Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faut, je pense, en revenir à certains principes simples.
M. Jean-Pierre Fourcade, tout à l’heure, a adressé une sorte d’admonestation aux collectivités locales quant à leurs choix fiscaux. J’ai envie, en réponse, de l’exhorter à respecter l’autonomie financière et fiscale des collectivités locales. Les élus locaux sont assez bien avisés, et ils ont le droit, avec leurs conseils, de choisir la politique fiscale qui leur paraît la meilleure pour le bien public !
Madame la ministre, je voudrais revenir sur l’objet même de ce projet de budget et évoquer le fait que nous ayons inscrit dans la Constitution l’autonomie financière des collectivités locales. Celle-ci n’en est pas pour autant devenue réalité, vous le savez bien, et cela en raison du poids considérable des dotations de l’État dans les ressources des collectivités locales : notre pays est un pays étrange où, finalement, c’est le contribuable national qui est le plus grand pourvoyeur de fonds des collectivités locales de la République.
Cela fait quelques années que nous avons l’occasion de nous pencher sur ces sujets, et je constate, madame la ministre, que, cette fois-ci encore, vous avez cédé à ce que j’appellerai les « vieilles ficelles » du métier. Il faudrait tout de même arrêter ! M. Collombat, notamment, a été particulièrement éloquent sur ce sujet : on retrouve toutes les astuces.
Première astuce, les prévisions évidemment fausses. Ainsi, l’inflation est officiellement déclarée à 2 % alors que chacun sait qu’elle sera de 3 % : cela permet de retirer 400 millions d’euros à la DGF. Personne n’est dupe, pas même vous, madame la ministre.
Deuxième astuce, les périmètres à géométrie variable. Ils présentent, certes, l’avantage de nous donner chaque année l’occasion de nous remettre à niveau ; peut-être nous faudrait-il d’ailleurs effectuer un stage annuel au sein de l’excellente direction générale des collectivités locales : avec des périmètres qui changent à chaque budget, les comparaisons deviennent toujours plus rudes !
Naturellement, l’enveloppe normée de 2009 n’est pas du tout celle de 2008 puisque, cela a été abondamment rappelé, le FCTVA y fait son apparition, de même que le prélèvement au titre des amendes forfaitaires, mais aussi le fonds de solidarité en faveur des collectivités, sans compter le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées. Au total, cette deuxième astuce, qui est bien connue, fait perdre 300 millions d’euros aux collectivités locales.
Troisième astuce, l’inéluctable dégénérescence des dotations de compensation, qui, tragiquement, deviennent des variables d’ajustement.
Je voudrais cette année saluer la dotation globale de décentralisation, qui ne compense plus du tout ce qu’elle était censée compenser. Et je ne manquerai pas de citer une fois encore le sort tout à fait remarquable, si je puis dire, de la fameuse dotation de compensation de la taxe professionnelle : destinée à compenser toutes les réductions de taxe professionnelle accordées par les nombreux gouvernements qui eurent recours à ce procédé, elle ne compense plus rien puisque, un beau jour, il a été décidé qu’elle serait la variable d’ajustement du système. Il est donc totalement absurde de parler de dotation « de compensation » !
Qui plus est, elle ne parvient même plus à assurer l’ajustement du système ! De nouvelles variables d’ajustement sont donc introduites, comme la compensation au titre de la réduction de la fraction des recettes des titulaires de bénéfices non commerciaux, comme la compensation au titre de l’exonération des parts départementale et régionale de taxe foncière sur les propriétés non bâties agricoles ; et je n’évoquerai même pas la compensation au titre de la réduction de taxe professionnelle pour création d’établissement.
Quatrième astuce, la recentralisation. Je me réjouis, bien sûr, des modifications qui ont été apportées aux dispositions initiales concernant la DSU, car il eût été difficilement défendable de réduire la dotation de solidarité urbaine. Mais la méthode…
Je me souviens qu’il y avait jadis au sein de la DGF une dotation touristique : un certain nombre de communes l’ayant trouvée insuffisante, le ministère de l’intérieur, dans sa grande sagesse, en a créé une deuxième, dont les objectifs n’étaient d’ailleurs pas tout à fait cohérents avec ceux de la première.
Aujourd’hui, à la DSU – que l’on pourrait d’ailleurs réformer dans le sens d’une plus grande péréquation –, on ajoute une DDU. Pensez-vous vraiment, madame la ministre, que la juxtaposition de la DSU et de la DDU soit la bonne solution ? Qui plus est, la DDU fonctionne selon des critères que le Gouvernement critiquait lorsqu’il reprochait à la DSU de prendre trop largement en compte les ZFU et les ZUS, à savoir les zones franches urbaines et les zones urbaines sensibles. Vous le savez, nous avons beaucoup de zones de toute nature ! Il faut donc que cela change.
Néanmoins, rien ne change puisque vous reprenez les mêmes critères pour la DDU, mais en y ajoutant une condition : elle ne peut être perçue que par les collectivités ayant signé avec l’État un contrat portant sur des réalisations auxquelles l’État donne son aval. Si bien que nombre de collectivités ont fait observer qu’il s’agissait tout simplement d’une nouvelle formulation de la subvention ; et encore faudrait-il que les subventions à la politique de la ville ne soient pas réduites à due concurrence !
Au total, madame la ministre, toutes ces astuces aboutissent à la réduction du montant des dotations de l’État aux collectivités locales, chacun l’a souligné, ce qui nous confronte à une grande réalité : l’autonomie financière et, surtout, la péréquation sont insuffisantes. Le rapporteur pour avis, M. Bernard Saugey, a prononcé tout à l’heure des mots forts que je voudrais relever : pour les communes, la péréquation régresse.
Nous sommes donc placés devant un paradoxe. Nous avons énormément de dotations de l’État aux collectivités dont la seule justification, pourrait-on dire, est de permettre la péréquation, puisque seul l’État peut favoriser cette redistribution ; or dans cette masse de dotations, qui est en régression, la part de la péréquation, notamment celle qui est destinée aux communes, diminue. C’est absurde !
Le système doit être réformé de façon que les dotations de l’État soient moins nombreuses, ce qui permettra une plus grande autonomie financière, et que, à l’intérieur des dotations de l’État qui subsisteront, la péréquation soit beaucoup plus forte. Depuis des années et des années, nous allons dans le sens opposé. Avez-vous, madame la ministre, l’intention d’agir enfin dans la bonne direction ?
Pour finir, j’aborderai de manière extrêmement succincte un second sujet : la fiscalité locale et les valeurs locatives.
Vous avez bien voulu indiquer il y a quelques mois, madame la ministre, que vous alliez engager une réflexion sur cette fameuse réforme des valeurs locatives qui, depuis des décennies, est totalement bloquée. J’habite dans un quartier de la ville d’Orléans – ville à laquelle je suis très attaché – qui s’appelle La Source. C’est un quartier neuf, que vous connaissez, madame la ministre. Ses habitants, que je rencontre tous les jours, ne comprennent pas pourquoi la base sur laquelle leurs impôts sont calculés est plus élevée que dans des quartiers résidentiels ou du centre-ville, par exemple. Je n’ai aucune réponse à leur apporter, sinon que le système est vétuste et que l’on n’a pas conduit les réformes nécessaires. Et quand je dis « on », madame la ministre, c’est un « on » très collectif : nous connaissons tous très bien l’histoire ! Il reste qu’il faudra, un jour ou l’autre, faire des choix courageux et revenir à une plus grande justice.
Monsieur Fourcade, j’évoquais tout à l’heure les observations que vous avez formulées au sujet des collectivités locales : je les ai appréciées ! J’espère que vous sentez qu’il y a quelque ironie dans mon propos, car je crois que nos élus locaux ont la sagesse de gérer leur fiscalité en toute autonomie.
C’est à l’État qu’il faudrait rappeler la nécessité d’élaborer une fiscalité plus juste, car c’est par la loi qu’il doit être mis fin le plus vite possible à cette véritable injustice que continue de faire peser sur des foyers modestes la grande inégalité de la fiscalité locale. L’initiative en revient au Gouvernement, à qui s’impose l’ardente nécessité de la réforme des valeurs locatives.