Intervention de Robert Hue

Réunion du 5 décembre 2008 à 9h45
Loi de finances pour 2009 — Action extérieure de l'état

Photo de Robert HueRobert Hue :

Les intérêts américains resteront prioritaires : il n’y a aucun doute, aucune illusion à se faire en la matière.

Ce budget pour 2009 s’appuie sur les recommandations du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, rendu public, l’été dernier, par Alain Juppé. À cet égard, je formulerai un certain nombre d’observations.

Premièrement, la répartition annoncée des ambassades en fonction de l’importance du pays ou de la région constitue un moyen subtil de cacher la baisse des effectifs, sur laquelle je reviendrai. Ambassadeurs ou membres de l’exécutif de certains pays concernés, ils sont quelques-uns à m’avoir fait part – mais sans doute aussi à d’autres – de leurs profondes inquiétudes et de leurs craintes de voir l’image de leur pays altérée par une classification de circonstance qui, à leurs yeux, est purement politique.

Deuxièmement, la réduction du réseau consulaire en Europe se fera au profit des pays émergents, comme la Chine, l’Inde ou le Kurdistan d’Irak. D’autres parlementaires l’ont souligné, la présidence française de l’Union européenne a boudé l’Amérique latine à différents niveaux et à différents moments, notamment en refusant de se rendre au sommet Europe-Amérique latine. La crédibilité des discours officiels sur les pays émergents se trouve alors, bien sûr, fortement entamée.

Troisièmement, concernant l’immigration, le « nouveau regard » sur l’Afrique est naturellement souhaitable, voire obligatoire. Pour cela, il faut redéfinir notre politique africaine, déjà lourdement handicapée par la politique d’immigration et les reconduites à la frontière en hausse constante, ainsi que par une politique d’aide publique au développement – nous l’avons constaté voilà deux jours, en examinant les crédits budgétaires correspondants – qui s’écarte sensiblement et de façon très inquiétante des objectifs fixés.

N’oublions pas non plus les déclarations excessives du Président de la République en Afrique du Sud et à l’occasion de la conférence des ambassadeurs, qui n’ont en rien apaisé la tempête légitime qu’a soulevée chez nos amis africains le discours de Dakar du mois de juillet 2007, lequel a été et est toujours considéré, en Afrique et dans le monde, comme l’un des plus régressifs qui soient.

Quatrièmement, enfin, il reste encore du chemin à parcourir pour concilier les intérêts, notamment économiques et culturels, et le respect des droits de l’homme, au regard de la réception en grande pompe du président Kadhafi, des déclarations en Tunisie ou de l’inconstance pour le moins marquée de nos relations avec la Chine.

Mon collègue Michel Billout reviendra tout à l’heure sur d’autres aspects de notre politique extérieure et insistera, en particulier, sur la situation au Proche-Orient.

J’en viens à présent au budget proprement dit.

La révision générale des politiques publiques, imposée bien avant l’heure au ministère des affaires étrangères, contribue, pour cette année encore, à réduire de 190 agents les effectifs. Ce que vous nommez fièrement une « rationalisation de l’outil » ressemble à s’y méprendre à un plan social. La direction générale de l’administration et vous-même, monsieur le ministre, démentez la formule, bien évidemment, ce qui est tout à votre honneur, mais tout en confirmant les suppressions !

Les perspectives pour 2009-2011 ne sont guère plus réjouissantes. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est exactement, sans masquer la réalité par des restructurations dissimulées ?

Je souhaite également attirer votre attention sur la prise en charge à 100 % des frais de scolarité à l’étranger. Cette mesure est totalement injuste, car elle ne tient pas compte des ressources des familles et avantage assurément les plus hauts revenus.

Dans le même temps, le budget pour 2009 confirme un recul de l’action culturelle et de l’utilisation de la langue française dans le monde, auxquelles j’attache beaucoup d’importance, sous couvert, encore une fois, de rationalisation Nous ne pouvons que le déplorer, et je rejoins nombre des observations formulées à ce propos par notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga.

Monsieur le ministre, les actions internationales de la France, affichées tous azimuts, sont à l’image présidentielle, souvent incohérentes et malheureusement peu efficaces. Le budget pour 2009 de la mission « Action extérieure de l’État » est, certes, en légère progression, mais, les programmes n’étant pas dotés dans le sens que nous souhaitons, mes collègues du groupe CRC-SPG et moi-même voterons contre !

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