Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le troisième projet de loi de finances rectificative pour l’année 2009.
Ce quatrième acte de l’exercice budgétaire permet, à lui seul, de se rendre compte de l’intensité de la crise que nous avons traversée, nous poussant à préciser, à ajuster et à amender les dispositions législatives en la matière.
Face à une situation sans précédent, qui a été maintes fois commentée, nous avons apporté des réponses rapides et puissantes pour créer les conditions d’une sortie de crise aussi rapide que possible.
Cette politique a un coût réel. En témoigne le montant du déficit budgétaire qui ressort de ce collectif. Mais c’est une politique que nous assumons !
D’une part, nous assumons les pertes de recettes fiscales, car nous sommes convaincus que cela aurait été une erreur de chercher à les compenser, ou à les limiter, par des augmentations de fiscalité.
D’autre part, nous assumons les choix réalisés dans l’élaboration du plan de relance mis en place pour sortir de la crise.
Le succès d’une politique se mesure d’abord aux résultats obtenus. Or les premiers résultats sont là ! Je n’en citerai que deux.
La France a été l’un des premiers pays développés à sortir de la récession, avec une croissance positive.
Elle est, avec l’Allemagne, le pays dont le marché de l’emploi résiste le mieux. Toutefois, dans la tête de nos compatriotes, nous ne sortirons pas de la crise tant que la courbe du chômage sera à la hausse. C’est pourquoi il nous faut inverser définitivement cette tendance.
Ces premiers résultats positifs n’auraient pas été possibles sans la politique de relance engagée en 2009, qui a donné la priorité à l’investissement et au financement des entreprises.
Nous avons choisi l’investissement pour qu’il puisse fonctionner à plein régime et parce qu’il permet de soutenir l’indispensable moteur du pouvoir d’achat, et donc de la consommation.
Nous avons également pris de nombreuses mesures de nature à aider le financement des entreprises, car, vous le savez parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accès au crédit se faisait plus difficile.
Les mille chantiers annoncés par le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance ont été lancés. Ils sont donc concrètement en cours et c’est cela qui est important; vous le constatez d’ailleurs dans vos propres collectivités territoriales.
Les avances de trésorerie qui ont été consenties, tant par l’État que par les URSSAF, aux entreprises ont aussi beaucoup allégé la charge financière de celles-ci en ces moments difficiles.
C’est dans ce contexte que nous avons présenté le projet de loi de finances pour 2010 et que je vous présente aujourd’hui le projet de loi de finances rectificative pour 2009.
La relance n’est pas l’ennemi de la maîtrise de la dépense, bien au contraire. En cette année de crise exceptionnelle, et même si c’est difficile à percevoir à cause de la chute des recettes, nous avons, dans ce domaine de la maîtrise de la dépense, gardé nos repères et tenu nos objectifs.
Rien ne nous détournera de l’objectif de maîtrise des dépenses, car c’est la seule solution de remplacement possible face à ceux qui ne voient l’avenir des finances publiques françaises qu’à travers le prisme de l’augmentation des impôts.
Nous avions construit la loi de finances avec pour objectif une stricte stabilisation des dépenses en euros constants. En définitive, nous allons faire beaucoup mieux sur l’année 2009.
En effet, nous réussissons à limiter l’évolution des dépenses de l’État à un niveau inférieur de 2 milliards d’euros au plafond de dépenses voté par le Parlement. Il s’agit d’une baisse des dépenses, hors relance, en euros courants par rapport à 2008. C’est la première fois que cela arrive.
Ce résultat inédit est lié à une baisse de plus de 5 milliards d’euros de la charge de la dette. Cela peut sembler paradoxal dans un contexte d’augmentation du déficit et de la dette, mais la baisse des taux d’intérêt et de l’inflation fait plus que compenser le coût lié à l’augmentation de la dette.
À l’inverse, la crise a un effet défavorable sur d’autres dépenses, qu’il s’agisse des dépenses sociales, qu’il faut remettre à niveau à hauteur de 1, 3 milliard d’euros pour éviter de reconstituer une dette envers la sécurité sociale, ou du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, qui s’inscrit en augmentation de 1, 1 milliard d’euros en raison de l’évolution comparativement plus favorable de la situation économique de la France par rapport aux autres pays de l’Union européenne.
Il faut, par ailleurs, financer des dépenses exceptionnelles. Je pense en particulier au coût de l’ensemble des mesures de lutte contre la grippe A qui pèsent déjà pour 400 millions d’euros sur le budget de l’État en 2009. Nous serons amenés à augmenter encore le montant de ces crédits – j’oserais dire malheureusement – par amendement au collectif, afin de prendre en charge le solde du coût d’acquisition des vaccins par l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, et les dépenses d’indemnisation des professionnels de santé. En réalité, nous prenons en compte le vote du PLFSS qui a transformé le montage du financement qui était le nôtre.
Pour limiter la conséquence des aléas de conjoncture, j’avais, dès le projet de loi de finances pour 2008, insisté sur l’importance de la réserve de précaution. Celle-ci nous a permis, cette année, de financer les autres dépenses apparues en cours d’année.
Par conséquent, d’un côté, la baisse de la charge de la dette nous permet de compenser les augmentations des prélèvements sociaux, du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne et des dépenses dues à la grippe A. On « tire » un solde positif. De l’autre côté, la réserve de précaution qui a été mise en place nous permet de faire face aux dépenses plus courantes intervenues en cours d’année.
Face à une marge de 2 milliards d’euros, des gouvernements auraient peut-être cédé à d’autres sirènes et probablement dilapidé cette « bonne » nouvelle pour engager des dépenses nouvelles. Nous, nous avons fait le choix de la responsabilité dans l’utilisation de cette marge. Nous la consacrons en totalité à l’apurement de nos dettes à l’égard de la sécurité sociale – c’est un sujet auquel, je le sais, vous êtes attentifs –, en amplifiant l’effort déjà engagé les deux dernières années : 5, 1 milliards d’euros de remboursement en 2007 et 750 millions d’euros en 2008. Nous poursuivons dans ce sens.
Compte tenu de deux autres mesures présentées dans ce collectif – l’affectation de 200 millions d’euros de surplus du panier de recettes « allégements généraux » et du surplus de dette reprise au fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, l’an dernier à l’apurement des dettes –, le montant de notre dette vis-à-vis de la sécurité sociale, qui s’élevait à 3, 5 milliards d’euros à la fin de 2008, devrait ainsi être ramené à moins de un milliard d’euros à la fin de l’année.
Même si cette baisse n’est pas spectaculaire et ne fera sans doute pas les gros titres des journaux, elle est loin d’être anecdotique et uniquement technique. Elle traduit une clarification très nette des rapports qui se sont forgés entre l’État et la sécurité sociale, et permet un affichage de la réalité budgétaire : nous parvenons à maîtriser les dépenses – et cela sera encore plus vrai en 2010 –, mais nous ne le faisons pas en creusant la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale.
C’est un garde-fou très important pour la diminution des dépenses à venir. Vous le voyez, l’État ne joue plus avec la situation financière de la sécurité sociale pour améliorer le solde budgétaire. Je tenais à le redire.
Du côté des recettes, aucune information ne nous conduit à revoir les prévisions pour 2009 communiquées lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2010.
Au total, la prévision de déficit budgétaire est donc en ligne avec celle qui a été annoncée lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2010 : il s’élèverait à 141 milliards d’euros.
Sur le plan fiscal, ce collectif marque une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude et les paradis fiscaux.
À côté des dispositions qui s’inscrivent dans la poursuite de la modernisation de l’administration fiscale et de l’adaptation au droit communautaire, les principales mesures fiscales de ce projet de loi de finances rectificative touchent à la lutte contre l’économie souterraine et à la lutte contre les paradis fiscaux.
En ce qui concerne la lutte contre les paradis fiscaux, ces mesures témoignent, une nouvelle fois, de notre détermination à agir. Nul ne peut le contester aujourd’hui, même si l’on peut toujours nous dire, puisque l’on aime commenter les mesures prises, que celles-ci ne sont pas suffisantes. Mais, au-delà de nos convictions et de nos actes, la réalité est là !
Depuis le G20, sous l’autorité du Président de la République, la France s’est engagée dans le combat contre les paradis fiscaux. Depuis le 2 avril, nous avons signé quatorze accords ou conventions d’échange d’informations conformes au standard de l’OCDE avec les États identifiés par le G20 le 2 avril. Il s’agit des États qui ont figuré sur la « liste grise » de l’OCDE.
Nous avons décidé d’aller plus loin : nous avons signé des accords avec Hong Kong, les îles Anglo-Normandes, l’île de Man ou encore Malte, qui ne figuraient pas sur cette liste.
La France possède désormais un des réseaux d’accords les plus étendus au monde. Ce n’est pas terminé ; des péripéties peuvent survenir, mais, là encore, c’est la direction prise qui compte.
Aujourd’hui, avec ce projet de collectif, nous nous engageons dans la troisième phase de la lutte engagée au G20 contre les paradis fiscaux.
À Londres, nous avons d’abord identifié, sur le plan international, les États non coopératifs figurant sur la liste des paradis fiscaux. Puis nous avons entamé des négociations, mis en place et signé des conventions. Enfin, nous devons maintenant définir les sanctions à appliquer aux États qui décideraient de rester des paradis fiscaux.
L’arsenal anti-paradis fiscaux qui vous est proposé s’inscrit ainsi dans le prolongement de notre action internationale.
Nous avons également prévu la possibilité d’intégrer dans la liste les États qui ne respecteraient pas, à l’avenir, leurs engagements.
Sur le fond, ces mesures reprennent les recommandations du G20 et forment un tout cohérent.
Nous proposons d’abord que les rémunérations des actifs financiers délocalisables – intérêts, dividendes, redevances – soient taxées à 50 %. Ces revenus sont aujourd’hui soit exonérés, soit taxés à des taux allant de 18 % à 33 %.
Nous proposons ensuite que les dividendes perçus en provenance de ces États soient également taxés. Ils sont aujourd’hui exonérés au titre du régime « mère-fille » d’élimination des doubles impositions. Cette exonération est supprimée. La logique consiste à voir ce qui entre dans notre pays en provenance de ces paradis fiscaux et ce qui en sort vers ces derniers, afin d’établir des taxations.
Nous proposons encore la quasi-interdiction de déduction des dépenses payées dans les États dont le gouvernement a choisi de rester sur la liste des paradis fiscaux. Il est très important de replacer tous ces éléments dans leur contexte.
Nous proposons le renforcement des dispositions anti-abus permettant de taxer les bénéfices de filiales situées dans ces États.
Enfin, ce « paquet » anti-paradis fiscaux est complété par l’obligation pour les grands groupes de documenter leurs prix de transfert, conformément aux recommandations du Forum conjoint européen sur les prix de transfert – EU Joint Transfer Pricing Forum. Cette obligation n’est d’ailleurs pas exclusivement limitée aux paradis fiscaux.
Sur l’initiative des députés, nous avons également complété le texte lors de son examen à l’Assemblée nationale en dotant l’administration fiscale de moyens de contrôle renforcés pour les fraudes impliquant les paradis fiscaux. Des vérificateurs mis à disposition du ministère de l’intérieur pourront ainsi, après avis de la Commission des infractions fiscales, être dotés de pouvoirs d’officier de police judiciaire pour mener à bien leurs enquêtes. Cela a fait l’objet d’un long débat.
Quand on a affaire à des fraudes impliquant des structures ou des comptes situés dans des États ou des territoires qui refusent de coopérer, le recours à des auditions ou à des écoutes, sous le contrôle du juge, est le seul moyen pour nous permettre de détecter et de sanctionner la fraude. La France doit se doter des mêmes outils que ceux dont disposent d’autres pays pour la grande fraude, la fraude manipulatoire, celle qui implique des paradis fiscaux. À grande fraude, grands moyens : tels sont les paramètres établis !
En ce qui concerne la lutte contre l’économie souterraine, le Président de la République a fixé, en utilisant des termes forts, une ligne claire : frapper les délinquants au portefeuille !