Intervention de Robert Bret

Réunion du 17 janvier 2006 à 16h00
Accord avec l'algérie relatif à la coopération en matière de sécurité — Adoption d'un projet de loi

Photo de Robert BretRobert Bret :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accord franco-algérien soumis aujourd'hui à notre approbation s'inscrit dans le cadre désormais classique des accords portant sur la coopération en matière de sécurité.

Cet accord couvre un champ très large de domaines et vise principalement la lutte contre la criminalité internationale, la drogue et le terrorisme.

La coopération entre la France et l'Algérie sur des questions aussi sensibles ne me paraît guère discutable dans son principe, sous réserve bien entendu qu'elle soit menée dans le respect des droits fondamentaux des individus. Il faut donc trouver un juste équilibre.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que, dans un souci d'efficacité, le groupe communiste républicain et citoyen estime que la lutte contre le terrorisme doit nécessairement passer par une lutte résolue contre le financement des activités terroristes. Nous souhaitons un renforcement de la législation française en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. En ce sens, nous avions déposé toute une série d'amendements sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

Or ces amendements visant à intervenir en amont et à agir directement sur le fonctionnement des réseaux terroristes ont été balayés d'un revers de main par votre majorité, madame la ministre. Comment ne pas déplorer alors la contradiction flagrante existant entre, d'une part, la multiplication des textes visant à prôner une coopération policière et, d'autre part, le refus de s'attaquer au soubassement du terrorisme, à savoir son financement ?

D'une façon plus générale, permettez-moi de regretter que la coopération avec les pays de la rive sud de la Méditerranée soit prioritairement et systématiquement réalisée dans le cadre d'accords sécuritaires.

On le sait, depuis le 11 septembre 2001, la logique sécuritaire prévaut. La lutte contre le terrorisme est devenue un leitmotiv qui tend à voiler les enjeux fondamentaux de ce début de siècle. La mondialisation libérale a des effets désastreux pour les plus faibles. Il faut donc repenser la hiérarchie des valeurs et des objectifs.

Au niveau européen, le fiasco que représente le partenariat euro-méditerranéen témoigne de ce glissement. Ainsi, comme toutes les relations entreprises avec les pays de la rive sud, le dialogue euro-méditerranéen s'inscrit principalement dans une logique sécuritaire, et nous sommes très loin de l'objectif premier de ce partenariat, à savoir une zone de prospérité partagée. L'accord que nous discutons aujourd'hui illustre parfaitement cet état de fait.

À mon sens, la coopération bilatérale que nous devrions mettre en place avec l'Algérie devrait, au contraire, proposer une alternative à la conception sécuritaire qui prédomine outre-Atlantique. Pourtant, il semble que le Gouvernement veuille simplement suivre cette ligne.

Près de quarante-quatre ans après l'indépendance de l'Algérie, il n'y a toujours pas, on le sait, d'histoire officielle de la guerre d'Algérie. Cela provoque, à raison, un sentiment de colère et d'injustice non seulement en Algérie, mais aussi au sein de la communauté nationale. La solution réside certainement dans la reconnaissance officielle de cette guerre par l'État français.

Si quelques pas ont été franchis avec la loi du 18 octobre 1999, qui a permis de substituer aux termes « opérations effectuées en Afrique du Nord » les termes « guerre d'Algérie », ou encore avec l'ouverture des archives relatives à cette période, il reste cependant plusieurs problèmes ; je pense, par exemple, à l'absence de lieux de mémoire en France consacrés à la guerre d'Algérie.

Plus grave encore est le recul éhonté que constitue l'adoption de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, qui fait l'apologie du colonialisme.

Cette loi a tout remis en cause. Initialement destinée à indemniser les rapatriés et les harkis, elle comporte un article qui souligne « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » et passe sous silence les aspects négatifs de la colonisation. On sait quel effet a produit une telle disposition, notamment en Algérie.

Le groupe communiste républicain et citoyen a fermement condamné ce révisionnisme colonialiste, lequel participe à la réhabilitation de ceux qui ont défendu le principe de la colonisation jusqu'au bout, allant jusqu'à la terreur, la torture, voire les assassinats. Il faut dénoncer en France le phénomène d'autocensure sur la guerre d'Algérie qui est inacceptable. Si l'on veut parvenir à une véritable réconciliation franco-algérienne, il faut que la guerre d'Algérie soit relatée dans l'histoire de manière scientifique et distanciée. Nous en sommes malheureusement encore loin. Pourtant, c'est bel et bien à cette tâche que devrait prioritairement s'atteler la France, et non à une coopération sécuritaire !

À l'heure actuelle, le traité d'amitié franco-algérien n'est toujours pas signé. Il est resté de longs mois en suspens et a été essentiellement retardé par la polémique née autour de ladite loi. Certes, le chef de l'État français a demandé la réécriture de l'article 4 en déclarant : « Après avoir consulté les principales associations, le président de l'Assemblée nationale déposera une proposition de loi en ce sens afin de réécrire ce texte, et ceci afin de parvenir à une rédaction qui rassemble et qui apaise les esprits. »

J'observe malheureusement que le Président de la République n'a pas choisi d'abroger purement et simplement l'article 4 controversé, comme nous l'avons réclamé et le réclamons encore. Il nous reste donc à attendre la proposition de M. Debré, qui devrait intervenir dans le courant du mois de février.

En tout cas, ce n'est certainement pas un accord relatif à la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée qui permettra une réconciliation profonde entre les deux peuples et comblera le fossé des incompréhensions et des malentendus au sein même de la communauté nationale.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, mes chers collègues, que le groupe CRC s'abstienne sur ce projet de loi.

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