Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 5 décembre 2008 à 22h30
Loi de finances pour 2009 — Culture

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Culture » se caractérise par une stabilité des crédits, laquelle est garantie pour les années 2009, 2010 et 2011. Il devrait permettre, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, de dégager des marges de manœuvre suffisantes pour faire face aux besoins réels de ce secteur, à condition de pérenniser les ressources extrabudgétaires indispensables.

S’agissant du programme « Patrimoines », les crédits alloués en faveur des monuments historiques pour 2009 sont consolidés à leur niveau de 2008. Il est surtout à noter que cette stabilisation s’inscrit dans une perspective pluriannuelle. Un socle de crédits budgétaires connu et garanti pour les trois ans à venir, c’est une excellente chose quand on sait que les fluctuations budgétaires ont des conséquences désastreuses sur l’état général des monuments.

Je rejoins d’ailleurs ici l’avis de M. le rapporteur spécial, Yann Gaillard, qui juge nécessaire d’estimer le caractère d’urgence des travaux d’entretien ou de restauration prévus afin de mieux orienter les crédits. Nous savons tous que la dégradation d’un monument entraîne des travaux de réparation souvent bien plus coûteux que des travaux d’entretien.

Cependant, je tiens à exprimer à mon tour une inquiétude devant la diminution de 18 % des autorisations d’engagement, qui risque de se traduire en 2009, faute de crédits déconcentrés, par des reports ou des arrêts de chantiers en région, les DRAC ayant déjà un niveau élevé de « dettes ».

À cela viennent s’ajouter deux inquiétudes liées à la remise en cause de dispositifs fiscaux indispensables pour l’entretien des monuments historiques, d’une part, la réforme du dispositif de la « loi Malraux » en faveur des secteurs sauvegardés, d’autre part, le plafonnement décidé par l’Assemblée nationale de l’avantage fiscal dont bénéficient les propriétaires de monuments historiques inscrits ou classés.

Ces deux mesures sont particulièrement malvenues, d’abord, parce que les crédits budgétaires restent, malgré les efforts notables réalisés, insuffisants par rapport aux immenses besoins du secteur, ensuite, parce que plusieurs rapports sont venus rappeler le mauvais état du patrimoine monumental. Ainsi que l’a rappelé notre collègue M. Gaillard, la proportion de monuments en mauvais état ou en péril est passée de 32 % à 41 % entre 2002 et 2007.

C’est pourquoi d’ailleurs je soutiendrai les amendements qu’il présentera et qui tendent à supprimer les plafonnements ainsi institués.

J’ai moi-même, avec ma collègue Jacqueline Gourault, déposé un amendement de suppression de l’article 42 bis du projet de loi de finances, car l’entretien de monuments historiques, même non ouverts au public, concourt à l’intérêt collectif et à soutenir l’emploi.

Je tiens à saluer la priorité accordée aux crédits destinés aux monuments n’appartenant pas à l’État. Les monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés se verront ainsi affecter 20 millions d’euros de crédits supplémentaires via les budgets alloués aux directions régionales des affaires culturelles.

Enfin, madame la ministre, je soutiens votre projet d’affecter aux monuments historiques, à compter de 2010, une partie des recettes issues des paris en ligne non sportifs et une fraction des produits de la Française des Jeux.

Cette recommandation de la mission sénatoriale nous apparaît comme une bonne façon de mobiliser une ressource extrabudgétaire pérenne et d’atteindre ainsi les 350 à 400 millions d’euros nécessaires.

Concernant le spectacle vivant, si l’on excepte la hausse des autorisations d’engagement liée au lancement de la construction de la Philharmonie de Paris, certes nécessaire, mais qui absorbe une partie des crédits au détriment des investissements en province, les crédits de paiement stagnent.

Comment, dans une enveloppe constante de 805 millions d’euros affectée au programme « Création », ne pas fragiliser l’action en faveur du spectacle vivant, alors que les crédits des autres actions progressent, notamment en raison de la création de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet ?

Dans ce contexte, je souhaite aussi vous interroger, madame la ministre, sur les crédits alloués aux arts de la rue et du cirque.

En tant que présidente du groupe d’études du Sénat, j’aimerais disposer de quelques informations sur la politique menée par la rue de Valois, afin de rassurer les acteurs de ce secteur.

Madame la ministre, sous votre impulsion, le secteur du spectacle vivant connaît actuellement plusieurs réformes dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et des discussions menées à l’occasion des Entretiens de Valois.

Ces derniers, lieu de la redéfinition des modalités de l’intervention de l’État en faveur du spectacle vivant, étaient indispensables.

Les professionnels, mais aussi certains parlementaires, réclamaient depuis longtemps l’organisation de tels entretiens, afin de repenser l’économie du spectacle vivant dans son ensemble. Nous sommes nombreux ici à en attendre les conclusions avec impatience.

Parallèlement à ces entretiens, le ministère de la culture met en œuvre la RGPP. Les pistes de réformes évoquées dans ces instances interrogent les professionnels du spectacle vivant qui craignent, dans un contexte de stagnation des crédits, que le montant des subventions ne baisse, rendant de ce fait plus difficile la gestion des établissements confrontés à l’augmentation de leurs frais de fonctionnement.

Il est légitime d’améliorer la gestion des établissements culturels et de généraliser les contrats pluriannuels de performance, mais cela pose la question de la reconduction automatique des aides aux établissements.

La fixation d’objectifs précis implique une « obligation de résultat », mais les structures du spectacle vivant sont peu habituées à ce mode de fonctionnement. On peut comprendre que les professionnels craignent que les aides à la création ne soient prioritairement attribuées à ceux qui proposent des œuvres répondant aux attentes du public. Il faudra donc les rassurer en leur expliquant que ce mode de fonctionnement et de gestion est aussi une garantie pour les établissements culturels.

La signature de contrats d’objectifs et de moyens avec le ministère leur donne ainsi l’assurance, pour une période définie, de pouvoir conduire leurs projets tout en remplissant leurs objectifs.

Il convient d’aborder, dans le même état d’esprit, la question de la « mesure » et du choix des critères servant à établir la performance des structures artistiques. Dans ce domaine, on ne peut retenir uniquement des critères quantitatifs ; il faudra privilégier les évaluations qualitatives, afin de laisser du temps aux spectacles pour s’installer et conquérir leur public.

L’autre objectif des Entretiens de Valois est de redéfinir les modalités de l’intervention de l’État en faveur du spectacle vivant, en concertation avec les collectivités territoriales

Depuis plusieurs années, au sein de notre groupe, nous demandons le vote d’une loi d’orientation du spectacle vivant destinée à redéfinir et à clarifier les rôles de chacune des collectivités territoriales.

Les Entretiens de Valois et la réactivation du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel attestent que l’État a compris qu’il ne peut plus être seulement ordonnateur, mais qu’il doit devenir un partenaire à part entière. Nous en sommes satisfaits. Ce nouveau mode de partenariat, qui participe de la modernisation du ministère de la culture, doit se traduire sur le terrain par une évolution des rapports qu’entretiennent les DRAC avec les collectivités.

Le maintien des DRAC, dans le cadre de la RGPP, témoigne d’ailleurs que l’État a décidé de rester présent sur les territoires. Bien sûr, il ne faut pas que, sous couvert d’une meilleure organisation, il donne l’impression de se désengager et mette davantage à contribution les collectivités territoriales dans le financement des structures du spectacle vivant.

Les enjeux culturels et artistiques ne doivent pas être absents de la recomposition territoriale qui se profile. Les collectivités sont prêtes à prendre toute leur part dans cette répartition nouvelle des compétences, et la réforme des collectivités locales doit être l’occasion de traiter cette question.

Enfin, s’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », je voudrais insister sur trois points.

Je me réjouis, dans un contexte de stagnation des crédits de ce programme, de la sanctuarisation des 28, 8 millions d’euros de crédits destinés à la décentralisation des enseignements artistiques. À cet égard, j’espère que les propositions que nous avons formulées permettront d’aboutir sur cette question essentielle de la formation et la sensibilisation de nos jeunes à la culture.

En revanche, pour la deuxième année consécutive, les crédits de paiement de l’action « Actions en faveur de l’accès à la culture » baissent de plus de 8 %. Les actions les plus touchées concernent les territoires les moins favorisés, les personnes handicapées, les associations d’éducation populaire et les associations de lutte contre l’exclusion, ce dont nous nous inquiétons.

En revanche, nous notons avec satisfaction une augmentation de 2, 44 % des crédits de l’action « Soutien à l’éducation artistique et culturelle » à l’école. Néanmoins, madame la ministre, nous nous interrogeons sur les suites qui seront données aux recommandations qu’a formulées Éric Gross dans le cadre de la mission que vous lui avez confiée conformément à la lettre de mission que vous avait adressée le Président de la République, dans laquelle l’éducation artistique et culturelle était une priorité.

Deux mesures ont été rapidement annoncées par le Gouvernement : le Pass culture, pour les enseignants, et l’introduction d’un enseignement de l’histoire de l’art. Ainsi, dès la rentrée 2008, le ministre de l’éducation nationale a inscrit, dans un souci de sensibilisation et de formation des enseignants, la gratuité, à titre professionnel et personnel, pour les professeurs de l’enseignement scolaire et agricole, de tous les musées et de tous les monuments nationaux dépendant des ministères de la culture et de l’enseignement supérieur.

En outre, comme cela avait été annoncé, les élèves du primaire, dès la rentrée de 2008, et les collégiens, dès 2009, bénéficieront d’un enseignement en histoire de l’art.

Bien sûr, nous approuvons l’introduction de cet enseignement, qui concernera tous les élèves, qui sera assuré par tous les enseignants et qui traitera de tous les arts.

Néanmoins, nous souhaiterions aussi savoir ce que deviennent les autres mesures qui avaient été annoncées, à savoir le renforcement de la pratique artistique, le contact des jeunes avec les œuvres et les artistes, la fréquentation des institutions culturelles par le public scolaire, le partenariat avec les collectivités locales, autant d’éléments constitutifs d’une politique ambitieuse d’éducation artistique et culturelle à l’école.

Nous nous interrogeons donc sur l’état d’avancement de ce plan, car le ministère de l’éducation nationale semble refuser de dégager des moyens. Or chacun sait que le travail interministériel est aujourd’hui indispensable.

Nous avons posé des questions, nous avons formulé des remarques. Cependant, il faut reconnaître que, dans le contexte contraint qui est celui de l’économie de notre pays, l’augmentation de plus de 2 % des crédits de la mission « Culture » témoigne du réel effort consenti par le Gouvernement en faveur de la politique culturelle.

Aussi, madame la ministre, le groupe de l’Union centriste votera ces crédits.

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