nous allons devoir finalement travailler avec M. Obama, dont M. Védrine a rappelé qu’il n’était pas un Européen de gauche porté à la présidence des États-Unis. L’un de ses premiers discours, à Chicago, évoquait « un nouveau leadership américain ». La vérité est que M. Obama devra réviser à la baisse les objectifs de la politique extérieure de son pays. Il aura aussi besoin de la coopération internationale pour relancer l’économie et instaurer aux États-Unis une société moins inégalitaire.

M. Obama a souhaité nouer un rapport diplomatique avec Téhéran. Il faut résister à la tentation de frapper et donner du temps au temps. L’Iran est la puissance dominante de la région depuis l’écrasement de l’Irak. Les États-Unis peuvent faire comprendre aux dirigeants iraniens que leur intérêt n’est pas dans la prolifération nucléaire dans une région instable du monde. Il serait intelligent de la part de la France de se placer dans la perspective de ce rapprochement irano-américain probable.

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