Séance en hémicycle du 29 juin 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’intercommunalité
  • messieurs
  • métropole
  • territorial
  • territoriaux

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Conseil de la Fédération de Russie, conduite par la présidente du groupe d’amitié, Mme Ludmila Narusova.

M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ainsi que Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Cette délégation est reçue en France par le groupe d’amitié France-Russie, présidé par notre collègue Patrice Gélard.

Comme vous le savez, l’année 2010 est placée en France sous le signe de la Russie, avec de fréquentes visites officielles et de nombreuses manifestations culturelles, en France et en Russie.

Grâce au groupe d’amitié, le Sénat, qui entretient d’étroites relations avec le Conseil de la Fédération de Russie, prend ainsi toute sa part dans la célébration de l’amitié franco-russe.

Je formule donc le vœu que cette visite contribue au renforcement des relations d’amitié et de coopération qui lient la France et la Russie.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Paul Alduy, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Alduy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier chaleureusement le Sénat d’avoir autorisé Reporters sans frontières à investir les grilles du Luxembourg pour amplifier le mouvement de solidarité en faveur des deux journalistes de France 3 Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, qui sont depuis maintenant 182 jours pris en otage en Afghanistan.

Je souhaitais simplement faire ce rappel. J’invite chaque collègue à signer la pétition et à mobiliser les communes et les départements.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous donne acte de votre déclaration, mon cher collègue.

Je précise que la présidence du Sénat a donné son accord à l’accrochage de deux bâches sur les grilles du jardin du Luxembourg dans le cadre d’une manifestation organisée aujourd’hui mardi 29 juin 2010 de dix heures à dix-huit heures, aux abords de la porte Royer-Collard, face au 71-73 boulevard Saint-Michel, entre la station RER Luxembourg et le bâtiment de l’École des mines, en soutien aux deux journalistes de France 3, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, retenus en otage en Afghanistan depuis le 29 décembre 2009.

La parole est à M. Nicolas About, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je voudrais rappeler l’engagement qui avait été pris de ne plus tenir de réunions de commission pendant que nous siégeons en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Alors que nous débattons de cette réforme, présentée comme majeure, car elle touche les collectivités territoriales – et Dieu sait que le Sénat leur est attaché ! –, cinq commissions sont réunies.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About. On peut donc expliquer un peu l’absentéisme en séance publique…

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 527, texte de la commission n° 560, rapports n° 559, 573, 574 et 552).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’associer – une fois n’est pas coutume ! – à mes deux collègues qui viennent de s’exprimer. Je veux, d’abord, soutenir à mon tour nos deux concitoyens journalistes détenus en Afghanistan depuis hélas ! trop longtemps. Je ne suis, fort heureusement, pas la seule à porter ce bracelet. §(L’orateur montre le bracelet qu’elle porte au poignet.) Nous espérons que beaucoup vont s’associer à cette action.

Je veux dire, ensuite, que quand le Sénat discute des collectivités territoriales, tout le monde devrait être dans l’hémicycle.

J’en reviens à l’ordre du jour. Le Président de la République veut sa réforme des collectivités locales, et le Gouvernement comme la majorité font tout pour essayer de la faire passer par tous les moyens.

À vrai dire, cette réforme ne correspondait à aucune demande. Elle a suscité, dès le départ, beaucoup de critiques de la part des élus, y compris dans la majorité.

Ladite majorité a voulu faire campagne au moment des élections régionales sur le thème de cette prétendue simplification de l’organisation territoriale qu’elle entendait faire approuver par nos concitoyens. Non seulement elle n’en a pas eu le loisir mais, en plus, elle a perdu les élections ! En fait, nos concitoyens n’ont pas été consultés. Ils en sont pour leur frais. Les collectivités sont financièrement étranglées, ce qu’ils devront supporter.

Quant à la simplification, nous sommes passés de quatre échelons – commune, intercommunalité dans sa diversité, ce qui fait des échelons différents, département et région – à dix : commune, commune nouvelle, intercommunalité avec ses différents développements, ancien canton – les chefs-lieux, qu’il faut garder –, territoire, département, métropole, pôle métropolitain, région, collectivité « sans nom », avec la fusion départements-région et les interrégions à venir. Autrement dit, nous sommes passés du millefeuille qui avait du goût à un pudding indigeste !

Oui, le débat démocratique est nécessaire. Or il n’a pas encore vraiment commencé avec nos concitoyens.

Notre assemblée, tout en validant la réforme en première lecture, était cependant revenue peu ou prou sur la mise en cause de l’autonomie des collectivités pour tenir compte du profond mécontentement des élus locaux à l’égard du projet de loi initial, tant sur la forme que sur le fond.

Ainsi, elle avait accepté la consultation des citoyens pour les fusions de communes. Hélas, l’Assemblée nationale l’a supprimée ! Elle avait encore tempéré la décision du préfet en renforçant les règles de majorité qualifiée pour l’intercommunalité.

Toujours en première lecture, si la majorité du Sénat était favorable à la création des conseillers territoriaux, leur mode de scrutin n’était pas officiellement en discussion, puisqu’il devait résulter d’une loi ultérieure. Mais la majorité avait néanmoins émis un avis favorable à une dose de proportionnelle et au respect, certes limité, de la parité.

Il va sans dire que le coup de force du Gouvernement suivi par la majorité à l’Assemblée nationale, consistant à inclure d’ores et déjà le mode de scrutin dans le texte, était doublement inacceptable.

Inacceptable sur le fond, puisque ce qui a finalement été retenu après des tergiversations est le scrutin uninominal à deux tours dans des cantons élargis. Il renforce encore le bipartisme et le recul du pluralisme. Ensuite, il sonne le glas de la parité, présente au moins, et après de longs combats, dans les assemblées régionales, grâce à la proportionnelle. Comme le disait la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, triste dixième anniversaire de la loi sur la parité qui impose de tout faire pour rendre cette dernière effective ! On en est loin !

Inacceptable sur la forme, puisque, l’article 24 de la Constitution prévoyant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales, le mode de scrutin aurait dû lui être soumis en priorité. Après qu’une majorité à la commission des lois a, la semaine dernière, voté contre l’inclusion dans la loi du mode de scrutin, le président de la commission des lois lui-même ayant semblé chagrin que le Sénat n’ait pas été consulté, elle a hier finalement donné son accord à un second coup de force du Gouvernement !

Traitant du mode de scrutin, le texte issu de l’Assemblée nationale inclut un tableau de répartition des conseillers territoriaux. Or celui-ci pose « un problème de taille », ce que disait notre rapporteur. Il paraît, en effet, peu conciliable avec le principe constitutionnel de l’égalité devant le suffrage.

De ce point de vue, les modifications proposées par notre rapporteur, ou par d’autres, comme les marchandages – sûrement d’opportunité – qui interviendront sans doute encore n’y changeront rien.

Ce qui est contestable dans ce tableau, c’est que la représentation des citoyens y est très inégale sur l’ensemble du territoire et, qui plus est, à l’intérieur d’une même région. Cela pose un problème sérieux quant à la représentativité de ce qui sera encore – pour combien de temps ? – le conseil régional. En Poitou-Charentes, par exemple, un conseiller sera élu par 15 000 habitants environ. En Île-de-France, un conseiller sera désigné par 38 000 habitants.

Dans le département du Rhône, qui compte 1, 7 million d’habitants, il y aura 69 conseillers territoriaux. Dans la Seine-Saint-Denis et les Hauts-de-Seine, pour 1, 5 million d’habitants, on dénombrera respectivement 39 et 41 conseillers. D’ailleurs, pourquoi les Hauts-de-Seine auront-ils deux conseillers de plus ?

Au sein d’une même région, les différences entre départements ruraux et ceux qui sont plus urbains sont exorbitantes. D’autres ici feront valoir mieux que moi cette distorsion difficilement acceptable en démocratie concernant le futur conseil régional.

Vous le savez, nous sommes totalement opposés à la création des conseillers territoriaux, sorte de monstres bicéphales, cumulant mandats et compétences et annonçant la fin des départements.

Ils seront plus éloignés des citoyens que les élus actuels et, avec les pouvoirs dévolus aux commissions permanentes, on assistera au triomphe de la technocratie, pour un coût supérieur à celui que l’on connaît aujourd’hui.

Il est grave que le Gouvernement ne veuille pas tenir compte des critiques nombreuses et convergentes sur ce nouvel élu.

Je note une autre contradiction : le Gouvernement se précipite pour inscrire dans la loi leur mode d’élection, mais renvoie à plus tard celui des conseillers communautaires.

Vous avez, semble-t-il, renoncé à proposer un texte ultérieur sur la répartition des compétences. L’article 35, issu de l’Assemblée nationale maintient la fin de la clause de compétence générale, mais introduit des compétences partagées dans trois domaines.

Ce qui est préoccupant, c’est que l’État, dans les faits, se désengage, de plus, de ses obligations – il n’en est d’ailleurs nulle part question dans ce texte. Les finances locales sont totalement contraintes. La capacité des collectivités à intervenir dans les domaines que vous souhaitez partager, ou que vous consentez à partager, est donc de plus en plus mise en cause. Pis : les collectivités deviennent responsables des choix de l’État en matière de finances publiques.

C’est, il faut le dire, cohérent avec votre objectif de supprimer 34 000 postes de fonctionnaires par an jusqu’en 2013, comme le secrétaire général de l’Élysée l’a annoncé – c’est un comble – dans un journal anglais !

C’est cohérent avec la RGPP, la réforme de l’État et votre politique d’austérité : austérité pour les collectivités locales et austérité donc, encore, pour nos concitoyens, mais je ne m’attarde pas sur les moyens des collectivités puisque mon collègue Jean-François Voguet y reviendra dans quelques instants.

Très présente dans le texte, l’intercommunalité, de « coopérative et volontaire », devient, comme le souligne l’Association des maires ruraux de France, « contrainte, antichambre de la disparition des communes », évolution que nous dénonçons depuis le début du débat malgré les artifices déployés pour faire croire au maintien de celles-ci.

Pour nous, l’intercommunalité et l’interterritorialité ne sauraient exister que sur la base d’une volonté commune, avec la possibilité d’avoir une collectivité pilote ou chef de file, en lien avec le principe de subsidiarité, mais mis en œuvre de manière ascendante !

Restructurer le territoire de façon autoritaire, c’est nier les principes élémentaires de la démocratie.

Certes, le Gouvernement a une vision de l’organisation du territoire : quelques grands pôles de compétitivité drainant l’argent public et engendrant une forte rentabilité du capital privé, le reste du pays étant de plus en plus dépourvu de moyens…

Cette vision s’oppose à un développement harmonieux du territoire. Elle renforcera les inégalités et la désertification de zones importantes. Ce n’est pas ce qu’attendent les citoyens.

Ces derniers devraient pour le moins pouvoir décider eux-mêmes, mais ils sont, hélas ! les grands absents du projet de loi.

Vous l’avez bien compris, nous refusons cette reprise en mains par l’État, opérée notamment par le biais des pouvoirs accrus accordés aux préfets.

Nous refusons la diminution du nombre d’élus, qui les éloignera des citoyens.

Nous refusons l’embrouillamini des nouvelles structures, incompréhensibles pour les gens et qui, en tout état de cause, sonneront le glas des communes et des départements, échelons proches et compréhensibles.

Tout cela n’a rien à voir avec l’intercommunalité choisie.

Les sénateurs ont accepté en première lecture nos amendements prévoyant la consultation des comités techniques permanents et le maintien des acquis des agents territoriaux. C’était bien le moins que notre assemblée pouvait faire à leur égard.

Cependant, cela ne change rien au fait que la diminution accélérée des dépenses publiques et la réduction de leurs moyens à laquelle les collectivités sont acculées, avec en ligne de mire des transferts aux grands groupes privés, amèneront une dégradation des services publics locaux et du statut des agents publics.

Mes chers collègues, le débat n’est pas fini, loin s’en faut, si l’on en juge par le nombre d’amendements déposés sur le texte, mais aussi par les résistances très fortes, dont on ne peut que se réjouir, à cette réforme des collectivités locales.

Nous nous inscrivons dans ce débat en opposant une démarche à celle du Gouvernement : la démocratie pour les citoyens, la libre administration des collectivités locales, la réponse aux besoins des habitants, et donc la défense des services publics et de leurs agents.

Monsieur le ministre, vous disiez hier que c’était là le débat démocratique, mais le droit au débat démocratique n’est pas octroyé ! Il a été conquis de haute lutte, dans la rue et dans les urnes, par nos prédécesseurs et il concerne d’abord les citoyens. Il faudrait donc que ceux-ci soient consultés et puissent donner leur avis éclairé sur ce type de réforme.

Mon groupe espère que la raison l’emportera. Pour sa part, il votera contre une réforme dangereuse pour l’avenir de nos collectivités et, par conséquent, de nos concitoyens. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’abord d’excuser l’absence du président de mon groupe, M. Gérard Longuet, retenu par un empêchement de dernière minute.

À l’issue de sa deuxième lecture devant notre assemblée, l’UMP votera le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Quelle surprise !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Enfin une surprise au Sénat !

Nouveaux sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ce n’est en effet une surprise pour personne, mais autant que les choses soient claires !

Si nous allons la voter, c’est en particulier parce que cette réforme répond aux légitimes demandes de clarification de l’organisation de nos institutions.

Exclamations sur les mêmes travées. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je sais bien que Mme Borvo Cohen-Seat a lutté contre le principe de cette clarification, mais la réalité est là : nous avons besoin d’adapter nos institutions au fonctionnement de notre démocratie locale.

M. Roland Povinelli s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le Sénat a déjà adopté en première lecture ce projet de loi, que l’Assemblée nationale a modifié sur un certain nombre de points, sans pour autant dénaturer les principales mesures que nous avions votées.

C’est par un travail collectif, avec nos collègues députés, que la réforme proposée par le Gouvernement prendra toute la mesure des besoins exprimés par les élus locaux et je tiens en cet instant à saluer le travail exhaustif effectué par le rapporteur, Jean-Patrick Courtois, aux côtés du président Hyest, pour tenter de trouver l’équilibre nécessaire à la sérénité de nos débats.

Il est de notre devoir d’aborder cette réforme en restant fidèles à notre héritage institutionnel, tout en adoptant une organisation territoriale adaptée aux défis de notre époque. Au fil du temps, notre pays a su dégager un modèle original d’administration locale ; à nous d’en préserver l’esprit.

Je le dis clairement : la décentralisation était absolument nécessaire. Elle a contribué à la vitalité démocratique de notre pays, renforcé les libertés locales, consacré une nouvelle forme de gestion publique, plus proche des citoyens. Chacun mesure combien la France a changé depuis une trentaine d’années. D’ailleurs, personne ne songerait à revenir sur cet acquis fondamental.

Pourtant, notre paysage institutionnel est aujourd’hui fragmenté du fait d’un empilement déraisonné de structures administratives. Il était donc nécessaire de réformer notre organisation administrative territoriale, devenue trop complexe.

Je rappelle que nous sommes favorables à la clarification des structures, avec la mise en œuvre d’un bloc communes-intercommunalité scellé par l’unité des élus communaux et d’un bloc départements-région consolidé par le futur élu commun, le conseiller territorial.

À tous les élus locaux qui nous écoutent, dans cet hémicycle, bien sûr, mais aussi dans tous nos territoires, je réaffirme que les communes sont confortées dans leur rôle de cellules de base de la démocratie locale et de notre organisation territoriale, et les propos inquiétants que, de-ci de-là, d’aucuns tiennent sont contraires à la réalité.

C’était l’une des préoccupations majeures du Sénat, et cet objectif est pleinement atteint dans le projet de loi, dont je vais maintenant aborder différents aspects, en commençant par l’institution des conseillers territoriaux.

La commission des lois du Sénat a supprimé, la semaine dernière, les articles concernant les modalités de l’élection du futur conseiller territorial ainsi que le nombre des futurs élus.

Le principe de la création du conseiller territorial a néanmoins été sauvegardé : il est désormais acquis puisque les deux assemblées se sont prononcées de la même manière.

Évidemment, il n’existe pas de mode de scrutin parfait. Il faut donc faire des choix. Le nôtre est clair : il s’agit du scrutin majoritaire uninominal à deux tours, comme nous le propose le Gouvernement dans un amendement que nous examinerons ultérieurement.

C’est un mode de scrutin simple et lisible pour les électeurs. Il permet par ailleurs de maintenir un lien indéfectible entre l’élu et le territoire qu’il représente et donne à l’élu une véritable légitimité.

Le relèvement à 12, 5 % du seuil d’accessibilité au deuxième tour des élections cantonales a été maintenu et s’appliquera quel que soit le mode d’élection qui sera retenu à terme.

Sur l’initiative de notre collègue Portelli, le « territoire » a été redéfini comme étant – et c’est un point important – « une circonscription électorale, dont les communes constituent un espace géographique, économique et social homogène ».

En revanche, la commission a supprimé le tableau de répartition des conseillers territoriaux.

Sur ce point particulier, le groupe UMP suivra la proposition du rapporteur Jean-Patrick Courtois de rétablir un nouveau tableau de répartition des conseillers territoriaux ne sacrifiant pas le monde rural – c’était, bien sûr, un enjeu – et aboutissant à un nombre raisonnable d’élus, conformément à l’objectif de simplification.

La commission des lois du Sénat nous invite par ailleurs à poursuivre la réflexion sur les propositions qui nous sont faites pour répondre aux exigences que sont le respect de l’objectif de parité, la place du suppléant des futurs conseillers territoriaux et le cumul des mandats.

Les conséquences de la création des conseillers territoriaux sont désormais claires.

Le mandat de conseiller territorial compte pour un seul mandat. Il est ajouté à la liste des mandats soumis à la limitation de cumul à deux mandats locaux et de représentant au Parlement européen.

Enfin, les conseillers territoriaux sont intégrés dans le collège sénatorial de leur département d’élection.

J’en viens à l’intercommunalité.

La commission des lois du Sénat a noté avec satisfaction que l’économie générale des dispositions prévues pour parachever le paysage intercommunal a été relativement bien préservée, qu’il s’agisse de mettre en place de nouvelles règles pour adapter la composition des conseils communautaires à la démocratisation des EPCI à fiscalité propre, de proposer de nouvelles formes pour adapter les structures à la diversité des territoires, de développer et de simplifier les processus ou d’achever et rationaliser la carte.

Sur de nombreux points, l’Assemblée nationale a adopté le dispositif voté par le Sénat. C’est pourquoi la commission des lois du Sénat a souhaité retenir le texte voté par nos collègues députés. Elle n’a donc apporté aucune modification.

J’insisterai sur deux points importants, en commençant par l’élection au suffrage universel direct des délégués des communes au sein des conseils communautaires des EPCI à fiscalité propre.

Pour les communes de plus de 500 habitants, le système retenu est celui du « fléchage », les premiers de la liste ayant vocation à siéger au conseil municipal de leur commune et au conseil communautaire, les suivants de liste ne siégeant qu’au conseil municipal de leur commune.

Dans les communes de moins de 500 habitants, les délégués des communes sont le maire et les conseillers municipaux désignés dans l’ordre du tableau établi lors de l’élection de la municipalité.

Ces précisions sont importantes, car, sur le terrain, il était nécessaire de rassurer les uns et les autres.

S’agissant ensuite de la rationalisation de l’intercommunalité, elle constitue évidemment la consécration du schéma départemental de coopération intercommunale.

Son objectif est d’établir une couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre, en prenant en compte notamment des regroupements de population de 5 000 habitants et la rationalisation des périmètres des EPCI existants.

La date fixée pour sa mise en œuvre est le 31 décembre 2011.

Le projet de loi comporte un élément nouveau : la création des métropoles et des pôles métropolitains.

Le rapporteur a proposé à la commission des lois un retour à la définition de la métropole adoptée par le Sénat en première lecture en revenant sur une conception plus restreinte de celle-ci, conception dont je rappelle les aspects essentiels : définition de l’intérêt métropolitain à la majorité des deux tiers du conseil de la métropole ; fixation d’un délai de dix-huit mois pour la signature de la convention de transfert à la métropole de compétences départementales ou régionales ; pour la création de métropoles, extension aux discontinuités territoriales de la dérogation temporaire au principe de continuité territoriale instituée au profit des enclaves ; enfin et surtout, suppression du transfert automatique de la taxe foncière sur les propriétés bâties des communes de ce nouvel EPCI, point important sur lequel la commission des lois a tenu à apporter de profondes modifications.

Sur le sujet des pôles métropolitains, la commission des lois du Sénat a jugé conforme les dispositions introduites par l’Assemblée nationale et n’a donc pas adopté de modification particulière au projet de loi.

Il convient de rappeler que le pôle est constitué par accord des EPCI en vue d’actions d’intérêt métropolitain en matière de développement économique, de promotion de l’innovation, de la recherche et de l’université, de la culture, d’aménagement de l’espace et de développement des infrastructures et des transports afin d’améliorer la compétitivité et l’attractivité de nos territoires.

S’agissant des communes nouvelles, le rapporteur de la commission des lois n’a proposé que des modifications visant à améliorer les qualités rédactionnelles et de coordination du projet de loi, sans apporter de changement majeur, l’axe principal retenu par le Sénat, à savoir l’adhésion volontaire des communes au principe de fusion, ayant été respecté par l’Assemblée nationale.

L’Assemblée a d’ailleurs prévu l’unanimité des conseils municipaux, tant au stade de l’initiative qu’à celui de la décision de créer une commune nouvelle, sans recours à des consultations populaires. L’incitation financière, qui était mal comprise, a également été supprimée.

Autrement dit, et c’est essentiel, il n’y a absolument pas de volonté d’imposer des fusions autoritaires de communes à grande échelle.

J’évoquerai à présent le regroupement des départements et des régions.

Tout d’abord, concernant les procédures de regroupement, l’Assemblée nationale a validé dans son principe le choix opéré par le Sénat de conditionner l’issue du projet de regroupement des départements et des régions à l’accord de chacun des territoires concernés et de sa population.

L’accord de la population de chacun des territoires concernés devra se manifester par la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.

L’Assemblée nationale a également intégré une procédure de consultation du comité de massif compétent, lorsque le territoire est en zone de montagne.

Ensuite, s’agissant de la procédure d’inclusion d’un département à une région limitrophe, la commission des lois du Sénat a, là aussi, souhaité adopter conforme cette procédure, sans remise en cause de ce qui avait déjà été décidé à l’Assemblée nationale.

Enfin, pour ce qui est de la procédure de fusion d’une région et de départements qui la composent, après consultation des électeurs, les assemblées délibérantes de la région et des départements peuvent solliciter la création, par la loi, d’une collectivité qui les réunisse. C’est un point important. Là encore, la commission des lois a adopté conforme ces dispositions.

Pour terminer, il faut bien parler à la fois de compétences et de cofinancements. Cela a fait l’objet de discussions. Sur ce point, la commission des lois a adopté, sans le modifier, l’article 35 qui fixe les grands principes de la répartition des compétences entre les collectivités.

Concernant l’exclusivité des compétences conférées par la loi, il est réaffirmé que seules les communes conservent la clause de compétence générale. Les départements et les régions n’exercent, quant à eux, que les compétences que leur a conférées le législateur, mais disposent d’une capacité d’initiative qui leur permet « par délibération spécialement motivée de se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ». C’était également un point important.

À propos de l’existence de compétences partagées, les compétences en matière de tourisme, de culture et de sport seront partagées entre les communes, les départements et les régions. Cela permet aussi de couper court à nombre de démarches faites auprès des différentes structures sportives ou culturelles de nos territoires dans le but de les affoler en disant que, dès l’année prochaine, elles n’auraient plus rien, et que tout cela serait terminé après 2014. Le texte, de ce point de vue, est parfaitement clair.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Enfin, il existe la possibilité pour une collectivité territoriale de déléguer ses compétences.

En outre, afin d’inciter les départements et les régions à clarifier la répartition de leurs compétences mutuelles, …

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… la commission des lois du Sénat a modifié l’article 35 bis en clarifiant les finalités du schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services.

Sans vouloir en rajouter, je dirai que cette réforme, telle qu’elle se présente et eu égard aux structures qui sont mises en place, apporte un démenti, me semble-t-il, assez flagrant à tous les bruits qui ont pu courir, aux inquiétudes, réelles ou, au contraire, suggérées – pour d’autres raisons bien évidemment –, qui ont pu exister.

Nous le verrons au cours du débat qui s’ouvre devant notre Haute Assemblée, nous discuterons sans doute de difficiles points particuliers. L’objectif, pour nous, est que ce texte soit adopté en respectant à la fois ceux qui souhaitent pouvoir avancer et les valeurs que nous devons protéger parce que nous y sommes attachés. En fin de compte et à l’issue de ce débat, le Sénat aura tout intérêt à voter ce texte. En tous les cas, le groupe UMP le fera sans difficultés.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement, en proposant à l’Assemblée nationale d’abroger un article sur lequel il avait ici même donné un avis favorable et qui était un élément fondamental de l’accord sur le conseiller territorial, a donné non pas un coup de canif, mais un véritable coup de poignard dans le contrat de confiance qui liait la majorité et le Gouvernement.

MM. Roland Povinelli et Raymond Vall applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous avons le droit, depuis à peu près une journée, aux yeux doux de M. le ministre de l’intérieur. Nous en sommes ravis. Mais, lorsque la confiance est trahie, les yeux doux ne suffisent pas.

Quand le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé, il y a maintenant plusieurs mois, leur volonté de mener une réforme ambitieuse des collectivités locales, nous avons apporté notre soutien à cette démarche, car nous faisons partie d’une famille politique qui demande depuis longtemps une réforme réelle des collectivités locales.

Le président de notre groupe, qui était alors Michel Mercier, avait fort justement dit, en mars 2009 : « nous devons procéder à une réforme en profondeur de nature à changer les choses, en tenant compte des réalités. À défaut, disait-il, mieux vaut ne rien faire. Nous n’avons pas besoin d’un coup de ripolin supplémentaire ».

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

C’est vous dire, mes chers collègues, comme nous sommes déçus de constater que le ripolin est de retour. Car, concrètement, de la grande réforme qui nous était promise, que reste-t-il ? On nous avait promis de simplifier le millefeuille territorial, et on en rajoute une couche avec les métropoles – qui sont à un niveau, d’ailleurs, beaucoup trop bas ; nous en reparlerons – et avec les pôles métropolitains.

Dans un deuxième temps, le Président de la République avait dit : « une loi définira les compétences précises de chaque niveau ». Eh bien, il n’y a pas de loi puisque le Gouvernement, montrant, là encore, un certain mépris pour le Sénat, a préféré déposer un amendement en première lecture à l’Assemblée nationale. Le Sénat n’a donc pas eu à examiner en première lecture un projet de loi sur les compétences.

Plus grave, il n’y a pas eu non plus de clarification des compétences puisque l’article 35 qui nous est soumis est tout de même assez extraordinaire. Cet article précise que les collectivités exercent les compétences que leur confère la loi. C’est vraiment quelque chose d’intéressant. Ensuite, il prévoit que les collectivités locales peuvent se saisir de toute compétence qui n’a pas déjà été attribuée. Là encore, c’est une avancée significative. Enfin, cet article dispose que les collectivités, départements et régions, peuvent continuer, de manière concurrente, à prendre en charge le tourisme, la culture et les loisirs. Cela représente, vous en conviendrez, un domaine assez important.

Sur les financements croisés, n’avait-on pas entendu le Gouvernement, d’ailleurs à juste titre, me semble-t-il, les condamner ? Finalement, l’article 35 quater, supprimé par notre commission des lois, est assez extraordinaire lui aussi, puisqu’il précise que les financements croisés ne sont pas autorisés, sauf dans les communes de moins de 3 500 habitants, c’est-à-dire 92 % des communes, sauf en matière de tourisme, de culture et de sport, sauf en présence d’un contrat de projet État-région, et sauf quand l’État assure la maîtrise d’ouvrage, parce que, naturellement, l’État peut alors demander des financements à tout le monde.

Il reste l’intercommunalité. Chacun s’accorde à reconnaître que c’est peut-être sur ce point que les choses vont le plus dans le bon sens. Mais tout dépendra en fait de l’audace – pour ne pas dire du courage – des préfets dans la mise en œuvre des schémas de coopération intercommunale. S’ils font preuve d’audace et de courage, il y aura de réelles avancées. Si tel n’est pas le cas, nous ne progresserons pas beaucoup en ce domaine.

Une chose est certaine : dès lors que l’unanimité de tous les conseils municipaux est requise, il n’y aura pas de créations de commune nouvelle. Vous pouvez donc être rassurés sur ce point.

Il n’y aura pas non plus de fusions de départements, ni même de fusions de régions, alors que le Président de la République avait appelé de ses vœux des grandes régions. Car, là aussi, le dispositif est tellement restrictif que l’on voit mal comment des regroupements de départements et de régions pourraient avoir lieu.

Bref, il ne reste que le conseiller territorial. J’avais dit que j’y étais plutôt favorable. Mais le conseiller territorial seul n’a plus aucun sens. C’était une pièce d’un ensemble où il y avait une clarification des compétences, une simplification des financements, une réduction du millefeuille territorial. Dès lors qu’il n’y a plus que le seul conseiller territorial, j’avoue que je n’en vois pas bien l’intérêt. Et c’est ce qui m’a conduit à dire que la montagne avait accouché d’un rat. Si je n’ai pas dit « d’une souris », c’est parce que, dans l’imagerie populaire, la souris est un animal plutôt sympathique, et que ce texte ne l’est pas car il est marqué du sceau des promesses non tenues

M. Daniel Raoul s’exclame.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Néanmoins, je voudrais rester optimiste. Je veux espérer que le Sénat sera fidèle au vote qui a été le sien sur le mode de scrutin. Je veux également espérer qu’il saura redonner du sens et de l’ambition à cette réforme, en votant notamment les amendements du groupe de l’Union centriste sur le mode scrutin, sur les territoires, sur la parité, sur le cumul, sur les compétences et sur les métropoles.

Car, ainsi que le Président de la République l’a très bien dit, comme souvent : « quitte à faire une réforme, autant faire une réforme intéressante plutôt qu’une moitié de réforme ».

Applaudissements sur de nombreuses travées de l ’ Union centriste et du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

J’interviens à la place de Jean-Claude Peyronnet, qui a dû s’absenter. La grande loi qui fonde la décentralisation dans notre pays a aujourd’hui vingt-huit ans. Elle réorganisait de façon radicale les pouvoirs de la République. Le but était, en rapprochant les centres de décision du citoyen, de renforcer la démocratie et l’efficacité de l’administration.

Dès le début, la gauche fut convaincue que ces objectifs seraient atteints. La droite, violemment hostile au départ, s’est ralliée assez rapidement devant l’évidence et, comme nous, elle a utilisé localement cette grande innovation.

Mes chers collègues, nous avons fait dans nos régions, nos départements, nos communes et nos communautés de communes du bon travail et nos concitoyens ont largement bénéficié de ces dispositions, et ils l’ont manifesté à plusieurs reprises lors des scrutins. On pourrait multiplier les exemples mais je n’insisterai pas : l’état des collèges, l’état des lycées, les politiques sociales, le foisonnement culturel. Ce sont des points positifs que chacun s’accorde à reconnaître.

C’est à un long chemin, consensuel dans ses grandes lignes, auquel le gouvernement actuel, soutenu tant bien que mal par sa majorité – plutôt mal que bien, si j’ai parfaitement compris –, a entrepris de mettre un terme, appliquant ainsi la volonté élyséenne. Car c’est bien là le cœur de la question. Le Président de la République ne peut pas supporter que des pouvoirs partiellement autonomes survivent dans notre pays. Et pour cela, tous les moyens sont bons.

Rappelez-vous la façon dont les élus locaux ont été cloués au pilori : trop dépensiers, gaspilleurs de l’argent public, se complaisant dans la complexité du prétendu millefeuille territorial afin que leurs sombres manœuvres ne soient pas décelées par le citoyen. On allait simplifier, rationaliser et économiser. On allait « voir ce qu’on allait voir ». Qu’en est-il en fin de compte ?

Simplifier ? En fait de simplification, on a complexifié. On nous propose de créer de nouvelles entités – les métropoles, les pôles métropolitains… – sans rien supprimer. Et, au bout du compte, il est offert aux communes la possibilité de se regrouper en communes nouvelles selon treize modalités !

Rationaliser ? Pour ne prendre qu’un exemple dans le domaine économique, comment vont s’articuler les pouvoirs des métropoles et des régions ? N’est-ce pas un affaiblissement majeur de l’action de ces dernières si elles sont cantonnées à gérer l’économie dans les zones rurales ?

Économiser surtout, et, la démagogie n’ayant pas de limites, économiser d’abord sur les élus. On allait réduire de moitié le nombre des conseillers généraux et régionaux. En fait, selon les derniers projets, leur nombre ne serait réduit que de 25 % environ. Mais, surtout, en professionnalisant les élus départementaux et régionaux, on s’oblige à leur trouver un statut avec cotisations sociales et cotisations retraite. Et on imagine même que les suppléants, ou, plus probablement, les suppléantes, pourraient remplacer les titulaires, notamment dans des représentations. Évidemment, ces gens-là devraient être indemnisés de leurs frais. Les nouveaux élus coûteront plus cher : c’est évident !

Et tout cela s’est fait dans une improvisation surprenante, pour ne pas dire dans une pagaille indescriptible. En vingt ans de vie parlementaire, Jean-Claude Peyronnet n’a jamais connu, me dit-il, sous aucun gouvernement de droite ou de gauche, un tel pilotage à vue multipliant les tentatives et les reculs au gré de la mauvaise humeur du Parlement et, en particulier, de tout ou partie de la majorité.

Nous sommes partis de quatre textes, et l’on n’a cessé de nous expliquer qu’il s’agissait là d’une construction progressive et rationnelle, et surtout qu’il ne fallait pas que la discussion des deux premiers interfère avec la discussion du troisième, relatif au mode de scrutin, et pas davantage avec la discussion du quatrième, qui a trait aux compétences. Et voilà que, subrepticement, le Gouvernement, par un simple amendement, a réglé la question électorale qui devait être traitée dans le troisième texte.

Vous démontrez ainsi, monsieur le ministre, qu’étaient fondées les interrogations et les critiques que nous avons formulées lors de la première lecture et qui portaient sur le mode de scrutin uninominal à un tour, sur le nombre de cantons, sur l’impossibilité de respecter le principe d’égalité des suffrages, sur le recul de la parité, tous points sur lesquels vous avez refusé de débattre.

Vous êtes maintenant dans l’impasse, sauf à rompre les accords que vous avez négociés en première lecture avec une des composantes de votre majorité.

Vous feriez mieux de renoncer et d’abandonner ce projet. Ce serait souhaitable, car vous nous laissez au milieu du gué avec un projet qui, comme on dit en Limousin, n’est « ni fait ni à faire ».

S’agissant des métropoles, il semble évident qu’il était nécessaire, pour des raisons de clarté démocratique et d’efficacité, d’élire les conseillers métropolitains au scrutin universel direct. Cette innovation aurait entraîné une modification du statut des communes. Ce n’était pas gênant, puisque les métropoles sont une nouvelle institution ; mais à condition que l’adhésion des communes soit bien volontaire et qu’elles sachent clairement quel serait leur avenir. Au lieu de cela, en deuxième lecture, on nous propose pour ces métropoles une gouvernance incertaine, malgré le très gros travail de réécriture réalisé par la commission des lois du Sénat.

Pour la clause de compétence générale, la même incertitude peut être relevée. Vous l’avez d’abord supprimée. Puis, vous avez laissé le Parlement la rétablir de fait, mais en la limitant aux seuls domaines de compétences non attribuées, ce qui ne lève pas totalement les ambiguïtés sur la capacité d’investissement des communes.

Ce domaine des compétences attribuées à chaque collectivité est un élément majeur, car il est le moyen, pour chacune des catégories de collectivités, pour peu qu’elle en ait les moyens, d’affirmer ou non son autonomie Or c’est un domaine que vous n’avez jamais eu l’intention de traiter ; vous étiez trop préoccupés par le seul souci de brider les capacités d’action des collectivités territoriales.

En réalité, il faudrait tout reprendre. Ce n’est pas trop tard : il vous suffit de retirer votre texte.

Il faudrait tout reprendre, avec le souci d’un véritable dialogue, une fois accepté le principe du renoncement au conseiller territorial, dont personne ne veut ; le groupe de l’Union centriste vient ainsi de nous dire ce qu’il en pensait...

Alors, tout serait possible. Nous nous prenons à rêver que vous accepterez de discuter de nos propositions, au lieu de les rejeter par principe : instauration du suffrage universel direct pour les métropoles, respect des intercommunalités dans le découpage cantonal, extension de la proportionnelle pour toutes les communes, maintien clair de la compétence générale pour les départements et les régions.

En revanche, il faut revoir les périmètres de compétences entre l’État et les collectivités, et singulièrement entre l’État et les conseils généraux. Les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, par exemple, sont handicapés par un double pilotage du préfet et du président du conseil général, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

… qui fait la part belle à la bonne volonté des personnes. Il faut choisir : la totalité de la sécurité civile départementale doit être exercée par le préfet ou par le président du conseil général. Vous ne pouvez pas en rester au projet que vous avez présenté il y a quelques jours aux élus de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS, et qui tend à créer un corps d’officiers d’État contrôlé par lui et coupé de sa base. Discutons-en au Parlement : c’est le lieu pour un tel débat !

De même, il faut affirmer clairement que le financement des grandes allocations de solidarité que sont l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et le RMI/RSA relève de la responsabilité nationale. Nous avons longtemps pensé que le volume financier qu’elles représentent pourrait constituer un atout pour les départements. Or ces dispositifs fonctionnent de plus en plus mal et les collectivités n’ont plus les moyens de les assumer.

Inversement, des pans entiers de l’administration déconcentrée de l’État n’ont plus de raison d’exister après la mise en place de la révision générale des politiques publiques, la RGPP : les directions départementales du ministère de la jeunesse et des sports – DDJS – ou ce qu’il en reste et les directions régionales des affaires culturelles – DRAC – ou ce qu’il en reste également n’ont plus aujourd’hui de substance. Vous devriez abandonner totalement ces compétences aux élus locaux. Ils savent faire, et ils assument déjà l’essentiel de ces dépenses.

Vous le constatez, il y avait mieux à faire que cette construction baroque d’un conseiller territorial bivalent, qui ne pourra pas assumer sa double charge, mais dont la création accroît, à coup sûr, la confusion, dans la mesure où l’originalité et la complémentarité des deux assemblées locales que sont le conseil général et le conseil régional ne sont pas respectées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur quelques travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le ministre de l’intérieur, lors de la première lecture, vous prétendiez vouloir instaurer, à travers le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, deux nouveaux couples : communes-intercommunalité, d’une part, départements-région, d’autre part. Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale montre, encore davantage, combien cette présentation était illusoire.

En réalité, le Gouvernement veut, en premier lieu, appliquer la rigueur aux collectivités territoriales, en réduisant leur nombre, principalement au détriment des petites communes.

Je ne conteste pas le principe de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité. Nous l’avons élaborée ensemble, monsieur Mercier, nous savons donc de quoi nous parlons. J’observe simplement que la plupart des mesures adoptées, ou proposées, visent à durcir son fonctionnement et à renforcer les pouvoirs du préfet.

Pourquoi tant de méfiance à l’égard des élus ? On a l’impression que le Gouvernement veut mettre en place un marteau-pilon pour écraser une mouche !

Il serait si facile, monsieur le ministre, de donner aux préfets des directives leur recommandant la concertation avec les élus et la souplesse dans l’application des dispositifs. Les préfets savent faire. Ils n’ont que très rarement besoin de prendre des dispositions coercitives. Ils peuvent compter sur le sens de l’intérêt général des élus locaux.

Dans une démocratie normale, l’intérêt général n’est pas incarné par les préfets – quels que soient leurs mérites –, hauts fonctionnaires de grande qualité et que je connais bien, mais doit résulter d’un dialogue approfondi avec les élus, qui ont pour eux la légitimité du suffrage universel, dans le cadre, bien entendu, des collectivités qu’ils administrent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Tant de précautions nous interpellent : quel sort voulez-vous réserver à nos communes, dans un premier temps, à travers la transformation des intercommunalités en quatrième niveau de collectivités, et surtout peut-être, dans un second temps, à travers le dispositif dit des « communes nouvelles » ?

Nous sommes tellement favorables à l’intercommunalité que plusieurs membres du groupe RDSE et moi-même vous proposerons d’en faire les briques de base de la constitution des territoires, qui se substitueraient, selon l’amendement présenté par M. Portelli et adopté par la commission des lois, aux cantons actuels.

Nous vous proposerons, à cet effet, d’avancer au 1er mars 2013 la date d’achèvement de la carte de l’intercommunalité. Évidemment, cela compliquera un peu votre travail de redécoupage, mais ce serait tellement plus clair du point de vue de la représentation effective de nos bassins de vie, et tellement plus conforme à la démocratie !

Mais est-ce vraiment là votre souci ?

Nous sommes très inquiets de ce que vous voulez faire à travers les fameuses « communes nouvelles ».

Nous sommes soucieux de voir que vous avez repris en commission des lois le texte de l’Assemblée nationale, revenant ainsi sur l’approbation de la création de ces communes par référendum, voulue en première lecture par le Sénat. Désormais, aux termes de votre texte, le préfet pourrait proposer la création d’une commune nouvelle en s’assurant de l’approbation des seuls conseils municipaux.

Sur ce point, je ne partage pas l’avis de M. Maurey, qui m’a précédé à cette tribune. Quand on connaît les moyens de pression dont disposent les préfets, mais également certains présidents de conseil général ou d’intercommunalité, on mesure que, si vous le vouliez, vous pourriez réussir là où la loi Marcellin avait échoué : réduire drastiquement le nombre des communes, à l’instar de la Belgique et de l’Allemagne, en le faisant passer, dans l’idéal, de 36 600 à 2 600, ce qui correspond au nombre des EPIC, chacun d’eux ayant théoriquement vocation à se transformer, un jour, en commune nouvelle. Vous n’irez pas jusque-là, bien sûr, mais l’intention est là.

Un tel dessein méconnaîtrait profondément le besoin de proximité de nos concitoyens, l’enracinement multiséculaire de nos communes et le rôle irremplaçable des 500 000 élus locaux, qui sont, pour la plupart, quasiment bénévoles.

Supprimer les communes, qui tiennent encore le pays, à un moment où les services publics se défont et où l’administration est en proie à la RGPP, ce serait défaire le lien social. Vous le savez, monsieur le ministre, c’est le maire que l’on appelle quand la maison brûle ou lorsqu’un désordre apparaît !

Aussi bien la « commune nouvelle » ne répond-elle à aucun besoin profond, l’intercommunalité ayant largement permis de résoudre efficacement le problème posé par l’émiettement communal. Le prétexte des économies budgétaires est risible. Certes, vous en faites sur le dos des collectivités locales, dont vous aviez annoncé, avant même le rendez-vous fiscal prévu en juin par la loi de finances pour 2010, le gel des dotations.

M. Hortefeux, en second lieu, déclarait vouloir installer un couple départements-région, sans doute pour justifier la création du conseiller territorial. Qu’en reste-t-il ?

Là encore, c’est une mauvaise idée : chacun de nos trois échelons territoriaux – commune, département et région – devrait avoir ses propres élus, chacun en vertu d’un mode de scrutin différent.

En fait, M. Balladur semblait avoir vendu la mèche : il s’agissait, selon lui, de faire s’évaporer les départements dans la région. Mais la mèche était mouillée : les métropoles, dans l’esprit du Gouvernement, semblent avoir détrôné les régions. Et on ne sait plus très bien si l’élection des conseillers territoriaux ne va pas entraîner la condensation de la région dans les départements, plutôt que l’évaporation de ces derniers dans celle-ci.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Chaque président de conseil général siégera en effet au conseil régional, avec derrière lui ses barons. Je souhaite bien du plaisir aux futurs présidents de région !

Marques d’approbationsur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Est-ce bien cela que vous voulez ? Vous ne le savez plus vous-même, comme le montre la création des métropoles, dont l’Assemblée nationale a encore accru le champ de compétences au détriment des départements et des régions, ainsi décapitées.

Où se situera le siège de ces départements moignons et de ces régions étêtées ? Dans la métropole ou dans un nouveau chef-lieu ?

La création de métropoles repose sur une idée fausse : si nos grandes villes ne peuvent se comparer aux grandes villes allemandes, espagnoles ou italiennes, c’est tout simplement parce que la France s’est faite autour de Paris, qui est une ville-monde.

Vous ne pouvez à la fois faire le Grand Paris et créer, en France, de véritables métropoles européennes, à l’exception peut-être de Lyon, Marseille et Toulouse...

Vous allez casser le « jardin à la française » de notre organisation territoriale. Sept régions et sans doute une bonne douzaine de départements verront leur cohésion gravement perturbée. Les inégalités se creuseront entre ces métropoles qui se dresseront, comme les donjons d’autrefois, à l’horizon de forêts et de friches où survivront de nouveaux manants.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

L’Assemblée nationale a tout de même fait une bonne chose : maintenir, comme le Sénat l’avait proposé pour les fusions de régions et de départements, l’exigence de délibérations concordantes des conseils élus et d’un accord de la majorité absolue des électeurs inscrits dans chaque collectivité.

Elle a surtout prévu à l’article 13 bis, et comme je le souhaitais, un strict encadrement de l’éventuelle fusion d’une région et des départements qui la composent.

Il n’en reste pas moins, monsieur le ministre, que cette réforme posera plus de problèmes qu’elle n’en résoudra.

Prenons le cas de l’Alsace. Une fois la merveilleuse ville de Strasbourg érigée en nouvelle principauté, on fusionnera le Haut-Rhin avec ce qui restera du Bas-Rhin, une sorte de croissant allant de Sélestat à Wissembourg, en passant par Saverne, afin de contourner Strasbourg.

Cela ne tient pas debout ! Que de casse-têtes en perspective ! Et je ne parle pas de la désignation des conseillers territoriaux, selon un mode de scrutin que le Sénat devait être le premier à connaître, comme l’a judicieusement rappelé le rapporteur M. Jean-Patrick Courtois. Là aussi, le Gouvernement semble atteint d’une sorte de danse de Saint-Guy, proposant à l’Assemblée nationale un amendement contraire au texte qu’il avait accepté au Sénat lors de la première lecture. Cet amendement a d’abord été retiré, puis réintroduit par le Gouvernement.

Pour ma part, je considère que ce mode de scrutin uninominal à deux tours est le moins mauvais. Il permet d’ancrer les élus dans les territoires. Il favoriserait cependant un bipartisme excessif si le seuil de qualification pour le deuxième tour n’était pas abaissé.

Que veut, en définitive, le Gouvernement ? Parfaire l’intercommunalité, ou bien en faire un quatrième niveau de collectivités et l’antichambre de « nouvelles communes » se substituant aux anciennes ? Magnifier les régions ou, au contraire, les décapiter par l’institution des métropoles ? Interdire les « financements croisés », ou les laisser à la discrétion des régions et des départements ? Vous ne le savez plus vous-même !

Je m’autorise, monsieur le ministre, un pronostic : faute d’être pragmatique et consensuel, votre projet de loi, s’il est voté, n’aura pas grand avenir.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui porte les espoirs mais aussi les interrogations des collectivités locales de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Trente ans après l’adoption des lois de décentralisation, l’objectif est de leur donner un nouveau souffle. La contribution du Sénat, assemblée naturelle de nos territoires, est décisive dans ce débat. Nous sommes en passe de parvenir aujourd’hui à un texte qui me semble équilibré.

J’évoquerai, tout d’abord, le couple commune-intercommunalité.

L’exception française – notre pays compte 36 000 communes – a été souvent présentée comme une singularité pénalisante, qu’il fallait combattre en réduisant le nombre susvisé. Certes, une telle organisation peut paraître irrationnelle comparée avec celles qui ont cours dans d’autres États. Mais la présence d’un réseau de 600 000 élus de terrain engagés dans le développement de leurs communes constitue un gage tout à la fois d’efficacité, de démocratie et de représentativité des territoires.

Le programme destiné à finaliser la carte de l’intercommunalité me semble être la plus sûre méthode de pérenniser le fait communal et d’en optimiser les moyens.

Toutefois, je voudrais vous faire part de deux inquiétudes concernant ce couple commune- intercommunalité.

D’une part, les préfets ont pris l’initiative de réunir les élus pour étudier la question de la rationalisation de la carte de l’intercommunalité. Si je ne conteste pas cette anticipation – cette carte doit en effet être achevée à la fin de l’année 2013 –, je souhaite que le temps qui nous sépare de cette échéance soit mis à profit pour laisser aux élus le soin de faire des propositions, dans le cadre de la commission départementale de la coopération intercommunale. C’est à défaut de projets partagés que le représentant de l’État devra rendre ses arbitrages. Quand je vois certaines cartes circuler ou des grandes villes faire leur marché avec les services préfectoraux pour atteindre le fameux seuil des 450 000 habitants indispensable pour constituer une métropole, j’ai le sentiment que l’on va un peu vite en besogne et qu’à vouloir forcer le destin des collectivités, on prend le risque de faire échouer une réforme par ailleurs nécessaire.

Je ne souhaite pas que le territoire de mon département, l’Ille-et-Vilaine, soit organisé en fonction de ce que la capitale aura bien voulu laisser !

D’autre part, si je reconnais la nécessité de disposer de documents d’urbanisme intégrant des préoccupations qui dépassent les limites du strict territoire communal, je suis plus réservé sur les tentatives de réduire les pouvoirs du maire en matière de droit des sols, tentatives que je vois apparaître dans les débats.

Si le rôle du maire ne se résume plus qu’à la délivrance administrative de permis de construire et que l’organisation du territoire et la prospective sont renvoyées aux EPCI, nous franchirons, je le crains, un pas fatal vers la suppression de la spécificité communale française.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Dans ce cas, il serait plus honnête d’afficher clairement les objectifs, plutôt que de s’abriter, une fois de plus, derrière le Grenelle de l’environnement, qui finit par avoir le dos bien large, notamment au titre de la densification urbaine.

Par ailleurs, je regrette que la question de la constitution des métropoles soit abordée sous le seul angle démographique. Pourquoi fixer un seuil de 450 000 habitants plutôt que de 500 000, voire 600 000 ? À la vérité, les métropoles prévues par le présent texte ne sont que des communautés d’agglomération ou des communautés urbaines d’un type nouveau. Elles n’ont ni le statut ni les moyens d’entrer en compétition avec les grandes métropoles européennes, fortes d’un million d’habitants, comme Barcelone ou Milan. Qu’est-ce qu’une métropole qui n’a pas d’aéroport international ?

De plus, les compétences de plein droit qui leur sont données ne le sont que par préemption et transfert de compétences communales. Les compétences qu’elles reçoivent du département ou de la région ne sont qu’optionnelles et nécessitent l’accord préalable de ces deux collectivités.

Les métropoles françaises qui voudraient jouer un rôle dans le concert européen doivent, à mon sens, se construire davantage en élargissant leurs compétences sur celles qui sont exercées par les départements et les régions qu’en retirant aux communes qui les composent des services de proximité.

C’est en gagnant des compétences économiques, éducatives, touristiques que ces métropoles pourront véritablement devenir le fer de lance du développement de toute une région, et peser sur l’aménagement du territoire. Les départements et les régions n’auraient rien à y perdre, bien au contraire !

De ce point de vue, le projet de loi que nous examinons manque d’ambition et de clarté.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

La constitution d’un trop grand nombre de métropoles, uniquement justifiée par la volonté de répondre à des enjeux de pouvoirs locaux, ne permettrait pas de relever le défi de l’aménagement du territoire ni celui de la compétitivité européenne.

J’en viens à présent au couple département-région.

On peut le regretter, mais, force est de le reconnaître, peu de Français identifient l’action régionale, conduite à un échelon qui n’apparaît pas toujours pertinent. Les espoirs placés dans la région lors de son passage de statut d’établissement de coopération interdépartementale à celui de collectivité de plein exercice n’ont pas toujours été couronnés de succès.

Pour ma part, je ne serais pas hostile au fait que la région retrouve cette fonction de porteur de grands projets à l’échelle de plusieurs départements. Le système ne fonctionnait pas si mal et créait un véritable lien entre les deux échelons. En outre, la question du nombre des conseillers territoriaux appelés à siéger à la région se trouverait résolue. Je n’ignore pas qu’un retour à une telle situation imposerait une modification constitutionnelle.

Aussi, je considère que la création du conseiller territorial constitue une avancée substantielle du point de vue de l’harmonisation des politiques et des actions des deux collectivités départementale et régionale. À ceux qui regrettent que nous puissions abandonner le scrutin proportionnel, je serais tenté d’objecter que si la région n’a pas trouvé toute sa place dans le paysage politico-administratif français, c’est peut-être en partie parce que le mode de scrutin ne permet pas d’identifier un élu avec un territoire.

Je ne partage pas le point de vue de ceux qui estiment avec mépris qu’une « cantonalisation » du mode d’élection des élus empêcherait ces derniers d’avoir une vision globale de leur territoire. Une telle attitude revient à faire aux élus le procès qu’’ils ne pourraient pas comprendre l’intérêt général. Je note que, dans la pratique, de nombreux exécutifs régionaux ont d’ores et déjà nommé des référents par pays.

Par ailleurs, l’introduction, par l'Assemblée nationale, de l’article 35 bis prévoyant l’élaboration d’un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services me semble constituer une innovation intéressante.

En conclusion, le présent projet de loi a pour principal mérite de répondre à une difficulté. L’organisation territoriale de notre pays est souvent pensée sur la base du principe de l’uniformité. Or nos débats ont souligné la diversité des situations et des territoires. Le texte qui nous est soumis offre aux élus une boîte à outils dans laquelle ils pourront puiser les formes d’association et de travail adaptées à la réalité de leur territoire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il n’est pas possible d’aborder ce débat sur la réforme des collectivités locales sans tenir compte du contexte dans lequel il s’inscrit.

Nous avons bien conscience que nous entrons dans une période de rigueur budgétaire et que, dans le cadre des choix opérés par le Gouvernement, les collectivités locales sont mises à contribution, alors qu’elles subissent déjà elles-mêmes l’impact de la crise.

Ainsi, les conséquences du gel annoncé des dotations de l’État aux collectivités seront aggravées pour les collectivités d’outre-mer, alors que celles-ci doivent faire face au rattrapage des retards accumulés et aux besoins sans cesse croissants générés par la progression démographique, sans parler des déficits de moyens liés à des transferts de compétences insuffisamment compensés.

La situation sociale et économique de nos régions est très grave et extrêmement préoccupante : les mouvements sociaux survenus l’an dernier aux Antilles et à la Réunion l’ont rappelé. Nous devons toujours avoir en tête les chiffres disponibles en la matière : à la Réunion, 52 % de la population est au-dessous du seuil de pauvreté ; 30 % de la population active est privée d’emploi ; 30 000 foyers attendent un logement social...

Les collectivités locales sont confrontées à cette situation sociale et, dans les faits, supportent des dépenses de fonctionnement aussi indues qu’élevées, alors même que les besoins en infrastructures et en équipements sont colossaux, qu’il s’agisse du traitement de l’eau, des déchets, des déplacements, du bâti scolaire, etc.

C’est pourquoi nous ne devons entretenir aucune illusion : si les moyens financiers du développement font défaut, si les finances des collectivités sont mises à mal, aucune réforme administrative ne permettra de régler les problèmes fondamentaux du développement. Le débat décisif concerne non pas le nombre des assemblées – une, deux, ou trois –, mais la question de savoir quels moyens seront mis au service de quelles compétences.

Dans un tel contexte, nous considérons que les motivations qui sous-tendent la réforme envisagée sur le plan de la métropole seront inopérantes en outre-mer, singulièrement à la Réunion.

En métropole, la création du conseiller territorial commun à la région et au département semble vouloir répondre à un besoin accru de proximité et d’ancrage territorial.

À la Réunion, cette question s’inscrit dans un cadre totalement différent, puisque notre île est une région monodépartementale, comportant un conseil régional et un conseil général couvrant le même territoire. Elle compte vingt-quatre communes et chacune de celles-ci contient un ou plusieurs cantons ; la totalité du territoire est couverte par cinq établissements intercommunaux, chiffre qui sera bientôt ramené à quatre.

La combinaison des compétences du conseil général, des communes et des EPCI sur l’ensemble du territoire permet de prendre en compte les besoins de proximité, notamment l’action sociale pour le département et les communes.

Parallèlement, le conseil régional doit se projeter dans l’avenir en assumant les compétences liées aux enjeux fondamentaux du développement, que ce soit en matière d’aménagement, de développement économique, de routes nationales, de formation, de coopération régionale, etc.

Cette répartition de compétences est en adéquation avec les modes d’élection : les cantons pour une mission de proximité, le scrutin proportionnel à l’échelon régional pour l’approche globale du développement.

Il convient également de souligner que la répartition des compétences entre les régions et les départements en outre-mer n’est pas la même qu’en métropole. Par exemple, outre-mer, les régions sont compétentes pour les routes nationales, alors que, en métropole, ce sont les départements. De même, les prérogatives fiscales des régions d’outre-mer sont tout à fait spécifiques. Je pense notamment à la taxe spéciale de consommation des carburants alimentant le Fonds d’investissement pour les routes et les transports, ainsi qu’à l’octroi de mer.

Certes, le schéma actuel n’est pas parfait, mais il correspond à une certaine logique.

Appliquer mécaniquement à la région monodépartementale de la Réunion le droit commun envisagé à l’échelon national et élire sur un même territoire des conseillers territoriaux au scrutin cantonal aboutirait à une caricature d’assemblée unique et se traduirait, dans les faits, par des aberrations. Ainsi, il nous paraît inconcevable que la même assemblée unique de conseillers territoriaux élise deux présidents d’assemblée, deux commissions permanentes, et que ses membres siègent un jour à la région, l’autre au département. Au-delà des obstacles juridiques d’ordre constitutionnel qui remettent en cause cette conception, celle-ci paraît totalement inopérante dans les faits. On voudrait discréditer la solution consistant à instaurer une réelle assemblée unique qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! De plus, cette mesure porterait gravement atteinte au principe de la parité, déjà mis à mal par ailleurs.

Nous prenons acte que, lors du vote du projet de loi à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a renoncé à ce schéma.

Nous prenons également acte que la totalité de la représentation réunionnaise à l’Assemblée nationale a condamné l’application mécanique du droit commun national à la situation réunionnaise et s’est prononcée, en l’état actuel du débat, pour le maintien du statu quo, le temps d’approfondir la réflexion.

Le Gouvernement s’est donné un délai de dix-huit mois pour faire émerger une solution pour la Réunion et la Guadeloupe. Il est évident que toute solution devra être le fruit d’une réelle concertation avec l’ensemble des élus de nos départements. C’est pourquoi nous considérons qu’il appartiendra à la représentation nationale de se saisir de ce débat et qu’il ne serait pas opportun, compte tenu de la complexité et de l’importance de ce dernier, que le Gouvernement légifère par voie d’ordonnance pour ce qui concerne les départements d’outre-mer, comme le prévoit l’article 40 du présent projet de loi, modifié.

Mes chers collègues, vous comprendrez donc que je soutienne sans réserve aucune l’amendement présenté par notre collègue Jacques Gillot.

Tant pour des raisons de forme que de fond, nous ne pouvons que nous opposer au projet de loi soumis à notre examen, tel qu’il est actuellement rédigé.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le secrétaire d'État, je regrette que le projet de loi relatif à la modernisation de la démocratie locale, dont vous étiez à l’origine et dont nous avions commencé l’étude en 2009, n’ait pas été mené à terme. Je rappelle qu’il concernait le couple commune-intercommunalité.

En effet, dans le présent projet de loi, cette question soulève peu de problèmes ; elle recueille même l’assentiment de tous. Par conséquent, si elle avait fait à elle seule l’objet d’un projet loi, nous aurions adopté le texte proposé, et pour ma part, je l’aurais fait des deux mains !

L’exécutif a choisi une autre méthode, qui consiste à traiter en même temps tous les niveaux de collectivités territoriales, au travers de quatre projets de loi déposés sur le bureau des assemblées et un cinquième à venir, nous annonçait-on, concernant les compétences. De plus, on a, curieusement, commencé par le financement des collectivités, avec la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par d’autres taxes, en particulier la contribution économique territoriale.

On le voit aujourd’hui, il eût été plus efficace de commencer par les compétences. Je l’avais dit alors : on a mis la charrue avant les bœufs !

Venons-en au conseiller territorial, point de crispation, lieu de polarisation de cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Certains sont farouchement opposés à l’existence même du conseiller territorial, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

… sur toutes les travées, même si certains l’expriment moins que d’autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Certains, dont je suis, n’y étaient pas hostiles par principe. Nombreux sont ceux qui ont rappelé, d’ailleurs, que dès 2002 François Bayrou avait proposé l’idée du rapprochement nécessaire du département et de la région.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mais deux points méritent aujourd’hui d’être précisés.

D’une part, il ne s’agissait pas de proposer les assemblées pléthoriques auxquelles on arrive aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Trois cents personnes, et M. Jean-Patrick Courtois en rajoute une louche !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Il était maladroit, monsieur le ministre, de dire hier que cela existait déjà dans certaines intercommunalités, comme à Metz. Nombreux sont ceux qui ont dénoncé cet aspect. Il s’agit de limiter les intercommunalités et non de les prendre comme modèles pour justifier les assemblées territoriales telles qu’elles sont proposées.

D’autre part, nous avons toujours réclamé une dose de proportionnelle, je dis bien « une dose ». Car aujourd’hui on a tendance à nous opposer que le scrutin uninominal est le seul garant de la représentation des territoires. Eh bien, figurez-vous que nous sommes d’accord ! C’est la raison pour laquelle nous avons proposé 80 % de scrutin majoritaire à deux tours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Par conséquent, nous défendons, nous aussi, le scrutin majoritaire à deux tours. Mais si les territoires doivent tous être représentés, toutes les sensibilités politiques doivent l’être aussi. Donc, nous avons demandé 20 % de proportionnelle. Et c’est pourquoi nous sommes favorables au scrutin mixte, qui répondrait aux préoccupations de tous. On oppose les défenseurs de la proportionnelle à ceux du scrutin uninominal à deux tours ; moi, je défends les deux !

Je tenais à expliquer ma position. C’est très important.

Bizarrement, le Gouvernement avait déposé un projet de loi allant dans ce sens. Je crois savoir qui a pu l’inspirer… Bien sûr, ce projet de loi ne nous convenait pas tout à fait. Nous l’aurions amendée sur son aspect correctif et sur les deux tours.

On nous a même reproché de ne pas l’avoir assez soutenu ! Évidemment, ce projet de loi n’a pas été débattu !

Mme Maryvonne Blondin opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Nous n’avons donc pas abordé ce sujet puisqu’il relevait d’un autre texte.

Je passe les épisodes récents : l’acceptation en première lecture et le vote par le groupe UMP d’un amendement de l’Union centriste, au Sénat, rappelant les principes auxquels nous étions attachés ; puis, la suppression, à l’Assemblée nationale, de notre amendement et l’introduction dans le texte du mode électoral prévu dans un autre projet de loi, posant ainsi un problème constitutionnel, au regard de l’article 39, selon lequel tout article touchant aux collectivités locales doit d’abord être débattu au Sénat.

Est venue ensuite, la semaine dernière, la suppression en commission du mode de scrutin introduit par l’Assemblée nationale.

À ce niveau, après lecture d’un certain nombre d’articles – je le dis avec le plus d’élégance possible –, je finis par me demander si cette suppression n’a pas été, comme disent les anglais, « facilitée », afin de réintroduire au Sénat cet amendement qui résout le problème d’inconstitutionnalité, du moins temporairement.

Si jamais nous ne le votons pas au Sénat, c’est le texte initial de la commission qui reviendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

….oui, machiavélique, mais le souvenir de certains comportements m’éclaire un peu.

Bref, nous en sommes là aujourd’hui et j’aurai l’occasion de reprendre la parole au cours des débats. Je le rappelle cependant, le Sénat représente les collectivités territoriales…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault. … et il serait pour le moins incongru que l’Assemblée nationale, plus précisément le groupe UMP impose sa vision des choses. Est-ce à dire qu’il faut adopter ce projet de loi tel qu’il nous est proposé ? Non, bien sûr ! Le Gouvernement doit aussi tenir compte de la Haute Assemblée. En tout cas, j’ose espérer qu’il en sera ainsi.

Applaudissements sur la plupart des travées de l’Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Nous aussi, nous espérons qu’il en sera ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En vous écoutant attentivement, hier soir, monsieur le ministre Brice Hortefeux et monsieur le secrétaire d’État Alain Marleix, …

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… j’avais le sentiment que vous manquiez quelque peu d’enthousiasme pour défendre, en cette fin de parcours, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… ce texte, qui devient en quelque sorte votre pensum. Vous vous dites : « Il faut bien faire le travail ! » Certes, M. Michel Mercier n’a pas parlé et peut-être nous étonnera-t-il… (Sourires.)

Quelle différence entre ce que nous avons vécu hier soir et ces moments où nous étions, à l’Assemblée nationale, avec M. Pierre Mauroy et où, en 1982 et en 1983, nous avions un enthousiasme extraordinaire pour cette République des libertés locales, véritable souffle de la décentralisation ! §Mes chers collègues, où est aujourd’hui le souffle ?

En 1992 et en 1999, nous avons également vécu cette révolution des communautés, qui, petit à petit, allait, dans le respect le plus total de la réalité communale, à laquelle nos concitoyens sont très attachés, créer ces nouveaux niveaux importants pour notre développement économique et pour l’aménagement du territoire.

Aujourd’hui, nous le voyons bien, il eût été possible d’aller vers un troisième âge de la décentralisation et vers plus de démocratie. La question du suffrage dans les communautés urbaines et les communautés d’agglomération se pose et se posera. Le fléchage ne constitue qu’une petite étape ; il faudra aller plus loin.

Nous aurions pu aller plus loin pour la péréquation. Le débat d’hier après-midi était très révélateur. Il faut plus de justice entre nos collectivités, eu égard à leurs charges : leurs ressources ne sont pas en rapport avec leurs charges !

Les réponses sont confuses. On nous annonce même pour décembre l’arrivée du cinquième risque afin de décharger les départements du fardeau de la dépendance.

Toutefois, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, si on confie cela à la sécurité sociale – ce qui serait d’ailleurs positif –, comment le financera-t-elle, vu le gouffre abyssal de son déficit ? Et le Président de la République annonce une réduction, en trois ans, des déficits publics ! Merci de nous donner quelques explications sur vos perspectives pour les quelques mois à venir, cela nous aiderait à comprendre !

Nous aurions pu aussi aller vers des régions fortes, dans l’optique européenne des régions plus grandes, plus fortes et dotées de davantage de moyens.

Bref, nous aurions pu faire bien des choses, en somme.

M. Nicolas About sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Avons-nous vu des défilés et des manifestations devant les permanences et devant les préfectures ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

J’ai rendez-vous avec le conseiller territorial !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous peinez tous, chers collègues de la majorité, dans les assemblées d’élus locaux pour leur expliquer les bienfaits du conseiller territorial. Comment pouvez-vous expliquer que l’on fera des économies en passant, dans la région Centre, de soixante-douze conseillers territoriaux à cent soixante-dix-sept ? Et M. Jean-Patrick Courtois trouve que c’est encore insuffisant : il en propose cent quatre-vingt-quatre !

Par conséquent, le nombre de conseillers territoriaux sera multiplié par trois. Ici, il y en aura plus de deux cents, là, plus de trois cents, et il faudra pousser les murs. Mais on nous dit que cela représente une économie pour la France, au moment où il faut faire des restrictions ! §Personne ne peut le comprendre !

Comme Mme Jacqueline Gourault l’a dit, vous avez tout défendu dans cette affaire : le scrutin à un tour – c’était la position du Gouvernement –, puis le scrutin à deux tours, puis la part de proportionnelle, puis l’absence de toute part de proportionnelle.

Vous avez défendu tout et son contraire ! Comment voulez-vous que l’on y comprenne quelque chose ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai été très frappé, messieurs Brice Hortefeux et Alain Marleix, par vos propos d’hier qui comportaient un certain nombre et même un nombre certain de noms propres…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Le chanteur Vincent Delerm cite beaucoup de noms propres dans ses chansons : il a dû être un peu jaloux ! J’ai même craint que l’annuaire lui-même ne pâlisse de jalousie.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Aucun collègue du groupe RDSE susceptible de s’interroger, aucun centriste qui soit dans la réflexion et peut-être dans l’hésitation n’y a échappé. Quelques socialistes et même quelques communistes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. … et certains membres du groupe UMP, pour faire bonne mesure, y ont eu droit aussi. On leur a dit : « Monsieur le sénateur, votre amendement est très intéressant ! » ; « Madame la sénatrice, cette proposition est vraiment pertinente ! ».

Mme Dominique Voynet applaudit.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Mais nous sommes entre nous : tout le monde comprend, mes chers collègues, de quoi il s’agit. Et chacun voit qu’on a perdu l’enthousiasme et le souffle. Vous êtes là, messieurs les ministres, de manière un peu notariale, à essayer de voir si, avec vos petits coups d’écope, vous pouvez réussir à sauver le navire qui se perd dans les ombres.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement, souhaitant renforcer le couple département-région, a proposé, dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, la création du conseiller territorial, qui doit siéger, dès 2014, à la fois au conseil général et au conseil régional.

En raison de cette double représentation, l’effectif de ces élus, tel qu’il a été arrêté par l’Assemblée nationale, ne représenterait que 60 % de celui des conseillers généraux et régionaux réunis, soit 3 367, contre 5 645. Ce taux a été porté à environ 62 %, soit 3 486, contre 5 645, sur proposition de la commission des lois du Sénat.

Tout d’abord, force est de le reconnaître, l’Assemblée nationale, en fixant le nombre et la répartition de ces conseillers territoriaux, a pris une décision…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. Christian Poncelet. … qui remet en cause non pas seulement les engagements du Gouvernement, mais aussi la priorité reconnue au Sénat pour les dispositions relatives aux collectivités territoriales.

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

En tout état de cause, on observe que, dans ce débat, se posent surtout deux questions, que j’aborderai successivement : celle de la représentativité et celle de l’exercice effectif des missions du conseiller territorial.

En ce qui concerne, tout d'abord, la représentativité du conseiller territorial, on note que, selon les propositions du Gouvernement, adoptées par l’Assemblée nationale et rejetées – à juste titre, pour les raisons que je viens d’évoquer – par la commission des lois du Sénat, le nombre des conseillers territoriaux serait, dans certains départements, inférieur de 30 %, voire plus, à celui des conseillers généraux élus à l’heure actuelle.

Ainsi, pour les Vosges, 23 conseillers territoriaux remplaceraient 31 conseillers généraux. Je déposerai d'ailleurs un sous-amendement à ce sujet.

Or le Gouvernement se devait, après avoir satisfait à la condition de priorité de présentation que j’ai rappelée, de prendre en considération les problèmes qui se posent à l’échelon local, notamment dans les régions d’accès difficile ou dans les zones montagneuses ou forestières ; autrement dit, il lui fallait combiner des données géographiques, économiques et sociologiques.

Faute pour le Gouvernement d’avoir fait ce travail, l’examen des dispositions qu’il propose suscite un certain nombre d’interrogations, comme nous venons de l’entendre !

Ainsi, à partir de ce constat dressé dans le département dont je suis l’élu, on est en droit de se demander comment un conseiller territorial unique pourrait assurer la représentation de l’ensemble des intérêts d’une circonscription qui comprend deux vallées à l’économie différente, séparées par un col.

Marques d’assentiment sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Aussi, pour nous permettre de nous prononcer en toute connaissance de cause, il serait souhaitable que nous soit proposée la configuration complète des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Dans le même esprit, il serait utile, à l’heure où nous commençons à préparer les orientations budgétaires des collectivités locales pour 2011 – je parle sous votre contrôle, mes chers collègues –, que nous disposions de l’ensemble des données nécessaires pour établir ce document et savoir dans quelles conditions l’État, dont on connaît le niveau d’endettement, assurera la régulation de la compensation due aux départements par le Fonds national de garantie individuelle des ressources.

Le second point qui appelle l’attention concerne les missions que le conseiller territorial sera amené à remplir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Ce conseiller territorial devra non pas seulement être présent aux diverses sessions plénières et réunions de commissions de deux conseils, qui se tiendront parfois très loin de son lieu de résidence, mais également participer aux différents travaux concernant, notamment, les établissements scolaires et hospitaliers ainsi que les maisons de retraite. Autrement dit, il lui faudra être un élu à plein temps, ce qui nous conduit à nous interroger sur les conditions de sa désignation et les modalités de sa rémunération.

Si, antérieurement à l’élection, le conseiller territorial exerçait une activité professionnelle, dès lors qu’il est appelé à remplir – à plein temps, je le répète – ses fonctions électives, il devra renoncer à poursuivre sa carrière, avec les risques que comporte une telle décision en cas de non-réélection.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Dans ces conditions, le conseiller territorial sera, de fait, un agent de service public élu.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Ainsi, l’assemblée territoriale sera privée de représentants actifs de la vie économique, sociale et culturelle, ce qui n’est pas bon pour la démocratie.

En outre, devrait être versée au conseiller territorial une rémunération plus importante que celle qui est allouée actuellement à un conseiller régional ou à un conseiller général, ce qui entraînera une augmentation des dépenses de fonctionnement. Cet accroissement des charges risque d’être d’autant plus sensible que le conseiller territorial pourra être remplacé, en plusieurs occasions, par son suppléant, qu’il conviendra, bien sûr, de rémunérer également.

Il nous faut aussi nous interroger sur les conditions de la désignation du conseiller territorial : sans doute celui-ci pourra-t-il être choisi parmi les retraités.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Toutefois, le nombre de tels élus ne saurait être que réduit, sauf à exclure des futurs conseils généraux et régionaux bien de ceux qui, actuellement, apportent aux délibérations de ces instances, outre leur connaissance du terrain, leur expérience professionnelle, qu’ils soient agriculteurs, commerçants, salariés, entrepreneurs ou membres des professions libérales, ainsi que l’enrichissement de la diversité, ce gage de vitalité et d’objectivité.

La vie économique, sociale et culturelle sera-t-elle présente dans ces conseils ? Avec le projet de loi qui nous est soumis, j’en doute.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. Christian Poncelet. Sur les deux points que je viens de développer, à savoir la représentativité et l’exercice des missions des conseillers territoriaux, examinés au regard du nombre et de la répartition de ces nouveaux élus, c’est avec beaucoup d’intérêt, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, que j’écouterai les réponses que vous voudrez bien m’apporter. Je vous en remercie vivement par avance.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez que j’aborde ici la situation subie par les collectivités locales, c'est-à-dire la déstructuration de leurs modes de financement et leur appauvrissement programmé.

Nous avons eu hier un débat sur la clause de rendez-vous de la pseudo-réforme des finances locales engagée avec la suppression de la taxe professionnelle. Or, bien que les problèmes rencontrés soient nombreux, vous décidez, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, qu’ils ne seront ni abordés ni réglés.

Les élus ne disposent d’aucune visibilité sur leurs budgets de 2011 ? Ce n’est pas grave, on continue !

Les fonds départementaux de péréquation ne sont pas alimentés ? Ce n’est pas grave, on continue !

Il semble que, selon vous, tout doive se poursuivre comme si de rien n’était, alors que certains départements ne peuvent plus honorer leurs dépenses sociales et que, partout, de la commune à la région, l’heure est à la rigueur.

Et partout, vous le savez, les budgets se réduisent. En tant que maire, je puis vous indiquer que nous n’ajustons plus nos ressources aux besoins de nos populations : nous réduisons notre action en fonction de recettes qui, elles, sont sorties de notre champ de compétence.

En perdant notre autonomie fiscale, nous avons perdu notre autonomie financière, donc notre autonomie de gestion.

Cet appauvrissement de nos collectivités a pour conséquence directe d’empêcher les élus locaux de répondre aux besoins de leurs populations. Et chacun sait ici que, dans un tel cas de figure, ce sont les personnes les plus fragilisées qui sont aussi les plus frappées.

Or, dans ce contexte déjà très difficile, le Gouvernement vient d’annoncer le gel de ses dotations, aggravant par là même considérablement la situation des collectivités locales.

En effet, au fil des ans, nos budgets locaux ont vu croître ces différentes dotations qui, remplaçant des rentrées fiscales dynamiques, représentent aujourd’hui une part importante de nos ressources. En les gelant, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, vous savez que vous nous contraindrez à réduire nos activités !

De plus, depuis plusieurs années, vous avez transféré aux communes, aux départements et aux régions un nombre croissant de missions et de tâches, sans les compenser intégralement. Et je n’évoque pas seulement ici le transfert des politiques sociales, dont on parle enfin aujourd’hui. Ainsi, la calamiteuse campagne de vaccination de l’hiver dernier a été à la charge des communes. Il en va de même de la délivrance des cartes d’identité et des passeports, mais aussi de la sécurité à la sortie des écoles ou de la mise en fourrière des « voitures ventouses » qui encombrent nos rues. Et je pourrais multiplier les exemples !

Finalement, vos désengagements et vos économies d’impôts coûtent très cher aux communes et à leurs contribuables !

Va-t-on alors, par ce projet de loi, empêcher l’asphyxie financière des collectivités locales, qui les étouffe aujourd’hui, pour mieux les faire mourir demain ? Évidemment, et malheureusement, non ! Bien au contraire, le garrot se resserre.

De cette façon, vous mettez en œuvre le rapport Balladur, qui prévoyait « l’évaporation » des communes et des départements.

En effet, ce projet de loi met en place une restructuration-destruction de nos institutions locales, pour accompagner et accélérer l’agonie de ces dernières.

Ce qui est inscrit dans ce texte, c’est un double mouvement de concentration des pouvoirs et de spécialisation des compétences, afin de réduire la dépense publique locale. Comme le soulignait le Premier ministre : « Si les collectivités ne réduisent pas leurs dépenses, nous les y contraindrons ».

Ainsi, quelles que soient les compétences qui leur seront attribuées, les collectivités locales ne disposeront plus des moyens nécessaires pour y faire face. Elles ne pourront plus adapter localement les politiques publiques !

D’ailleurs, il est notable qu’aucune des parties de ce texte n’ait pour objectif de répondre davantage et mieux aux besoins de nos concitoyens, de même qu’aucune de ses mesures ne participe du développement du territoire national, dans son ensemble.

Finalement, à travers ce texte, vous ne visez qu’à valoriser et exploiter les ressources de certains bassins de vie et d’emploi, laissant les autres à la dérive. Vous mettez en place un nouveau schéma d’organisation qui se pense en termes de compétition.

Ainsi, ce projet de loi est une restructuration libérale de nos institutions locales, visant à soumettre à une concurrence libre et non faussée les populations et les territoires. Une telle démarche, n’ayons pas peur de le dire, est porteuse de nouvelles et puissantes inégalités sociales et territoriales. Elle ne pourra répondre aux besoins sociaux d’aujourd’hui, et encore moins aux défis de demain.

En prônant la mutualisation contrainte des ressources et des moyens de tous les échelons locaux, votre objectif n’est pas d’aider les collectivités à redéployer leurs actions au service de notre population.

Prenons l’exemple des financements croisés : ils ont été mis en place, justement, afin de mutualiser les ressources financières de plusieurs collectivités et de permettre à l’une d’entre elles de réaliser les équipements ou les services nécessaires à l’amélioration des conditions de vie des populations.

Or vous allez les supprimer, ou imposer des conditions drastiques qui les limiteront fortement. C’est bien la preuve que, avec cette réforme, vous voulez contraindre toujours davantage les collectivités locales à mettre en œuvre vos choix libéraux, faits de restrictions des ressources publiques et de réductions des dépenses et des services publics.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, entre les travaux de l’Assemblée nationale, du Sénat et d’autres groupes de travail, les rapports relatifs aux collectivités locales se sont multipliés ces dernières années. Ils portent sur la réorganisation territoriale, sur la clarification des compétences des collectivités, sur les relations de ces dernières avec l’État et sur la mutualisation de leurs moyens.

À ces nombreuses réflexions s’ajoute, bien sûr, la contribution du comité pour la réforme des collectivités locales, mis en place afin de « formuler toutes propositions de nature à engager une réforme profonde et ambitieuse du mode d’administration du territoire […] ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les travaux préparatoires à la réforme annoncée des collectivités ne manquent pas ! Les constats sont unanimes : enchevêtrement à l’excès des compétences des collectivités, trop grand nombre et morcellement des structures d’administration territoriale, nécessaire réforme des finances locales, dans un contexte marqué par une augmentation importante des dépenses des collectivités locales et une diminution des recettes.

Le projet de loi que nous examinons est censé s’être nourri de ces divers rapports.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Toutefois, étonnamment, la réforme proposée aujourd’hui par le Gouvernement s’appuie sur une analyse que je qualifierais d’erronée et manque profondément de clarté.

Compte tenu du temps qui m’est imparti, je ne formulerai que quatre remarques pour étayer ma vision de la situation.

Tout d’abord, le texte cherche à promouvoir des synergies entre les départements et les régions, avec la création de conseillers territoriaux se substituant aux conseillers généraux et régionaux actuels. À défaut d’avoir pris une décision sur la suppression d’un échelon institutionnel – une question qui fait débat –, le Gouvernement crée un nouvel élu, chargé de « donner plus de cohérence aux politiques locales ».

En soi, pourquoi pas ? Néanmoins, soyons honnêtes sur les conséquences d’un tel choix : la réduction du nombre d’élus, donc de cantons ou de territoires, conduira à favoriser les pôles urbains ; les circonscriptions étant agrandies, les élus seront moins proches de leurs concitoyens ; enfin, ne sous-estimons pas le risque de professionnalisation de la fonction d’élu territorial, problème que vient de soulever M. Christian Poncelet.

Le Gouvernement présente la création de ces nouveaux élus et la réorganisation des collectivités en pôles unissant les départements et les régions comme des gages d’efficacité pour les territoires.

Or, ainsi que l’illustre parfaitement le rapport du Sénat sur la mutualisation des moyens des collectivités, c’est à l’échelon des communes et des intercommunalités que les synergies et la mise en commun de moyens doivent être recherchées. C’est à ces deux niveaux que nous pouvons optimiser les dépenses et réduire le nombre des services administratifs.

La Cour des comptes relève d’ailleurs ce paradoxe : malgré le développement de l’intercommunalité et le transfert de compétences depuis les années deux mille, entraînant de fait la création de postes de personnels communautaires, les communes ont continué à augmenter leurs effectifs. C’est de cette façon que les administrations « doublonnent » ! Entre les communes et les intercommunalités, ce sont entre 35 000 et 40 000 postes qui sont créés chaque année.

Certes, les articles 33, 34 et suivants du projet de loi vont dans le sens d’une recherche de maximalisation des ressources et des services dans le cadre communal et intercommunal. C’est une avancée, et c’est bien là que se situe la véritable révolution pour les territoires ! Ce n’est pas à l’échelon des départements et des régions que les synergies produiront beaucoup d’effet…

En outre, la diminution du nombre d’élus nous est présentée comme une garantie d’économies. En réalité, c’est l’inverse qui risque de se produire : la réforme devrait être dispendieuse.

Je sais que le sujet n’est pas médiatiquement vendeur ces temps-ci, mais je voudrais dire que le coût des élus est marginal : dans mon département, il représente non pas 5 % ou même 1 % du budget, mais seulement 0, 18 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En revanche, il serait intéressant de connaître le coût, pour chaque région, de la réalisation d’une salle de réunion pour les 200 à 300 conseillers territoriaux et, surtout, celui des personnels nécessaires à la gestion de ces mini-parlements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Avec cette réforme, le Gouvernement affiche également comme ambition de rendre plus lisible l’architecture territoriale de notre pays.

Je crois, au contraire, que, avec la création de métropoles aux contours indéfinis et l’absence totale de clarification des compétences de chaque niveau de collectivités, ce texte rend encore plus complexe la situation.

Des métropoles capables de rivaliser avec leurs homologues européennes et internationales, nous y sommes bien sûr favorables ! Mais, pour être la hauteur du défi, ces métropoles doivent, à mon avis, comprendre une population d’un million d’habitants, avoir un aéroport international, pouvoir accueillir des sièges de multinationales. Or, compte tenu des spécificités de la France, cinq ou six métropoles sont envisageables, pas plus !

Et une fois les métropoles instaurées, qu’adviendra-t-il du reste du territoire environnant non membre de cet EPCI ? Le texte est muet sur ce point, alors que la métropole aura absorbé les principaux viviers, social, économique, financier...

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à prévoir que, dans le département siège de la métropole, les communes non membres seront rattachées aux départements voisins.

Je voudrais terminer en évoquant le mode de scrutin prévu pour l’élection des conseillers territoriaux.

Je suis convaincu qu’un système analogue à celui qui est applicable pour les élections sénatoriales aurait été la solution pour représenter au mieux les territoires ruraux comme les territoires urbains.

Cependant, en première lecture, je m’étais rangé au dispositif proposé par le groupe centriste, qui avait obtenu l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement. Le mode de scrutin devait alors combiner un scrutin uninominal et un scrutin proportionnel, assurant à la fois une bonne représentation du territoire et l’expression du pluralisme politique comme de la parité.

Le Gouvernement s’était alors engagé au maintien de ce dispositif. Monsieur le ministre, après ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, nous considérons que la parole donnée devant le Sénat a été trahie.

La suppression de l’article 1er A en commission des lois a chamboulé momentanément le texte. Malheureusement, cet épisode n’a pas amené le Gouvernement à réfléchir sur l’engagement qu’il avait pris devant notre assemblée, puisqu’il a déposé un amendement tendant à rétablir le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis pourtant convaincu que le lien entre le territoire et la représentation qui vise à garantir pluralisme et parité ne sont pas antinomiques. C'est la raison pour laquelle le mode de scrutin doit combiner un scrutin majoritaire à deux tours assorti d’une dose de proportionnelle.

En conclusion, tout le monde l’aura compris, cette réforme ne m’enthousiasme pas. Je trouve qu’elle pose plus de problèmes qu’elle n’en résout.

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Entre les régions, les départements, les communes, les divers EPCI, les éventuelles fusions de départements et régions, les métropoles, les pays, aux compétences de plus en plus floues, je souhaite bien du plaisir aux élèves qui, demain, auront à apprendre la carte administrative de la France !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Y aura-t-il une voix pour défendre ce texte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a désormais plus d’un an, le Président de la République recevait les conclusions du rapport du comité Balladur pour la réforme territoriale. Il était « temps de décider », d’apporter « un nouveau souffle pour notre démocratie locale » et de donner « de nouveaux moyens d’actions pour les élus locaux ».

C’est donc drapés de ces objectifs respectables et forts du consensus qui régnait alors sur la nécessité de rendre plus lisible et plus efficace l’organisation territoriale de la France que le Président et le Gouvernement annonçaient un véritable big-bang territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Chose promise, chose due ! Il faut admettre d’emblée que, à l’heure où nous entamons l’examen en deuxième lecture de ce texte, au moment donc où nous nous rapprochons de l’aboutissement même du travail législatif, nous nageons effectivement en plein chaos !

Nous avons été nombreux dans cet hémicycle, et plus vivement encore au-delà de ces murs, à pointer, lors de la première lecture, le fait que votre texte, monsieur le ministre, comportait bien plus d’inconvénients que d’avantages. À cet égard, l’examen du projet de loi par les députés n’a rien amélioré.

Au lieu d’alléger le millefeuille institutionnel territorial, il est vrai déjà particulièrement bourratif, ce texte vient au contraire l’épaissir. Il institue des métropoles et des pôles métropolitains, des départements à compétences variables, selon qu’ils accueillent ou non une métropole, des départements dont on amorce d’ailleurs sans le dire le déclin, mais que l’on maintient tout de même en vie au prix d’un affaiblissement des régions, alors même que celles-ci sont appelées à devenir le véritable moteur du dynamisme territorial.

Avec un tel fatras, c’est l’indigestion qui guette les citoyens !

L’ambition initialement affichée de réformer l’organisation territoriale de la France aboutit dès lors à un projet extrêmement décevant. Je n’en retiendrai que l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, alors que 93 % des villes françaises étaient déjà engagées dans une coopération intercommunale au 1er janvier 2009, et l’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, tant attendu. Ce sont de bien maigres satisfactions !

Pis, il semble que les visées électoralistes qui ont animé le Gouvernement lors de l’ébauche du futur conseiller territorial, avec ce fameux scrutin à 80 % uninominal à un seul tour, vous mettent aujourd’hui, monsieur le ministre, en situation délicate. Alors que les constitutionnalistes promettaient à cette tentative de hold-up électoral la censure des Sages de la rue Montpensier, le Gouvernement s’est finalement résigné, sous la bronca, à revenir à un mode d’élection plus républicain, avec deux tours de scrutin.

Sauf qu’en introduisant, par un amendement à l’Assemblée nationale, plusieurs volets de votre réforme qui devaient, disait-on jusqu’ici, faire l’objet de textes ultérieurs, comme l’a fort bien montré Jacqueline Gourault, vous avez piétiné l’accord politique passé ici même avec certains de nos collègues, au terme d’un numéro de funambule mémorable qui devait théoriquement vous garantir l’adoption de ce projet.

Vous avez donc essayé d’imposer à la hussarde et de façon, une fois de plus, intéressée ce nouveau schéma électoral : un scrutin uninominal majoritaire à deux tours avec un seuil de qualification plus élevé pour le second tour, afin d’en finir avec des triangulaires décidément bien trop aléatoires et bien trop douloureuses, aussi, en supprimant dans le même temps la dose de proportionnelle promise ici, au Sénat.

Attentif que vous étiez à ne pas trébucher, avez-vous seulement noté que vous avez ignoré, au passage, la règle constitutionnelle qui fait normalement du Sénat la première chambre consultée en matière d’organisation territoriale ?

Le résultat de cette opération, c’est que la navette parlementaire a tout bonnement explosé en plein vol ! Et, à cette heure, c’est bien de néant qu’il s’agit concernant l’élection et les fonctions de ce futur, probable, conseiller territorial.

Nous nous en sommes déjà expliqués dans cet hémicycle il y a quelques semaines, votre projet de loi, monsieur le ministre, ne se contente pas de participer au mouvement, plus largement observé, de concentration des prérogatives entre les mains de l’exécutif et d’affaiblissement de tout ce qui s’apparente de près ou de loin à un contre-pouvoir, ou de porter atteinte à l’obligation, pourtant constitutionnalisée, de la parité en politique.

Comment s’accommoder d’un mode de scrutin qui s’aligne de fait sur celui, discriminant, des conseils généraux et non sur celui des conseils régionaux, qui est bien plus intéressant et bien plus équitable ?

Monsieur le ministre, chacun l’aura deviné, ce projet de loi a été au moins autant guidé par votre soif de reprendre la main sur les exécutifs locaux que par votre souci de servir l’intérêt général. En ce moment critique où il est demandé par ailleurs à nos concitoyens de se serrer la ceinture, cette ardeur à déployer des artifices pour servir avant tout des intérêts partisans ne vous honore pas. Changer les règles du jeu pour parvenir à ce que l’on ne peut obtenir par les urnes n’est pas à la hauteur des enjeux pourtant cruciaux auxquels font face les collectivités.

Souvent confrontées à de lourds handicaps budgétaires, aggravés par l’incertitude que laisse planer votre réforme hasardeuse de la fiscalité locale – nous avons eu la confirmation, lors du débat qui s’est tenu hier dans cet hémicycle, qu’elle ne serait pas entièrement déployée avant la prochaine élection présidentielle –, les collectivités doivent pourtant assumer une part sans cesse plus importante du service rendu aux citoyens. À l’heure où la crise s’approfondit, elles constituent d’ailleurs les premiers amortisseurs de la précarité et les relais incontournables de la solidarité.

Vous annonciez un nouveau souffle pour la démocratie locale. C’est d’une grande bouffée d’oxygène qu’avaient besoin nos territoires, notamment pour assumer leurs engagements sociaux. Peine perdue ! Aux besoins pourtant vitaux de nos territoires, le Gouvernement répond, cette fois encore, par l’esquive et la tactique, comme il l’a fait tout récemment encore pour le Grand Paris.

Monsieur le ministre, ces territoires que certains de vos collègues jugent si arides qu’il serait vain de les arroser gagneraient en réalité à ne pas être considérés uniquement sous l’angle sécuritaire ; je pense ici au département dont je suis l’élue, la Seine-Saint-Denis, arpenté qu’il est, la nuit, comme un champ de bataille quadrillé par un commando, alors même que ses habitants souffrent avant tout du manque cruel de services publics, de la pauvreté des politiques de droit commun et des multiples inégalités territoriales.

Le salut ne viendra pas de votre réforme territoriale, annoncée à grands coups de clairon. Manquant l’occasion d’éclairer véritablement l’architecture institutionnelle locale et de doter les collectivités des leviers nécessaires à leur développement, cette réforme est restée embourbée dans les considérations claniques qui, hélas ! motivent trop souvent le Gouvernement depuis son avènement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la décentralisation, comme la démocratie, est un bien commun. Il n’empêche…

Trop d’échelons et de structures, trop de superposition des compétences et toujours plus de croisements financiers tuent toute visibilité politique et favorisent saupoudrage et clientélisme.

Bref, quand tout le monde est compétent pour tout, soit personne ne s’occupe de rien, soit on gaspille par une logique de concurrence et de guichet.

La réforme était nécessaire ; la crise l’a rendue urgente. Le rythme du quinquennat a malheureusement, à mon sens, altéré la consultation des élus locaux.

La réforme s’organise autour de deux piliers : départements-région, communes-communauté.

Pour ce qui est du premier pilier, on constatait que, selon les territoires, urbains ou ruraux, soit le département jouait le rôle essentiel, au préjudice de la région, soit l’inverse. La réunion de leurs compétences en un seul élu a permis de conserver et de concentrer leurs avantages. Cela constitue, je le crois, une avancée notable, mais nous ne devons pas en tirer de conclusion hâtive ou pernicieuse. Si la réduction du nombre d’élus peut être une conséquence, elle ne doit en aucun cas être un objectif.

Le second pilier est fort complexe. La commune, entité territoriale la plus ancienne de France, est aussi la seule véritablement lisible par le citoyen. Cela appartient aux particularités de l’histoire. En 1884, sur le territoire français, les anciennes paroisses, construites et rassemblées de façon naturelle au fil du temps, sont devenues des entités administratives, des communes.

Ainsi, la pertinence des communes, à l’époque de leur création, était déjà inscrite, et parfois depuis des siècles, dans le découpage des territoires, dans les esprits, dans les mentalités, dans les racines de chaque citoyen, de chaque famille, bref, dans le patrimoine identitaire de chacun.

Aucun autre échelon territorial ne peut se prévaloir d’une telle proximité, d’une telle légitimité auprès du citoyen. Vous êtes nombreux, mes chers collègues, à ceindre l’écharpe de maire, d’adjoint, de conseiller municipal, et nous savons tous combien les décisions politiques prises quelquefois à d’autres échelons que le nôtre nous incombent pourtant dans l’esprit des Français. Il est a fortiori essentiel que chaque conseil municipal soit le garant des compétences qui lui ont été dévolues par la loi.

Le plan local d’urbanisme, le droit du sol et du sous-sol, en bref tout ce qui a vocation à devenir construction sur le territoire de la commune, doit rester l’apanage du maire. Cela constitue la marque directe, immédiate, de sa responsabilité face à ses électeurs et à ses concitoyens. La loi ne saurait, sous quelque forme juridique que ce soit, mettre ce droit en péril.

Lui ôter ce droit revient à transformer le maire en simple officier d’état civil et, par là même, à déstabiliser, voire à altérer dangereusement l’interaction et le lien que l’habitant entretient avec son espace de vie et, il faut le dire, sa confiance dans l’institution politique.

Ainsi, le besoin de rationaliser le territoire, de le rendre compétitif, lisible et plus juste aurait dû trouver son expression avant tout autour de la commune. Notre devoir est de considérer celle-ci comme ce qu’elle est, à savoir le fondement républicain de nos territoires.

En conséquence, les communes doivent disposer tant du pouvoir de décision que du droit de veto sur toutes les dispositions concernant leur territoire, quel que soit l’EPCI dont elles sont membres.

De même, il paraît inconcevable que, à la faveur d’une fusion de communes ou d’EPCI, un maire voie le droit qu’il exerce sur le sol de sa commune transféré de facto à un EPCI dont le régime juridique le prévoit. Je pense aux communautés urbaines et aux métropoles. C’est pourquoi le pôle métropolitain me paraît le meilleur des systèmes.

Le temps a manqué à la concertation des maires et la réforme a péché par manque d’appréhension des réalités communales et intercommunales.

La réussite de l’intercommunalité est souvent liée à la représentation des communes et au statut de vice-président de leurs maires.

Les élus municipaux s’unissent au sein de l’intercommunalité pour mettre en commun leurs compétences, leurs connaissances, leurs moyens afin de rendre non seulement un meilleur service à la population, mais aussi de travailler au dynamisme pertinent et naturel de leurs territoires. Pour ce faire, les élus de toutes tendances doivent – cela est plus facile ici qu’ailleurs – travailler ensemble afin de permettre aux spécificités, aux diversités, voire aux nuances et aux harmonies territoriales de continuer à enrichir et à irriguer la France.

Dans cette optique, il est utile que communes et intercommunalités gardent toute liberté pour décider ensemble du nombre de membres élus ou de vice-présidents appelés à siéger au sein du conseil de communauté. A minima, un poste de vice-président doit pouvoir être une option pour chaque commune, dans le cadre, bien entendu, du strict respect de l’enveloppe financière consentie par la loi.

L’amendement que je présenterai respecte l’impératif de maîtrise de la dépense publique, tout en s’appuyant sur les caractéristiques de consensus et de négociation propres aux intercommunalités.

Les clauses de revoyure, dont l’immense majorité d’entre nous auraient voulu par nécessité de cohérence, de lisibilité et de sécurité qu’elles puissent être discutées avant la rentrée prochaine, joueront un rôle crucial.

Les systèmes de péréquation devront permettre de réparer les injustices les plus profondes de nos territoires. Or nous savons déjà que certaines de nos communes ne pourront s’aligner sur les exigences de minima légaux en matière de financements croisés.

Les clauses de revoyure, si l’on veut continuer à être un pays où les territoires puissent se porter assistance, devraient aussi être conçues de façon à ne pas pénaliser les territoires qui s’étaient adaptés à la taxe professionnelle et étaient, par leur compétitivité, devenus moteurs pour la France.

Des progrès un peu trop timides sur le statut de l’élu – mais je sais qu’un texte ultérieur sera déposé sur le sujet – figurent aujourd’hui dans la réforme. Nous avons sur ce point beaucoup de retard sur nombre de nos voisins européens. Il est impératif, pour la démocratie et pour la République, de parfaire, voire de construire ce statut de manière à conserver un juste équilibre entre le pouvoir de l’élu et celui de l’administration, faire en sorte que la diversité citoyenne puisse être représentée dans son ensemble et que l’égalité de tous face au mandat électif soit accrue.

C’est sans démagogie qu’il nous faudra y réfléchir. Il est en effet aujourd’hui difficile pour les professions libérales, les commerçants, les salariés du privé ou les chefs de petites et moyennes entreprises de pouvoir accéder à un poste d’élu en l’absence des garanties conférées soit par l’appartenance à la fonction publique, soit au pouvoir de l’argent.

Les échanges que nous aurons dans cet hémicycle feront de ce texte, je l’espère, une belle réforme.

Je salue le travail accompli au sein de la commission des lois par son président, Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, et la tâche était difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Mlle Sophie Joissains. Je souhaite évidemment que notre Haute Assemblée, représentante des collectivités locales, protège comme il se doit l’institution qui est l’un des fondements de la démocratie et de la République, à savoir la commune.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Le temps passe ! Nous abordons l’examen en deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités, mais la flamme s’est éteinte, le souffle a disparu et la recentralisation est imminente. Malgré tout, vous êtes là pour faire le travail, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, …

J’ai donc envie de vous poser une question : quelle est votre vision de l’administration, de l’organisation territoriale de la République ? Vous semblez ne plus en avoir, ou ne plus en avoir qu’une idée confuse.

Finis les couples, finies les grandes ambitions ! La mission que vous poursuivez consiste aujourd’hui à faire voter ce texte, à tout prix, et donc dans des conditions parfois rocambolesques – nous en avons des preuves régulièrement –, et pour cela tous les moyens sont bons.

Aux uns, à l’occasion d’une première lecture, on promet qu’ils seront entendus et, à l’Assemblée nationale, on fait le contraire. Aux autres, on parle de clauses de revoyure, dévoyant à jamais ce mot, puisque l’on ne reverra jamais rien !

Le Président de la République, le 20 octobre dernier, avait fait une déclaration que je trouve excellente : « Il y a trente ans, beaucoup d’élus de l’opposition de l’époque ont regretté de ne pas avoir voté les lois historiques de 1982 sur la décentralisation ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je puis vous dire que ce projet de recentralisation qui ne dit pas son nom, ce projet qui détricote, qui complexifie et qui met à mal notre histoire institutionnelle, de nombreux élus ne regretteront pas de ne pas l’avoir voté !

Venons-en au texte lui-même.

Les objectifs affichés étaient la clarification, la simplification et l’économie, comme si la moitié des élus que vous supprimez étaient responsables des dépenses. C’est tout de même un peu gros…

Aujourd’hui, ces objectifs sont dévoyés, perdus de vue, et le constat est amer.

En lieu et place de la clarification, c’est bien plutôt le règne de la confusion, et d’abord de la confusion financière : suppression de la taxe professionnelle, disparition de la clause de revoyure, engagements non tenus. Avant même d’avoir clarifié les compétences des collectivités, vous avez asséché les finances locales en supprimant, par exemple, l’autonomie fiscale des régions. De ce côté-là, le problème est réglé, puisque leur marge de manœuvre sera de l’ordre de 10 %. Et on sait qu’une telle disposition aura un effet en cascade : les départements et les communes suivront !

C’est aussi le règne de la confusion électorale : comme cela a été fort bien dit par Jean-Pierre Sueur, tous les modes de scrutin ont été envisagés, à l’exception de la proportionnelle intégrale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Peut-être la proposerez-vous demain. D’ailleurs, pourquoi pas, car ce mode de scrutin permet, lui, de respecter la parité dans les régions, ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… contrairement à celui que vous prônez. Les élues et les électrices apprécieront !

À la confusion financière et électorale s’ajoute la confusion sur les compétences. Si l’article 35 avait clarifié les compétences en accordant une clause de compétence générale à la commune et en attribuant aux départements et aux régions des compétences propres, nous aurions compris. Las, et je m’en excuse auprès de nos collègues qui, eux, ne l’avaient pas compris, on a découvert que tout le dispositif culturel, tout le sport associatif français seraient mis à mal, car tout est cofinancé en ces matières.

Les élus étant intelligents, ils ont su ajouter des alinéas aux alinéas et des articles aux articles afin de clarifier les compétences. Désormais, les collectivités pourront cofinancer dans les domaines du sport, de la culture et du tourisme – je ne sais pas qui a proposé cette disposition-là –…

Debut de section - Permalien
Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales

C’était prévu dès le début !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… mais, attention, cela vaut uniquement pour les communes de moins de 3 500 habitants !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Celles de plus de 3 500 habitants, quant à elles, ne pourront pas faire appel au financement des départements et des régions.

Je ne sais pas quel technocrate est à l’origine de ce texte, mais, quand on connaît le mode de financement des collectivités locales – encore heureux que celui qui était prévu initialement ait été supprimé –, on se dit que celles-ci auront besoin d’un mode d’emploi pour subventionner tout projet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Résultat ? Cela portera atteinte à l’investissement public, qui est majoritairement porté par nos collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. À l’heure où notre pays est en mal de croissance, le plus simple serait de supprimer l’article 35 et de laisser les choses en l’état.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Pourtant, un consensus aurait pu se dégager, un partenariat aurait pu être tissé, dans l’intérêt des collectivités territoriales. Nous avons d’ailleurs esquissé quelques pistes en matière d’intercommunalité. C’est un sujet sur lequel, je crois, nous avons progressé et qui aurait pu faire l’objet d’un texte de loi.

Quand l’intérêt général est en jeu, les élus locaux répondent toujours présents ! On l’a encore vu lors du plan de relance.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes face à des parlementaires échaudés par les promesses non tenues.

Les enjeux sont graves. Ne pariez pas sur le développement soudain chez les élus locaux d’un syndrome de Stockholm qui leur ferait aimer la main qui frappe régulièrement et qui démantèle, petit à petit, notre système décentralisé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à entendre les différents orateurs, on comprend qu’aucune réforme n’est parfaite, ni définitive, d’ailleurs. Notre débat parlementaire servira donc à améliorer un texte qui est le fruit d’une longue réflexion et qui, sur le plan de la représentation territoriale ou de la cohérence dans la gestion de nos collectivités locales, comporte un certain nombre d’acquis importants.

Je voudrais appeler votre attention sur la Réunion, dont la situation par rapport aux trois autres départements d’outre-mer est particulière.

La Martinique et la Guyane ont choisi de consulter leurs populations. Celles-ci ont refusé d’évoluer vers une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, proposition notamment défendue alors par le président indépendantiste du conseil régional de la Martinique. Le Gouvernement présentera donc bientôt un projet de loi pour ces deux départements dans le cadre de l’article 73 de la Constitution.

La Guadeloupe s’est accordé un temps de réflexion. Nous verrons bien à l’issue quelle est l’évolution souhaitée par la région et le département.

Mais j’en viens à la Réunion.

L’histoire nous donne aujourd’hui raison d’avoir combattu avec ténacité, parfois avec témérité, toute aventure institutionnelle.

Nous sommes résolus à inscrire l’évolution institutionnelle de la Réunion dans le même cadre que celle de la métropole. Nous l’avons exprimé clairement, et une très large majorité de la population nous a suivis. Nous attendons que le Gouvernement prenne en compte notre position.

Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que les institutions ne créent pas le développement. Reste que, quand vous êtes à dans milliers de kilomètres de Paris, le fait d’avoir des institutions stables crée ce climat de confiance sans lequel il n’y aurait pas d’investissement et donc pas de développement économique. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi l’égalité institutionnelle et la stabilité de nos institutions dans le cadre national.

Je voudrais d’ailleurs à ce titre rendre hommage à la Haute Assemblée. C’est en effet ici, en 1982, sous la présidence d’Alain Poher, que de nombreux sénateurs, dont mon frère, Louis Virapoullé, ont saisi le Conseil constitutionnel pour dénoncer l’aventure autonomiste. Ce recours a connu le succès que vous savez, puisque le projet de loi a été intégralement censuré.

C’est ici, monsieur le président Poncelet, que vous avez soutenu notre combat contre ce projet aberrant de bidépartementalisation qui aurait ruiné les collectivités locales réunionnaises.

C’est ici, en 2003, que, grâce au soutien du Président de la République, j’ai fait inscrire dans la Constitution le souhait du département et de la région de la Réunion de bénéficier de l’égalité institutionnelle.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de clarifier un point à l’origine des doutes exprimés à l’Assemblée nationale. J’ai appris que certains députés avaient soutenu, c’est leur droit, que la création d’une assemblée unique destinée à se substituer, dans les régions monodépartementales, aux conseils régionaux et généraux, imposait de consulter la population. Ils se fondaient sur le septième alinéa de l’article 73 de la constitution.

C’est faux !

Nous ne sommes pas en présence de la création d’une assemblée unique, à même de remplacer le conseil général et le conseil régional. Il ne s’agit pas plus d’un regroupement des deux assemblées, puisque l’une et l’autre demeurent séparément.

En revanche, nous sommes en présence de la création d’un conseiller territorial unique, qui siégera alternativement à la région et au département.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Dans ce cas, le septième alinéa de l’article 73 de la Constitution ne s’applique pas.

Donc, monsieur le président de la commission des lois, la réforme que votera le Parlement concernera le département et la région de la Réunion dans leur intégralité. En effet, toutes les conditions sont réunies. Pourriez-vous le préciser à l’intention de ceux qui, à l’Assemblée nationale, soutiennent le contraire ?

Encore une fois, à la lecture du septième alinéa de l’article 73, chacun peut constater que nous ne sommes pas dans le cas prévu par la Constitution et que la situation est tout à fait différente.

Par ailleurs, je tiens à le souligner, le texte est en pleine évolution. Hier, lors de son examen par la commission des lois, nous avons adopté plusieurs amendements dont l’un proposé par le rapporteur. Ce dernier vise le maintien du nombre initial de cantons pour les régions monodépartementales comme la Réunion et la Guadeloupe. Ainsi, à la Réunion, les 49 cantons sont préservés. Cela nous satisfait également. Si cet amendement est présenté par notre collègue, comme cela sera certainement le cas, nous souhaitons que le Gouvernement l’appuie.

Cela étant dit, monsieur le ministre de l’intérieur, vous qui avez aussi compétence sur les départements d’outre-mer, je souhaite vous signifier notre rejet de l’immobilisme : monsieur le ministre, nous sommes des partisans du mouvement. Lorsque vous êtes au milieu de l’océan Indien, à proximité de Madagascar, de l’Afrique, des Comores et du canal du Mozambique et de toute la misère qui y règne – la situation est comparable dans les Caraïbes – vous êtes obligé de rechercher l’innovation !

Avec Mme Penchard, vous avez donc la responsabilité de l’outre-mer. Je profite de votre présence pour évoquer deux chantiers qui, au-delà de la réforme institutionnelle, me semblent importants.

Premièrement, l’article 48 de la Constitution nous confère le droit de présenter chaque année, si nous le souhaitons, dans le cadre de notre groupe parlementaire, une proposition de loi. Je souhaite institutionnaliser cette pratique.

Voyez-vous, lorsque nous votons les lois ici, il est difficile de les adapter d’emblée aux réalités de l’outre-mer. Or, à l’occasion de leur application, remontent vers nous des constats d’inadaptation de ces lois, du fait du contexte géopolitique ultra-marin. Certains petits ajustements sont parfois nécessaires afin de débloquer les situations.

Pour cette raison, je souhaiterais que, sur le plan national, nous prenions l’habitude, en coordination avec vous, monsieur le ministre, de présenter une loi que je qualifierais de « recadrage » sur les points qui freinent le développement économique.

Je sollicite votre appui en tant que ministre de l’intérieur, également chargé de l’outre-mer. En effet, l’avenir de l’outre-mer passe par une nouvelle phase de développement et l’augmentation des exportations.

Deuxièmement, à la suite du comité interministériel de l’outre-mer, le Gouvernement a installé à Bruxelles un correspondant auprès de la représentation nationale. Nous aimerions travailler avec lui sur une directive-cadre déclinant les adaptations issues du traité de Lisbonne concernant les régions ultrapériphériques, les RUP.

En effet, monsieur le ministre, la situation dans laquelle nous nous trouvons est préoccupante. Nous appliquons aujourd’hui les accords de partenariats économiques qui mettent en péril notre économie. Si Bruxelles ne décide pas une fois pour toutes des adaptations avec lesquelles nous pouvons agir pour sauver des pans entiers de notre économie, lorsque nous nous réveillerons, nous serons morts !

Voilà les deux évolutions que j’appelle de mes vœux, outre cette réforme des collectivités locales que, bien évidemment, je voterai.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi aujourd’hui soumis à notre examen, dont nous parlons depuis le début de notre mandature, devait être un texte d’avenir. En fin de compte, c’est un texte d’opportunité, et un rendez-vous manqué. Comment peut-on le défendre aujourd’hui ?

Au départ, comme l’a rappelé François Rebsamen, il comportait trois principes fondateurs, obéissait à une logique, répondait à une nécessité et comportait un objectif.

Pour ce qui est d’abord de la logique, il s’agissait de simplifier cet empilement de textes différents qui ont, certes, prouvé leur efficacité, mais qui devaient être clarifiés.

Pour ce qui est maintenant de la nécessité, il s’agissait d’accroître les économies, bien vendues à l’opinion publique dans le contexte de crise et de raréfaction des crédits publics que nous connaissons.

Pour ce qui est enfin de l’objectif, il fallait rapprocher les élus et les collectivités des citoyens, qui tous ne perçoivent pas clairement les différences entre les différents échelons.

En un mot, il fallait rendre plus efficace l’organisation territoriale.

Or plusieurs questions méritent d’être posées.

Le texte apporte-t-il des clarifications ? On constate que, pour des raisons impérieuses, petit à petit, les compétences imbriquées sont maintenues, pour la culture, pour le sport, pour le tourisme et la santé. Ainsi donc, toutes et tous l’ont dit, les financements croisés demeureront et, finalement, il n’y aura ni clarification ni simplification.

Y aura-t-il pour autant des économies ? On a cité bien des régions, mais permettez-moi de parler de celle que je connais le mieux. Il s’agit de passer de 57 conseillers régionaux à 135 conseillers territoriaux pour la Bourgogne, avec de surcroît un nombre différent de conseillers territoriaux selon les départements, sans que rien ne justifie cette disparité sinon une inégalité politique très crue que nous constatons chaque jour. Il n’y aura pas non plus, en la matière, d’économies.

Qu’en est-il du fameux couple département-région ? Je crois, monsieur le ministre, vous avoir déjà dit comment améliorer son fonctionnement. La Bourgogne, région que je préside certes momentanément, comporte quatre départements de couleur politique différente : les quatre présidents siégeront au sein de la même assemblée, sous l’autorité d’un président d’une sensibilité politique encore différente. Où sera la cohésion ? Où sera la cohérence de l’action qu’ils doivent mener tant sur leur territoire départemental que sur le territoire régional ? Personne, jusqu’à aujourd’hui, n’a pu me le dire.

Mais on voit bien poindre, sous couvert de cohérence entre les départements et les régions, une forme de cynisme, monsieur le ministre.

Depuis deux ans, vous nous demandez d’en faire toujours plus, de participer au plan de relance, au plan Campus, aux pôles de compétitivité, au financement d’autoroutes, de TGV et, dans le même temps, vous vilipendez chaque jour les collectivités, accusées de trop dépenser et de sortir de leurs compétences !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je prépare, comme d’autres parmi vous, mes chers collègues, le budget 2011. Le montant des dotations de l’État, force est de le constater, a à peine progressé. Cela s’explique à la fois par les bases de calcul, plutôt faibles, et par le poids du passé, en particulier pour la région Bourgogne. Or, si les montants n’évoluent pas, la perte de recettes des collectivités ne sera jamais compensée. En effet, au-delà de la réforme assassine de la taxe professionnelle

Protestations sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Mais il nous faudra tout de même faire face à nos engagements, ceux d’hier sur l’innovation, sur le plan Campus, ceux de demain sur les services à la personne, sur l’accompagnement du grand emprunt, et tout cela avec des ressources qui seront totalement bridées.

Dans le même ordre d’idées, il me faut citer à mon tour l’absence de la clause de revoyure. Permettez-moi de prendre un exemple. La réforme de la taxe professionnelle va faire évoluer les ressources de la région d’Île-de-France, qui passeront de 600 millions d’euros à 1, 2 milliard d’euros. Cela dit, j’en suis bien convaincu, l’Île-de-France ne percevra jamais les 600 millions supplémentaires. En revanche, pour la région Midi-Pyrénées, la réforme entraînera une baisse des recettes de 120 millions d’euros.

Or le calcul des dotations futures sera bien fondé sur ces nouveaux montants. Dès lors, l’absence de clause de revoyure renforcera encore les disparités entre les régions disposant de ressources - notez que je ne parle pas de régions riches -, et celles qui n’en ont pas parce qu’elles perdent des habitants, que la démographie ne suit pas et que les sièges des entreprises sont installés ailleurs.

Vous voyez bien que, là encore, ces régions seront dans une situation difficile et ne pourront assumer, demain, leurs responsabilités.

Concernant le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux, beaucoup se sont déjà exprimés pour constater qu’il ne respecte ni la parité, ni la diversité.

Pour ce qui est de la parité, je vous invite à regarder les résultats des dernières élections régionales. Vous verrez que, au sein des exécutifs régionaux, la parité homme-femme est scrupuleusement respectée.

Pour ce qui est de la diversité, dans la région que j’ai prise en exemple, 20 % des élus sont issus de la diversité, et ce dans l’intérêt bien compris des territoires, et l’implication devrait être à l’avenir bien supérieure encore.

Mais tout cela va disparaître, du fait d’une réforme qui, je le dis devant un conseiller régional de Bourgogne, semble inaboutie.

Réforme inaboutie, oui, car l’objectif initial était de supprimer un échelon de collectivité. Mais, devant l’impossibilité de choisir entre le département et la région, on a reculé et décidé de créer des conseillers territoriaux qui siégeront dans les assemblées des deux échelons territoriaux, espérant qu’à terme le fait qu’ils fassent le même métier conduira à la suppression de l’un des deux.

Cette logique ne pourra pas prévaloir parce que, dans le même temps, la confusion des genres, la confusion des métiers, la confusion des objectifs, la confusion des compétences, loin d’amener à la simplification souhaitée, constituera une intrication supplémentaire, avec, à la clé, une perte d’efficacité territoriale.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est sûrement pas le moment de mener cette réforme, alors que la récession et la rigueur sont de mise - même si vous ne voulez pas l’avouer aujourd’hui – alors que seules les collectivités territoriales investissent encore dans les territoires, développent des projets, apportent des marchés aux entreprises. Confrontées à des difficultés financières réelles, contraintes à de véritables calculs d’apothicaires, notamment pour assurer leur marge brute face à des frais de fonctionnement qui augmentent mécaniquement, les collectivités territoriales investiront forcément moins.

Nos territoires sont donc menacés par le risque, signalé par tous, d’une récession venant s’ajouter à la récession, et donc d’une paupérisation venant accroître la paupérisation. Pour cette raison, nous ne pouvons pas aujourd’hui souscrire aux objectifs inavoués de ce texte, qui peut se résumer, en fin de compte, en un principe : des conseillers territoriaux, oui, mais pour plus de conseillers de droite et moins de collectivités de gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

M. François Patriat. Tel est votre objectif, mais il n’est pas tenable au regard de l’intérêt national. C’est pourquoi nous ne pouvons voter ce texte.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je consacrerai les quelques minutes qui me sont imparties à l’une des innovations proposées par ce projet de loi qui va permettre, en lieu et place de nos anciennes communautés urbaines, dans les agglomérations de plus de 450 000 habitants, de créer une nouvelle catégorie d’EPCI : les métropoles.

Le texte nous propose également d’instaurer des pôles métropolitains, structures souples qui seraient, si j’en comprends bien l’esprit, un réseau de communautés d’agglomération dont les acteurs ne souhaiteraient pas ou ne pourraient pas, pour des raisons qui m’échappent un peu, je l’avoue, opter pour le statut de métropole.

Métropole et pôle métropolitain, voilà deux concepts intéressants pour peu qu’on les applique aux territoires appropriés, pour peu également que nous allions au bout de la logique qui nous pousse à imaginer un autre modèle d’organisation de nos plus grosses agglomérations.

Adéquation du périmètre, des compétences et du budget, voilà bien la règle d’or de toute organisation territoriale efficace. C’est donc sous cet angle qu’il convient d’examiner celle qui est aujourd’hui soumise à notre examen.

Malheureusement, si la voie tracée par ces nouveaux dispositifs est prometteuse, puisqu’il s’agit de mieux prendre en compte le fait métropolitain qui s’impose partout dans le monde comme une évidence, je ne peux que regretter le manque d’audace dont le texte fait preuve.

Une fois de plus, sur ce point certes délicat, nous nous apprêtons à ne pas trancher entre les vieux modèles, dont chacun mesure pourtant les limites, et les nouveaux, que nous portons sur les fonts baptismaux.

Alors que la simplification et la rationalisation sont les buts recherchés, pour une meilleure compréhension des institutions par nos concitoyens et pour une plus grande efficacité de nos politiques publiques, nous allons nous engager sur la voie de la non-décision et donc de la complexification, sans garantie aucune en termes de résultats.

Pourtant, paraphrasant le titre choisi par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur pour son rapport remis au Gouvernement sur l’organisation de nos collectivités territoriales, « il est temps de décider » !

Au lieu de cela, ce texte nous propose une nouvelle fois de nous en remettre à la sagesse légendaire des élus locaux, cette même sagesse qui a fait de la loi Marcellin de 1971 sur la fusion des communes un vœu pieu, sagesse qui a également eu pour effet que la première loi sur l’intercommunalité reste pratiquement lettre morte, sagesse enfin qui a fini, à partir de 1999, par lancer l’intercommunalité, uniquement, ayons le courage de le reconnaître, parce qu’il y avait à la clé, pour les communes, un sympathique effet d’aubaine…

Chacun connaît pourtant les conséquences de ce laisser-faire : des périmètres intercommunaux trop souvent incohérents, alors même que la loi donnait aux préfets la possibilité de l’empêcher ; une dépense publique en hausse significative, alors même que la recherche d’économies d’échelle, objectif affiché, aurait dû nous permettre de faire mieux et plus avec les mêmes enveloppes budgétaires.

Il s’agit bien évidemment, mes chers collègues, non de méconnaître ce que l’intercommunalité a apporté de positif, mais bien de pointer les dysfonctionnements de cette trop lente évolution afin de ne pas répéter les mêmes erreurs, car, chacun le sait bien, ce que nous avons pu nous permettre en une période où les dotations aux collectivités locales progressaient globalement plus vite que l’inflation, nous ne le pouvons plus à l’heure du « zéro valeur ».

Nous n’avons plus d’autre choix aujourd’hui que de nous donner les moyens institutionnels de l’efficacité de la dépense publique ; or, concernant les métropoles, le texte qui nous est proposé ne me semble pas aller suffisamment loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Quelques points particuliers nourrissent cette appréciation critique.

Il s’agit, tout d’abord, du caractère optionnel de ce nouveau dispositif, doublé de l’unanimité requise des collectivités qui composeront la future métropole.

Sur ce point, chacun le comprend bien, le risque est d’abord qu’il ne se passe rien, la loi n’imposant rien. Ce serait donc un nouveau coup d’épée dans l’eau !

Le second risque lié à ce refus d’imposer quoi que ce soit, pire encore à mon sens, serait de créer des métropoles sur des périmètres qui ne seraient pas pertinents, revenant ainsi aux erreurs des débuts de l’intercommunalité, comme si nous n’avions rien appris du passé.

Pourtant, après quarante années du régime des communautés urbaines, le périmètre pertinent de chacune de nos métropoles régionales est aujourd’hui clairement cerné. Les communautés urbaines devraient donc logiquement pouvoir se transformer en métropoles sur leur périmètre intégral, selon une logique de majorité qualifiée. Mais nous n’osons pas aller jusque-là !

Enfin, autre lacune, le statut des métropoles proposé par ce texte est à mon sens trop peu intégrateur, pour ce qui est tant de la fiscalité que des dotations ; pire que cela, le texte, modifié par nos collègues députés, contient une disposition qui s’apparente clairement à un nouvel effet d’aubaine que nous ne pouvons laisser passer et que la commission des finances propose d’ailleurs, à juste titre, de supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Voilà, mes chers collègues, les raisons qui me font regretter que nous soyons si peu audacieux, si peu réformateurs, et ce à un moment de notre histoire où nous devrions prendre nos responsabilités et imposer par la loi ce qui ne s’imposera pas de soi, sauf à considérer que nous avons tout notre temps, quinze à vingt ans peut-être, sur la seule base du volontariat.

Or, nous le savons bien, il y a urgence ; le temps et l’argent sont bien les deux éléments qui nous font aujourd’hui le plus défaut. Pourtant, nous n’osons pas…

Mais il est un autre risque que pourrait receler ce texte, dans les dispositions relatives au pôle métropolitain.

En effet, si, en première lecture, M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales a clairement précisé, en réponse à l’une de mes questions, que le statut de métropole ne serait pas applicable à la métropole parisienne, dont la particularité nécessitera un statut sui generis – ce fut l’esprit de sa réponse –, j’aimerais également obtenir la certitude que le statut de pôle métropolitain ne sera pas non plus applicable en Île-de-France, et ce pour la même raison.

Cette précision me semble en effet nécessaire, après le soudain et très récent engouement suscité par l’intercommunalité en première couronne parisienne, alors que, jusque-là, les élus n’y avaient guère été sensibles.

Il convient de s’interroger sur les raisons de ce revirement : l’effet d’aubaine n’ayant pas été le facteur déclenchant, il se pourrait que, pour certains élus locaux, le rejet de l’idée même d’une métropole parisienne, outil de gouvernance politique, ait été un puissant levier dans la prise de décision en faveur d’intercommunalités au petit pied, de 300 000 à 400 000 habitants, dans une métropole qui en compte 6 millions à 7 millions ; en quelque sorte des intercommunalités défensives.

Il ne faudrait donc pas que, au travers de ce dispositif des pôles métropolitains, il vienne à l’idée de certains que cela ferait, en région parisienne, une métropole politique d’autant plus acceptable qu’elle serait à coup sûr une coquille vide, poussant au passage jusqu’à l’absurde l’empilement des couches, puisque nous aurions alors cinq niveaux de gouvernance locale : communes, communautés d’agglomération, départements, pôle métropolitain et région, ce qui constituerait un record ridicule et serait la négation même de la métropole.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, afin de ne pas courir ce risque, je proposerai donc à notre Haute Assemblée de préciser les choses en inscrivant dans le texte que le dispositif du pôle métropolitain tout comme celui de la métropole ne peuvent s’appliquer, en l’état, au cas de la région d’Île-de-France.

Le secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale, Christian Blanc, nous a souvent répété que le débat sur la gouvernance politique viendrait en son temps, après l’adoption du texte mettant sur les rails son projet de Société du Grand Paris, et son métro automatique, censés d’abord faire rêver les élus, les Franciliens et les Français, avant de s’attaquer au sujet qui fâche.

Le texte en question a été adopté, mais voilà que Christian Blanc déclare maintenant que son ministère est biodégradable !

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

sans qu’ait été ouvert le délicat dossier de la gouvernance.

Je ne peux donc que vous inciter, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, à vous saisir ardemment de ce dossier. En effet, alors que nous allons boucler cette réforme des collectivités territoriales qui contient de nouvelles dispositions, certes facultatives, sur l’organisation institutionnelle de nos métropoles, l’absence de toute disposition relative à l’Île-de-France devient de plus en plus inexplicable, et pour tout dire insupportable à toutes celles et ceux qui croient que seule une véritable métropole politique du Grand Paris permettra d’en assurer la cohésion urbaine et sociale, condition sine qua non du maintien de son statut de ville-monde.

Nulle part ailleurs que dans la métropole parisienne les déséquilibres territoriaux ne sont aussi importants ; nulle part ailleurs le besoin de vision partagée et de péréquation financière ne sont aussi forts. Pourtant, nous repoussons sans cesse le moment d’ouvrir le débat.

Je sais bien, comme le disait d’Aguesseau, sous les auspices duquel nous débattons, que « l’esprit le plus pénétrant a besoin du secours du temps pour s’assurer, par ses secondes pensées, de la justice des premières », mais je préfère, pour conclure, citer le philosophe Alain : « Les temps sont courts à celui qui pense, et interminables à celui qui désire ».

Il ne tient qu’à vous, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, et à nous, mes chers collègues, de réconcilier d’Aguesseau et Alain : il est temps de décider de l’organisation de la métropole parisienne !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, le texte que vous nous présentez aujourd'hui, vous le savez, ne rencontre un écho favorable ni auprès des élus locaux ni sur les travées de notre hémicycle. J’ai entendu les propos des uns et des autres depuis le début de cet après-midi et je m’aperçois que les soutiens se font très rares…

C’est peut-être d’ailleurs Jean-Claude Gaudin qui exprimait le mieux, hier, dans un entretien accordé au quotidien Le Monde, le sentiment de la majorité : « C’est un texte que nous allons voter par discipline, mais qui ne donne satisfaction à personne ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Comme encouragement avant d’engager un débat, on fait tout de même mieux !

Quand je dis que le texte présenté ce soir suscite toutes les réticences et toutes les oppositions, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, je devrais préciser que celles-ci ciblent une partie du texte, celle qui concerne la création du conseiller territorial.

Pour le reste, en effet, grâce à l’engagement des associations d’élus, grâce aussi – je veux le souligner – à la compréhension du rapporteur et du président de la commission des lois, la partie qui a trait aux rapports entre communes, métropoles et pôles métropolitains me semble aujourd'hui équilibrée.

Nous ne sommes plus dans une conception où la métropole nouvelle concentrait toutes les compétences, toutes les recettes, sans pour autant avoir la légitimité d’un vrai suffrage universel. Si le texte issu des travaux de la commission des lois n’est pas, dans les jours prochains, bouleversé en séance, s’il n’est pas remanié par l’Assemblée nationale ou lors de la commission mixte paritaire, il permettra à un certain nombre de grandes agglomérations d’avoir des compétences intégrées qui leur permettront d’agir tout en respectant l’autonomie des communes.

Quant au pôle métropolitain, si le Gouvernement n’en entrave pas demain la constitution et le fonctionnement, il me semble à même de créer une vraie dynamique, susceptible de s’adapter à toutes les réalités, celles des grandes agglomérations comme celles des plus petites. Ce sera sans doute, à l’avenir, l’un des éléments les plus porteurs.

Non, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, je crois que le problème n’est pas là. Il est, vous le savez, dans la création de cet « élu génétiquement modifié » que sera demain le conseiller territorial.

Personne n’a vraiment compris la finalité de sa création.

S’agit-il de diviser par deux le nombre d’élus pour réduire le volume des indemnités ? Mais les conseillers territoriaux, mi-conseillers généraux, mi-conseillers régionaux, devront demain exercer leur fonction à plein temps, et donc se posera la question de leur indemnité. Où seront alors les économies ?

S’agit-il d’aller doucement vers la suppression des départements, comme on l’entend ici ou là ? Je m’interroge bien plutôt sur les marges d’action, demain, d’un président de région qui, comme le soulignait notre collègue François Patriat, comptera dans son assemblée cinq ou six présidents de département bien décidés à défendre leur propre territoire. Eh bien, je salue le courage de ceux qui présideront ces nouvelles assemblées !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

S’agit-il de clarifier les compétences entre départements et régions ? Elles me semblent aujourd'hui assez claires : au département, les politiques de proximité, les politiques sociales ; à la région, les grandes politiques transversales dans le domaine économique, dans le domaine des transports, des politiques qui commencent aujourd'hui à unifier nos régions autour d’un projet commun.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, j’ai peur qu’au total cette réforme n’aboutisse à un très grand gâchis.

Alors, la question se pose : quel est le but véritable de cette réforme ? Il me paraît, hélas, bien prosaïque.

Je n’ai jamais pensé que le Président de la République, auquel j’accorde par ailleurs, sur tel ou tel aspect, un grand crédit, soit un très grand décentralisateur. Il me semble que les collectivités locales ne sont pas son premier souci.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Alors, pourquoi tant d’ardeur sur ce projet de loi ? Tout simplement parce que, dans les conseils généraux et régionaux, aujourd'hui, les majorités ne sont pas exactement celles qui sont souhaitées. Donc, évidemment, plutôt que de gagner sur le terrain, mieux vaut redécouper la carte électorale !

Mes chers collègues, nous le savons tous – vous l’avez dit vous-même, monsieur Mercier, pour le département du Rhône – le redécoupage est d’ores et déjà à l’œuvre. La majorité espère ainsi gagner et les conseils généraux et les conseils régionaux.

On nous répond que tous les gouvernements ont fait des redécoupages de cantons dans le passé. Oui, mais, mes chers collègues, c’était à la marge ; on créait quelques cantons supplémentaires.

Cette fois, c’est l’ensemble de la carte électorale qui est redécoupée. Un certain nombre de nos collègues – ils appartiennent plutôt à la majorité – arguent qu’ils travaillent déjà avec les préfets. Mais quelqu’un a-t-il été convié, sur les travées de l’opposition, à examiner le redécoupage des cantons envisagé ? Non !

La preuve est faite que là est le véritable but de ce projet de loi. Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, je connais bien votre conseiller, M. Fabre-Aubrespy, car il a déjà procédé au redécoupage de ma circonscription, voilà vingt ans. Aujourd’hui, il est à l’œuvre sur les cantons.

Avec cette réforme au but si prosaïque, vous passez aujourd'hui à côté d’une grande nécessité. Le mouvement du monde fait que, partout, apparaissent de grandes collectivités, de grandes métropoles, sur lesquelles les États peuvent s’appuyer afin de permettre à leur pays d’aller de l’avant.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement ne se rend pas compte aujourd'hui des efforts des collectivités. Il ne mesure pas combien elles contribuent à la richesse de notre pays. J’ai peur, si vous continuez de la sorte, que notre pays ne continue de s’enliser.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l’Union centriste.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme en première lecture, je centrerai mon intervention sur le volet intercommunal du projet de loi.

D’ores et déjà, nous pouvons nous féliciter que la première lecture de ce texte par les deux assemblées ait permis de concrétiser une volonté partagée de donner une nouvelle ambition à l’intercommunalité, après les grandes étapes législatives de 1992, de 1999 et de 2004. Il me semble que nous sommes parvenus à préserver les grands équilibres fondateurs de l’intercommunalité, tout en l’inscrivant dans une nouvelle dimension.

Ainsi, un large consensus s’est dégagé en faveur de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité avant la fin de ce mandat, mais aussi en faveur de son ancrage démocratique dans la vie locale et de la mutualisation des compétences et des moyens.

Fidèles à l’esprit du mouvement intercommunal, nous avons souhaité privilégier l’accord local par rapport à la règle uniforme, notamment en ce qui concerne la répartition des sièges entre les communes au sein des conseils communautaires. L’intercommunalité doit en effet demeurer « coopérative » et il est fondamental que les élus municipaux en restent les chevilles ouvrières. Cela a été dès le départ la clef de voûte de l’intercommunalité et cela doit le rester.

L’intercommunalité est aujourd’hui bien davantage qu’un simple outil. Elle est devenue, si vous me permettez cette référence au fondateur de la Ve République, « une ardente obligation ».

L’intercommunalité à fiscalité propre doit aujourd’hui être en mesure de porter de véritables projets de territoire. Pour cela, il faut renforcer les solidarités financières locales et assurer la mise en cohérence des politiques publiques locales.

Les stratégies intercommunales de développement local permettent de remplacer la concurrence stérile et contre-productive entre communes voisines par une dynamique d’action sur un territoire commun.

Le succès quantitatif de l’intercommunalité – 95 % des communes sont déjà concernées – doit désormais, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, être complété par un succès qualitatif, c’est-à-dire par l’existence de communautés dotées de périmètres pertinents, ce qui est, hélas, encore trop rare.

Il faut aujourd’hui penser l’intercommunalité en ayant une vision globale de sa mission et lui donner les moyens de son efficacité locale.

À cet égard, je me réjouis du volontarisme que traduit ce projet de loi et je souscris aux grandes orientations de ce texte. En période de crise, nous devons tendre vers l’optimisation de la gestion des deniers publics et, en ce sens, l’intercommunalité doit nous permettre demain de faire mieux avec moins.

L’excellent rapport consacré à la mutualisation des moyens, rédigé au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation par nos collègues Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido, nous incite à avancer en ce sens.

De la même façon, le rapport Carrez-Thenault, préparé en concertation avec les associations d’élus, confirme la nécessité d’une intercommunalité forte, garante de la péréquation au sein de nos territoires et de la maîtrise de l’évolution des dépenses du secteur communal. En effet, on s’aperçoit – enfin ! - que, loin d’être inflationniste, l’intercommunalité est source de rationalisation des dépenses et donc d’économies.

Parmi les points qui ont été améliorés figure, je l’ai mentionné, la répartition des sièges entre communes. Les options nouvelles ouvertes aux communes et aux communautés pour renforcer leur solidarité financière et mutualiser leurs moyens ont également été enrichies. Par ailleurs, les modalités d’achèvement de la carte intercommunale, la portée des schémas départementaux, le renforcement du rôle des CDCI, les commissions départementales de la coopération intercommunale, le renouvellement de leur composition, l’encadrement des pouvoirs du préfet sont autant de motifs de satisfaction.

J’en viens maintenant aux améliorations que l’on peut, à mes yeux, encore apporter à ce texte en seconde lecture.

Je commencerai par évoquer les métropoles.

Comme l’immense majorité de mes collègues, sauf ceux qui y trouveront localement une opportunité, je déplore qu’aucune avancée sérieuse n’ait été proposée concernant ce nouveau statut. En l’état, les métropoles sont ainsi des sœurs siamoises des communautés urbaines. Il aurait été plus simple d’offrir de nouvelles possibilités aux grandes communautés urbaines. Le résultat aurait été le même, mais, il est vrai, sans le mot emblématique de « métropole ».

Sur l’initiative de Dominique Perben, l’Assemblée nationale s’est efforcée de redonner du contenu au statut de métropole. Je ne vois d’ailleurs pas – je le dis à M. le président de la commission des lois et à M. le rapporteur – de quel droit ceux qui craignent de franchir ce pas empêcheraient ceux qui souhaitent avancer de le faire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

… puisque le choix de ce statut reste volontaire.

J’évoquerai maintenant la date d’achèvement de la carte de l’intercommunalité.

Je persiste à penser, comme mes collègues de l’ADCF, l’Assemblée des communautés de France, mais également ceux de l’AMF, l’Association des maires de France, qu’elle doit être avancée à la fin de l’année 2012.

L’Assemblée nationale a certes avancé de six mois l’échéance initialement prévue, qui est désormais fixé au 1er juillet 2013, coupant ainsi la poire en deux. Mais c’est oublier, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, l’extrême complexité de la situation à laquelle les élus locaux vont être confrontés lorsqu’ils devront procéder à l’intégration de nouvelles communes en milieu d’année.

Je vous soumettrai donc un amendement tendant à avancer cette date d’un semestre, comme M. le rapporteur s’y était d’ailleurs engagé en première lecture si ce projet de loi était voté avant la fin de l’année 2010. Je ne doute pas, naturellement, qu’il tiendra son engagement en soutenant ma proposition.

Il est un autre point sur lequel je souhaite que le dispositif soit amélioré : les conditions d’exercice des pouvoirs de police spéciale par le président de la communauté.

Je ne remets nullement en cause la volonté de la Haute Assemblée de permettre à tout maire de refuser le transfert de ce pouvoir de police. Je me contenterai d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur les incohérences et les graves difficultés qui pourraient résulter de cette disposition. Ainsi, dans certains cas, sans qu’il ait son mot à dire, le président de la communauté serait tenu d’exercer le pouvoir de police sur une partie seulement de son territoire. Il me semblerait judicieux qu’il puisse renoncer à l’exercice de ce pouvoir de police, en fonction de choix éventuellement différents faits par les maires de sa communauté. Exercer un pouvoir de police sur une partie du territoire me paraît bien compliqué, voire impossible.

J’exprimerai maintenant un regret, celui que l’Assemblée nationale ait manqué d’audace sur les processus de décision intercommunaux.

Le texte du Gouvernement prévoyait des simplifications utiles. Ainsi, le conseil communautaire des communautés de communes devait se voir confier la charge de préciser l’intérêt communautaire, comme pour les communautés d’agglomération, au sein desquelles cela se passe très bien. L’extension de cette disposition aux communautés de communes était une bonne idée. Une telle disposition permettait de renforcer l’esprit communautaire, de raccourcir les circuits de décision et de gagner en efficacité.

Nous ne rendrions pas service, me semble-t-il, aux intercommunalités rurales en ralentissant les processus de prise de décision, en particulier lorsque celles-ci élargiront leur périmètre.

L’amendement de suppression ayant été adopté conforme par nos deux assemblées, il nous est désormais impossible de proposer le retour au texte initial. Il nous reste toutefois la possibilité, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, d’autoriser les communes qui souhaitent avancer plus vite à prévoir dans les statuts de leur communauté que l’intérêt communautaire sera défini par le conseil. Chacun pourra ainsi avancer à son rythme. Ceux qui veulent avancer lentement ne ralentiront pas ceux qui veulent aller plus vite.

Enfin, permettez-moi, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, de faire une ultime remarque : il convient d’expliquer cette réforme à nos concitoyens.

S’ils approuvent le principe de l’intercommunalité, son mode de fonctionnement leur est peu connu, tout le monde en convient. Le nouveau mode de désignation des délégués communautaires qui sera instauré dès les élections municipales de 2014 constituera sans nul doute un progrès dans leur connaissance des réalités intercommunales.

Cependant, des efforts de pédagogie restent indispensables pour créer une relation plus étroite entre l’intercommunalité et nos concitoyens, notamment en tant que contribuables. Il nous faut aujourd’hui construire une citoyenneté intercommunale, tout en respectant l’ancrage municipal des élus communautaires.

Donnons-nous dès à présent les moyens de relever ce défi, mes chers collègues, en adoptant les modifications qui sont préconisées par les praticiens d’une intercommunalité souple, cohérente et efficace. Nous agirons ainsi en faveur du développement de nos territoires, mais aussi d’une gestion rationnelle des deniers publics, deux résultats que nos mandants élus locaux et nos concitoyens sont en droit d’attendre de cette réforme et du législateur !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

… des territoires qui souffrent de la crise économique, s’inquiètent de perdre des services publics, mais qui portent pourtant une partie de l’avenir de notre pays.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, à d’autres mesures déstructurantes, aux pertes d’emplois, à la précarité qui meurtrit, n’ajoutez pas un projet institutionnel qui affaiblira la proximité, réduira les partenariats entre les niveaux de collectivités, détruira des réseaux, fera régresser la démocratie territoriale.

Par la qualité de vie qu’ils offrent, les communes et les bourgs ruraux seront un atout pour une France moderne s’ils sont dotés de voies de communication et de réseaux, mais aussi s’ils sont animés d’une vie sociale, citoyenne et démocratique. Ne leur portez pas le coup de grâce en déstabilisant leur organisation territoriale et en supprimant le contact humain.

La force de la ruralité tient aujourd’hui à son formidable et irremplaçable réseau de maires et de conseillers municipaux, ces élus locaux qui ne coûtent rien, ou quasiment rien, et qui réinvestissent souvent leurs modestes indemnités dans l’action sociale.

Ce sont des femmes et des hommes dévoués, qui ne comptent jamais leur temps, qui remettent en état de fonctionnement le château d’eau ou les cloches de l’église, qui sont porteurs à la fois de l’identité et de l’histoire de leur commune, mais aussi de projets de regroupements scolaires, de modernisation de réseaux, des femmes et des hommes qui préparent l’avenir, assurant en même temps le premier niveau de vie démocratique et la base du lien social.

En instaurant la commune nouvelle, vous ne pouvez nier vouloir, à l’instar de pays voisins, inscrire l’effacement du niveau communal dans un proche avenir.

Pourquoi vouloir détruire ce qui demeure sans conteste une spécificité française ? Cette originalité est non pas une faiblesse, mais bien une richesse humaine, une force d’initiative, un ciment pour notre société.

Cette révolution de nos campagnes, sur laquelle vous avancez masqués, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, aurait pu être l’occasion d’approfondir les relations entre la commune et la communauté de communes ou la communauté d’agglomération. Elle aurait pu être l’occasion d’une avancée démocratique là où, pour le coup, toute visibilité citoyenne est absente. Elle aurait pu être l’occasion de clarifier l’exercice des compétences, car là est bien la faiblesse de notre système actuel.

Aujourd’hui, la seule légitimité démocratique provient du scrutin communal. Les conseillers municipaux qui ne siègent pas dans les conseils communautaires ne comprennent pas le fonctionnement des établissements intercommunaux.

Le fléchage que vous proposez de mettre en place n’apporte pas une réponse satisfaisante au problème central de l’intercommunalité. Sur ce point, qui touche à la vie quotidienne, à la démocratie la plus proche et la plus appréciée des citoyens, vous avez manqué d’audace et d’imagination messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, peut-être parce que vous n’êtes pas porteurs de l’idée et du concept de décentralisation.

Vous avez manqué l’occasion de rapprocher dans notre pays le fonctionnement du bloc local et les exigences de base de la démocratie.

Enfin, avec le conseiller territorial – j’avais parlé à son propos d’EGM, pour « élu génétiquement modifié » –, ce sont des sommets d’hypocrisie et d’absurdité qui sont atteints ! Cette nouvelle institution devait, disait-on, coûter moins cher ; aujourd'hui, plus personne n’ose avancer un tel argument…

En revanche, les départements seront affaiblis avant effacement ; c’est bien l’objectif recherché. La nature des régions sera profondément modifiée, avec des gouvernances souvent impossibles.

Certes, le redécoupage des cantons – on se demande bien dans quelle marmite vous allez nous mitonner le vôtre – et l’élection de l’assemblée départementale pour une durée de six ans sont des demandes anciennes. Mais quels dégâts !

Comment peut-on à ce point méconnaître le rôle et le fonctionnement de nos collectivités territoriales ? Pourquoi amorcer la disparition de l’échelon départemental comme acteur public essentiel ? Comment pourrait-on accepter cette perte de la proximité essentielle à la mise en œuvre des politiques de solidarité entre les hommes et les territoires, proximité qui est la raison d’être des conseillers généraux, qui est leur force, leur légitimité et qui donne tout son sens à leur engagement ? Comment pourrait-on l’accepter, sauf à porter un coup de poignard à la ruralité en détruisant ce qui en est aujourd’hui le moteur, le partenariat communes-intercommunalité avec le département ?

Les conseillers généraux ruraux de toutes sensibilités sont effarés des annonces faites à propos de ces nouveaux cantons et de l’éloignement qui en résultera, rendant illusoire le maintien du travail d’écoute, de relais et de porteurs de projets qui est aujourd'hui le leur.

Et que dire de la région – on pourrait évoquer la « nouvelle région » –, qui a besoin, elle, d’une distance nécessaire pour mettre en place du capital-risque, de la recherche et développement, des pôles universitaires, des filières économiques ?

Du département à la région, votre projet de réforme n’est pas du « gagnant-gagnant » ; c’est du « perdant-perdant » ! Malheureusement !

Votre projet est dangereux pour notre organisation territoriale. Il n’allège pas ; au contraire, il crée de nouveaux niveaux. Il ne simplifie pas ; au contraire, il installe la confusion. Il ne génère pas plus de démocratie, il ne donne pas plus d’efficacité ; au contraire, il limite les partenariats et les financements croisés.

De surcroît, et c’est le plus grave à mes yeux, ce projet de réforme est bien de nature thatchérienne. Après une atteinte à l’autonomie fiscale, sinon financière, des collectivités territoriales, il vise à la réduction de l’action publique territoriale.

Parce qu’ils n’ont pas de locomotive urbaine, les territoires ruraux en seront les premières victimes, avec l’affaiblissement du département, auquel nos concitoyens sont pourtant si attachés.

Les territoires ruraux, ce sont 11 millions de femmes et d’hommes porteurs de l’histoire et de l’avenir de notre pays. Ils méritent attention, considération et équité.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, de la confusion totale dans laquelle votre projet de réforme s’engouffre de semaine en semaine ne pourrait-il pas naître un éclair de raison, sinon de sagesse ? Retirez votre projet avant que la voix des femmes et des hommes des territoires ruraux dans notre pays ne devienne un cri de désespoir, puis un cri de révolte !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue d’une discussion générale qui a duré plusieurs heures, je commencerai mon propos en saluant l’excellent travail effectué par la commission des lois, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest.

Jean-Patrick Courtois, le rapporteur de la commission des lois, a parfaitement résumé la situation. Sur le volet institutionnel, hormis la question des métropoles et des compétences, l’Assemblée nationale a en réalité conservé l’essentiel de l’esprit et, bien souvent, de la lettre des travaux du Sénat en première lecture. C’est surtout sur le volet électoral des conseillers territoriaux qu’elle a enrichi le texte, avec le mode de scrutin et le tableau des effectifs.

M. le rapporteur a notamment souligné que l’Assemblée nationale a largement repris à son compte les propositions du Sénat sur l’intercommunalité. Il est important qu’une convergence aussi nette se soit manifestée sur ce sujet.

Par ailleurs, j’ai bien noté le souci que vous avez exprimé, monsieur le rapporteur. Vous souhaitez que les modalités de désignation des délégués communautaires au sein des intercommunalités permettent à la majorité municipale des communes-centres de ne pas être diluées au sein des conseils communautaires. C’est un sujet qui relève de la bonne gouvernance de nos intercommunalités et le Gouvernement souscrit totalement à l’approche qui est la vôtre.

Je voudrais également remercier la commission des finances, au nom de laquelle Charles Guené s’est exprimé, des améliorations qu’elle propose d’apporter au texte, en particulier pour définir le mécanisme d’unification des taux de fiscalité lorsque les communes auront décidé de faire ce choix ou encore pour adapter les conditions d’indexation de la dotation des métropoles et des communautés urbaines. Comme cela avait été le cas en première lecture, les amendements de la commission des finances constituent une amélioration très notable de la qualité du texte.

La commission souhaite que la loi prévoie un dispositif incitant les régions et les départements à se doter d’un schéma d’organisation des compétences. Je le dis très clairement, cette proposition est intéressante et mérite d’être débattue.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et rapporteur pour avis, a noté avec satisfaction que la culture et le sport – j’ajouterais d’ailleurs le tourisme – étaient explicitement mentionnés au nombre des compétences partagées. À vrai dire, ce point n’avait jamais fait de doute dans l’esprit du Gouvernement. Il était certainement souhaitable de l’inscrire expressément dans le texte, afin de rassurer les milieux professionnels concernés.

Je crois, tout comme M. Legendre, que, grâce au schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services, ces collectivités pourront, en fonction des réalités du terrain, dégager des solutions pragmatiques, c’est-à-dire, comme cela a été dit, « construire des politiques communes ou se répartir les rôles », sans que ce choix doive être prédéterminé par le législateur.

Pour encourager les régions et les départements à adopter de tels schémas, vous proposez d’en rendre l’élaboration obligatoire. Le Gouvernement est favorable à cette proposition, étant entendu que le conseil régional et les conseils généraux garderont, quoi qu’il en soit, le droit d’adopter ou non le schéma.

Mme Michèle André, en sa qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, est intervenue sur le nécessaire respect de l’objectif constitutionnel de parité. Elle a rappelé à juste titre les travaux entrepris depuis plusieurs mois par la délégation, travaux dont je tiens à souligner la qualité.

Madame la présidente, le Gouvernement est parfaitement conscient que la proposition de retenir un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours doit être assortie de dispositions fortes en faveur de la parité.

Vous avez envisagé deux pistes dans votre intervention, celle d’un mécanisme de sanctions financières dissuasives pour encourager les partis politiques à respecter la parité et celle, il est vrai très innovante au regard de nos traditions républicaines, d’un scrutin binominal. Vous avez écarté la première et privilégié la seconde, et vous avez déposé un sous-amendement en ce sens.

Or le Gouvernement ne pourra pas vous suivre sur cette voie, qui aurait pour conséquence – vous l’avez d’ailleurs rappelé avec beaucoup d’honnêteté – de diviser par deux le nombre de cantons envisagés dans le cadre du redécoupage à venir, et ce dans un contexte où nombre d’élus qui se sont exprimés hier et aujourd'hui ont souhaité que la réduction du nombre de cantons demeure raisonnable, d’où le chiffre retenu d’environ 3 500 conseillers territoriaux.

C’est donc la première piste qui nous semble devoir être privilégiée, celle d’un mécanisme de sanctions financières fondées désormais aussi sur les élections locales.

M. Nicolas About, au nom du groupe Union centriste, a formulé plusieurs pistes d’amélioration du projet de loi. J’ai déjà eu l’occasion de dire hier à cette même tribune que le Gouvernement était très ouvert sur plusieurs amendements déposés par le groupe centriste ; je ne vais pas les récapituler. Je suis convaincu que nos débats permettront d’enrichir cette réforme grâce à l’apport de ses propositions.

M. Jean-Michel Baylet a exprimé une position personnelle qui était, me semble-t-il, très critique. J’ai bien évidemment écouté très attentivement son intervention, que je sais inspirée par l’expérience de ses responsabilités locales. Il me semble néanmoins que ses critiques sont parfois très éloignées de la réalité du texte soumis à l’examen de la Haute Assemblée. C’est notamment le cas lorsqu’il évoque la « recentralisation » ; je comprends bien qu’il s’agit là d’une formule, mais je ne vois pas concrètement ce qui peut accréditer une telle affirmation dans le projet de loi.

Je ne puis que le constater, le président du groupe socialiste Jean-Pierre Bel a adopté, sans surprise, une posture d’opposition systématique, qui est d’ailleurs celle du parti socialiste – ce n’est pas lui faire injure que de le rappeler – depuis le lancement de la réforme.

Je peux comprendre que nous ayons un désaccord de fond sur l’institution du conseiller territorial. D’ailleurs, je l’assume, voire le revendique. La nouvelle institution est, à l’évidence, une véritable innovation qui bouscule un certain nombre de repères et d’habitudes.

Mais je suis tout de même surpris qu’il n’ait pas eu un mot pour défendre, par exemple, l’instauration du suffrage universel direct pour l’élection des conseillers communautaires. Pourtant, il s’agit d’une proposition qui était expressément formulée par l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy dans le rapport remis voici déjà dix ans et qui constitue une avancée pour la démocratie locale.

Je regrette également que n’ait pas été saluée l’étape importante que constitue ce texte pour l’intercommunalité, avec la perspective d’une couverture intégrale du territoire à l’horizon de 2013.

Enfin, je trouve étrange que le président du groupe socialiste n’ait rien dit sur l’ambition des métropoles, pourtant, là aussi, soutenues par le Premier ministre Pierre Mauroy ou par plusieurs personnalités du parti socialiste, qui ont d’ailleurs contribué étroitement à la rédaction de certaines dispositions du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. C’est le partage des tâches !

Sourires

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. On peut voir les choses ainsi, monsieur le sénateur !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Madame Borvo Cohen-Seat, je pense pouvoir résumer vos positions en constatant que vous faites preuve d’une grande constance.

Comme en première lecture, aucune disposition du texte ne trouve grâce à vos yeux, pas même l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, contre laquelle vous avez voté en première lecture ! J’en suis très surpris et je regrette vraiment que, sur ce point au moins, il n’y ait pas eu de consensus républicain.

D’ailleurs, je ne peux pas vous laisser affirmer qu’il n’y a pas de débat démocratique sur cette réforme. Le Parlement a déjà consacré près de 120 heures à l’examen de ce projet de loi, après une longue période de concertation et la publication de très nombreux rapports par des personnalités de sensibilités différentes.

Monsieur François-Noël Buffet, je vous remercie d’avoir apporté, au nom du groupe UMP, votre soutien sans faille à la réforme.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Merci également d’avoir rappelé que vouloir réformer notre organisation territoriale, pour en corriger les faiblesses, c’est non pas affaiblir la décentralisation mais, au contraire, chercher à lui redonner du souffle !

J’ai bien noté votre attachement au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, qui, comme cela a été souligné, est « simple et lisible » et permet de maintenir un « lien indéfectible entre un élu et son territoire ».

Comme vous l’avez également très clairement rappelé, s’agissant aussi bien des communes nouvelles, des métropoles que des intercommunalités, la réforme prend appui sur les communes, qui demeurent bien les cellules de base de notre organisation territoriale.

Merci de soutenir la réforme, c’est-à-dire le mouvement contre le statu quo. C’est bien là l’esprit de la décentralisation.

Monsieur Hervé Maurey, vous avez regretté le manque d’ambition du texte soumis en deuxième lecture au Sénat et vous avez appelé à des améliorations nécessaires sur plusieurs points, notamment le cumul, les compétences et les cofinancements.

Comme je l’ai dit hier, le Gouvernement envisage très favorablement plusieurs amendements que votre groupe et vous-même avez déposés en ce sens. Cette deuxième lecture nous offre l’occasion de progresser ensemble, peut-être même en confiance, vers un texte plus conforme à vos attentes.

Madame Bernadette Bourzai, vous avez estimé que l’avancée majeure de la décentralisation consistait à rapprocher les centres de décision des citoyens et des administrés. C’est bien cet objectif que vise la création des conseillers territoriaux qui seront donc, demain, les interlocuteurs uniques de l’ensemble des acteurs locaux, entreprises, élus et citoyens : il me semble que nous sommes bien au cœur de l’ambition décentralisatrice.

M. Jean-Pierre Chevènement nous a dit sa conviction que la meilleure formule pour l’élection du conseiller territorial était bien le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, et je l’en remercie. Je le remercie également de son soutien, assorti, il est vrai, d’un certain nombre de remarques critiques, à l’objectif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité qui représente, en fin de compte, l’aboutissement du travail entamé, en 1999, avec la loi qui porte son nom.

Je m’associe à son souhait de voir cet objectif atteint à partir d’un dialogue, par définition exigeant, entre les préfets et les élus locaux. L’économie du texte qui est soumis au Sénat répond à ce vœu : il organise une procédure par étapes permettant un travail conjoint entre les préfets et les CDCI et, surtout, une concertation systématique des conseils municipaux et communautaires.

J’approuve également Jean-Pierre Chevènement quand il affirme que l’intercommunalité doit se construire non pas contre les communes, mais avec elles, et à leur profit.

Je remercie Dominique de Legge d’avoir souligné le caractère équilibré du texte soumis à l’examen du Sénat. Je partage totalement sa conviction selon laquelle « finaliser la carte de l’intercommunalité est le plus sûr moyen de pérenniser le fait communal et d’en optimiser les moyens ».

J’ai bien noté votre souhait, monsieur le sénateur, de ne pas précipiter les évolutions dans le domaine de l’intercommunalité et de laisser les élus disposer du temps nécessaire pour présenter des propositions en vue de l’élaboration du schéma de coopération intercommunale.

Je partage ce souci et c’est pour cette raison que nous défendons, avec Alain Marleix et Michel Mercier, le calendrier actuel du projet de loi, qui prévoit des étapes et des procédures très précises.

J’indique clairement à la Haute Assemblée que mes instructions aux préfets seront sans aucune ambiguïté : l’élaboration des schémas doit se dérouler dans la concertation, chacun doit être entendu, même s’il n’est jamais mauvais d’anticiper sur les diagnostics, les contacts et les éléments objectifs qui permettront d’éclairer le débat, le moment venu.

Madame Jacqueline Gourault, vous n’en serez pas surprise, même si votre intervention m’a paru un peu déséquilibrée), je vous remercie d’avoir apporté votre soutien à l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires et, plus généralement, au volet intercommunal de la réforme, dont vous avez rappelé, à juste titre, le caractère très consensuel.

Sur le mode d’élection du conseiller territorial, j’ai bien entendu vos remarques, vos réflexions et vos analyses : nous aurons un débat sur ce sujet.

Après avoir beaucoup réfléchi et consulté, le Gouvernement, qui avait proposé un scrutin mixte, s’est rallié - c’est le mot - au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le Gouvernement souhaite bien évidemment, comme vous, madame la sénatrice, que la Haute Assemblée, qui représente les collectivités territoriales, aux termes même de la Constitution, puisse jouer tout son rôle pour enrichir ce projet de loi.

L’Assemblée nationale a utilisé son droit d’amendement pour introduire de nouvelles dispositions électorales, en particulier le mode de scrutin et le tableau des effectifs des conseillers territoriaux. C’est désormais au Sénat de débattre et d’amender.

M. Jean-Pierre Sueur sait que je suis en désaccord avec lui quand il suggère que les conseillers communautaires soient élus au suffrage universel direct lors d’un scrutin autonome. Sa solution est respectable et son analyse intéressante, mais, si le Gouvernement a fait le choix du fléchage, c’est pour préserver la légitimité du maire et l’identité des communes, conformément, d’ailleurs, à la proposition n° 7 du rapport Mauroy, rédigé il y a une dizaine d’années déjà.

Selon M. Sueur, personne ne souhaitait la création du conseiller territorial, mais c’est oublier qu’elle correspond à une proposition essentielle du rapport Balladur, qui en comportait bien d’autres. Depuis plusieurs années, Jacqueline Gourault l’a d’ailleurs rappelé, cette idée est portée, entre autres, par la famille centriste

Monsieur Poncelet, je ne peux pas vous rejoindre lorsque vous affirmez que le conseiller territorial n’est pas représentatif du territoire. En réalité, nous le constaterons lorsque nous examinerons le tableau proposé par le rapporteur, le nombre des conseillers territoriaux prend en compte non seulement les réalités démographiques, mais également les spécificités des territoires. C’est pourquoi aucun département ne comptera moins de quinze conseillers territoriaux : la fixation de ce seuil répond à une demande forte, exprimée lors de la première lecture, émanant de parlementaires légitimement soucieux que le monde rural soit préservé, et même mieux représenté au sein de nos conseils régionaux : ce sera le cas, demain, dans certains départements.

Monsieur Jean-François Voguet, je voudrais vous rassurer : les ressources des collectivités territoriales sont garanties au travers de la réforme de la taxe professionnelle, cette année, mais également les années suivantes. Comme l’a jugé le Conseil constitutionnel en se prononçant sur la loi de finances pour 2010, l’autonomie financière des collectivités territoriales est garantie par notre réforme.

Monsieur Jean-Léonce Dupont, notre projet vise justement à développer une meilleure synergie entre communes et intercommunalités, reprenant en ce sens les dispositions qui figuraient dans l’avant-projet de loi sur la modernisation de la démocratie locale, présenté par Alain Marleix en 2009.

Concernant les métropoles, le statut d’EPCI, pour lequel nous avons opté, permet à la métropole de se développer en harmonie avec son département et sa région d’implantation, car les transferts de compétences reposent, pour l’essentiel, sur des accords conventionnels. En effet, j’en suis tout aussi convaincu que vous, les métropoles doivent se construire non pas contre les départements et les régions, mais avec eux.

J’ai bien noté les observations de Mme Dominique Voynet sur le rapport Balladur, dont elle partage le constat. Je note également que nous avons au moins un point d’accord sur l’achèvement de l’intercommunalité. Sur le reste, en réalité, Mme Voynet se fait l’avocate du statu quo.

Madame Joissains, je vous remercie d’avoir souligné que la réforme était « nécessaire et urgente » pour rendre notre organisation territoriale plus performante et plus efficace. Je voudrais vous rassurer : aucune disposition de ce projet de loi ne porte atteinte au rôle du maire, incontournable, notamment en matière d’aménagement de l’espace et d’urbanisme, en particulier au sein des métropoles.

Contrairement à ce qu’a affirmé M. François Rebsamen, le Gouvernement n’a en rien renoncé à l’ambition qui sous-tend ce projet de loi.

Je confirme que nous souhaitons bien restructurer notre organisation territoriale autour de deux pôles : un pôle regroupant communes et intercommunalité, qui fait d’ailleurs l’objet d’un consensus, comme l’a souligné M. Rebsamen, et la création d’un pôle regroupant les départements et la région : comme toutes les innovations, celle-ci suscite bien évidemment un débat ; qui pourrait s’en étonner ?

D’ailleurs, M. Rebsamen l’a avoué, très directement et très simplement, sa position est claire : il faut laisser les choses en l’état et surtout ne rien changer ! Telle n’est précisément pas la position du Gouvernement.

Je remercie Jean-Paul Virapoullé d’avoir soutenu le choix du Gouvernement de déposer un amendement rétablissant le scrutin majoritaire uninominal à deux tours.

Il a par ailleurs parfaitement rappelé le droit, en précisant que l’application du projet de loi ne revient pas, sur le plan juridique, à créer, à la Réunion et en Guadeloupe, une assemblée unique, au sens de l’article 73 de la Constitution, puisque les deux assemblées resteront juridiquement distinctes en tant qu’organes délibérants de deux personnes publiques différentes.

La réforme entraîne encore moins la création d’une collectivité unique, dans la mesure où le département et la région conserveront leurs compétences respectives.

Cette précision me permet également de répondre à Mme Gélita Hoarau.

Monsieur François Patriat, vous affirmez que ce projet de loi ne sera pas source de simplification et vous vous demandez comment fonctionnera le pôle département-région : précisément grâce à la création d’un nouvel élu local, le conseiller territorial, qui siégera à la fois au sein du conseil général et au sein du conseil régional !

Pourquoi refuser a priori de faire confiance à un élu qui sera proche du territoire, et qui, avec bon sens, cherchera en permanence la complémentarité entre ces deux collectivités territoriales : à la région la stratégie, au département la proximité ?

Ce mandat appartiendra aux femmes et aux hommes qui l’exerceront demain. Pourquoi refuser ce pari audacieux qui revient, finalement, à faire confiance aux élus locaux eux-mêmes pour clarifier, simplifier et mieux articuler les compétences des différentes collectivités ?

Monsieur Philippe Dallier, vous avez soulevé une question récurrente, celle de l’application du dispositif des pôles métropolitains à la région parisienne, et je sais que vous avez déposé deux amendements sur ce point. Le Gouvernement est favorable à une évolution de son texte sur ce sujet, car le pôle métropolitain n’est pas un outil adapté à l’Île-de-France, et je pense que le débat permettra de préciser davantage le dispositif.

Monsieur Gérard Collomb, je vous remercie d’avoir souligné tout le travail d’écoute, de dialogue et de concertation accompli par les uns et les autres : dans votre empressement, vous avez oublié de mentionner le rôle du Gouvernement, sans doute par pudeur et par réserve, mais j’ai bien senti que vous brûliez de lui rendre hommage !

Sourires

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Une concertation a eu lieu, notamment avec les grandes associations d’élus. Pourquoi ne pas le reconnaître, vous avez vous-même directement influencé la rédaction de certaines dispositions du projet de loi, sur les métropoles, les pôles métropolitains et l’intercommunalité.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Reste la question du conseiller territorial, sur laquelle j’assume la différence qui nous sépare de l’opposition. Oui, nous souhaitons faire le pari de la confiance dans ce nouvel élu !

Vous estimez que le fonctionnement de cette nouvelle organisation serait assez bizarre, car, les présidents de conseils généraux siégeant de fait au sein de l’assemblée régionale, vous y voyez un risque de blocage, et vous craignez que la préoccupation départementale ne l’emporte sur la préoccupation collective régionale. Mais prenez l’exemple des communautés d’agglomération : le président de la communauté défend-il exclusivement l’intérêt de sa propre commune ? Non, évidemment ! Je ne vois donc pas pourquoi un mode d’organisation valable dans un cas, et qui a fait ses preuves, ne le serait pas dans le schéma que nous vous proposons.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Monsieur Braye, je vous remercie d’avoir aussi chaleureusement souligné le volontarisme des dispositions relatives à l’intercommunalité. Comme vous, je pense que ce texte marquera une étape importante du développement de l’intercommunalité, dans le respect des communes qui demeurent, selon votre formule, « les chevilles ouvrières » de notre organisation territoriale collective.

Comme vous l’avez souligné, à l’issue de la première lecture, le Sénat et l’Assemblée nationale sont parvenus à un équilibre assez satisfaisant. Les demandes qui s’étaient exprimées sur ces travées pour faire évoluer le calendrier ont été entendues, pour l’essentiel, et prises en compte. Le texte issu de l’Assemblée nationale fixe au 30 juin 2013 la fin de la période transitoire, soit six mois avant la date proposée par le Gouvernement.

Il me semble que nous avons atteint un point d’équilibre, et j’observe que votre commission des lois y souscrit.

Je voudrais notamment appeler votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur un point : le calendrier doit rester cohérent avec l’ambition forte de ce projet de loi, que vous souhaitez préserver, et avec les étapes indispensables de concertation et de codécision que le processus comporte ; des délais incompressibles de consultation des conseils municipaux, des organes délibérants des intercommunalités et des CDCI sont fixés dans le texte.

En raccourcissant les délais, nous prendrions le risque, me semble-t-il, d’affaiblir la concertation ou de réduire la durée des consultations, ce qui serait certainement une nouvelle source de débat.

Monsieur Daudigny, comme vous, nous sommes soucieux des territoires ruraux. J’en veux pour preuve le fait que le Gouvernement, sous l’égide de Michel Mercier, a récemment lancé les Assises des territoires ruraux et un nouvel appel à projets pour les pôles d’excellence rurale. En outre, en confortant l’intercommunalité en milieu rural, nous confortons concrètement les communes. Enfin – je l’ai déjà dit, mais il semble qu’il faille se répéter ! –, le conseiller territorial sera incontestablement un élu de terrain.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais apporter à l’occasion de ce débat, qui fut intéressant et constructif.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En vertu de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la commission des lois demande la réserve, jusqu’au début du titre V, de l’examen des amendements n° 82, 83, 304, 305, 306, 308, 318 rectifié, 319 rectifié, 320 rectifié, 307 rectifié, 310 et 311, ainsi que des articles et de l’intégralité des amendements portant sur le chapitre Ier, à savoir les articles additionnels avant l’article 1er AA, l’article 1er AA, les articles additionnels après l’article 1er AA sauf l’amendement n°321, l’article 1er A, l’article additionnel avant l’article 1er B, l’article 1er B, les articles additionnels après l’article 1er B, les articles additionnels après l’article 1er, l’article 1er bis, l’article 1er ter, l’article 1er quater, l’article 1er quinquies et l’article additionnel après l’article 1er ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Avis favorable, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La réserve est de droit.

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Certes, monsieur le président, la réserve est de droit dès lors que le Gouvernement a accepté la demande présentée par la commission, je n’entends absolument pas le contester. Sur le plan réglementaire, tout est parfait. Nous admirons d’ailleurs la spontanéité de la démarche…

Cependant, pour l’heure, nous ne sommes pas en possession des amendements, ce qui ne nous permet pas de décoder le message chiffré délivré par M. Hyest. Pourriez-vous, monsieur le président de la commission des lois, nous en donner brièvement la traduction, à nous qui sommes des esprits simples et n’avons pas pris part au chiffrage ?

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cette demande de réserve porte sur tous les articles et amendements concernant l’élection des conseillers territoriaux. Ils sont tous liés au chapitre Ier du titre Ier du projet de loi. J’ai dû en donner une liste précise, car un certain nombre d’amendements de caractère général, tendant à créer, par exemple, des articles additionnels sans lien avec cette question, ont été déposés à ce chapitre et pourront être examinés sans délai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il ne s’agit pas de cela ! Les propositions sont si nombreuses, diverses et riches dans ce domaine, notamment sur la parité, qu’il est encore nécessaire que nous réfléchissions un peu pour tenter de trouver des solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi, par MM. Mézard, Collin, Baylet, Chevènement et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (560, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, nous vous voyons souffrir… Par cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, nous souhaiterions abréger vos souffrances !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Lors du débat en première lecture, j’avais fait remarquer que, si vous ne saviez pas où vous alliez, vous saviez du moins comment y aller. J’étais peut-être un peu flatteur…

S’il est un dossier sur lequel le débat d’idées devrait déboucher sinon sur un consensus, au moins sur des réformes largement partagées, c’est bien celui des collectivités territoriales.

S’il est un dossier sur lequel la voix du Sénat, grand conseil des communes de France, devrait être entendue, c’est bien celui des collectivités territoriales.

Or, qu’avons-nous sous les yeux ? Un texte qui divise manifestement la majorité, un texte qui fédère au-delà de l’opposition, dans l’expression d’un rejet révélateur, un texte dont le cheminement chaotique fut pour le moins, à ce jour, peu respectueux de la Haute Assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Affirmer, monsieur le ministre de l’intérieur, que l’Assemblée nationale a globalement repris les propositions du Sénat nous paraît hasardeux ou très optimiste, voire un peu malicieux.

Certes, la France est une nation difficile à réformer – elle l’est encore plus dans de telles conditions –, mais l’expérience nous montre que c’est possible. Jean-Pierre Chevènement en a fait la démonstration avec la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, fruit d’une forte volonté politique accompagnée d’un sage pragmatisme.

Était-il raisonnable et juste d’engager le débat en faisant le procès d’élus trop nombreux, trop coûteux, en indiquant que le chevauchement des compétences faisait perdre 20 milliards d’euros, en affirmant que la suppression de coquilles vides – il en existe, c’est vrai –, notamment dans les syndicats mixtes, permettrait des milliards d’euros d’économies ? S’agissant de ce dernier point, nous attendons encore une démonstration.

Voilà quelques mois, le site internet du ministère de l’intérieur justifiait la réforme des collectivités territoriales par la nécessité de maîtriser la dépense publique, dans l’esprit de la révision générale des politiques publiques. Oui, des économies peuvent et doivent être réalisées, mais la gestion des collectivités par les élus locaux, de toutes sensibilités, ne s’apparente pas au remplissage du tonneau des Danaïdes ! L’État est-il vraiment le mieux placé pour donner des leçons de bonne gestion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Était-il raisonnable d’engager cette réforme sans l’avoir fait précéder d’un bilan de la décentralisation, chère à notre collègue Edmond Hervé ?

Même si certaines dispositions, en particulier celles qui sont relatives à l’intercommunalité, nous paraissent positives, c’est une réforme qui, globalement, ne satisfait aujourd’hui personne et dont les promoteurs évitent de dévoiler clairement les vrais objectifs : imposer aux collectivités une cure de rigueur, mettre en œuvre une révision générale des politiques publiques indirecte, pratiquer l’ « évaporation » du département préconisée par MM. Balladur et Copé sans l’écrire dans le texte, pour parvenir finalement – telle est la réalité, nos collègues François Patriat et Gérard Collomb l’ont très bien dit – à fragiliser la région, dissoudre les communes dans les communes nouvelles sans l’afficher, transférer l’impôt local économique vers l’impôt sur les ménages…

Un projet de loi dont on tente de cacher les objectifs en les fondant dans un brouet juridique ne saurait être fondateur. Des textes mettant la charrue avant les bœufs ne sauraient annoncer une bonne récolte.

Nous sommes en effet en présence d’une construction étrange au pays de Descartes.

On nous a soumis d’abord un projet de loi relatif à la concomitance d’élections, sans que l’on sache alors précisément de quelles élections il s’agissait. Puis, l’article 2 de la loi de finances pour 2010 a consacré la suppression de la taxe professionnelle, cadeau de Noël pour le MEDEF, mais véritable saut dans l’inconnu quant aux ressources futures de nos collectivités. Quant à la clause de revoyure, qui a motivé nombre de votes sur la loi de finances, force est de constater que nous sommes de la revoyure : il n’y a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Deux textes ont ensuite été déposés, le projet de loi n° 60 de réforme des collectivités territoriales et le projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, et un autre, relatif aux compétences, a été annoncé un an plus tard.

C’est selon ce programme législatif que l’on nous a fait voter le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Or, en réalité, il n’a pas été respecté, ce qui est loin d’être neutre.

N’éludons pas les problèmes ! Sur la question du mode de scrutin, le RDSE est unanimement favorable au scrutin uninominal à deux tours, avec un seuil abaissé, parce que c’est le moyen de dégager des majorités solides, de privilégier un lien entre l’élu et le territoire, et aussi, disons-le, de permettre l’émergence de personnalités de qualité.

Cette conviction ne nous transformera en supplétifs de quiconque. Affirmer notre préférence pour le scrutin uninominal à deux tours, avec élargissement de l’accès au second tour, c’est tout simplement exprimer notre attachement à des convictions sur lesquelles nous n’avons pas varié.

L’absence de clarté aboutit aujourd’hui à une situation dont personne ne sortira gagnant. Il suffit, pour s’en convaincre, de relire l’argumentation présentée lors de la première lecture par M. Mercier pour s’opposer au scrutin uninominal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mes chers collègues, je vous conseille vivement cette lecture : nous y reviendrons dans les prochains jours !

J’avais indiqué, en première lecture, que l’amendement du groupe de l’Union centriste tendant à introduire l’article 1er A était un sirop pour faire avaler la pilule à ceux qui toussaient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Passée la douceur immédiate du sucre, ceux-ci risquent de s’étouffer dans l’amertume ou, peut-être, les hoquets !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pourquoi avons-nous déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur le fondement de l’article 44 du règlement du Sénat ?

Notre groupe est en général économe de ce type de démarche. Si nous y avons recouru, c’est que nous considérons que, tant sur la forme que sur le fond, le Sénat a été privé du rôle fondamental qui lui revient dans l’examen de tout texte relatif aux collectivités locales. La version du projet de loi qui nous est soumise aujourd’hui constitue une innovation juridique portant atteinte à la mission du Sénat de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le président Larcher, lors du déplacement de la mission Belot à Bordeaux, le 26 janvier 2009, soulignait la responsabilité particulière du Sénat, « maison des territoires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Or qu’est-il advenu du travail consensuel de la mission Belot-Krattinger-Gourault ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il a été torpillé la veille de l’arrivée au port par l’annonce de la création du conseiller territorial, rejetée par la majorité des membres de la mission, laquelle s’était prononcée en faveur d’une coordination des principaux responsables des politiques territoriales.

Le rapport de la mission sénatoriale mettait en exergue des axes susceptibles de recueillir un large consensus : achèvement de la carte intercommunale, développement des compétences des intercommunalités, création d’un nombre restreint de métropoles, promotion des regroupements volontaires de collectivités, respect de la capacité d’initiative des différentes collectivités. À cela s’ajoutaient autonomie fiscale, péréquation et révision des valeurs locatives. Voilà de beaux sujets de consensus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mais en première lecture fut introduit aux forceps le conseiller territorial, être hybride dont aucune association d’élus, ni d’ailleurs aucun parti politique, n’a réellement revendiqué la paternité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Dois-je rappeler que, lors des débats de la première lecture, sauf pour l’amendement présenté par M. About, le Gouvernement a écarté toute discussion sur le mode de scrutin ou sur le nombre de conseillers territoriaux ? Ces questions devaient être l’objet du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Le Sénat ne devait donc pas aborder ces sujets, sur lesquels il fut impossible d’obtenir du Gouvernement la moindre précision : le tableau n’existait pas ; il a néanmoins fait une apparition miraculeuse à l'Assemblée nationale…

Sur les compétences des compétences territoriales, objet de l’article 35, nous avons entendu le même discours : dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, un texte devait préciser la répartition des compétences entre les régions et les départements, ainsi que les règles d’encadrement du cofinancement.

Le mode d’élection du conseiller territorial et la répartition des compétences constituent deux éléments fondamentaux de la réforme, mais le Sénat n’a pas été admis à débattre en première lecture.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En revanche, devant l’Assemblée nationale, le discours fut différent. Celle-ci a eu le privilège de voir surgir des amendements du Gouvernement relatifs au mode de scrutin, au tableau des conseillers territoriaux et des conseillers communautaires. Exeunt le projet de loi n° 61 et celui sur les compétences : tous deux furent phagocytés, victimes de l’appétit des députés.

Entre la première et la deuxième lecture, le présent texte a donc absorbé en grande partie deux autres projets de loi. Le Sénat se voit ainsi privé d’une double lecture sur deux points essentiels de la réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cela n’est pas neutre. L’article 44 de la Constitution dispose que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement », et l’article 39, alinéa 2, précise que, « sans préjudice du premier alinéa de l’article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

Sur le plan technique, l’application au droit d’amendement de la règle dite « de l’entonnoir », dégagée par le Conseil constitutionnel, conduit en principe à ce que ce droit puisse s’exercer pleinement dès la première lecture.

Certes, cette interprétation est en harmonie avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel – je vous renvoie à la décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006 –, mais cette dernière sert principalement à censurer, y compris d’office, les cavaliers législatifs.

En l’espèce, les amendements dont il s’agit ne sont pas des cavaliers, car ils ont un lien avec le texte, mais une telle méthode, si elle était considérée comme recevable, aboutirait à dénaturer le processus législatif…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. … et à vider de son contenu l’article 39 de la Constitution, sans aucun égard pour les prérogatives du Sénat.

Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ces amendements constituent un détournement de procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

De plus, leur introduction par le Gouvernement à l’Assemblée nationale s’est opérée sous l’empire de l’article 88 du règlement de celle-ci, qui permet à la commission saisie au fond de se réunir en urgence pour examiner des amendements de dernière minute. Ladite commission n’a ainsi disposé que de dix minutes pour procéder à cet examen. Il s’agit là d’une atteinte au principe de clarté et de sincérité des débats dégagé par le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour nous, les questions touchant au mandat du conseiller territorial et à l’organisation des compétences des collectivités territoriales devaient initialement faire l’objet de textes législatifs distincts. Les articles en cause, introduits par le biais d’amendements gouvernementaux, auraient dû trouver place dans un projet de loi distinct, le cas échéant par voie de lettre rectificative.

Cette situation soulève un problème de principe : si le Sénat rejette la rédaction de l’Assemblée nationale et que, après la commission mixte paritaire, le dernier mot revient à nos collègues députés, il s’agira d’une première depuis 1983 et, surtout, depuis la révision constitutionnelle de 2003, pour une réforme d’ampleur relative aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. C’est pourquoi il est important que le Sénat adopte notre motion, afin d’étouffer dans l’œuf ce qui constituerait un précédent particulièrement désastreux, violant incontestablement l’esprit de la Constitution.

Marques d’approbation sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Par le vote de cette motion, ceux qui, sur diverses travées de la Haute Assemblée, se sont largement exprimés contre l’économie générale du présent texte permettront au Gouvernement de remettre son ouvrage sur le métier, car nos collectivités locales méritent mieux que la confusion d’un texte de circonstance.

Je confirme les propos que j’avais tenus en première lecture, lors de la discussion générale : messieurs les ministres, nous devons vous empêcher de fabriquer un nouveau millefeuille, avec plus de couches, mais beaucoup moins de sucre !

Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le souci exprimé par les auteurs de cette motion est précisément celui qui avait conduit la commission des lois à supprimer, sur la proposition de son président, M. Jean-Jacques Hyest, dans le texte qu’elle a élaboré en vue de l’examen en séance publique, les articles 1er A, 1er bis, 1er ter, 1er quater, 1er quinquies et, par coordination, les articles 36 B et 36 C.

En effet, la commission des lois a affirmé sa volonté de protéger les prérogatives du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales. Aussi a-t-elle souhaité que celui-ci puisse examiner en priorité le mode de scrutin des conseillers territoriaux. C'est la raison pour laquelle le texte aujourd’hui soumis à la Haute Assemblée, tel qu’il ressort des travaux de la commission, respecte la structure du projet de loi initialement déposé sur le bureau du Sénat.

Cependant, au cours de sa réunion du 28 juin dernier, la commission a été saisie de trois amendements du Gouvernement et a donc été conduite à reconsidérer cette question dans ce contexte nouveau. Elle a décidé d’émettre un avis favorable sur les propositions du Gouvernement, et non pas sur celles de l'Assemblée nationale. Ce faisant, les pouvoirs du Sénat sont préservés, car il sera amené à se prononcer sur les amendements du Gouvernement.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

La motion que vous venez de présenter, monsieur Mézard, tend à opposer l’exception d’irrecevabilité, dont l’objet, selon l’article 44 du règlement du Sénat, est de « faire reconnaître que le texte en discussion […] est contraire à une disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire ».

À l’appui de cette motion, vous soulevez deux arguments.

Premièrement, vous estimez que le texte soumis en deuxième lecture au Sénat comporte des dispositions nouvelles que le Gouvernement s’était initialement engagé à insérer dans des projets de loi distincts. Or vous considérez que ces nouveaux articles modifient de façon substantielle l’économie générale du texte et qu’ils auraient dû, par conséquent, faire l’objet d’une lettre rectificative.

Je ne peux vous suivre sur ce point.

Il est vrai que l'Assemblée nationale a introduit, par voie d’amendements, deux séries de dispositions qui ne figuraient pas dans le texte voté par le Sénat en première lecture. Elle a supprimé l’article 1er A, qui avait été introduit en première lecture par le Sénat, et a voté plusieurs dispositions à caractère électoral ayant trait au conseiller territorial. Elle a également transformé l’article 35 en plusieurs articles qui déclinent juridiquement les principes contenus dans cet article, jusqu’alors dénués de portée normative.

Dans les deux cas, il n’y a pas eu de bouleversement de l’économie générale du projet de loi, puisque l'Assemblée nationale s’est appuyée sur des dispositions qui figuraient dans le texte qui lui avait été transmis par le Sénat, à savoir celles des articles 1er A et 35. Elle n’a fait qu’utiliser le droit d’amendement que lui confère le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, qui dispose que « les membres du Parlement […] ont le droit d’amendement ».

La jurisprudence du Conseil constitutionnel et, tout récemment, le pouvoir constituant ont eu l’occasion d’encadrer précisément ce droit d’amendement.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a ainsi modifié l’article 45 de la Constitution, qui dispose désormais que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Cette modification constitutionnelle consacrait en réalité l’état de la jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel.

Or je crois que nous pourrons convenir ensemble que les amendements introduits à l’Assemblée nationale en première lecture n’étaient pas dépourvus de tout lien, même indirect, avec le projet de loi.

Deuxièmement, monsieur Mézard, vous estimez que les dispositions introduites en première lecture par l’Assemblée nationale ont pour objet principal l’organisation des collectivités territoriales et que, par conséquent, elles auraient dû être soumises d’abord au Sénat, selon les termes du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution, qui dispose que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

Le Gouvernement a pleinement respecté cette obligation constitutionnelle, puisqu’il a déposé sur le bureau du Sénat, au cours du mois d’octobre 2009, les quatre projets de loi que vous avez mentionnés.

Mais surtout, il faut lire l’article 39 de la Constitution, auquel vous vous référez, dans son intégralité. Son deuxième alinéa dispose ainsi que « sans préjudice du premier alinéa de l’article 44 – c’est-à-dire du droit d’amendement des membres du Parlement –, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ». L’Assemblée nationale était donc tout à fait en droit d’introduire les dispositions en question par voie d’amendements, dans les limites constitutionnelles que je viens de rappeler.

M. Jacques Mézard manifeste son scepticisme.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Monsieur le sénateur, je vois que je vous ai convaincu…

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. Michel Mercier, ministre. Mon argumentation se fonde pourtant exclusivement sur le texte de la Constitution, qui s’impose à nous tous. Les droits du Parlement, notamment celui d’amendement, dont vous êtes l’un des plus farouches défenseurs, ont été parfaitement respectés. En conséquence, il n’y a pas lieu de prononcer l’exception d’irrecevabilité.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, parce que ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales pose autant de problèmes constitutionnels, sinon davantage, que lors de la première lecture, mon groupe soutient la présente motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Avant d’exposer les différents motifs qui nous ont conduits à adopter cette position, je voudrais évoquer l’ordonnancement de nos débats.

Le nouveau mode d’examen des projets de loi issu de la révision constitutionnelle pose problème pour la discussion générale et les motions de procédure. En effet, le texte adopté en séance publique peut être sensiblement différent de celui de la commission, où la majorité, pour des questions de circonstances, a pu être mise en minorité.

En l’occurrence, le cas des dispositions relatives au mode de scrutin est parlant. En effet, la commission a vidé de son contenu le chapitre Ier du projet de loi, rendant même improbable la survie, en l’état, du conseiller territorial.

Mais, de toute évidence, la majorité reviendra à la charge en séance publique et ramènera à la raison les récalcitrants. Le vote par la commission d’un amendement gouvernemental allant dans ce sens en est le signe précurseur.

Or, le mode de scrutin adopté à l’Assemblée nationale soulève un problème important de constitutionnalité, puisque sont foulées aux pieds des dispositions majeures, notamment celles qui sont relatives à la parité et au respect de celle-ci pour les fonctions électives.

Alors que, grâce à la proportionnelle, les femmes représentent aujourd’hui la moitié des élus régionaux, elles risquent, avec l’application des modes de scrutin que vous nous proposez – variant au fil de négociations qui, visiblement, ne sont pas closes –, de quasiment disparaître.

C’est la parité que vous remettez en cause

Protestations sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… et il ne suffit pas, monsieur le ministre, pour prévenir un danger dont vous êtes conscient, de s’en remettre à l’application de pénalités financières supposées dissuasives. Chacun sait ici que les grands partis n’en tiennent pas compte. Leur comportement en cela est analogue à celui de certains maires qui, dans un autre registre, refusent obstinément de respecter la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et préfèrent payer des amendes plutôt que de construire des logements sociaux.

Ayant déjà exposé les différents motifs d’inconstitutionnalité du texte lors de la première lecture, je me contenterai de les rappeler très brièvement.

Tout d’abord, le principe de la libre administration des collectivités territoriales est bafoué. Comment ne pas voir que ce projet de loi organise les tutelles de l’État sur les collectivités et d’une catégorie de collectivités sur une autre ?

Point par point, article par article, le texte met en cause la libre administration des collectivités territoriales. La soumission des communes et des départements aux futures métropoles est symptomatique. Comment peut-on encore parler de libre administration des communes lorsque le projet de loi contraint leur budget et supprime la clause de compétence générale ? Sur ce point également, il viole la Constitution.

Certains avaient soutenu, lors de la première lecture, que cela n’était pas en soi anticonstitutionnel. Je trouve cet argument bien court, voire fallacieux, car, qu’on le veuille ou non, c’est la libre administration des communes telle qu’elle est définie par l’article 72 de la Constitution qui est attaquée.

Mes chers collègues, sans compétence générale, la collectivité n’est qu’un établissement public. Rappelez-vous : c’est l’exercice de la compétence générale qui a donné aux régions le caractère de collectivité territoriale.

Enfin, la forme que prend l’examen de ce projet de loi revêt une inconstitutionnalité manifeste, qui a été soulignée par les auteurs de la motion.

L’article 39 de la Constitution, qui pose clairement que le Sénat examine en premier lieu les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales, n’a pas été respecté, puisque l’Assemblée nationale a inséré par voie d’amendements l’essentiel du contenu de deux projets de loi relatifs l’un au mode de scrutin, l’autre à la répartition des compétences.

On le voit, le Gouvernement – je pourrais dire l’UMP, puisque l’un est fondu dans l’autre – veut adapter la Constitution à ses objectifs politiques immédiats – la reconquête des institutions locales – et de long terme, en imposant la loi du marché aux territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe socialiste votera la motion présentée par M. Mézard.

Nous ne partageons pas la lecture et l’analyse que le Gouvernement fait des dispositions de la Constitution, mais nous n’entrerons pas maintenant dans un débat juridique.

L’article 39 de la Constitution est très clair : il revient au Sénat d’examiner en premier lieu les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales. Or, force est de constater que tel n’a pas été le cas en l’occurrence, pour des raisons diverses liées aux conditions du débat politique, aux négociations menées au sein de la majorité, aux positions prises par la commission des lois ou par notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ce n’est pas une interprétation, c’est un fait incontournable : ce texte n’a pas été soumis en premier lieu au Sénat.

C’est une des raisons pour lesquelles cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité nous semble pertinente.

Au-delà de cet aspect constitutionnel, on a pu constater, tout au long des discussions, de profondes évolutions du texte au regard des objectifs affichés initialement par le Gouvernement, au point qu’une poule n’y retrouverait pas ses petits, comme aurait dit ma grand-mère.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Par exemple, on ne sait plus si vous voulez ou non que le conseiller territorial soit élu au scrutin majoritaire avec une dose de proportionnelle. Les négociations continuent et, in fine, comme l’a très bien expliqué M. Mézard, ce texte débouchera sur la création d’un nouveau millefeuille territorial, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… qui sera peut-être plus complexe encore que le précédent.

L’architecture territoriale actuelle ne semble poser de problème à personne, pas plus que les cofinancements, qui permettent notamment aux petites communes de réaliser des équipements. Si l’on supprime les cofinancements, cela deviendra très compliqué !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Vous avez modifié votre texte, vous avez consenti à des ouvertures, mais, pour notre part, nous pensons que, sur le fond, le compte n’y est pas. Le projet de loi que vous nous présentez va totalement bouleverser l’administration territoriale et ne correspond pas à l’intérêt des territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.

Monsieur le ministre, comme vous l’avez souligné tout à l’heure, nous ne pratiquons pas l’opposition systématique : nous sommes favorables à certaines évolutions, l’immobilisme ne nous paraissant pas souhaitable. Cependant, évoluer ne signifie pas, à nos yeux, revenir en arrière. Or la création du conseiller territorial constitue selon nous un véritable retour en arrière, dans la voie de la recentralisation. Une telle mesure marque la fin de la décentralisation telle que nous l’avons connue…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… et le placement des communes sous la coupe d’une administration régionale qui les privera de leurs libertés.

Notre groupe votera donc cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe du RDSE, l'autre du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 240 :

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Bernard Frimat remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi, par MM. Bel, Sueur, Peyronnet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales (560, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, poser la question préalable, en deuxième lecture, sur un tel sujet, ne manquera pas de susciter, dans les rangs de la majorité sénatoriale, une palette de réactions allant de l’incompréhension à l’accablement, en passant par l’hostilité franche !

Je comprends, chers collègues, votre hâte d’en finir, pour que les élus locaux, nos électeurs, aient le temps d’oublier avant les prochaines élections départementales et sénatoriales que c’est vous qui aurez voté ce texte…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

J’espère pourtant vous convaincre que votre réforme est si mal partie qu’il vaudrait mieux se donner le temps de la réflexion au lieu de se précipiter dans le mur en klaxonnant comme vous le faites.

De rapports en avant-projets, de projets de loi en projets de loi, de lectures au Sénat en lectures à l’Assemblée nationale, d’amendements gouvernementaux surprises en ravalements par les rapporteurs, d’amendements d’apaisement en amendements de complaisance, à la recherche d’une majorité toujours à trouver, la cathédrale façon Le Corbusier annoncée s’est transformée en chapelle du facteur Cheval.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

C’en est fini de l’architecture futuriste, place à l’esthétique « nains de jardin » ! À entendre les orateurs qui m’ont précédé, je ne suis apparemment pas le seul à avoir ce sentiment.

Avant d’inaugurer le bâtiment, mieux vaut faire passer la commission de sécurité.

Première catégorie de malfaçons : les fissures de constitutionnalité.

Il était difficile d’en cumuler autant pour un même texte. Mme André a évoqué la parité, M. Mézard l’affaiblissement du rôle du Sénat. Pour ma part, je me limiterai à deux remarques.

Tout d’abord, comment, dans le cas des régions Alsace, Nord-Pas-de-Calais et Haute-Normandie, composées chacune de deux départements démographiquement inégaux, éviter la « tutelle » du plus peuplé, directement sur la région et indirectement sur l’autre département, ce qui est contraire à l’article 72 de la Constitution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Si, comme le reconnaît M. Fabre-Aubrespy dans le numéro d’octobre-décembre 2009 de la Revue politique et parlementaire, « l’assemblée régionale est formée fondamentalement de la réunion des conseils généraux », peut-on dire que la région dispose d’un conseil propre ? Ne retourne-t-on pas à l’époque où le conseil régional, simple établissement public, était administré par des délégués des conseils généraux, la seule différence étant que, désormais, tous les conseillers généraux seront délégués ? C’est d’ailleurs ce qui semble nous être proposé au travers d’un certain nombre d’amendements.

Ensuite, renonçant à l’objectif initial de diminuer, par ordonnance, de 25 % les effectifs des conseils généraux, le Gouvernement a fait voter à l’Assemblée nationale le fameux tableau n° 7, repris dans le texte de la commission.

Il vise à limiter, pour le territoire métropolitain, les suppressions de sièges de conseiller général à 607 sur 3 974, voire à 498 si l’on considère qu’à Paris tous les conseillers généraux supprimés resteront en place en tant que conseillers municipaux. Selon le mode de calcul, la baisse des effectifs sera donc non pas de 25 %, mais de 12, 5 % à 15 % : ce n’est pas vraiment révolutionnaire. D’ailleurs, par un ultime bricolage de notre rapporteur, on comptera 38 conseillers territoriaux de plus, et la baisse du nombre des conseillers généraux sera donc à tout coup inférieure à 15 %.

En revanche, les effectifs des conseillers régionaux, qui devaient initialement augmenter de 50 %, vont doubler !

Parmi les règles de fabrication, je mentionnerai celle-ci : pas de département comptant moins de quinze conseillers territoriaux. À cet égard, M. Mercier a déclaré, devant l’Assemblée nationale, que « la représentation moyenne de chaque département d’une même région s’inscrit en principe dans une fourchette de plus ou moins 20 % par rapport à la représentation moyenne des habitants par conseiller territorial à l’échelle de la région, fourchette en vigueur, après la jurisprudence du Conseil constitutionnel, pour les circonscriptions législatives ». Vous ai-je correctement cité, monsieur le ministre ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Parfaitement !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Les principes constitutionnels d’« égalité des suffrages » et de « représentation essentiellement démographique » seraient ainsi, selon vous, respectés. Fort bien ! Sauf que demeurent quatre exceptions, que l’amendement de M. Courtois a plutôt tendance à accentuer : les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, la Lozère et la Meuse, qui – je cite encore M. Mercier –, « sinon, n’auraient pas eu quinze conseillers territoriaux ».

En effet, pour ne prendre que les deux départements alpins, un conseiller territorial des Alpes-de-Haute-Provence représentera 51 % d’habitants de moins que la moyenne régionale et un conseiller territorial des Hautes-Alpes 58 % de moins, un conseiller territorial des Bouches-du-Rhône représentant une population 2, 9 fois plus importante que son collègue des Hautes-Alpes.

Le Conseil constitutionnel acceptera-t-il ces exceptions ? Je me garderai bien de trancher sur ce point !

Aux sénateurs, issus notamment des départements ruraux, qui se satisfont des quinze conseillers territoriaux promis, je pose cette question : et si le Conseil constitutionnel ne validait pas le choix gouvernemental d’un minimum de quinze conseillers territoriaux par département ? Il ne s’est pas privé, l’an dernier, de revenir sur le principe ancien d’un minimum de deux députés par département, dans une décision du 8 janvier 2009 : « Le maintien d’un minimum de deux députés pour chaque département n’est plus justifié par un impératif d’intérêt général susceptible d’atténuer la portée de la règle fondamentale selon laquelle l’Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques ».

Rien ne dit, mes chers collègues, que le Conseil constitutionnel ne tiendra pas, s’agissant des conseillers territoriaux, le même raisonnement, dès lors qu’aucun élément objectif n’impose un minimum de quinze conseillers plutôt que de douze ou de dix et que la nouvelle répartition des conseillers régionaux constitue une régression, en termes d’égalité des suffrages, par rapport à la situation actuelle. Si le Conseil constitutionnel annule totalement ou partiellement le tableau qui nous est présenté, le Gouvernement n’aura pas d’autre possibilité que de se plier à cette décision. Les élus des départements concernés n’auront alors plus que les yeux pour pleurer.

Une deuxième catégorie de malfaçons tient à la mauvaise conception de l’édifice.

Par quelque bout que l’on prenne le problème, dès lors que l’on entend désigner par le même vote, fût-ce avec deux bulletins distincts, les élus régionaux et départementaux, le dilemme est le suivant : réduire au-delà du raisonnable les effectifs des élus de proximité là où ils sont le plus nécessaires, c’est-à-dire dans les zones rurales, et les augmenter exagérément là où ils le sont moins, à savoir dans les secteurs urbains.

Sans aucune garantie constitutionnelle, et après beaucoup d’hésitations, le Gouvernement a fait le second choix, au risque de rendre ingouvernables une majorité de conseils régionaux et quelques conseils généraux.

L’amendement Courtois représente un pas de plus dans cette direction. Aux termes du texte issu de l’Assemblée nationale, amendé sur l’initiative de notre rapporteur, les effectifs des conseils augmenteraient de 50 % à 90 % dans six régions, de 100 % à 150 % dans neuf, et de 150 % à 200 % dans quatre autres. L’Île-de-France arrive en tête du hit-parade, avec, selon les versions, 308 ou 309 conseillers territoriaux, suivie par les régions Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d’Azur, dont le nombre de conseillers oscillerait respectivement entre 296 et 298, entre 255 et 262 et entre 224 et 226. À ces effectifs, il faudra ajouter un nombre équivalent de suppléants-remplaçants si la proposition que le ministre de l’intérieur nous a faite il y a quelques mois vient à être mise en œuvre.

Cet accroissement des effectifs représente évidemment des dépenses d’agrandissement d’hémicycles, de création de bureaux, ainsi que des coûts de fonctionnement alourdis, ce qui n’était pas, semble-t-il, l’objectif premier de la réforme.

Il représente surtout une formidable régression démocratique, des assemblées dont les effectifs défient à ce point le sens commun ne pouvant qu’être des chambres d’enregistrement. Cela est si vrai que, par un de ses amendements, le Gouvernement avait proposé, assez étrangement, que les commissions permanentes, qui, je le rappelle, se réunissent à huis clos, soient placées sur le même rang que les conseils eux-mêmes.

Si le conseil régional est, selon l’expression de M. Fabre-Aubrespy, une « réunion des conseils généraux », comment coopéreront les présidents de conseil général, qui sont donc les chefs d’une majorité départementale, et le président du conseil régional ?

Le conseiller territorial est censé, par sa seule existence, assurer la mise en cohérence des politiques départementales et régionales, mais la convergence des politiques suppose des cohérences de majorités. Alors que cela ne pose pas trop de problèmes aujourd’hui, tel ne sera plus le cas, selon moi, à l’avenir…

Une troisième catégorie de malfaçons est liée à la fragilité des fondations politiques de l’édifice.

Cela me permet de revenir sur la lecture que M. Marleix a faite hier de mon rapport d’information sur les modes de scrutin. Une telle lecture relève soit de la dyslexie, soit de la pure malhonnêteté intellectuelle. Personnellement, j’ai une préférence pour la seconde hypothèse…

En vérité, dès l’instant où l’élection du conseiller territorial est départementale, aucun mode de scrutin – scorporo à la française tel qu’initialement prévu ou scrutin majoritaire uninominal à deux tours – ne peut garantir, comme aujourd’hui, une majorité à la région.

De surcroît, plus le mode de scrutin assure une majorité départementale, ce qui est le cas de tous les scrutins avec prime majoritaire, plus il rend improbables les majorités régionales.

Cela est inéluctable, dès lors, comme le souligne encore M. Fabre-Aubrespy, que je ne me lasse pas de citer, que « nous sommes dans le cadre d’une juxtaposition d’élections départementales portant sur un petit nombre de sièges ».

Dans les régions, et il y en a beaucoup, où la coalition de la droite et celle de la gauche de gouvernement obtiennent des résultats électoraux proches, la majorité régionale risque de se trouver à la merci de formations qui, bien que très minoritaires sur l’ensemble de la région, disposeraient localement de bastions électoraux. Dans cette hypothèse d’un équilibre entre la droite et la gauche classiques, il pourrait très bien arriver que de telles formations – je pense bien sûr au Front national, mais aussi, dans ma région, à la Ligue du Sud, récemment créée sur un modèle italien – se trouvent maîtresses du jeu.

Ainsi, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, si la liste de la Ligue du Sud, emmenée par M. Bompard, maire d’Orange, a obtenu des résultats globalement faibles aux dernières élections régionales, elle a réuni 8, 7 % des voix dans le Vaucluse et 36, 6 % à Orange : si l’on ajoute les 11 % du Front national, on aboutit dans cette ville à un total de plus de 47 % des voix.

Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le ministre de l’intérieur, un scrutin majoritaire ne garantit donc pas une majorité.

Si, à l’échelon départemental, le mode de scrutin qui a été choisi ne posera pas trop de problèmes, puisque c’est celui qui existe actuellement, le risque de déstabilisation des régions est considérable.

Enfin, une quatrième catégorie de malfaçons tient à la fragilisation de l’édifice par la construction d’une annexe sans communication avec le corps de bâtiment principal : je veux parler des métropoles.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Cela fait beaucoup de critiques, mais on n’entend aucune proposition ! Le néant !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Des propositions, nous allons en faire, monsieur le ministre, un peu de patience ! Pour l’heure, souffrez que nous mettions l’accent sur les graves défauts de votre édifice, avant que vous ne l’inauguriez !

Sourires .

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Les métropoles sont destinées à vampiriser départements et régions, sans que l’on sache comment s’articuleront les politiques et les responsabilités des uns et des autres. Qui assurera la coordination entre régions, départements et métropoles ? Ce ne sera pas les conseillers territoriaux élus dans les cantons métropolitains, puisqu’ils seront incompétents dans les domaines délégués par les régions et les départements à la métropole, ni les délégués métropolitains, puisqu’ils ne seront pas obligatoirement conseillers territoriaux.

Ainsi, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sera compétente en matière de développement économique, sauf pour les métropoles de Marseille, de Toulon et de Nice, voire d’Aix-en-Provence si sa communauté d’agglomération parvient à se hisser – je sais que certains y songent – au rang de métropole. Qui assurera la cohérence de l’ensemble ? Mystère !

Faudrait-il donc, mes chers collègues, balayer ces interrogations d’un revers de main au prétexte qu’il importe d’en finir le plus tôt possible avant les prochaines élections et que l’on verra bien à l’usage ? Ce serait faire courir un grand risque à nos collectivités, déjà aux prises avec des difficultés financières inédites.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose de remettre la totalité de l’ouvrage sur le métier et de prendre le temps d’un examen approfondi des conséquences d’une réforme qui a sombré progressivement dans la confusion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Les auteurs de la motion tendant à opposer la question préalable critiquent notamment l’institution du conseiller territorial, par le biais d’une double accusation contradictoire : ils préjugent de son rôle en lui reprochant par avance tout à la fois de « cantonaliser » la région et d’« éloigner » le département.

En réalité, nous l’avons expliqué à de nombreuses reprises, le conseiller territorial servira l’intérêt général comme le font aujourd’hui l'ensemble des élus locaux.

Il portera tout à la fois les ambitions de la région et la compétence de terrain du département. Sa double fonction lui permettra de renforcer la coordination et la solidarité entre ces deux niveaux de collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je commence par répondre à l’exposé des motifs de votre motion, un peu de patience ! En tant que philatéliste, j’aime que tout soit fait méthodiquement !

Sourires .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Les spécificités de l’une et l’autre collectivités sont réaffirmées par le projet de loi. Le conseiller territorial tirera sa légitimité de son élection au suffrage universel dans le cadre d’une circonscription. Il sera donc bien identifié sur son territoire par ses électeurs. Il ne s’agit pas d’un recul de la démocratie locale.

Sur la question de la parité, notre réflexion n’est pas achevée. Chacun s’attache à retenir les dispositions qui permettront de ne pas l’affaiblir.

S’agissant des dispositions fixant les principes généraux de répartition des compétences entre les trois niveaux, nos collègues socialistes s’inquiètent du pouvoir d’action des collectivités.

Le texte adopté par les députés, que la commission des lois propose d’adopter sans modification, devrait les rassurer.

En effet, si l’article 35 retient le principe d’exclusivité des compétences légales, c’est pour le tempérer aussitôt par l’institution de la capacité d’initiative dans les domaines non prévus par la loi.

Par ailleurs, la loi pourra toujours prévoir des compétences partagées entre plusieurs niveaux de collectivités territoriales.

Enfin, le projet de loi entérine expressément le partage des compétences dans les trois domaines du tourisme, de la culture et du sport, afin d’y préserver la faculté d’intervention et de financement des actions des différents niveaux de collectivités. Le dispositif ne met donc pas en danger l’existence des associations agissant dans ces secteurs. Elles pourront poursuivre leur activité. Je pense que le Gouvernement donnera un avis favorable à un amendement de notre collègue Legendre portant sur ce thème.

Monsieur Collombat, au cours de votre intervention, vous avez filé une métaphore architecturale. Pour ma part, j’approuve les constructions réalisées sous la direction d’un très bon architecte. M. le ministre de l’intérieur en est un, le texte qu’il nous a proposé est excellent, c’est pourquoi la commission des lois préconise le rejet de la motion.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. Michel Mercier, ministre. Je ne suis que l’assistant du maître d’œuvre !

Sourires .

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Monsieur Collombat, vous aimez débattre ; je vous soupçonne donc de ne pas souhaiter réellement que l’adoption de votre motion vienne mettre un terme prématuré à nos échanges…

Je me bornerai à apporter quelques compléments aux excellents arguments de M. le rapporteur.

Tout d’abord, le principe même de l’institution du conseiller territorial est acquis. Le Sénat et l’Assemblée nationale en ont décidé ainsi. Cet élu sera demain un acteur majeur de la décentralisation.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. Michel Mercier, ministre. Je connais votre capacité à faire vivre et à développer les fantômes, monsieur Collomb !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

J’ai bien entendu les critiques touchant à des inégalités entre départements en matière de représentation démographique.

À cet égard, je rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour les circonscriptions législatives admet des écarts par rapport à la moyenne, dans une limite de plus ou moins 20 %.

Je vous renvoie en outre, monsieur Collombat, à la question de la composition des conseils des communautés de communes, des communautés urbaines ou des communautés d’agglomération : nous sommes tous convenus que chaque commune membre, quelle que soit sa taille, doit compter un nombre minimal de représentants au sein du conseil de l’EPCI. Aux yeux du Gouvernement, le même principe doit valoir pour l’élection des conseillers territoriaux.

J’estime donc que la question préalable n’a pas lieu d’être sur ce texte. Je convie le Sénat à poursuivre le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Les débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale et la rédaction adoptée par les députés n’ont fait que renforcer nos craintes et notre opposition à ce projet de loi.

La preuve est faite que la volonté du Gouvernement et de sa majorité est bien de mettre fondamentalement en cause nos institutions républicaines et notre démocratie locale, fondée sur la décentralisation et le principe de la libre administration des collectivités territoriales.

En effet, ce texte vise à transférer l’essentiel des compétences des communes aux intercommunalités – et celles des communautés de communes aux métropoles –, selon des procédures qui ne permettront plus à une commune d’en décider par elle-même. En fait, ce texte ouvrira la voie à la suppression progressive de l’échelon communal, en faisant de l’intercommunalité le futur premier niveau de collectivités territoriales.

Pour être sûrs d’y parvenir et devant le mécontentement des élus locaux, qui refusent dans leur immense majorité cette perspective, vous prévoyez d’installer une république des préfets, en leur donnant les pleins pouvoirs pour imposer l’intercommunalité, ainsi que pour en revoir le périmètre et les compétences. Ils pourront ainsi, sur les ordres du pouvoir central, redessiner seuls la carte de nos institutions locales.

Nous ne saurions l’accepter, tout comme nous ne pouvons accepter la disparition de nos départements et de nos régions tels que nous les connaissons aujourd’hui, au profit de nouvelles institutions aux territoires élargis, mais dont nous ne connaissons ni l’appellation ni les compétences.

Enfin, comment pourrions-nous accepter la création du conseiller territorial, nouveau type d’élu local hybride, schizophrène et essentiellement masculin ? Notre crainte est forte de voir ces élus siégeant dans deux collectivités locales devenir de simples administrateurs chargés de mettre en œuvre des politiques publiques définies par le pouvoir central.

Cette vaste et dangereuse opération de remise en cause de nos institutions conforte notre volonté de poursuivre le combat contre le présent projet de loi. Nul ne conteste la nécessité d’une véritable réforme permettant aux collectivités locales de répondre toujours mieux à leur vocation, mais une telle réforme doit être réalisée dans la clarté, en respectant le suffrage universel. Or, tel n’est pas le cas.

Les objectifs doivent être affichés sans ambiguïté, les enjeux ne doivent pas être masqués. Dans cette perspective, il aurait fallu commencer par le début, en redéfinissant les compétences de chacun avant de se pencher sur la question des institutions devant porter cette réorganisation de l’action publique.

Oui, nos concitoyens souhaitent, comme nous tous, une réforme qui donne aux communes, aux départements et aux régions les moyens de toujours mieux répondre à leurs besoins et à leurs attentes. C’est pourquoi nous défendrons une nouvelle fois, au cours de ce débat, une tout autre conception que la vôtre du développement de nos territoires. Nous refusons leur mise en concurrence, qui débouche toujours sur la victoire du plus fort au détriment de la solidarité, qui est pourtant l’élément fondateur de notre pacte républicain. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je voudrais revenir sur les arguments qui m’ont été opposés.

Monsieur le ministre, vous avez jugé excellents ceux de M. le rapporteur. Certes, mais ils ne répondent pas aux objections que j’ai adressées au projet de loi ! Il n’est pas toujours judicieux de lire une intervention préparée à l’avance : écouter, puis répondre aux observations formulées, c’est cela, un débat !

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous m’avez objecté que l’institution du conseiller territorial est acquise.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Le mode de scrutin l’était également, n’est-ce pas ! Il était gravé dans le texte !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mais, par les temps qui courent, ce qui est acquis un jour pourrait l’être un peu moins le lendemain, d’autant que de sérieuses raisons incitent à ne pas persévérer dans l’erreur. Par exemple, qu’en sera-t-il de la gouvernabilité des régions ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Avec les Verts, c’est très dur !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous vous en êtes occupé !

Les conseillers, en nombre pléthorique, seront forcément dépossédés du peu de pouvoir qu’ils ont aujourd’hui. En outre, le mode de scrutin retenu rendra presque impossible de dégager une majorité. Avec le scrutin majoritaire, nous risquons de nous retrouver dans la situation que nous connaissions avant 2000 avec le scrutin proportionnel, quand la constitution de majorités régionales supposait parfois de passer des accords avec des formations pas nécessairement sympathiques… Je vous invite à bien y réfléchir, mes chers collègues !

Enfin, s’agissant du tableau des effectifs des conseillers territoriaux, je n’ai bien sûr rien contre le fait qu’on accorde quinze sièges aux départements les moins peuplés. J’aurais même souhaité qu’on leur en donne davantage, mais que se passera-t-il si, d’aventure, le Conseil constitutionnel s’oppose à la fixation d’un tel minimum, comme il s’y était opposé pour le nombre de sièges de député par département ? Je n’ai pas eu de réponse à cette question, mais je ne doute pas que vous vous inclinerez. Il ne restera alors aux élus des quelques départements concernés que les yeux pour pleurer, et vous leur expliquerez que vous n’avez pas pu faire mieux…

Je vous mets en garde contre ce qui risque d’arriver, mes chers collègues : avant de voter, pensez-y !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 241 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures cinquante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.