L’article 2 supprime en outre l’exigence d’une attestation technique pour la revente des dispositifs médicaux d’occasion, laissant au revendeur le soin de justifier de l’entretien régulier et du maintien des performances de ceux-ci.
En somme, on remplace un document administratif d’une certaine valeur, puisque reposant sur l’expertise d’une agence nationale, par une simple déclaration de bonne foi du revendeur : convenez que ce n’est pas sérieux dès lors qu’il s’agit de secteurs qui engagent la santé des patients et la sécurité des utilisateurs.
Quant à l’article 3, vivement contesté en commission des affaires sociales par notre collègue Sylvie Desmarescaux, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour le secteur médico-social, il prévoit d’autoriser des prestataires européens à exercer de manière temporaire et occasionnelle en France les missions d’évaluation et de contrôle des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, des instituts médico-éducatifs, ou IME, qui doivent, vous le savez, procéder tous les sept ans, à des évaluations externes.
L’article 3 vise à dispenser ces établissements de l’habilitation délivrée par l’ANESM. Cette disposition nous inquiète, car elle risque d’avoir des conséquences à la fois sur la qualité du service rendu par ces opérateurs européens et sur les personnes, par nature très fragiles, accueillies dans ces établissements. Elle pourrait aussi affaiblir les établissements nationaux. En effet, si les opérateurs européens sont dispensés de l’habilitation délivrée par l’ANESM – qui est gage de qualité, de sécurité et, disons-le, de sérieux –, les opérateurs français, eux, y demeurent soumis. Cette situation discriminatoire pourrait conduire à la disparition progressive des opérateurs nationaux. C’est un effet logique que nous constatons après chaque manœuvre de dumping social, mais, en l’occurrence, cette disparition risque de ne pas être sans conséquences sur la sécurité et la qualité de vie des personnes vieillissantes ou en situation de handicap.
Et c’est la même logique de concurrence déloyale entre les opérateurs nationaux et européens que vous voulez appliquer à un domaine très particulier du monde de la culture : le spectacle vivant.
L’article 6 permet aux opérateurs privés de se dispenser de l’obligation faite aux opérateurs français de posséder une licence. Or cette licence atteste que l’opérateur de spectacle détient la capacité juridique qui l’autorise à exercer une activité commerciale. Pour l’obtenir, l’opérateur doit suivre une formation de 500 heures, comportant un très important volet sécurité, ce qui n’est pas anodin dès lors qu’il s’agit d’accueillir du public.
En fait, vous remettez en cause bien plus qu’un simple mécanisme d’autorisation. C’est toute une conception du dialogue social, lequel n’est naturellement pas étranger à la qualité du spectacle vivant dans notre pays, qui est menacée dans la mesure où cette licence, parce qu’elle assure le respect du principe de présomption de salariat, permet de lutter contre le travail illégal.
L’article 8, dont nous avions proposé la suppression, contre l’avis du Gouvernement, lequel a malheureusement été suivi par la majorité sénatoriale, prévoit, lui, de supprimer les incompatibilités pour l’obtention de la licence d’agence de mannequins, dont l’objet est d’éviter les conflits d’intérêts qui peuvent se produire au détriment des mannequins. Ces derniers, souvent très jeunes, parfois mêmes mineurs, peuvent être particulièrement fragiles. Il nous semble dès lors impensable d’adoucir les règles censées protéger les mannequins en confiant aux agents le soin de veiller à leurs intérêts alors qu’ils ont au contraire tout à gagner en cas de conflits d’intérêts.
Enfin, comment ne pas souligner le risque que fait peser l’article 10 de ce projet de loi sur le secteur social ?
En effet, celui-ci vise à restreindre de manière importante les conditions d’exercice de la profession d’assistant de service social. Le demandeur ressortissant d’un État membre serait dispensé de justifier de deux années d’expérience en tant qu’assistant de service social s’il a obtenu un titre dans son pays, même si la profession n’y est pas réglementée.
Or, si la profession est réglementée depuis longtemps en France, c’est parce que les pouvoirs publics ont considéré à juste titre qu’il était impératif, pour les professionnels qui accompagnent des personnes connaissant une situation sociale et financière difficile, de disposer d’une formation adéquate. Tous les conseillers généraux, à commencer par les présidents de conseils généraux – ils sont nombreux dans cette assemblée –, connaissent parfaitement cette problématique. Il faut dire que les assistants de service social interviennent auprès de publics déjà très fragilisés, pour qui ces professionnels sont souvent l’ultime rempart.
Mes chers collègues, nous n’aurions pas eu à débattre de cet article si le Gouvernement avait décidé, comme l’y autorise le droit européen, d’invoquer les raisons impérieuses d’intérêt général.