Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte particulièrement morose pour la presse écrite payante, le Président de la République a ouvert, le 2 octobre 2008, des états généraux de la presse, l’objectif étant de dégager des pistes de réflexion sur l’organisation de ce secteur, ainsi que de formuler des propositions de réforme.
Dans l’attente des conclusions et des recommandations de ces états généraux, annoncées pour la fin du mois de décembre 2008, le régime des aides à la presse est globalement reconduit dans le projet de loi de finances pour 2009.
Les aides directes à la presse s’élèveront en 2009 à un peu plus de 173 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une très légère diminution par rapport à 2008. Cette baisse a toutefois vocation à s’amplifier, à la suite de l’adoption d’un amendement en seconde délibération par l’Assemblée nationale, qui tend à minorer encore les crédits du programme « Presse » de presque 2 millions d’euros.
Je ne me livrerai pas à un commentaire exhaustif des crédits du programme « Presse » ; j’insisterai plutôt, si vous me le permettez, sur un double problème de notre dispositif d’aide à la presse : son incapacité à préserver efficacement le pluralisme de la presse et à accompagner la modernisation du secteur. Ces deux enjeux sont au cœur du débat des états généraux de la presse.
Les aides au pluralisme, d’un montant de près de 10 millions d’euros en 2009, se concentrent principalement sur le soutien aux titres à faibles ressources publicitaires. Or, c’est l’ensemble de la presse quotidienne payante qui se trouve confronté à des effets d’éviction publicitaire puissants, provoqués par la concurrence de la presse gratuite, d’internet, mais aussi de la télévision.
À cet égard, le Gouvernement a annoncé une série de mesures tendant à favoriser les revenus publicitaires des télévisions commerciales. Ces mesures me semblent inquiétantes, puisqu’elles risquent de renforcer l’effet d’éviction publicitaire dont est déjà victime la presse.
L’augmentation du quota publicitaire horaire autorisé de six à neuf minutes sur les chaînes privées, le passage de l’« heure glissante » à l’« heure d’horloge » et l’autorisation d’une seconde coupure publicitaire pendant la diffusion des œuvres de fiction provoqueront une croissance quasiment immédiate des recettes publicitaires des deux principales chaînes privées, TF 1 et M 6, de près de 500 millions d’euros, soit un montant équivalent au double des investissements dans la presse quotidienne nationale sur un an !
Par ailleurs, l’idée est parfois avancée d’abaisser les seuils de concentration pour permettre aux journaux de consolider leurs assises financières. Permettez-moi de douter de sa pertinence.
En effet, la France se caractérise déjà par une hyper-concentration de ses groupes de presse, en particulier en ce qui concerne la presse régionale.
Des soupçons croissants d’intrusion du pouvoir politique dans la sphère médiatique ont justement conduit le groupe socialiste à déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les liens existant entre le pouvoir exécutif et les organismes de presse et sur leurs conséquences pour l’indépendance et le pluralisme de la presse.
S’agissant des aides à la modernisation de ce secteur, je déplore que les moyens ne soient pas à la hauteur des ambitions affichées. Le projet de budget pour 2009 continue à privilégier des ajustements par le bas, via le soutien à la cessation d’activité professionnelle, au détriment du soutien aux projets innovants.
En effet, le montant accordé au fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, soit 500 000 euros pour 2009, apparaît dérisoire au regard des investissements considérables et réguliers que le développement de l’internet de presse requiert. Un investissement massif dans la création de sites internet de presse et dans le développement de rédactions bi-médias devrait clairement constituer une priorité pour le dispositif d’aides à la presse.
J’observe que la majorité elle-même a manifesté, de façon quelque peu périlleuse, son mécontentement à l’égard de l’insuffisance et du saupoudrage des aides au développement numérique de la presse. Ainsi, un amendement, qui se voulait d’appel, a été adopté à ce sujet à l’Assemblée nationale, avant que le Gouvernement revienne sur ce vote en seconde délibération.
Je conclurai en indiquant que, en dépit des réserves formulées sur le manque d’ambition du programme « Presse » de la mission « Médias », et malgré mon avis contraire, la commission des affaires culturelles a proposé d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits.
Je poserai enfin deux questions à Mme la ministre.
Quel avenir le Gouvernement compte-t-il réserver au statut de l’Agence France-Presse ? Je m’inquiète en effet des déclarations récentes du Gouvernement à ce sujet, qui pourraient remettre en cause l’indépendance rédactionnelle de l’AFP.
Où en est la réflexion sur la portabilité des droits d’auteur des journalistes entre différents supports ? Un avant-projet de loi sur cette question n’est-il pas justement en cours d’élaboration au ministère de la culture et de la communication ? En particulier, la sous-représentation des journalistes dans les débats des états généraux sur cette question menace la construction d’un compromis acceptable par l’ensemble des parties.