Intervention de Brigitte Girardin

Réunion du 4 octobre 2005 à 16h00
Accord concernant la répression du trafic de stupéfiants dans les caraïbes — Adoption d'un projet de loi

Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 10 avril 2003, les gouvernements du Costa Rica, des Etats-Unis d'Amérique, de la France, du Guatemala, d'Haïti, du Honduras, du Nicaragua, des Pays-Bas et de la République Dominicaine ont signé à San José, capitale du Costa Rica, un accord concernant la coopération en vue de la répression du trafic illicite maritime et aérien de stupéfiants et de substances psychotropes dans la région des Caraïbes. Ces neuf pays ont été rejoints par la Jamaïque le 15 octobre 2003, le Belize le 14 décembre 2004 et le Royaume-Uni le 15 juillet 2005. Cet accord est l'aboutissement de négociations qui ont débuté en mars 1998, par une première consultation organisée sur l'initiative des Pays-Bas à Curaçao.

Comme vous le savez, la région des Caraïbes est particulièrement touchée par le trafic de drogues. On estime en effet que 55 % de la cocaïne totale produite en Amérique du Sud y transite en direction des deux principaux marchés de consommation que sont l'Amérique du Nord et l'Europe. La région Caraïbes regroupe vingt Etats, dont la France au travers de ses départements d'outre-mer ; elle constitue de ce fait une véritable mosaïque d'eaux territoriales ou d'espaces aériens, très proches les uns des autres. Les trafiquants recourent, dans 80 % des cas, au vecteur maritime, au moyen d'embarcations légères et très rapides leur permettant de traverser plusieurs eaux territoriales en un laps de temps très court. Ils utilisent également de petits avions qui larguent des paquets de drogue étanches, récupérés par des navires à destination des Etats-Unis ou de l'Europe.

Cette situation a de graves conséquences pour notre pays : dans les départements d'outre-mer d'abord, en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane qui, outre le fait de servir de tremplin pour l'acheminement de la drogue vers la métropole, connaissent un accroissement de la consommation de crack, dérivé très nocif de la cocaïne, largement disponible et à faible prix, provoquant par là même des ravages en termes de santé publique ; en France métropolitaine ensuite, où les dernières études montrent une expansion inquiétante de la diffusion de la cocaïne en provenance de cette zone.

Ce constat démontre à quel point l'accord qui vous est soumis aujourd'hui apparaît essentiel. Il constitue le premier accord régional signé sur la base de l'article 17 de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, signée à Vienne en décembre 1988, qui incite les parties à conclure des accords ou arrangements bilatéraux mais aussi régionaux.

Toutefois, cet accord ne se borne pas à définir les modalités de mise en oeuvre de l'article 17 précité. Il contient en effet plusieurs dispositions innovantes.

Il précise notamment dans quelles conditions un Etat signataire, conformément à la convention de Vienne de 1988, autorise l'arraisonnement en haute mer et la fouille d'un navire suspect revendiquant sa nationalité.

Il prévoit également la possibilité qu'une partie intervienne dans les eaux territoriales ou l'espace aérien d'une autre partie. Ainsi, une partie voit ses possibilités de poursuite et d'arraisonnement non plus limitées à ses seules eaux territoriales, mais étendues à celles des autres Etats parties, sur leur autorisation.

Par ces dernières dispositions, l'accord du 10 avril 2003 constitue une avancée majeure puisque, en assouplissant les règles traditionnelles, il facilite la poursuite et l'arraisonnement des navires se livrant au trafic de stupéfiants.

Bien qu'innovant et ambitieux, l'accord préserve les règles de souveraineté dans les eaux territoriales et les compétences juridictionnelles, ce qui était une priorité française marquée pendant la négociation. En effet, la mise en oeuvre des dispositions précitées peut se faire selon plusieurs régimes, allant de l'autorisation générale tacite à l'autorisation spéciale explicite. C'est cette dernière option que retiendra la France.

L'accord entrera en vigueur trente jours après que cinq Etats l'auront ratifié. A ce jour, trois Etats - la Jamaïque, les Etats-Unis et le Nicaragua - sont formellement liés.

Pour la France, qui, je le rappelle, est directement concernée par les trafics dans les Caraïbes, cette ratification contribuera à hâter l'entrée en vigueur de l'accord et, surtout, elle témoignera du ferme engagement de notre pays dans le domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants partout dans le monde.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord de coopération en vue de la répression du trafic illicite maritime et aérien de stupéfiants et de substances psychotropes dans la région des Caraïbes, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.

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