Intervention de Christine Albanel

Réunion du 5 décembre 2008 à 22h30
Loi de finances pour 2009 — Culture

Christine Albanel, ministre :

... mais une forme d’engagement pour ceux qui en bénéficient.

Le mécénat en faveur des monuments historiques privés est un sujet tout aussi important. Il faut que nous puissions mobiliser des financements privés destinés à la réalisation des travaux de restauration et de rénovation des monuments historiques privés. Le dispositif mis en place par l'article 10 de la loi de finances pour 2007 est incitatif. Ses textes d’application sont récents, puisque l’instruction fiscale a été publiée le 31 décembre 2007 et le décret décrivant les modalités de rédaction des conventions de subventionnement entre les fondations habilitées et les propriétaires est paru le 26 février 2008.

Il est donc un peu tôt pour dresser un premier bilan. Toutefois, d’après la Fondation du patrimoine, la ressource escomptée permet en général de compléter, dans une fourchette de 20 % à 50 %, le financement des opérations allant de 70 000 euros à 1 million d'euros, plusieurs exemples le montrent. Ce dispositif est donc tout à fait pertinent, même si son efficacité est contrariée par l’impossibilité de financer des monuments historiques dont l’exploitation procure à leur propriétaire des recettes commerciales supérieures à 60 000 euros par an. Cette restriction est très pénalisante et il serait bienvenu qu’elle puisse être réexaminée.

Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur spécial, des tensions pèsent sur le programme « Patrimoines ». La politique que je mets en œuvre en tient compte de manière très raisonnable. Qui plus est, le projet de loi de finances pour 2009 prend en compte l’objectif de réduction du volume des restes à payer : le montant des autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances initiale pour 2008 a été calibré au plus juste.

Ainsi, le montant en autorisations d’engagement passe de 1, 106 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 2008 à 899 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2009, soit une baisse de 18, 7 %. Abaisser davantage le niveau des autorisations d’engagement reviendrait à enclencher une nouvelle politique de stop and go, ce que nous ne voulons pas.

Le plan de relance nous permettra également de disposer d’autorisations d’engagement égales aux crédits de paiement, ce qui devrait permettre une évolution favorable.

Par ailleurs, nous avons augmenté les crédits de paiement destinés à couvrir les engagements antérieurs par rapport à la loi de finances initiale pour 2008.

Par exemple, les dépenses d’investissement destinées aux musées territoriaux progressent de 12 % en crédits de paiement, soit un total de 15, 7 millions d’euros.

De même, dans le secteur des monuments historiques, les crédits de restauration destinés aux monuments n’appartenant pas à l’État passent de 110 millions d'euros en crédits de paiement en loi de finances initiale pour 2008 à 127 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2009, soit une hausse 16 %.

J’évoquerai rapidement le projet de la Philharmonie de Paris, qui suscite de nombreuses interrogations. Sa réalisation ne risque nullement de se faire au détriment des investissements en régions. J’en veux pour preuve l’inauguration récente du théâtre auditorium de Poitiers ou celle du grand théâtre de Provence l’an dernier. En outre, l’État participe à la construction de l’auditorium de Bordeaux.

La révision des contrats de plan État-régions, qui interviendra en 2010, sera également l’occasion d’examiner les opérations structurantes pour le territoire d’un point de vue culturel.

Sur la faisabilité de ce projet, plus particulièrement sur la question de la maîtrise d’ouvrage, l’État envisage de recourir à un schéma contractuel de financement de type « partenariat public privé ».

L’avantage d’un tel système est de différer et d’étaler la charge financière de la construction, mais aussi de responsabiliser l’opérateur privé, qu’il s’agisse du respect des délais ou de la qualité de la construction d’un bâtiment dont il aura ensuite à assumer l’entretien.

Deux options sont envisageables, selon que la maîtrise d’ouvrage est confiée ou non à l’opérateur. Dans le cas où serait mis en place un véritable partenariat public privé, la procédure de dialogue compétitif sera observée et la maîtrise d’ouvrage du projet sera transférée au partenaire privé. Dans le cas où serait retenu un dispositif alternatif, la partie « financement » et la partie « réalisation et exploitation » seraient distinguées, la maîtrise d’ouvrage étant conservée par la structure de préfiguration.

Le choix de la solution la plus efficace est encore à l’étude, dans le cadre d’une concertation avec les collectivités territoriales partenaire, la Ville de Paris et la région.

Il est évident que le projet « Philharmonie de Paris » entraîne une révision du paysage musical de Paris et exige plus spécifiquement une réflexion sur l’avenir de la salle Pleyel. Nous envisageons que la Cité de la musique devienne propriétaire de la salle Pleyel, en faisant jouer une clause d’option d’achat prévue par le bail. Une telle opération de rachat suppose un emprunt qui serait souscrit par la Cité de la musique et dont le remboursement serait intégralement couvert par le produit des loyers tirés de la location de la salle Pleyel. Cette piste est actuellement à l’étude.

Sur les réformes en cours dans le domaine de l’archéologie préventive et l’avenir de l’INRAP, de nombreuses questions ont été posées. Nous sommes bien conscients qu’il faut améliorer la situation actuelle. Les réformes portent pour l’essentiel sur l’amélioration des délais d’intervention de l’INRAP et le développement de l’offre concurrentielle. Plusieurs actions ont déjà été menées en ce sens.

Tout d’abord, la capacité d’intervention des équipes de l’INRAP sur le terrain a été accrue. Aussi les effectifs ont-ils été renforcés en 2007 par la transformation de 338 contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée et, en 2008, par l’autorisation de mobiliser 200 équivalents temps plein travaillé en contrats à durée déterminée dès le 1er janvier.

Par ailleurs est poursuivi l’effort de maîtrise des prescriptions d’archéologie préventive.

Ainsi, 6, 7 % des dossiers d’aménagement instruits par les DRAC ont fait l’objet d’une prescription de diagnostic, contre 14, 9 % en 2002, alors même que le nombre de dossiers soumis à cette instruction a pratiquement doublé entre 2002 et 2007. Le nombre de prescriptions de fouilles est globalement stable depuis 2002. En 2007, 1, 5 % seulement des dossiers d’aménagement soumis à l’instruction des DRAC ont donné lieu à prescription de fouilles.

En outre, pour faire face à des opérations exceptionnelles, comme le canal Seine-Nord Europe, nous étudions la possibilité de créer un nouveau type de contrat, dont la durée serait liée à celle des opérations. Nous nous efforçons également d’augmenter le nombre des opérateurs en délivrant de nouveaux agréments : dix ont été accordés lors du Conseil national de la recherche archéologique, le 18 septembre dernier. Toutes ces mesures vont dans le bon sens.

Plusieurs orateurs m’ont interrogée sur les suites qui seront données à l’expérimentation de la gratuité dans les musées nationaux.

J’ai déjà eu l’occasion de rappeler que, si l’expérimentation de gratuité totale avait montré une augmentation assez massive de la fréquentation, celle-ci concernait surtout les lieux très peu fréquentés, qui n’accueillent que quelques dizaines de milliers de visiteurs par an. En d’autres termes, cette réforme n’a pas changé profondément la structure des publics.

La décision est imminente, les derniers ajustements financiers sont en cours. Nous nous orientons vers une gratuité totale, exclusivement réservée aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. Cette tranche d’âge se rend peu dans les musées et a peu de moyens. Accorder la gratuité de la naissance à l’âge de 25 ans est pour nous une mesure très significative et pertinente en termes de démocratie culturelle.

Par ailleurs, le principe de la gratuité pour les enseignants sera très certainement adopté, Mme Morin-Desailly l’a évoqué. Une telle mesure, dont le coût est estimé à 12 millions d'euros, doit être financée par le ministère de l’éducation nationale. C’est en cours d’arbitrage.

J’en viens maintenant à l’éducation artistique et culturelle. Le développement de l’enseignement de l’histoire des arts à l’école relève davantage de la responsabilité du ministre de l’éducation nationale. Ainsi, dans le primaire, les programmes d’éducation artistique ont été augmentés, des épreuves spécifiques sont désormais prévues au brevet des collèges, et une option histoire de l’art sera progressivement proposée au lycée.

Le ministère de la culture est mobilisé pour donner vie à cette ambition en faveur de l’éducation artistique. Il offre déjà de nombreuses formations qui s’inscrivent dans les plans académiques conçus chaque année, dans chaque rectorat. Il concourt également à la formation des jeunes professeurs, grâce aux nombreux partenariats conclus par les DRAC.

Le ministère de la culture souhaite donc devenir un véritable centre de ressources humaines. Tous les partenariats qui sont conclus entre les établissements culturels et scolaires en régions vont dans ce sens. Sans entrer dans le détail, de multiples projets existent aujourd'hui, à la suite des réunions entre les DRAC et les rectorats.

Le ministère entend également devenir un centre de ressources numériques. Nous sommes très avancés dans ce domaine, puisque, s’agissant du site Europeana de bibliothèque numérique, qui vient d’être lancé, la France fournit 52 % des documents mis en ligne.

Enfin, nous travaillons à la mise en place d’un grand portail de la ressource gratuite pour l’éducation artistique et culturelle, qui sera destiné à la communauté scolaire et enseignante.

Tout comme vous, monsieur Lagauche, je souhaite que soit pérennisée la ressource extrabudgétaire de 15 millions d'euros qui a permis que le programme « Création » consacré au spectacle vivant passe à 655 millions d'euros. Nous y réfléchissons dans le cadre des Entretiens de Valois, grâce à la création d’un fonds d’aide à la production et à la diffusion. Il faut un engagement collectif de tous les acteurs. La mise en place d’un tel fonds serait extrêmement intéressante. C’est pourquoi nous travaillons sur les ressources qui pourraient l’alimenter.

Monsieur Lagauche, vous m’avez interrogée sur l’indicateur relatif à l’optimisation de la procédure de traitement des demandes de subvention. L’évolution du coût de traitement des subventions tient à l’élargissement du champ de l’indicateur d’une année sur l’autre et à des modes de comptage différents entre l’administration centrale et les DRAC. Nous travaillons à fiabiliser ces indicateurs. Un effort a été fait pour alléger le coût de traitement des subventions, notamment par des regroupements de personnels sur les services budgétaires et comptables.

De manière plus générale, les Entretiens de Valois visent non pas à accroître l’effort des collectivités territoriales, déjà considérable dans le domaine du spectacle vivant, mais à travailler en partenariat avec elles. Ils tendent également à accroître la diffusion des œuvres, qui est beaucoup trop réduite, et à la faciliter à l’extérieur de notre territoire, à favoriser l’emploi, à réfléchir sur les labels. Tous ces sujets ont beaucoup avancé.

Vers la mi-décembre, les réflexions seront rassemblées dans un rapport et, à la fin de l’année, nous ferons des propositions assez précises. Nous souhaitons, par exemple, une instance régionale de concertation, afin de mieux redessiner la carte du spectacle vivant.

En matière de statistiques, une plateforme unique a été créée dans un souci de méthodologie, car il est très important, pour avancer, de disposer des mêmes instruments d’appréciation.

Je ne crois pas qu’il soit vraiment nécessaire de créer un centre national du spectacle vivant, sur le modèle du Centre national de la cinématographie. Les professions sont différentes. Le spectacle vivant a un nombre d’acteurs infini. La régulation et le soutien économique du spectacle doivent se faire sans doute au plus près des territoires.

J’ai réactivé le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Les commissions régionales des professions du spectacle, les COREPS, doivent agir puissamment en région. Si, en plus, nous avons les instances régionales, nous irons vraiment dans le bon sens. La diffusion des œuvres sera améliorée et les labels seront recentrés.

Les centres dramatiques régionaux et les scènes nationales ne sont pas censés exercer exactement les mêmes activités ; les uns font plus de la production alors que les autres font plus de la diffusion. Or nous voulons redéfinir les missions des uns et des autres, afin de favoriser une meilleure diffusion des œuvres.

Le cinéma numérique fait partie des grandes évolutions de ce secteur. Des groupes de travail ont été mis en place pour définir les normes techniques en la matière et le modèle économique permettant d’envisager une adaptation de l’ensemble des salles de cinéma à cette technique. Nous travaillons sur ce point, car l’enjeu est important. Ce modèle économique doit conjuguer les investissements des exploitants, une participation des distributeurs de films et des aides complémentaires.

Le nombre d’intermittents indemnisés au titre du régime d’assurance chômage est stabilisé à environ 100 000 personnes. La progression, au rythme qu’elle a connu, a été enrayée. Il n’y a pas eu d’exclusion massive du système conduisant à la RMIsation de milliers d’entre eux, comme d’aucuns ont pu le soutenir.

Cependant, la part du déficit imputable à cette indemnisation a continué à se creuser. En effet, le déplafonnement des indemnités versées consécutif au protocole de 2003 a conduit à un accroissement des dépenses. Les indemnisations ont eu tendance à augmenter, mais cette hausse a profité plus aux techniciens qu’aux artistes.

L’année qui va commencer s’annonce importante, car elle verra la renégociation des annexes 8 et 10 du régime d’assurance chômage. Aujourd’hui, je n’ai pas le sentiment que l’existence même de ces annexes soit remise en question. Les responsables de l’UNEDIC sont sensibles à l’effort engagé par la profession, notamment pour ce qui concerne les conventions collectives. On est passé de quarante-cinq accords et conventions collectives à huit. Seul un texte doit encore être signé. Nombre d’avancées ont donc été obtenues sur ce plan.

L’aide à la professionnalisation ou à la reconversion financée par le ministère de la culture et gérée par le fonds Audiens offre des perspectives professionnelles à des artistes et techniciens qui en manquaient.

Les spectacles amateurs constituent un sujet également important. Selon nous, il n’est pas souhaitable de légiférer en la matière. Il vaut mieux s’orienter vers des chartes, des accords pour prendre en compte les spécificités, voire les difficultés de certaines situations.

Les aides aux libraires ont été doublées et une politique en faveur du livre a été menée. La mise en place d’un label est en cours. Les librairies de référence vont recevoir des aides spécifiques du CNL, le Centre national du livre.

Pour ce qui concerne les arts plastiques, les autorisations d’engagement connaissent une hausse de 8 %.

Enfin, 12 millions d’euros sont consacrés à la politique en faveur des arts du cirque, madame Morin-Desailly. Un effort est fait en faveur de la formation. Notons la mise en place d’un parcours pédagogique qui concerne les trois grandes écoles du cirque, à savoir le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, l’Académie Fratellini de Saint-Denis et l’École nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois.

L’appui aux compagnies va être réorganisé en 2009 pour mieux articuler les aides octroyées respectivement par l’administration et par les DRAC.

L’itinérance du cirque sur tout le territoire va être également favorisée. Un colloque a eu lieu à Avignon sur ce thème. La charte d’accueil des cirques se développe dans de bonnes conditions. Trente-neuf communes y sont adhérentes ; vingt accords d’adhésion ont été signés ; trente-cinq cirques sont déjà adhérents et trois sont en cours d’adhésion.

Telles sont les réponses, sans doute trop brèves, que je me devais de vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs.

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