Intervention de Christian Poncelet

Réunion du 17 décembre 2009 à 9h30
Loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Christian PonceletChristian Poncelet :

… dans cet ensemble, l’aide fournie au titre du plan de relance figurerait à hauteur de 1, 2 point de PIB ? Peut-être convient-il de rechercher une explication dans le bas niveau des recettes : celui-ci serait, selon le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, « la conséquence des choix budgétaires faits depuis 2000, qui ont contribué à affaiblir la capacité de l’État à financer les politiques publiques qu’il met en œuvre ».

Plus généralement, n’est-on pas conduit, pour voir clair, à constater qu’il existerait, selon certains services administratifs, une sorte de part incompressible, dite « structurelle », du déficit, estimée à 44 milliards d’euros ? Or, si l’on peut avoir une approche conjoncturelle du déficit, force est de reconnaître, comme l’a relevé M. le rapporteur général, que le déficit structurel, quant à lui, est un concept ambigu. Ce n’est pas une base fondamentale dans l’élaboration de la structure budgétaire.

Plus préoccupante est la part du déficit dans le budget annuel : ainsi, pour 2009, elle représente près de 39 % du budget, ce qui signifie que deux cinquièmes environ des dépenses effectuées sont payés par des recettes à venir. À un tel niveau, la contrainte qui s’impose n’est-elle pas d’abord de contenir le déficit, même si la tentation est grande, comme dans de nombreux pays, de le « laisser filer » ?

Au surplus, la forte progression de ce déficit budgétaire s’accompagne de l’augmentation, également forte, du déficit public, c’est-à-dire de celui de l’ensemble des administrations et organismes publics. Évalué à 160 milliards d’euros pour 2009, celui-ci représente 8, 3 points de PIB. Dès lors, il n’est pas étonnant que l’on observe l’accroissement de l’encours de la dette tandis que l’on relève paradoxalement une progression apparemment limitée de la charge des intérêts.

En conséquence, dans le présent collectif, de substantielles économies – 5, 11 milliards d’euros –, constatées sur la charge de la dette de l’État, par suite de la faiblesse de l’inflation et, surtout, du très bas niveau des taux d’intérêt, permettent de procéder ainsi à l’assainissement des relations financières avec la sécurité sociale, tout en limitant la dépense globale de l’État au montant prévu dans la loi de finances initiale pour 2009.

Une telle situation, monsieur le ministre, ne saurait durer, et on pourrait, avec le retour de la croissance tant annoncé, enregistrer une remontée significative des taux d’intérêt. N’y a-t-il pas lieu de craindre que, dans ces conditions, « l’effet taux » ne compense plus « l’effet volume » ?

Parallèlement, quand on se réfère à la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement tendant à favoriser le retour des recettes par la croissance et à tenir les dépenses, on est en droit de se demander si la relance de l’économie peut être longtemps subordonnée à un appel massif au marché financier. Celui-ci apprécie, certes, aujourd’hui la signature de l’État et couvrira la souscription du grand emprunt – 22 milliards d’euros – destiné, dans le cadre d’un schéma de gouvernance indépendant et d’une gestion budgétaire autonome que j’approuve – c’est une excellente initiative, et il faut persévérer –, à fournir les ressources nécessaires au redéploiement des universités et au développement de la recherche et des nouvelles technologies.

Malgré les précautions prises, le lancement de cet emprunt, qui s’ajoutera à ceux qui sont destinés à assurer la gestion courante de l’État, ne risque-t-il pas de rendre les marchés plus attentifs à notre capacité à contenir l’endettement, quand bien même le moment choisi pour procéder à cette opération paraît des plus favorables, compte tenu du niveau des taux d’intérêt et du caractère relativement bas de la charge de la dette ?

Mais le problème de fond qui nous est posé n’est-il pas de réussir l’ajustement du déficit public et de revenir au respect du pacte de stabilité, tant réclamé, et dont l’application apparaît si difficile ?

À cet effet, le Gouvernement avait, semble-il, jusqu’à une date récente, opté pour une certaine stabilité fiscale. Or, si le projet de loi de finances pour 2010 supprime la taxe professionnelle sur les investissements productifs, il crée parallèlement une taxe carbone qui, dans certains secteurs comme le textile – j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur l’ennoblissement et la teinturerie –, se traduira par des augmentations d’imposition supérieures aux gains réalisés grâce à la suppression de la taxe professionnelle.

C’est ainsi qu’une entreprise me faisait remarquer que, si elle gagnait 100 000 euros d’un côté avec la suppression de la taxe professionnelle, elle en perdait 300 000 en raison de la création de la contribution carbone. Il faudra donc être très vigilant !

Dans le même temps, la chancelière d’Allemagne décidait cependant de procéder à d’importants allégements fiscaux pour soutenir davantage la reprise. Certains parlementaires ont alors préconisé l’amortissement de la dette par la réduction des impôts, oubliant sans doute que, à la différence de notre voisin allemand qui était déjà revenu à l’équilibre budgétaire avant la récession, notre pays n’est jamais parvenu à résorber l’augmentation de sa dette publique.

D’autres parlementaires ont estimé que le moment était venu, au contraire, d’accroître les impôts et de lever certains verrous fiscaux, notamment ceux qui sont applicables aux niches fiscales.

Il faut le reconnaître, nous avons progressé – et le Parlement y a pris sa part – dans le domaine du plafonnement des niches fiscales, grâce, en particulier, à la commission des finances, à son président et à son rapporteur général. Mais il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant de parvenir à une véritable remise à plat de l’ensemble des niches fiscales, dont la pertinence doit être mieux évaluée.

Plus généralement, monsieur le ministre, ne faut-il pas retenir comme enseignement de la crise que l’on ne saurait, sauf dans les limites étroites d’un plan de relance, chercher la sortie d’une crise, née d’un endettement excessif, par un recours à de nouvelles dettes ?

C’est dire par là que l’évolution tant de la dette que du déficit public relève plus que jamais d’un choix politique courageux, fondamental, et l’on ne saurait admettre encore longtemps que notre pays soit la seule grande puissance dont le dernier excédent budgétaire remonte à trente-cinq ans.

Parlant sous le contrôle de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, à l’époque ministre de l’économie et des finances, je rappelle que nous avons présenté le budget de 1975 avec un léger excédent. C’est le dernier budget présenté en équilibre. Depuis, on s’est engagé – nous l’avions prédit – dans la spirale infernale des déficits. On sait comment on y entre, on ne sait pas comment on en sort !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion