Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 5 décembre 2008 à 9h45
Loi de finances pour 2009 — Action extérieure de l'état

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, je souhaite, si vous le permettez, concentrer mon intervention sur la présidence française de l’Union européenne, qui va se terminer dans quelques semaines.

Au moment même où nous débattons se tient à Poznan la Conférence internationale sur le changement climatique. L’Union européenne, vous le savez, y est particulièrement attendue.

Bien sûr, cette conférence de suivi du protocole de Kyoto est perçue comme intermédiaire. Le rendez-vous le plus crucial, celui qui devra engager le monde dans l’après-Kyoto, aura lieu l’an prochain, à Copenhague. Si c’est une administration américaine défaite qui, à Poznan, représente les États-Unis, nous savons que le président élu, Barack Obama, s’est engagé à ce que son pays adopte une autre politique et se fixe d’autres ambitions, en matière de lutte contre le changement climatique.

Barack Obama ne prenant ses fonctions que le 20 janvier prochain, la conférence de Poznan se déroulera, pour ainsi dire, en apesanteur : il s’agira effectivement, pour l’Union européenne et pour les autres parties prenantes, de négocier avec des représentants américains dont chacun sait bien qu’ils n’ont plus la main. Cet étrange jeu de dupes serait amusant s’il ne s’agissait – nous en conviendrons tous ici – d’affaires si graves.

C’est en tout cas, monsieur le ministre, une raison supplémentaire pour que l’Union européenne ne faille pas à son rôle pionnier dans la lutte contre le dérèglement climatique. C’est pourquoi la France, qui préside actuellement l’Union, doit elle aussi se montrer exemplaire.

De ce point de vue, je dois bien avouer que j’ai quelques inquiétudes. On connaît les aléas du paquet climat-énergie, dont personne ne sait, à l’heure actuelle, s’il pourra effectivement être adopté avant la fin de l’année ni, surtout, s’il est adopté, dans quel état il le sera.

Il y a quelques jours, un compromis sur la future réglementation européenne visant à obliger les constructeurs à réduire les émissions de CO2 des voitures neuves a été conclu entre les États membres de l’Union, le Parlement européen et la Commission européenne. Ce compromis, permettez-moi de le dire aussi franchement que simplement, est déplorable. L’objectif de réduction des émissions de CO2 par kilomètre passe d’une moyenne de 120 grammes à une moyenne de 130 grammes et, au surplus, le délai laissé aux constructeurs pour l’atteindre s’allonge : il n’expire plus en 2012 mais en 2015.

Je ne veux pas être pessimiste, mais quand même : hier, le Président de la République a annoncé une prime au retrait des voitures vieilles de dix ans au profit de voitures neuves à condition que ces dernières n’émettent pas plus de 160 grammes de CO2 par kilomètre. Voilà qui est encore plus laxiste. Ce n’est pas bon signe.

Ce compromis entache nettement la présidence française de l’Union, alors que la lutte contre le dérèglement climatique avait été érigée en priorité, ce qui était une bonne chose.

Vous me répondrez, monsieur le ministre, que le Président de la République n’a ménagé ni ses efforts ni son énergie et qu’il a fait preuve d’un volontarisme considérable. Je vous entends d’ici : « Voyez la Géorgie ! Voyez la crise financière ! La France présidente de l’Union européenne a hissé haut les couleurs de l’Europe ! »

Je vous le concède, monsieur le ministre : vous avez fait preuve de constance, de sérieux et d’efficacité, et M. le secrétaire d’État aux affaires européennes peut-être davantage encore. Si j’en crois la presse, il a plus d’une fois remplacé tel ou tel membre du Gouvernement qui peinait à se rendre à Bruxelles pour y négocier avec les services de la Commission, les parlementaires ou les représentants des États membres. §Plus d’une fois, il a su et pu dénouer malentendus, difficultés et blocages. Je crois que chacun est disposé à le reconnaître, dans cet hémicycle et ailleurs, à droite comme à gauche.

Alors, s’il faut le dire, je vous le dis : ces six derniers mois, la France a plutôt bien mérité de l’Europe. Elle a été meilleure élève qu’elle ne l’a bien souvent été dans son histoire, notre attitude passée nous valant, chez une bonne partie de nos voisins, la fâcheuse réputation de n’être européens que du bout des lèvres et de persister à ne voir l’Europe que comme une France en plus grand.

Cependant, si la France a été bonne élève ces six derniers mois, le sera-t-elle demain ? Ou reviendra-t-elle à ses mauvaises habitudes ?

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