Intervention de David Assouline

Réunion du 5 décembre 2008 à 22h30
Loi de finances pour 2009 — Compte spécial : avances à l'audiovisuel

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Madame la ministre, lorsque je relis – car il faut toujours essayer de revenir aux sources – le courrier que vous avait adressé le Président de la République le 1er août 2007, j’y trouve l’affirmation suivante : « L’accès aux œuvres de l’esprit passant aussi, de plus en plus, par la médiation audiovisuelle, […] la culture doit être davantage présente dans les programmes de télévision. »

Ainsi, pour promouvoir la culture à la télévision, le chef de l’État a décidé, seul ou presque, d’organiser dans la loi, ou du moins dans le projet encore en discussion à l’Assemblée nationale, l’appauvrissement de l’audiovisuel public et l’enrichissement des groupes audiovisuels privés.

Autrement dit, pour permettre à tous d’accéder par la télévision aux œuvres de l’esprit, le Président de la République a délibérément choisi de permettre à TF 1 et à M 6 de diffuser des « tunnels » de publicité encore plus longs qu’aujourd’hui, et même de pouvoir couper une deuxième fois la diffusion de leurs programmes, notamment cinématographiques, par de la réclame. C’est bon pour l’esprit…

Dans ce débat budgétaire qui précède la bataille que nous, sénateurs de l’opposition, conduirons avec détermination, à la suite de nos camarades députés, contre le projet de réforme de l’audiovisuel voulu par le Président de la République, nous devons à la vérité de rappeler que le sous-financement de France Télévisions date non pas du 8 janvier 2008, mais du retour de la droite au pouvoir, après l’élection présidentielle de 2002.

Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis, mais le rapporteur pour avis des crédits de l’audiovisuel pour 2008.

Notre ancien collègue de Broissia constatait en effet, il y a tout juste un an, que « les taux de redevance en vigueur en métropole (116 euros) et dans les départements d’outre mer (74 euros) n’ont pas été modifiés depuis 2002 (à l’exception de l’ajustement – à la baisse – consécutif à la réforme du mode de perception en 2005), dépréciant ainsi, en euros constants, la valeur de la taxe ».

Il proposait en conséquence, par deux amendements approuvés unanimement, mes chers collègues, par la commission des affaires culturelles, d’une part, de « faire passer le taux de la redevance de 116 à 120 euros en métropole et de 74 à 78 euros dans les départements d’outre-mer afin de rattraper partiellement le retard accumulé au cours des années passées », et, d’autre part, d’« instaurer un mécanisme d’indexation de l’évolution de la redevance audiovisuelle sur l’indice d’évolution des prix afin de garantir aux organismes de l’audiovisuel une progression régulière et constante de leurs ressources ».

L’objet de ces deux dispositions, combattues par le Gouvernement qui obtint alors gain de cause, était de donner à la télévision publique les moyens de saisir les possibilités de développement que lui offre la révolution numérique et, dans le même temps, de répondre aux exigences éditoriales du contrat d’objectifs et de moyens, le COM, signé le 27 avril 2007.

Nous faisons volontiers nôtre la double ambition du COM : transformer France Télévisions en « média global » – la paternité de cette idée, figurant dans le COM, ne revient donc pas à la commission Copé – proposant une offre de programmes valorisant la spécificité du service public. Nous ne comprenons cependant pas comment France Télévisions pourra la poursuivre efficacement avec les moyens à sa disposition dans les trois années qui viennent.

Selon une communication d’octobre 2007 de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat, la bonne exécution des COM signés avec les organismes bénéficiaires de la redevance – France Télévisions, Radio France et Arte France – supposait, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation d’au moins 3, 5 % des dotations à ces sociétés en 2008.

Qu’en sera-t-il réellement au 31 décembre prochain, madame la ministre, alors que les annonceurs fuient les antennes de France Télévisions depuis le mois de janvier dernier et que le produit de la redevance risque d’être inférieur aux prévisions en raison de la conjoncture économique ?

Pouvez-vous confirmer que, dans ce contexte, le groupe France Télévisions clôturera l’exercice 2008 sur un déficit de 160 millions d’euros, alors que l’exercice précédent avait été arrêté à l’équilibre ?

Trouvez-vous normal que, du fait de cette situation budgétaire très dégradée, le directeur de l’information de France 3 n’ait plus les moyens d’envoyer des reporters à l’étranger d’ici à la fin de l’année ?

Êtes-vous satisfaite de la perspective de voir les comptes du groupe public rester déficitaires d’environ 100 millions d’euros pour l’exercice 2009 ?

Savez-vous que la direction de France Télévisions estime que le retour à l’équilibre de l’exploitation du groupe n’est pas envisageable avant 2012 ? Cela ne correspond pas à vos exigences affirmées publiquement. Quelles sont donc les mesures envisagées ? La mise en œuvre d’un plan social sera-t-elle encouragée ? Attendrons-nous 2012 ? Nous attendons en tout cas vos réponses !

Et que répondez-vous, madame la ministre, à l’inquiétude des personnels, qu’ils soient journalistes, techniciens ou personnels administratifs, réduits par certains membres influents de la majorité, tel l’inénarrable député Lefebvre, au rôle de variable d’ajustement budgétaire dans la réorganisation annoncée ?

Enfin, avez-vous demandé aux Français ce qu’ils pensaient de la suppression de leurs deux journaux télévisés préférés, c’est-à-dire le 19/20 et Soir 3 ? Une telle suppression serait la conséquence logique de l’entrée en vigueur de la version actuelle du cahier des charges de France Télévisions, qui oublie de mentionner que France 3 a vocation à proposer de l’information nationale et internationale.

Avec sa réforme de l’audiovisuel, le Président de la République aura au moins tenu sa principale promesse électorale, celle d’incarner la rupture, mais il s’agit, en l’occurrence, de la rupture avec une certaine conception de la diversité culturelle et du pluralisme démocratique auxquels contribuait jusqu’alors de manière essentielle la télévision publique.

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