Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la mission « Culture » continue à être partagée en trois programmes : le programme 175 « Patrimoines », le programme 131 « Création » et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Le compte d’affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », qui leur était associé, a disparu.
La mission représente au total : 2, 841 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2, 782 milliards d’euros en crédits de paiement.
Ces crédits sont complétés par 55, 83 millions d’euros en autorisations d’engagement et 42, 19 millions d’euros en crédits de paiement par des fonds de concours, profitant essentiellement aux dépenses d’investissement du programme 175 « Patrimoines » ; 55 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, par un financement extrabudgétaire, issu des recettes de cession du patrimoine immobilier de l’État – compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Ces crédits seront affectés, pour 20 millions d’euros, au Centre des monuments nationaux, pour 20 millions d’euros aux écoles d’architecture, pour 9, 3 millions d’euros à l’Opéra de Paris et l’Établissement public du parc et de la grande Halle la Villette et pour 5, 7 millions d’euros au Grand auditorium à la Villette.
La mission emploie 29 104 équivalents temps plein travaillé, dont 11 130 pour le ministère et 17 874 pour les établissements publics, qui en constituent depuis toujours la force de frappe essentielle.
Les dépenses fiscales affectées à la mission sont de 1, 2 milliard d’euros environ, dont 500 millions d’euros pour le ministère et un peu moins de 700 millions d’euros pour les grands opérateurs.
La principale observation depuis l’an passé, c’est le profond déséquilibre entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.
Depuis le projet de loi de finances pour 2008, les bleus budgétaires, qui sont beaucoup plus clairs, contiennent des tableaux présentant le suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d’engagement qui présentent la « soutenabilité » de la politique publique.
En 2008, il apparaissait que 6, 5 % des crédits de la mission « Culture » servaient à couvrir des engagements antérieurs à 2008, cette proportion s’étend à 12, 6 % pour le programme 175 « Patrimoines ».
En 2009, ce pourcentage est de 11 %, soit un quasi-doublement. À la fin de l’année 2009, les engagements pris et non couverts s’élèvent à 1 559 millions d’euros, à comparer avec les 2 790 millions d’euros ouverts au titre de la mission.
Cette glissade est particulièrement menaçante pour le programme « Patrimoines » : 22, 66 % des crédits ouverts en 2009 serviront à financer des engagements pris avant 2009. Le solde des engagements non couverts par des crédits de paiement à la fin de 2009 sera supérieur au montant des crédits ouverts en 2009 : 1 129 millions d’euros seront alloués à la politique du patrimoine en 2009 et 1 136 millions d’euros seront dus au 31 décembre 2009 au titre de cette même politique. L’affaire est maintenant bien connue, nous en avons parlé lors de la dernière réunion sur les monuments historiques.
Notons que la contrainte est moins forte pour les deux autres programmes de la mission. La part des crédits 2009 consacrés aux engagements antérieurs est de 3, 28 % pour le programme 131 « Création » et 2, 77 % pour le programme 224 « Transmission des savoirs ». Le solde des engagements non couverts à la fin de l’année ne sera donc, si l’on peut dire, que de 30, 81 % pour le programme 131 et de 20, 7 % pour le programme 224.
Il convient, bien sûr, de s’interroger sur la capacité du ministère à honorer à l’avenir les engagements déjà pris et les coûts éventuels du ralentissement de la couverture des engagements que prévoit le projet de loi de finances pour 2009, soit pour l’État – éventuelles pénalités contractuelles –, soit pour les créanciers du ministère, à commencer par les entreprises et les collectivités locales.
C’est en ce sens que je vous présenterai un amendement de réduction des autorisations d’engagement de moitié pour l’année à venir, bien qu’il s’agisse d’un amendement de principe qui ne sera probablement pas voté, mais qui vise d’abord à susciter le débat.
Ne faut-il pas aussi prendre en compte les engagements prévus par les contrats État-régions, soit 250 millions d’euros supplémentaires, et les besoins d’investissements inéluctables du ministère et de ces opérateurs, à commencer par l’auditorium de la Villette appelé encore « philharmonique de Paris », déclaré prioritaire par le Président de la République ?
Logiquement, compte tenu non seulement de la situation budgétaire en général, mais aussi de cette fuite en avant sur les crédits du patrimoine, il conviendrait de ne se lancer, au cours des prochaines années, dans aucun grand projet culturel.
La gestion du passé est, à elle seule, suffisamment contraignante. L’entretien des monuments historiques a fait l’objet de prévisions extrêmement sombres. Il suffit de rappeler le rapport sur l’état du parc monumental français, prévu par l’article 90 de la loi de finances pour 2007, à la suite d’un amendement de votre commission des finances, qui conclut sur un investissement global de 2 milliards d’euros dans les cinq ans à venir, soit 400 millions d’euros par an. La commission des affaires culturelles a fait également la même étude.
Or nous nous trouvons face à des enjeux pharaoniques. La Philharmonie de Paris coûterait en investissement 204 millions d’euros hors taxes. Les coûts de fonctionnement de l’association porteuse ne sont pas évalués. Il est question d’un partage entre l’État, la Ville de Paris et la région. L’État devrait donc payer 91, 8 millions d’euros. Le projet de loi de finances inscrit 139, 97 millions d’euros, soit 48, 17 millions d’euros de plus. La part de l’État serait donc portée de 45 % à 68, 6 %, au titre du « financement de la procédure de dialogue compétitif » dans l’hypothèse d’un partenariat public-privé.
Il est prévu, pour le fonctionnement, 5, 7 millions d’euros en autorisations de programme et en crédits de paiement, compte tenu d’un financement spécifique à partir du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». J’ai demandé des éclaircissements sur ces différents points à Mme la ministre.
On admire la bienveillance du Conseil de modernisation des politiques publiques chargé de mettre en œuvre la révision générale des politiques publiques, qui a décidé de la réalisation du Grand auditorium dans ces conditions. Mais enfin, puisque telle est la volonté du Président de la République, n’insistons pas !
Par ailleurs, il faudra aussi compléter le financement du plan de modernisation des écoles d’architecture, qui s’élève à 157, 93 millions d’euros. Ainsi, 35 % des crédits alloués sont hors ministère de la culture, provenant du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Quelles cessions immobilières viennent nourrir le compte d’affectation spéciale permettant ces financements qui dépassent le budget de la mission « Culture » ?
Pourra-t-on compter, comme semble l’espérer Mme le ministre dans le dossier de présentation du projet de budget pour 2009, sur l’affectation d’une recette fiscale pérenne ? Et si oui, laquelle ? Les paris en ligne non sportifs ? Ce n’est pas encore décidé ! La Française des Jeux ? N’en parlons pas, elle est déjà sollicitée pour le financement du sport !
L’expérience tentée l’an dernier avec le Centre des monuments nationaux avait débouché sur un décevant fonds de concours au budget de la DAPA, la direction de l’architecture de l’architecture et du patrimoine.
Mais tout n’est pas négatif dans ce projet de budget, qui prévoit un apport particulier pour les monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés, avec 103, 51 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement.
L’important, surtout pour les entreprises spécialisées du groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques, le GMH – elles sont fort capables de se faire entendre –, est de leur donner de la visibilité à moyen terme, ne serait-ce que pour le renouvellement de leurs ouvriers spécialisés, dont certains pourraient être qualifiés, à la manière japonaise, de « trésors vivants », donc de « trésors mortels ».