Comme chacun le sait, l'OFAJ est un enfant du traité de l'Élysée de 1963, qui avait sa pleine raison d'être au moment de la signature de ce texte. Quarante ans plus tard, il n'est pas question de contester la nécessité de réformer cet Office, mais une telle réforme ne doit pas être élaborée à n'importe quel prix.
En 2004, les parlements des deux pays ont pris pleinement conscience de l'existence et de l'importance de l'OFAJ pour deux raisons.
Tout d'abord, les festivités organisées pour le quarantième anniversaire de la signature du traité ont lourdement grevé le budget ; l'exercice 2003 s'est avéré déficitaire. D'aucuns ont alors conclu à une mauvaise gestion de l'Office, ce qui n'était pas l'exacte vérité.
Par ailleurs, à la suite d'un contentieux entre la secrétaire générale de l'époque et le ministère français de la jeunesse et des sports et d'une divergence de points de vue entre les ministères français et allemand, le conseil d'administration n'a pas été convoqué pendant dix-huit mois, malgré les relances réitérées de ses membres aux présidents de l'Office, c'est-à-dire aux deux ministres. Le point de litige portait essentiellement sur le déménagement du siège de l'Office en France et de la vente de celui qui se situait à Bonn.
De ce fait, une commission parlementaire franco-allemande a été créée. Elle a auditionné un certain nombre de personnes : certains membres du conseil d'administration et des personnalités extérieures. On ne peut pas dire que ces auditions aient réellement contribué à éclaircir la situation.
Il a été demandé une sorte d'audit à des spécialistes de la coopération franco-allemande et de la jeunesse.
Les deux enquêtes sont parvenues à des conclusions assez divergentes. La seconde a été « enterrée » au profit du rapport de la commission parlementaire, d'où résulte la réforme structurelle actuelle.
L'Office sera désormais dirigé par deux secrétaires généraux, un Allemand et un Français, pour six ans. La société civile, fortement représentée précédemment au conseil d'administration, tant par des membres des grandes associations de jeunesse que par des personnalités qualifiées, siège désormais dans un conseil d'orientation.
Le conseil d'administration, quant à lui, est formé de représentants des ministères auxquels s'ajoutent deux représentants des jeunes.
Cette nouvelle organisation ne manque pas de susciter un certain nombre de questions et de réflexions.
Premièrement, comment seront recrutés, choisis les représentants des jeunes ? Qui représenteront-ils ?
Deuxièmement, le conseil d'administration a le pouvoir de décision en matière de budget. S'il n'y a pas de représentant du conseil d'orientation au conseil d'administration, à quoi servira le conseil d'orientation et où se prendront les véritables décisions sur les orientations à donner à l'Office ?
Troisièmement, remplacer un secrétaire général et un secrétaire général adjoint par deux secrétaires généraux, un Français et un Allemand, peut sembler anodin, mais cela risque d'aboutir, à court terme, à l'existence de deux directions, l'une française, l'autre allemande, sur le modèle des offices germano-polonais et germano-russe, ce qui entraînerait un affaiblissement de l'OPAJ.
Quatrièmement, il semble que l'Allemagne soit tentée d'aligner tous ses offices pour la jeunesse sur le plan financier, notamment, ce qui entraînerait, bien sûr, une diminution colossale de la participation des deux gouvernements dans le budget de l'OFAJ et remettrait en cause une partie de ses rayons d'action.
Les nombreuses déclarations faites, depuis deux ans, sur « la priorité absolue au linguistique » laissent aussi craindre que les volets sociaux et culturels de l'OFAJ ne soient remis en cause au profit d'une conception élitiste du linguistique consistant, par exemple, à permettre à tous les bons élèves de faire un séjour en Allemagne pendant leur scolarité.
Il faut souligner que l'un des grands succès de l'Office a reposé sur le travail qu'il a accompli avec les jeunes dans deux dimensions qui ont fait la force des rencontres et autres séminaires qu'il a organisés : l'interculturel et le collectif. Se borner à distribuer des bourses de séjour serait une régression considérable.
Sixièmement, il faut souligner que l'Office fonctionne depuis le 1er janvier 2005 sans conseil d'administration, les membres français n'ayant toujours pas, d'après nos informations, été nommés à ce jour. Ils ne l'étaient pas, en tout cas, au 31 décembre 2005. On peut se demander ce que cela signifie.
Septièmement, dans tout cet imbroglio, il ne faut pas s'étonner que le personnel se sente déstabilisé. Il travaille à Paris dans des locaux exigus et ignore tout de son futur statut.
Il est évident qu'une réforme de l'Office s'impose et s'imposait depuis longtemps. L'Allemagne a changé - c'est peu de le dire - depuis 1989, date de la réunification ! Depuis lors, la réalité s'est transformée dans les deux pays, et il est devenu nécessaire de replacer la coopération franco-allemande dans le nouveau contexte européen intervenu depuis l'élargissement de 2004 et dans la perspective des élargissements à venir.
La société bouge beaucoup, elle change. Ainsi, le problème des banlieues, pour ne citer que cet exemple, devrait nous faire réfléchir à de nouvelles initiatives.
J'ai entendu ce matin à la radio que des statistiques venaient d'être publiées sur la progression de l'apprentissage de l'allemand dans les lycées. Cette progression est encourageante, certes, mais il serait intéressant également de savoir ce qu'il en est de l'apprentissage du français en Allemagne.
Pour terminer, je tiens à redire que nous tenons beaucoup au développement culturel de la jeunesse française et de la jeunesse allemande. La situation de l'Europe l'exige. Plus que jamais, l'amitié entre la France et l'Allemagne doit se développer.
C'est pourquoi nous regrettons que cet accord, loin de favoriser le développement de cette coopération, tende au contraire à la restreindre. Aussi, madame la ministre, nous voterons contre ce projet de loi.