Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’agissant du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public », je me bornerai à porter une appréciation sur les amendements présentés par le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, M. Joseph Kergueris.
Il nous sera en effet proposé de transférer la part de la redevance audiovisuelle actuellement affectée à l’Institut national de l’audiovisuel au financement de l’audiovisuel extérieur. M. le rapporteur pour avis indique lui-même très clairement la raison de ce transfert de ressources : « une plus forte incertitude sur le montant de la dotation publique, en particulier dans le contexte budgétaire actuel ».
Pour nous, il est hors de question de transférer cet aléa budgétaire à l’INA ! Le fait que l’INA ne soit pas une société de radio ou de télévision n’est pas un argument recevable pour mettre un terme à son financement par la redevance. Les missions de l’INA sont intrinsèquement de nature audiovisuelle.
Il s’agit, d’abord, de la sauvegarde de notre patrimoine audiovisuel, avec la tâche colossale d’assurer la préservation et la numérisation, d’ici à 2015, de plus de 820 000 heures de programmes audiovisuels enregistrés sur des supports analogiques périssables.
Il s’agit, ensuite, de l’enrichissement des collections, par acquisition et, surtout, par captage des programmes de 101 chaînes de télévision et de radio, chiffre qui doit être porté à 120 en 2009, puisque l’INA est chargé du dépôt légal de la radio-télévision.
Il s’agit, enfin, de la valorisation et de l’exploitation de ces collections en direction des particuliers ou des professionnels : ainsi, le site « inamediapro.com », qui rend possibles la recherche, la sélection et la commande d’images d’archives, constitue la première source audiovisuelle mondiale.
J’ajouterai que l’INA assure également une mission de création audiovisuelle, à travers la production et l’édition de films ou de documentaires conçus à partir de ses archives.
Je comprends tout à fait l’intention de notre collègue Joseph Kergueris d’interpeller le Gouvernement sur la pérennité et le niveau de financement de l’audiovisuel extérieur – qui, soit dit en passant, souffre d’un montage juridique et financier alambiqué –, mais cela ne peut pas se faire au détriment de l’INA.
Ces choses étant clairement affirmées, j’en viens maintenant au secteur de la presse.
Avec le lancement des états généraux de la presse, le Gouvernement a renouvelé le concept de la commission Copé, structure occupationnelle de réflexion à fonds perdus… Là encore, le Président de la République s’étant empressé de donner le « la », une partie des conclusions est connue d’avance, ce qui a incité plusieurs syndicats de journalistes à quitter la table.
À quoi bon, en effet, faire de la figuration quand les dés sont pipés, quand les groupes de travail ne sont en réalité réunis que pour entériner des réformes déjà décidées et écrites ailleurs ? Ce qui se profile, c’est bien la remise en cause des droits d’auteur des journalistes, notamment autour de la question de leur portabilité entre les différents supports de presse, l’abaissement de la plupart des « contraintes » du statut de journaliste, telles que la clause de cession, ou bien encore l’assouplissement des lois anti-concentration. Cela recoupe les principales demandes des patrons de presse !
Notre pays se caractérise déjà par une hyper-concentration de ses groupes de presse, par une intrusion croissante du pouvoir politique dans la sphère médiatique et par l’instauration en cours d’un lien de subordination entre le pouvoir exécutif et les organes de direction des télévisions publiques.
C’est ce qui a conduit le groupe socialiste, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, à déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les liens existant entre le pouvoir exécutif et les organismes de presse et de la communication audiovisuelle et leurs conséquences pour l’indépendance et le pluralisme de la presse et des médias. Face à la recrudescence des dérives institutionnelles, législatives et factuelles constatée, il devient urgent que la Haute Assemblée inscrive cette proposition de résolution à son ordre du jour et approuve la constitution de cette commission d’enquête.
Pour 2009, si le régime global des aides à la presse est reconduit, il convient de noter, cependant, que le montant des aides directes, initialement de 173, 17 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une légère diminution de 1, 16 % par rapport à 2008, a été revu à la baisse, à la suite de l’adoption, en seconde délibération à l’Assemblée nationale, d’un amendement du Gouvernement tendant à minorer davantage les crédits du programme 180, à hauteur de 1, 87 million d’euros.
Dans ce contexte, et dans la perspective de la réforme de l’audiovisuel, des inquiétudes fortes pèsent sur les aides au pluralisme, dont le montant devra nécessairement être revu à la hausse.
Ces aides se concentrent principalement sur le soutien aux titres à faibles ressources publicitaires. Or, c’est l’ensemble de la presse quotidienne payante qui se trouve confrontée à des effets d’éviction publicitaire puissants, provoqués par la concurrence exercée par la presse gratuite, par internet, mais aussi par la télévision.
Or, les mesures à venir favorisant les télévisions commerciales – relèvement du quota publicitaire horaire autorisé de six à neuf minutes sur les chaînes privées, passage de l’« heure glissante » à l’« heure d’horloge » et autorisation d’une seconde coupure publicitaire pendant la diffusion des œuvres de fiction – vont provoquer un report de recettes publicitaires prioritairement vers les deux principales chaînes privées, TF 1 et M 6, ajoutant ainsi un facteur conjoncturel à une crise plus profonde du secteur de la presse écrite.
Pour l’heure, le secteur de la presse est suspendu aux futures conclusions de ses états généraux. Malheureusement, celles-ci risquent de sonner comme un bis repetita des orientations retenues par l’actuelle réforme de l’audiovisuel, dont les grands perdants seront les journalistes et, avec eux, l’information pluraliste et indépendante que tout citoyen est en droit d’attendre en démocratie.