Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos en rendant hommage à un homme, ce qui n'est pas si fréquent de ma part, car j'ai été très touchée de la façon dont Roland Courteau a relaté - non pas avec l'autorité du spécialiste ou du professionnel, mais avec beaucoup de modestie, de justesse, avec la sensibilité de l'honnête homme qui prend conscience d'un problème - son expérience d'élu amené à recevoir souvent, trop souvent, des femmes victimes. C'est d'ailleurs ainsi que la plupart d'entre nous avons pris conscience de la réalité, de la fréquence, de la gravité de ce problème. Je remercie donc Roland Courteau, ainsi que Nicole Borvo Cohen-Seat, d'avoir pris l'initiative de déposer une proposition de loi sur ce sujet.
Cela étant, nous avons essentiellement parlé ce soir des violences conjugales concernant les femmes, qui représentent effectivement l'énorme majorité des cas que nous examinons. Néanmoins, même s'ils sont encore minoritaires, des cas de violences conjugales faites à des hommes ont été récemment recensés, même si ces quelques cas ne suffisent pas à masquer aujourd'hui la réalité, à savoir les phénomènes de domination masculine et l'inégalité des rapports de pouvoir au sein du couple. Toutefois, si l'on se contentait de sourire de ce qui reste aujourd'hui un phénomène apparemment marginal, on ne démontrerait qu'une chose : notre sensibilité au stéréotype de genre. Il faut passer outre.
Au-delà même des dispositions concrètes qu'il comporte, le texte que nous examinons constitue d'abord un signal politique. Il s'agit d'indiquer d'une façon aussi incontestable que possible que la violence n'est pas plus acceptable au sein du couple et de la famille qu'elle ne l'est en société. Ce faisant, nous émettons un double signe : un signe à l'homme violent, un signe à la femme victime.
Notre vote constitue aussi une reconnaissance et un hommage aux chercheurs - et surtout aux chercheuses et praticiennes comme Emmanuelle Piet, Marie-Victoire Louis, Anne Zelenski, Margaret Maruani et bien d'autres -, qui nous ont aidé à approfondir notre réflexion et à avoir une appréhension juste de ce qui constitue aujourd'hui le triste vécu de trop de femmes.
Nous voulons aussi rendre hommage aux associations, que l'on n'hésite jamais à solliciter quand il faut trouver un lit en pleine nuit pour une femme et ses enfants. Ces structures tentent de compenser, par un surcroît de générosité et d'engagement, l'érosion des aides publiques. Mais ces associations se sentent trop souvent abandonnées et finissent par douter de l'utilité qu'il y a à remplir des dossiers de subvention.
Je voudrais insister ici sur le fait que ces associations ne s'occupent pas seulement de l'accompagnement des femmes victimes. Elles travaillent aussi à l'éducation des hommes violents, et plus généralement des pères, des frères, des amis, des maris, qu'il s'agit de convaincre que l'on peut être un homme autrement : quand on aime, on ne frappe pas ! C'est précisément le message de la campagne qui est actuellement menée en Seine-Saint-Denis.
Cette proposition de loi est utile, et je la voterai.
Je regrette toutefois que nous ne soyons pas allés plus loin pour « muscler » les dispositions de prévention des mariages forcés.
Je regrette aussi que nous n'ayons pas adopté une disposition générale permettant une éducation à la non-violence et à la prévention des comportements violents.
J'espère, madame la ministre, parce qu'il ne s'agit pas uniquement de se contenter de voter une loi, que nous ne ferons pas l'impasse sur l'aide psychologique et matérielle que l'Etat se doit d'accorder aux victimes de violences conjugales.
Nous revenons là sur la douloureuse et lancinante question des moyens d'accompagnement et je veux croire que l'unanimité de notre vote sur ce texte vous permettra de convaincre le Premier ministre de ne pas mesurer son soutien à tous ceux qui, sur le terrain, sont en première ligne.