Intervention de Catherine Colonna

Réunion du 17 janvier 2006 à 16h00
Charte européenne de l'autonomie locale — Adoption d'un projet de loi

Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi autorisant l'approbation de la charte européenne de l'autonomie locale.

Permettez-moi d'aborder brièvement l'objet et l'historique de ce texte, avant d'en évoquer les principales dispositions.

La charte européenne de l'autonomie locale a été élaborée au sein du Conseil de l'Europe, sur la base d'un projet présenté en 1981 par la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux d'Europe, organe consultatif du Conseil de l'Europe.

Adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985, la Charte repose sur le principe selon lequel le degré d'autonomie politique, administrative et financière accordé aux collectivités territoriales constitue un élément essentiel d'une démocratie véritable, fondée sur une administration efficace et décentralisée et sur la participation des citoyens à la vie locale. Sur le fond, la Charte fixe un certain nombre de principes a minima et de garanties de base dont doivent bénéficier les collectivités locales.

La charte européenne de l'autonomie locale est entrée en vigueur en 1988. Elle a obtenu un très vif succès puisqu'elle a été ratifiée, à ce jour, par quarante et un États, soit la quasi-totalité des États membres du Conseil de l'Europe.

La France fait partie des premiers États signataires. Toutefois, la procédure d'approbation de ce texte a été interrompue en 1991 à la suite d'un avis défavorable rendu par le Conseil d'État. Il avait alors été considéré que la Charte s'adaptait mal à la réalité de nos institutions et comportait par ailleurs certaines ambiguïtés pouvant être sources de revendications ou de contentieux.

À la faveur des réformes intervenues depuis 2002 au bénéfice des collectivités locales et de la démocratie locale, en particulier avec l'adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République ainsi que de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, le Gouvernement a souhaité relancer la procédure d'approbation de la charte européenne de l'autonomie locale. Ces réformes, en consolidant l'organisation décentralisée de la République et en encourageant l'autonomie des collectivités territoriales d'un point de vue tant juridique que financier, ont en effet rendu les dispositions de la Charte parfaitement compatibles avec le droit français.

La charte européenne de l'autonomie locale comporte trois parties.

La première partie contient les dispositions de fond énonçant les principes de l'autonomie locale que les États parties s'engagent à respecter. Elle précise qu'il faut un fondement légal ou, mieux encore, constitutionnel à l'autonomie locale. Elle définit le concept d'autonomie locale, qui correspond, en droit français, au principe de « libre administration » des collectivités territoriales. Elle établit les principes régissant la nature et l'étendue des pouvoirs des collectivités locales. D'autres articles visent à protéger les limites territoriales des collectivités locales, qui doivent être consultées préalablement à toute modification de ces limites, et à assurer à ces collectivités une autonomie en ce qui concerne leurs structures administratives ainsi que la possibilité de recruter du personnel compétent. Cette partie définit également les conditions de l'exercice d'un mandat électoral local.

Deux articles importants ont par ailleurs respectivement pour objet de limiter le contrôle administratif exercé sur les actes des collectivités locales, contrôle qui doit normalement être proportionné et limité à un contrôle de légalité et non d'opportunité, et de garantir aux collectivités locales des ressources financières suffisantes. Les autres dispositions concernent le droit des collectivités locales de coopérer et de constituer des associations, ainsi que la protection de l'autonomie locale par le droit de recours juridictionnel.

La deuxième partie de la Charte concerne la portée des engagements souscrits par les parties. Compte tenu de la diversité des situations locales en Europe, en effet, il n'était pas possible d'imposer un cadre unique à l'ensemble des parties. C'est pourquoi la Charte permet à chaque État de désigner les stipulations de la première partie du texte par lesquelles il entend être lié. L'engagement est ainsi « à la carte », avec toutefois un socle minimal d'obligations pour lesquelles la liberté de choix est réduite.

En l'espèce, le gouvernement français entend indiquer qu'il se considère lié par l'ensemble des stipulations de la première partie du texte à l'exclusion du deuxième alinéa de l'article 7, celui-ci semblant en effet imposer la compensation financière des gains perdus par les élus locaux du fait de l'exercice de leur mandat ou la rémunération du travail accompli ; or une telle disposition est en contradiction avec le régime forfaitaire appliqué en France aux élus locaux.

La troisième partie du texte, enfin, comporte les dispositions finales habituelles concernant les modalités de signature et d'entrée en vigueur, le champ d'application géographique, les modalités de dénonciation ainsi que le rôle du secrétaire général du Conseil de l'Europe en sa qualité de dépositaire du texte.

Au total, la charte européenne de l'autonomie locale définit et protège les conditions de l'autonomie locale en Europe tout en respectant le principe de la souveraineté de l'État dans l'organisation de l'autonomie locale.

L'approbation de la Charte ne nécessite pas de modification de notre droit interne. En effet, la Charte s'emploie à rappeler le respect des cultures politiques et juridiques nationales pour les articuler avec un corpus de dispositions minimales dont certaines étaient déjà appliquées en droit français en 1985 et dont les autres l'ont été depuis l'adoption de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 ainsi que de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

La libre administration des collectivités locales ayant ainsi fait l'objet d'avancées constitutionnelles et législatives déterminantes, les éléments de la Charte qui, en 1991, avaient été considérés comme une source éventuelle de confusion, de difficulté, de conflits ou de contentieux sont à présent en étroite adéquation avec le droit français des collectivités territoriales.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la charte européenne de l'autonomie locale, dont l'approbation fait l'objet du projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis.

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