Intervention de Jean-Claude Frécon

Réunion du 17 janvier 2006 à 16h00
Charte européenne de l'autonomie locale — Adoption d'un projet de loi

Photo de Jean-Claude FréconJean-Claude Frécon :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à indiquer que je souscris à l'excellent rapport de notre collègue Daniel Goulet concernant le projet de loi de ratification qui nous est soumis.

Je souhaite, pour illustrer de manière concrète les problèmes de l'application de cette charte, vous faire part de mon expérience personnelle, celle d'un élu siégeant depuis douze ans à Strasbourg au sein du congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, et notamment du groupe de travail chargé du suivi de l'application de cette charte à l'ensemble des États membres du Conseil de l'Europe, qui sont actuellement quarante-six.

Cette charte a été rédigée de 1980 à 1982, puis quelque peu retouchée en 1984 et 1985 à Strasbourg, au sein de ce qui s'appelait à l'époque la « Conférence permanente des élus locaux et régionaux », plusieurs élus français figurant dans le groupe de rédaction.

Le contenu de ce texte reflète largement non seulement le droit de nos collectivités locales en Europe occidentale, mais aussi la pratique quotidienne et démocratique dans notre république française.

La France a donc figuré tout naturellement parmi les dix premiers États signataires de ce texte, le 15 octobre 1985. Mais à ce jour, elle est le seul pays à avoir signé ce texte, mais à ne pas l'avoir ratifié, alors que, sur le fond, sa législation est presque en parfaite concordance avec tous les articles de cette charte.

Je rappelle d'ailleurs à ce sujet que, pour pouvoir ratifier le texte, il est demandé d'adhérer non pas à l'ensemble de la Charte, mais seulement à vingt des trente alinéas qu'elle comporte, obligation que la législation française respecte tout à fait.

C'est donc pour d'autres motifs, fondés sur un avis partiellement défavorable du Conseil d'État en 1991, que notre pays est resté « à la traîne ».

Le texte de cette charte doit, depuis maintenant huit ans, être obligatoirement signé et ratifié par tous les pays candidats au Conseil de l'Europe. Par conséquent, toutes les nouvelles démocraties siégeant au sein du Conseil de l'Europe ont dû remplir cette obligation.

Sur les quarante-six pays membres du Conseil de l'Europe, seuls trois petits pays, dont la vie municipale et la vie nationale sont très proches, n'ont pas encore signé la Charte : il s'agit d'Andorre, de Monaco et de Saint-Marin.

Par ailleurs, deux pays seulement n'ont pas ratifié la Charte. Le premier est la Serbie-Monténégro ; mais cette dernière a signé la Charte voilà quelques mois et devrait la ratifier dans les délais voulus.

Le second de ces pays est la France. Voilà vingt ans que nous attendons cette ratification ! La France restera-t-elle encore une fois toute seule ? Ce serait difficile à accepter.

Dans les fonctions que j'exerce au sein du Conseil de l'Europe, représenter la France me met parfois dans l'embarras. Pourtant, toutes les nouvelles démocraties envient la France, pays qui, à la fin du xviiie siècle, après l'émergence des grandes pensées philosophiques, a mis en application les principes de démocratie et de démocratie locale.

Au cours des dernières années, j'ai conduit des missions d'observation dans vingt et un pays membres du Conseil de l'Europe pour vérifier l'application des principes de cette charte, dont j'ai toujours été un avocat : principe de démocratie locale, principe de proximité, principe de subsidiarité - le mot a été inscrit dans la charte européenne de l'autonomie locale avant de devenir un terme important de notre législation -, principe d'autonomie financière des collectivités locales, de répartition des compétences. Tous ces principes sont inscrits dans nos textes nationaux.

Il m'est souvent arrivé, après avoir exposé ces principes, que le représentant d'un pays étranger me demande : « Pourquoi la France n'a-t-elle pas ratifié cette charte dont vous nous dites tant de bien ? » Certains m'interpellent sous la forme de questions objectives ; d'autres ne sont pas mécontents de placer le représentant de la France dans une situation quelque peu ambiguë...

Mes chers collègues, rien ne s'oppose plus à la ratification de la charte européenne de l'autonomie locale par notre pays. Depuis l'avis réservé du Conseil d'État en 1991, des lois votées en 1992, en 1999 et en 2004 ainsi que la réforme constitutionnelle de 2003 ont permis, si besoin était, de préciser ces notions. Si quelques réserves pouvaient subsister, elles ont été levées par ces nouveaux textes. C'est donc avec confiance que je souhaite l'adoption de ce projet de loi de ratification.

Pour sa part, le groupe socialiste votera ce texte.

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