Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le mouvement vers une généralisation de la médiation a pris de l'ampleur avec la loi du 4 janvier 1993, qui a donné un fondement légal incontestable à une telle solution.
Justice de proximité, préventive, éducative et réparatrice plus que répressive, le but de la médiation est d'aboutir à la satisfaction de la victime, avec son accord, et à la restauration de l'ordre public sans recours aux poursuites et aux sanctions pénales.
La médiation est censée régler les « petits désordres sociaux » par le recours à un tiers qui favorise la confrontation des points de vue des deux parties, pour rechercher une solution au conflit et une réparation au trouble causé.
Dans la situation d'engorgement dans laquelle se trouve l'institution judiciaire depuis quelques années, nous sommes tout à fait favorables au développement de ces procédures alternatives.
Toutefois, le recours à la médiation est-il pertinent dans tous les cas, tout particulièrement en matière de violences conjugales ?
Dans de telles situations, les critères de la médiation tels que la volonté de coopération, le respect de l'autre dans la recherche d'une solution, et plus particulièrement la reconnaissance par le conjoint délinquant de ses actes de violences deviennent difficilement applicables.
Ces critères font référence à un état d'esprit et à une liberté de pensée qui sont absents dans les cas de violences au sein des couples. L'agresseur et l'agressé ne sont pas sur un pied d'égalité en termes de pouvoir : ainsi, la liberté d'expression est le plus souvent inexistante chez la victime.
Par ailleurs, en mettant les deux parties sur un même plan, la médiation atténue la visibilité de l'infraction et, par là même, la prise de conscience par l'auteur des violences du caractère anormal et répréhensible de son acte.
En effet, il faut toujours avoir en mémoire que la violence au sein des couples est, par définition, doublée d'un système de harcèlement moral et de violences psychologiques graves que la justice a bien du mal à appréhender.
Comme nous y invitaient de nombreuses associations luttant contre les violences conjugales ainsi que la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous avions envisagé d'exclure la possibilité pour le procureur de la République, préalablement à sa décision sur l'action publique, de faire procéder à une mission de médiation dans le domaine des violences au sein des couples.
Toutefois, parce que nous sommes généralement favorables à ces missions de médiation, nous avons finalement choisi de ne pas déposer d'amendement sur le sujet. Nous souhaitons simplement que, dans le cadre des violences au sein des couples, les parquets soient invités à n'avoir recours à la médiation qu'après mûre réflexion et à privilégier le classement sous condition avec obligation de soins, même s'il s'agit d'un premier passage à l'acte.
En effet, force est de constater qu'en matière de violences au sein des couples un grand nombre de violences graves ou de décès consécutifs à des coups mortels pourraient être évités si l'intervention du parquet avait lieu dès les premiers signes de violences.