Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'enregistrement des dessins et modèles industriels constitue, avec celui des brevets et des marques, l'un des trois volets de la protection de la propriété industrielle. Il s'agit évidemment d'un enjeu économique important, surtout pour les pays comme le nôtre qui disposent d'un fort potentiel créatif, mais qui sont souvent victimes de la contrefaçon.
Le dépôt international des dessins et modèles industriels est régi par l'arrangement de La Haye, signé en 1925 puis modifié à plusieurs reprises. La portée de cet instrument demeure limitée. L'Allemagne, la France, la Suisse, l'Italie et les pays du Benelux en sont les principaux utilisateurs. En revanche, une majorité des trente pays de l'OCDE n'y ont pas souscrit, notamment les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, le Canada ou la Corée.
Ces pays n'adhèrent pas à l'arrangement de La Haye, car leurs procédures nationales sont beaucoup plus étoffées que celle qui est prévue par le système international. Elles reposent sur un examen a priori, par l'office national, de la validité du dépôt, pour vérifier que le dessin ou le modèle n'a pas déjà fait l'objet d'une exploitation.
Le fait que ces pays demeurent en dehors du système international est un inconvénient sérieux pour les entreprises des pays parties à l'arrangement de La Haye, notamment les entreprises françaises, puisque la protection de leurs dessins et modèles n'est pas automatiquement assurée dans ces pays.
C'est pour corriger cette situation qu'a été adopté, en juillet 1999, l'Acte de Genève que nous examinons aujourd'hui. Il vise à établir un système de dépôt international « à la carte », plus adapté aux diverses traditions procédurales qui coexistent dans le monde. Les conditions auxquelles devra se soumettre le déposant dépendront en grande partie des pays dans lesquels il voudra voir son dessin ou son modèle protégé. Des modifications sont apportées afin d'allonger le délai laissé aux offices nationaux pour refuser un enregistrement. Enfin, les organisations intergouvernementales peuvent devenir partie à la convention. Cela intéresse au premier chef la Communauté européenne, qui a déjà instauré, avec les dessins et modèles communautaires, un titre unique valable sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.
Il faut espérer qu'avec cet Acte de Genève un plus grand nombre d'Etats, notamment de grands Etats industriels comme les Etats-Unis, le Japon ou le Royaume-Uni, adhéreront au régime international de protection des dessins et modèles industriels. C'est à cette condition que nos industriels bénéficieront d'une protection géographiquement plus étendue.
Pour l'instant, dix-huit Etats sont devenus partie à l'Acte de Genève. On compte parmi eux huit Etats qui n'avaient pas ratifié antérieurement l'arrangement de La Haye, notamment la Turquie, Singapour, l'Estonie ou la Lettonie. C'est un signe encourageant, mais très en deçà de notre objectif.
Comme l'y autorise la convention, la France a prévu d'effectuer une déclaration au terme de laquelle son instrument de ratification ne sera considéré comme déposé que si les Etats-Unis ou le Japon en ont fait de même. Cette déclaration démontre que, dans l'esprit du Gouvernement français, les aménagements consentis lors de la négociation, qui se traduisent par des formalités supplémentaires lors du dépôt, doivent avoir pour contrepartie une extension notable du champ géographique de la protection de nos dessins et modèles industriels.
C'est donc sous le bénéfice de cette précision importante que la commission des affaires étrangères vous demande d'adopter le présent projet de loi.