Intervention de Michel Teston

Réunion du 9 mars 2011 à 14h30
Adaptation au droit de l'union européenne en matière de santé de travail et de communications électroniques — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Michel TestonMichel Teston :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons à la fin du processus d’examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Je commencerai par une remarque d’ordre général.

Madame la secrétaire d’État, le groupe socialiste demande que le Gouvernement cesse de légiférer dans l’urgence et, pis encore, par ordonnance sur des sujets essentiels pour nos concitoyens. Cette manière de procéder est un moyen de transposer les directives concernées en « court-circuitant » les parlementaires et en éludant un vrai débat.

En outre, comme l’a souligné notre collègue Yves Daudigny lors de la réunion de la commission mixte paritaire, la méthode retenue par le Gouvernement le dispense de l’avis du Conseil d’État sur le fond.

Concernant la transposition de la directive Services, nous avons bien saisi la raison pour laquelle le Gouvernement avait choisi de l’intégrer au droit national par « petites touches », évitant ainsi un texte de loi spécifique et, partant, un débat sans doute plus long et plus difficile que celui auquel aura donné lieu le présent texte.

Concernant les établissements de soins, les établissements sociaux et médico-sociaux, le texte conduit, ni plus ni moins, au démantèlement et à la dérégulation. Les dispositions relatives à la santé et au travail ne sont donc pas acceptables pour notre groupe.

J’en viens aux dispositions touchant aux communications électroniques.

Là encore, le Gouvernement a souhaité être habilité à transposer par ordonnance les directives et le règlement constituant le troisième « paquet télécoms », en raison de l’obligation de respecter la date butoir de transposition, fixée au 25 mai 2011. Cette obligation est réelle. Cela étant, comment ne pas rappeler que le troisième « paquet télécoms » a été adopté par le Parlement et le Conseil européens le 25 novembre 2009 ? Or le projet de loi de transposition n’a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale que le 15 septembre 2010…

Il aurait donc été possible d’engager la transcription de ces dispositions en droit français selon la procédure législative normale si le Gouvernement n’avait pas autant tardé !

Plusieurs intervenants, à l’Assemblée nationale, ont justifié le recours aux ordonnances par le caractère technique du sujet. Effectivement, les directives et le règlement comportent des dispositions techniques, mais il n’en demeure pas moins qu’ils concernent la vie quotidienne : ils conditionnent, en partie, la desserte du territoire en services à très haut débit et la qualité des prestations de téléphonie et d’Internet.

En procédant par voie d’ordonnance, le Gouvernement a privé les parlementaires d’un débat sur des enjeux majeurs comme la séparation fonctionnelle, la réorganisation et la libéralisation du spectre radioélectrique, ou le service universel.

Ainsi, la possibilité reconnue aux autorités nationales d’imposer aux opérateurs une séparation entre les activités opérationnelles et celles qui sont liées à la gestion du réseau aurait mérité un vrai débat, entre ceux qui y voient un moyen de renforcer la concurrence et ceux, dont je fais partie, qui craignent qu’elle ne contribue à augmenter le prix de l’accès au réseau et à retarder les investissements dans la fibre optique.

Le troisième « paquet télécoms » met par ailleurs en place un organe européen des régulateurs nationaux, le risque étant qu’il se substitue aux autorités de régulation nationales.

Si un texte spécifique avait été déposé et examiné dans le cadre de la procédure législative normale, nous aurions pu débattre de l’intérêt de mécanismes alternatifs. Je pense en particulier à la « corégulation » défendue par Catherine Trautmann, députée européenne, dans une logique de meilleure coopération entre les régulateurs nationaux.

Tous ces thèmes touchant à un domaine de plus en plus important pour la vie quotidienne de nos concitoyens auraient mérité que nous leur consacrions davantage de temps.

La neutralité des réseaux est prévue à l’article 11 bis : il s’agit d’une transposition a minima, visant à défendre ce principe en renforçant les pouvoirs du régulateur.

À ce sujet, il est important de rappeler qu’une mission parlementaire réfléchit sur la question et que les dernières rencontres parlementaires sur l’économie numérique, qui se sont tenues le 8 février dernier, étaient consacrées à la neutralité d’internet.

Le troisième « paquet télécoms » érige en principe contraignant la neutralité technologique, c’est-à-dire la liberté d’utiliser n’importe quelle technologie dans une bande de fréquences, et pose le principe de la neutralité du service, c’est-à-dire la liberté d’utiliser le spectre pour offrir n’importe quel service. Il s’agit là encore, à mon sens, de favoriser la concurrence, et donc le développement d’une nouvelle gamme de services tels que la télévision numérique terrestre ou la télévision mobile.

Le Gouvernement français ne risque-t-il pas de tirer argument de cette réforme pour repousser l’introduction de l’accès à Internet dans le champ du service universel ?

S’agissant du dividende numérique, y aura-t-il une adaptation pour permettre une juste répartition des fréquences libérées entre les services audiovisuels, le haut débit et le très haut débit ?

Dans ce contexte incertain, notre groupe a défendu, une nouvelle fois, un amendement visant à instaurer un service universel en matière d’Internet, avec la possibilité pour tous, en particulier les plus modestes, d’accéder à ce service à un coût abordable. Cet amendement n’a malheureusement pas été adopté.

Nous avions réussi à faire adopter un amendement créant un article 12 bis A, lequel disposait : « Une commune est réputée couverte quand, sur l’ensemble de son territoire, sont offerts au public les services répondant aux obligations de permanence, de qualité et de disponibilité visées aux articles L. 41 et suivants du même code. » Cet amendement, déposé par Hervé Maurey – mais le groupe socialiste avait déposé un amendement identique –, nous paraissait essentiel dans la mesure où de nombreuses communes ne sont pas totalement couvertes par les réseaux mobiles.

En commission mixte paritaire, les rapporteurs ont fait adopter un amendement de suppression de cet article.

Certes, le même amendement avait été adopté précédemment, lors de la discussion de la proposition de loi de notre collègue Daniel Marsin. Toutefois, nous ne savons pas quel sort sera réservé à cette proposition de loi à l’Assemblée nationale : j’ai tendance à penser que ce sera un triste sort…

Force est donc de constater que nous n’avançons pas sur cette question pourtant essentielle, probablement parce que les opérateurs voient d’un très mauvais œil une nouvelle obligation leur incombant.

Il n’en demeure pas moins que la couverture des parties habitées de chaque commune est une nécessité, en particulier si l’on veut contribuer à la revitalisation des territoires fragiles. D’ailleurs, la même remarque peut être faite s’agissant du haut et du très haut débit.

À l’issue de nos travaux, quelle conclusion pouvons-nous tirer ?

D’abord, la méthode employée par le Gouvernement pour la transposition de directives n’est pas acceptable.

Ensuite, sur le fond, de nombreuses dispositions auraient mérité un débat plus fouillé, qu’auraient permis des textes de loi dédiés.

Pour ce qui est des communications électroniques, l’un des amendements essentiels que nous avions fait voter – la couverture totale en téléphonie mobile – a été supprimé par la commission mixte paritaire.

En conséquence, compte tenu de toutes les réserves que nous pouvons émettre sur ce texte, le groupe socialiste votera contre.

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