Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 5 décembre 2008 à 9h45
Loi de finances pour 2009 — Action extérieure de l'état

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Monsieur le ministre, ce budget, le second sous votre responsabilité, s’inscrit dans la suite d’un double exercice, largement contradictoire : d’une part, les conclusions de la commission du Livre blanc, présidée par MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer, et, d’autre part, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, aggravée par le contexte de crise économique, financière et donc budgétaire.

Les efforts demandés au ministère des affaires étrangères et européennes qui demeure, non par sa mission mais par ses moyens, un ministère faible, viennent s’ajouter à des efforts lourds et constants déjà consentis par le passé. En effet, la rationalisation du Quai d’Orsay a été entreprise bien avant la RGPP. Il a déjà perdu beaucoup de sa substance. Les coupes pourtant se poursuivent, notamment sur le terrain des emplois, puisque 190 d’entre eux sont supprimés pour l’année 2009.

Le risque est réel, et déjà perceptible, monsieur le ministre, qu’à court terme, après avoir taillé dans la chair, on touche désormais à l’os, selon l’expression maintes fois répétée ici et parfaitement juste. Cette crainte était d’ailleurs évoquée par le Livre blanc, qui évoque dans ses conclusions la hausse nécessaire des crédits de la mission, sous peine de déstabiliser en profondeur l’outil diplomatique et, en conséquence, d’affaiblir notre politique étrangère.

Cette toile de fond étant posée, je souhaiterais aborder, après avoir dit un mot sur les évolutions de structure au sein du ministère, l’action culturelle extérieure, puis la situation de l’audiovisuel extérieur, qui sont probablement les deux domaines à subir le plus largement la dégradation budgétaire évoquée.

Monsieur le ministre, j’avais eu l’occasion, lors du précédent exercice budgétaire, de vous faire part de mes interrogations sur les évolutions dont il était alors seulement question concernant la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, et de ma crainte de la voir tout simplement disparaître par absorption ou éclatement.

J’avais rappelé à la fois la nécessité d’opérer une actualisation des structures, dix ans après la réunion du ministère de la coopération et du ministère des affaires étrangères, et le risque de voir la DGCID en quelque sorte « effacée » dans une grande direction transversale.

Il n’est pas certain, et c’est un euphémisme, que la transformation de la DGCID en une nouvelle direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats, issue d’un rapprochement entre l’actuelle DGCID et la direction des affaires économiques, soit de nature à nous rassurer.

Vous semblez vouloir faire, monsieur le ministre, de cette nouvelle direction générale un organe de poids. Ma crainte est que ce nouvel organe ne soit plutôt… pesant, quand notre administration centrale aurait besoin de souplesse, de fluidité et de réactivité.

Mon autre crainte est que, au sein de cette nouvelle superstructure, la coopération culturelle ne se trouve désormais, au mieux, reléguée après les questions économiques et de développement, comme la culture l’est trop souvent et, au pis, délaissée. Le risque est vécu avec une particulière acuité dans nos relations avec le continent africain.

Permettez-moi, en outre, d’émettre des doutes sérieux sur la capacité du ministère d’accompagner financièrement et humainement ces évolutions de structure.

L’objectif de confier à cette nouvelle direction générale le pilotage stratégique effectif ne pourra être atteint qu’à la condition qu’elle bénéficie des moyens correspondants. Or la diminution des effectifs, ajoutée à la stagnation ou à la baisse des subventions de l’État aux opérateurs, me laisse, de ce point de vue, dubitative.

La mission « Action extérieure de l’État » est prise en tenaille entre le poids des contributions internationales et le coût croissant de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français, décrétée par le Président de la République. C’est l’action culturelle extérieure qui sert de variable d’ajustement. Les crédits diminuent de 13 % en 2009 et, selon le document de programmation triennale, ils pourraient baisser de 25 % de 2009 à 2011.

Je crois que, sous couvert d’une réorganisation qui demande, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, quelques réponses de votre part quant au traitement réservé au pôle consacré à la coopération culturelle, le Gouvernement mène en fait une simple politique de réduction des crédits et des emplois.

Partagez-vous, monsieur le ministre, le point de vue exprimé par M. Woerth à l’Assemblée nationale selon lequel il y a suffisamment d’argent dans le domaine culturel ?

Après avoir évoqué la question des moyens financiers conférés aux opérateurs, je souhaite dire quelques mots sur CulturesFrance. Destinée à devenir l’opérateur unique et central en matière de coopération culturelle internationale, cette structure est confrontée à une situation budgétaire dont ne sauraient se satisfaire celles et ceux qui sont profondément attachés à ses missions.

La dotation de l’État était passée de 22 millions d’euros en 2007 à 16 millions en 2008. Le projet de loi de finances pour l’année 2009 n’opère qu’une réévaluation mineure – 18, 6 millions d’euros – et qui, surtout, reste artificielle compte tenu de l’élargissement du périmètre d’action de CulturesFrance, comme l’a souligné notre rapporteur pour avis, Mme Cerisier Ben Guiga.

En tout état de cause, les crédits budgétaires pour CulturesFrance, qu’ils proviennent des programmes 185, 209, ou 224, ne lui permettront pas de répondre pleinement aux missions élargies qui sont les siennes.

De plus, CulturesFrance a besoin d’un statut juridique adéquat. Sa structure associative ne lui permet assurément pas de s’imposer comme l’opérateur unique de la coopération culturelle. C’est pour remédier à cette carence que notre Haute Assemblée a adopté en 2006, à l’unanimité, une proposition de loi tendant à donner à CulturesFrance le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial. Aussi vous saurais-je gré de bien vouloir nous indiquer, monsieur le ministre, le délai dans lequel la proposition de loi pourrait être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, discutée, et je l’espère, adoptée.

Je souhaiterais clore mon propos en évoquant la dimension audiovisuelle de l’action extérieure de l’État.

La dotation pour 2009 est notoirement insuffisante. Je sais bien que l’audiovisuel extérieur ne relève plus directement de votre compétence ni de la mission « Action extérieure de l’État »: Je sais bien aussi qu’il est actuellement de bon ton de placer l’audiovisuel public au plus près du sommet du pouvoir, mais, en l’occurrence, c’est une aberration pour l’action extérieure de la France.

Cela revient à affaiblir, de fait, toute volonté de rapprochement, de coordination et de cohérence entre le futur opérateur unique de l’action culturelle extérieure et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Ce cloisonnement constituera sans nul doute un « moins-disant » diplomatique et culturel important, autant pour l’opérateur unique annoncé que pour l’outil audiovisuel extérieur.

Cet outil audiovisuel extérieur connaît de profondes mutations, avec la création, en avril 2008, de la nouvelle société « Audiovisuel extérieur de la France ». Alors que l’avènement d’un nouvel outil demandait un effort budgétaire marqué, l’année 2009 consacre pourtant une stagnation des crédits et s’avère être de fait, en contradiction avec les objectifs nouveaux, une année de rigueur budgétaire.

Des projets sont, en conséquence, provisoirement différés ou simplement abandonnés. France 24 va devoir reporter le lancement de son canal en arabe en continu et l’extension de sa couverture en Amérique du Nord et en Asie, deux zones où votre politique étrangère a pourtant de grandes ambitions ! RFI s’attend à d’importantes suppressions de postes, à la fermeture de certaines de ses antennes et à l’arrêt de plusieurs de ses émissions en langue étrangère à destination de l’Allemagne, de la Pologne ou encore de la Turquie.

Nous vous avons adressé, monsieur le ministre, avec plusieurs de mes collègues du groupe socialiste, un courrier vous faisant part de notre vive émotion face à ces annonces multiples de suppressions. Votre récente réponse, qui s’abrite derrière les contraintes budgétaires et les audiences, ne nous éclaire nullement sur la stratégie diplomatique.

L’action culturelle extérieure et l’audiovisuel extérieur sont des leviers majeurs pour notre diplomatie et pour la diffusion de notre culture, de notre langue. Ils sont la marque distinctive de la politique étrangère française. Il vous appartient, monsieur le ministre, de les moderniser, de les actualiser, de les développer, mais aussi de les préserver.

Faute d’engagements en ce sens, nous ne pourrons pas voter les crédits de cette mission.

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