Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez que j’aborde ici la situation subie par les collectivités locales, c'est-à-dire la déstructuration de leurs modes de financement et leur appauvrissement programmé.
Nous avons eu hier un débat sur la clause de rendez-vous de la pseudo-réforme des finances locales engagée avec la suppression de la taxe professionnelle. Or, bien que les problèmes rencontrés soient nombreux, vous décidez, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, qu’ils ne seront ni abordés ni réglés.
Les élus ne disposent d’aucune visibilité sur leurs budgets de 2011 ? Ce n’est pas grave, on continue !
Les fonds départementaux de péréquation ne sont pas alimentés ? Ce n’est pas grave, on continue !
Il semble que, selon vous, tout doive se poursuivre comme si de rien n’était, alors que certains départements ne peuvent plus honorer leurs dépenses sociales et que, partout, de la commune à la région, l’heure est à la rigueur.
Et partout, vous le savez, les budgets se réduisent. En tant que maire, je puis vous indiquer que nous n’ajustons plus nos ressources aux besoins de nos populations : nous réduisons notre action en fonction de recettes qui, elles, sont sorties de notre champ de compétence.
En perdant notre autonomie fiscale, nous avons perdu notre autonomie financière, donc notre autonomie de gestion.
Cet appauvrissement de nos collectivités a pour conséquence directe d’empêcher les élus locaux de répondre aux besoins de leurs populations. Et chacun sait ici que, dans un tel cas de figure, ce sont les personnes les plus fragilisées qui sont aussi les plus frappées.
Or, dans ce contexte déjà très difficile, le Gouvernement vient d’annoncer le gel de ses dotations, aggravant par là même considérablement la situation des collectivités locales.
En effet, au fil des ans, nos budgets locaux ont vu croître ces différentes dotations qui, remplaçant des rentrées fiscales dynamiques, représentent aujourd’hui une part importante de nos ressources. En les gelant, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, vous savez que vous nous contraindrez à réduire nos activités !
De plus, depuis plusieurs années, vous avez transféré aux communes, aux départements et aux régions un nombre croissant de missions et de tâches, sans les compenser intégralement. Et je n’évoque pas seulement ici le transfert des politiques sociales, dont on parle enfin aujourd’hui. Ainsi, la calamiteuse campagne de vaccination de l’hiver dernier a été à la charge des communes. Il en va de même de la délivrance des cartes d’identité et des passeports, mais aussi de la sécurité à la sortie des écoles ou de la mise en fourrière des « voitures ventouses » qui encombrent nos rues. Et je pourrais multiplier les exemples !
Finalement, vos désengagements et vos économies d’impôts coûtent très cher aux communes et à leurs contribuables !
Va-t-on alors, par ce projet de loi, empêcher l’asphyxie financière des collectivités locales, qui les étouffe aujourd’hui, pour mieux les faire mourir demain ? Évidemment, et malheureusement, non ! Bien au contraire, le garrot se resserre.
De cette façon, vous mettez en œuvre le rapport Balladur, qui prévoyait « l’évaporation » des communes et des départements.
En effet, ce projet de loi met en place une restructuration-destruction de nos institutions locales, pour accompagner et accélérer l’agonie de ces dernières.
Ce qui est inscrit dans ce texte, c’est un double mouvement de concentration des pouvoirs et de spécialisation des compétences, afin de réduire la dépense publique locale. Comme le soulignait le Premier ministre : « Si les collectivités ne réduisent pas leurs dépenses, nous les y contraindrons ».
Ainsi, quelles que soient les compétences qui leur seront attribuées, les collectivités locales ne disposeront plus des moyens nécessaires pour y faire face. Elles ne pourront plus adapter localement les politiques publiques !
D’ailleurs, il est notable qu’aucune des parties de ce texte n’ait pour objectif de répondre davantage et mieux aux besoins de nos concitoyens, de même qu’aucune de ses mesures ne participe du développement du territoire national, dans son ensemble.
Finalement, à travers ce texte, vous ne visez qu’à valoriser et exploiter les ressources de certains bassins de vie et d’emploi, laissant les autres à la dérive. Vous mettez en place un nouveau schéma d’organisation qui se pense en termes de compétition.
Ainsi, ce projet de loi est une restructuration libérale de nos institutions locales, visant à soumettre à une concurrence libre et non faussée les populations et les territoires. Une telle démarche, n’ayons pas peur de le dire, est porteuse de nouvelles et puissantes inégalités sociales et territoriales. Elle ne pourra répondre aux besoins sociaux d’aujourd’hui, et encore moins aux défis de demain.
En prônant la mutualisation contrainte des ressources et des moyens de tous les échelons locaux, votre objectif n’est pas d’aider les collectivités à redéployer leurs actions au service de notre population.
Prenons l’exemple des financements croisés : ils ont été mis en place, justement, afin de mutualiser les ressources financières de plusieurs collectivités et de permettre à l’une d’entre elles de réaliser les équipements ou les services nécessaires à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Or vous allez les supprimer, ou imposer des conditions drastiques qui les limiteront fortement. C’est bien la preuve que, avec cette réforme, vous voulez contraindre toujours davantage les collectivités locales à mettre en œuvre vos choix libéraux, faits de restrictions des ressources publiques et de réductions des dépenses et des services publics.