Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 5 décembre 2008 à 15h45
Loi de finances pour 2009 — Administration générale et territoriale de l'état

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais exprimer ma profonde préoccupation devant l’application de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, à l’administration territoriale de l’État.

Cette réforme, c’est Attila ! On dénombre 733 suppressions d’emplois en équivalents temps plein travaillé. Ces coups de hache tomberont essentiellement sur l’administration préfectorale, qui subira une profonde restructuration mettant gravement en cause le service public.

Madame la ministre, vous parlez de « modernisation ». Vous alléguez le raccourcissement des distances et la dématérialisation des procédures pour occulter un fait simple : vous vous orientez vers la suppression du département en tant qu’échelon déconcentré de plein droit de l’État, pour le remplacer par la région.

C’est cela, la RGPP : la régionalisation de l’État et la « sous-préfectoralisation » de tous les départements dont la ville chef-lieu n’est pas capitale de région.

Parallèlement, des voix autorisées se font entendre pour affirmer qu’il existe un échelon de trop parmi les collectivités décentralisées. La commission Attali l’avait déjà identifié : c’est le département, non pas en tant qu’échelon déconcentré de l’État, mais en tant que collectivité territoriale !

Cette vision est purement technocratique, car je ne vois pas en quoi les compétences de proximité du département, notamment en matière sociale, seraient mieux exercées dans la capitale de région, souvent distante de plus de cent kilomètres.

Toutefois, revenons à la RGPP appliquée à l’administration territoriale de l’État.

C’est le préfet de région qui devient le vrai patron dans tous les départements, et l’essentiel des services de l’État est regroupé au niveau de la région en huit nouvelles directions. Ne subsisteront plus, dans les autres départements, que deux « unités territoriales », chargées l’une des territoires, l’autre de la protection des populations et, là où cette compétence sera jugée utile, de la cohésion sociale.

Si j’en crois l’expérimentation qui a été menée dans le département dont je suis l’élu, c'est-à-dire le Territoire de Belfort, la fusion de la DDE, la direction départementale de l’équipement, et de la DDAF, la direction départementale de l’agriculture et de la forêt, s’est traduite par une déperdition de compétences qui conduit les communes à se tourner de plus en plus vers les bureaux d’études privés, souvent plus chers.

Ajoutons aux deux unités territoriales de plein droit ce qui restera des inspections académiques, un pôle « finances publiques » et un pôle « sécurité ».

Bref, nous sommes en présence d’une restructuration violente, d’une cure d’amaigrissement pour les personnels départementaux de l’État, dont chacun ici tient à saluer, malgré la faiblesse déjà insigne de leurs moyens, le professionnalisme et l’esprit de service public.

Sur toutes les affaires des départements, le préfet de région aura un pouvoir d’évocation. Il restera par ailleurs préfet de son département, ce qui, quel que soit le mérite des grands commis auxquels vous avez confié cette tâche, ne facilitera pas les arbitrages impartiaux, tant il est vrai que l’on décide souvent selon les critères du lieu où l’on habite...

Avez-vous réfléchi, madame la ministre, à la marginalisation de ces départements périphériques, qui sont quand même plus de soixante-dix ! À ces départements reculés, souvent couverts de friches ou de montagnes, où la présence de l’État était ressentie comme une protection contre l’oubli et le délaissement ?

Il sera loin le temps où l’on pouvait dire, après Napoléon, que « de la création des préfets date le bonheur des Français » !

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