Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 17 décembre 2009 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce collectif de fin d’année 2009, nous sommes en présence de la troisième loi de finances rectificative pour cette année. Elle se traduit par une nouvelle aggravation de la situation des comptes publics puisque le solde budgétaire enregistre un déficit de plus de 140 milliards d’euros.

Ce déficit est atteint malgré les annonces réitérées et claironnantes du plan de relance, et la dégradation de la situation économique et sociale du pays trouve donc sa traduction dans l’état des comptes de la nation comme dans celui de la sécurité sociale

Nous ne pouvons, comme a tenté de le faire le Président de la République, nous satisfaire de subir cette année une récession moins élevée que celle de l’Allemagne fédérale ou du Royaume-Uni.

La progression du chômage, le ralentissement de l’activité économique, l’aggravation de la vie quotidienne pour des millions et des millions de nos compatriotes : telle est la dure réalité.

Le nombre des inscrits à Pôle emploi a progressé de plus de 670 000 depuis le début de l’année ; ainsi, on compte désormais plus de 4 millions de personnes privées d’emploi dans les trois premières catégories de chômeurs recensés.

Bien évidemment, Pôle emploi est dans l’incapacité de faire face à une telle situation, comme le traduit le mouvement revendicatif de son personnel.

Une nouvelle fois, le Gouvernement envisage de recourir aux services d’agences d’intérim et aux cabinets de recrutement privés pour faire face à l’afflux de ces sans-emploi. Pourtant, si l’on en juge par les résultats, les premières expériences menées à ce propos n’ont pas été très pertinentes ni très concluantes.

La crise de l’emploi dans notre pays n’est pas liée à une supposée médiocre qualité du service public, encore que l’insuffisance des moyens et les restructurations à la hussarde n’aient rien arrangé. En fait, la recherche épuisante du profit par les entreprises, au détriment de l’emploi et du travail, est la véritable cause de la perte d’emploi, dont nous voyons les conséquences sur les chiffres du chômage.

Dans le même temps, le nombre des procédures collectives ne cesse d’augmenter. Pourtant, les banques, quoique généreusement aidées par l’État, continuent de se faire « tirer l’oreille » pour aider les petites et moyennes entreprises, alors que ces dernières sont bien souvent celles qui créent ces emplois indispensables à la réinsertion des chômeurs.

La contraction du volume du crédit bancaire aux PME n’a pas empêché les mêmes banques de réaliser cette année d’importants profits, qu’elles s’apprêtent à distribuer généreusement à leurs dirigeants en bonus, primes et avantages divers.

L’indignation vertueuse du Président de la République, tentant d’emboîter le pas du Premier ministre britannique, M. Brown, semble s’être assez rapidement dissipée devant le rappel au « principe de réalité » formulé par les banquiers eux-mêmes et relayé par Mme la ministre de l’économie, soucieuse comme à son habitude d’éviter de « plomber les banques françaises ».

Voilà où mène un plan de sauvetage des banques qui n’en était pas un et qui s’est limité à apporter, en abondance, l’argent public aux banques, alors empêtrées dans leurs propres dérives, sans garanties ni contreparties !

L’annonce, hier, en conseil des ministres, d’un projet de taxation temporaire des bonus accordés aux dirigeants de banques ou aux traders ne change que peu de chose. On continue d’avoir beaucoup de peine à faire légitimement contribuer les entreprises au financement de l’action publique, et les mesures qui sont prises ne le sont que sous la contrainte d’une opinion publique légitimement révoltée par des pratiques aussi incompréhensibles.

N’oublions pas, cependant, qu’il faudra bien un jour poser de manière beaucoup plus précise la question de la fiscalité des entreprises, puisqu’un récent rapport de la Cour des comptes vient de confirmer ce que nous avançons depuis fort longtemps.

Les plus grandes entreprises, celles dont l’insertion dans l’économie globalisée est la plus forte, celles qui figurent dans le CAC 40, sont passées maîtres dans l’art de l’optimisation fiscale, celle-ci ayant été grandement facilitée par des décennies de mesures encourageant une telle évasion fiscale.

L’aggravation de la situation des comptes publics trouve également sa traduction dans l’explosion de la dette de l’État. Au rythme actuel, nous devrions atteindre, à la fin de décembre, une dette publique de 1 200 milliards d’euros, dette dans laquelle la part des titres de court terme devient de plus en plus préoccupante.

Quand le Président de la République présente le célèbre grand emprunt de 35 milliards d’euros, il oublie évidemment de rappeler que, durant le seul mois de juin dernier, l’État a levé pour 60 milliards d’euros de bons du Trésor à court terme ! Cela, vous en conviendrez, relativise immédiatement la portée du fameux « grand emprunt ».

Nous ne sommes pas des partisans fanatiques du choix du désendettement à tout prix comme ligne directrice budgétaire, mais nous considérons, sur le fond, que ni la dette accumulée ni le grand emprunt ne constituent des solutions acceptables pour financer l’action publique si, dans le même temps, rien n’est fait pour redresser les recettes fiscales.

D’ailleurs, à l’annonce des priorités formulées par le Président de la République, tout laisse penser que le grand emprunt, en faisant porter le poids des intérêts et du remboursement du capital sur les seuls comptes publics, donnera en fait à quelques groupes privés l’occasion de s’enrichir sur le dos de la collectivité.

Venons-en au contenu du présent projet de loi de finances rectificative. Aucune mesure relative aux recettes n’est prise dans ce collectif. Cela signifie que le Gouvernement entend laisser filer le déficit. Notre pays s’expose ainsi au risque de rétorsion de la Commission européenne. Il pourrait se voir signifier de prétendues mesures de redressement qui seront encore plus nuisibles que les maux dont souffrent nos comptes publics. Mais il sera alors toujours possible de soutenir que c’est l’Europe qui les impose.

Le traité de Lisbonne ne met aucunement la France à l’abri de telles dispositions, alors même que c’est la philosophie générale de la construction européenne dont il découle qui est, pour une grande part, à l’origine des difficultés que nous connaissons.

En ce qui concerne la seconde partie de projet de loi de finances, les dispositifs destinés à la lutte contre la fraude fiscale ne nous semblent pas particulièrement opérants. La lutte contre la fraude est certes une nécessité, mais force est de constater que, depuis plusieurs années, le problème est plutôt celui de l’évasion fiscale, c’est-à-dire tout ce qui permet à quelques personnes ou entreprises bien informés de payer le moins d’impôt possible, et ce en toute légalité.

En matière de lutte contre les paradis fiscaux, outre le fait que les principaux paradis fiscaux ne sont pas réellement désignés, il faudrait peut-être commencer par balayer devant notre porte et faire en sorte qu’ils disparaissent et de notre territoire national et de l’Union Européenne !

Outre la transposition dans notre législation de règles communautaires en matière de contrôle douanier et de fiscalité indirecte, le collectif de fin d’année présente, comme d’habitude, une série hétéroclite de dispositions n’ayant le plus souvent qu’un lien extrêmement limité entre elles. Leur seul point commun est, a priori, de constituer des mesures de caractère fiscal, mais sans grandes lignes cohérentes dans leur définition ni dans leur application. Nous aurons l’occasion de revenir sur certaines de ces dispositions lors de la discussion des articles.

Il est en effet temps de cesser de voter la prorogation de tel ou tel dispositif fiscal dérogatoire sans jamais en analyser l’efficacité ou l’utilité.

Pour le reste, dans la mesure où ce collectif prolonge les choix politiques et budgétaires que nous avons combattus dès l’automne 2008, nous ne pourrons évidemment que voter contre l’ensemble du texte.

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