Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 5 décembre 2008 à 15h45
Loi de finances pour 2009 — Article 68

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

L’article 68 tire les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes de 2001 et 2004, laquelle précise la notion de subvention directement liée au prix, au sens de la sixième directive TVA.

Selon cette jurisprudence, sont assujetties à la TVA uniquement les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d’une opération de livraison de biens ou de prestations de services et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire.

Par conséquent, la Direction de la législation fiscale a modifié sa position sur la contribution pour l’exploitation des services transférés versée à la SNCF par les régions et compensée par l’État. En vertu de cette jurisprudence, celle-ci ne serait plus assujettie à la TVA.

Par cet article, le Gouvernement entend diminuer la dotation de compensation versée aux régions du montant de la TVA. Or de nombreuses critiques ont été émises par les régions, dont je dois me faire l’écho.

Tout d’abord, cette proposition se situe en dehors du cadre législatif et constitutionnel.

La loi prévoit en effet que toute disposition législative ou réglementaire ayant une incidence financière sur les charges transférées au titre des TER donne lieu à révision de la dotation de compensation. La loi du 13 décembre 2000 précise que « cette révision a pour objet de compenser intégralement la charge supplémentaire pour la région résultant de ces dispositions ».

Or il s’agit ici d’une application de la doctrine fiscale qui ne concerne pas directement les régions, mais qui vise la SNCF. La législation, comme la réglementation fiscale, n’a pas évolué à cet égard depuis la décentralisation.

Quand bien même l’application de l’exonération se traduirait par une diminution de dépenses pour les régions, le législateur a prévu un dispositif de garantie seulement lorsqu’est constatée une charge supplémentaire du fait de la loi ou du règlement, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Par ailleurs, le principe posé par la loi de finances rectificative pour 2007 pour l’utilisation des compensations prévoit que « les collectivités locales bénéficiaires utilisent librement la dotation générale de décentralisation ».

Aucune disposition légale n’oblige une collectivité à dépenser la totalité de la dotation perçue au titre de la compétence transférée en totalité.

La compensation reçue est d’autant plus librement utilisée que l’article 72 de la Constitution garantit la libre administration des collectivités locales.

Enfin, la question de la procédure reste entièrement posée. Dès lors qu’il s’agit de modifier une dotation liée à la décentralisation, un passage devant la commission consultative d’évaluation des charges est indispensable. Or il n’est pas à ce jour programmé. Un tel examen permettrait également de mettre au clair le débat d’interprétation juridique entre les régions et le Gouvernement.

J’ajoute qu’une autre injustice doit être réparée.

Tel qu’il est rédigé, l’article 68, n’est pas applicable à l’Île-de-France. Les modalités d’organisation des transports de voyageurs dans cette région sont fixées par l’ordonnance du 7 janvier 1959, qui prévoit la mise en place du syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF.

Or les collectivités d’Île-de-France versent une contribution au STIF, qui reverse lui-même une subvention aux entreprises de transport. Si cette subvention n’est plus assujettie à la TVA, il faut en tirer les conséquences pour la dotation de compensation versée à ces collectivités, comme cela a toujours été le cas pour les autres régions.

Par ailleurs, le non-assujettissement à la TVA aurait pour conséquence, d’après le ministère des finances, l’assujettissement de l’entreprise de transport à la taxe sur les salaires, ce qui entraînerait une hausse de la subvention du STIF, et cette hausse devra également être prise en compte dans la dotation de compensation versée aux collectivités d’Île-de-France.

Il s’agit donc là d’une question complexe, qui justifie cet amendement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion