De tels développements nécessitent des investissements lourds, dans un contexte économique aujourd’hui difficile. Toutes ces évolutions technologiques démultiplient les offres télévisuelles et remettent en cause l’univers concurrentiel des chaînes existantes, privées et publiques.
Ce paysage audiovisuel nouveau rend la réforme de l’audiovisuel public indispensable. Le groupe France Télévisions doit inventer un modèle de développement nouveau, que la commission pour la nouvelle télévision publique, dont j’ai été membre, a appelé le « média global ». Il est appelé à se transformer en entreprise unique pour poursuivre sa modernisation, ce qui ne manquera pas d’accroître la rationalisation et la synergie des moyens, et sa transformation en véritable média global.
Avec ce nouveau modèle de développement, France Télévisions aura les moyens de répondre à ces enjeux de manière globale. L’audiovisuel public doit pouvoir proposer une offre déclinable sur l’ensemble des moyens de diffusion, et de ce fait enrichie et diversifiée. La transformation d’un ensemble de chaînes et d’entreprises en un média global aura pour conséquence de mettre au cœur de l’activité de ce dernier les contenus et de recentrer les chaînes sur leur rôle éditorial.
Il faut bien entendu donner au secteur de l’audiovisuel, qui ne dispose pas des moyens adaptés à de telles ambitions, les crédits budgétaires nécessaires à la mise en œuvre de ce nouveau modèle. Comme l’ont souligné la commission présidée par M. Copé, ainsi que notre collègue Claude Belot dans son rapport spécial, si un tel développement permettra économies et rationalisation des moyens, il aura aussi un coût.
Telle est, en effet, la question principale : pour préserver un service public audiovisuel puissant, garant de la diversité et de l’expression démocratique, capable de s’adapter dans un paysage audiovisuel en mutation, il faut lui garantir un financement pérenne et dynamique.
C’est pourquoi je consacrerai les quelques minutes qui me sont imparties à cette question du financement de la télévision publique.
La mission « Médias » connaît une croissance importante, liée à la création du programme « Contribution au financement de l’audiovisuel public », qui alloue 473 millions d’euros à France Télévisions et à Radio France.
Cette somme doit permettre de compenser le manque à gagner dû à la suppression progressive de la publicité sur les chaînes publiques à partir du 5 janvier prochain, ainsi que le prévoit le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Elle correspond à l’estimation faite par la commission pour la nouvelle télévision publique, la perte de ressources publicitaires pour les chaînes du service public s’élevant à 650 millions d’euros en année pleine.
Paradoxalement, il faut avoir conscience que la suppression de la publicité sur les chaînes du service public peut être une chance pour France Télévisions, et ce pour une double raison.
D’une part, le service public de l’audiovisuel échange ainsi une recette aléatoire et en perte de vitesse – la publicité – contre une recette fixée et garantie par l’État. Le marché publicitaire est en effet morose, pour ne pas dire dépressif, et les ressources publicitaires migrent aujourd’hui vers les nouveaux médias.
D’autre part, il échange une recette contraignante pour la programmation contre une recette qui la libère. Plutôt que de se soumettre aux annonceurs et à l’obsession de l’audience, France Télévisions pourra « oser » des programmes novateurs et ambitieux.
Pour ces deux raisons, il me semble que la réforme du financement, en libérant les chaînes du service public de la publicité, les obligera à renforcer leur identité et leur différence par rapport aux chaînes privées et, par là même, la légitimité du service public de l’audiovisuel. Son financement public en sera d’autant plus justifié aux yeux de nos concitoyens.
La condition, bien évidemment, est que l’État garantisse les ressources prévues dans le contrat d’objectifs et de moyens. L’autonomie financière sera d’ailleurs l’une des conditions requises pour garantir l’autonomie tout court du président de France Télévisions.
Tel sera l’objet des quelques réflexions que je ferai maintenant sur la redevance.
À cet égard, la mission « Médias » anticipe la réforme de l’audiovisuel public, en prévoyant l’indexation de la redevance sur l’inflation, mesure que la commission des affaires culturelles et le groupede l’Union centriste, auquel j’appartiens, réclament depuis des années, à chaque examen du projet de loi de finances. Enfin !
Il aura fallu engager cette réforme supprimant la publicité pour voir une telle mesure acceptée par le Gouvernement. Le combat aura été long et difficile, mais nous y sommes arrivés ! Permettez-moi donc d’avoir, ce soir, une pensée pour nos anciens collègues Jacques Valade et Louis de Broissia, qui furent respectivement président de la commission des affaires culturelles et rapporteur pour avis de la mission « Médias ».