Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la décentralisation, comme la démocratie, est un bien commun. Il n’empêche…
Trop d’échelons et de structures, trop de superposition des compétences et toujours plus de croisements financiers tuent toute visibilité politique et favorisent saupoudrage et clientélisme.
Bref, quand tout le monde est compétent pour tout, soit personne ne s’occupe de rien, soit on gaspille par une logique de concurrence et de guichet.
La réforme était nécessaire ; la crise l’a rendue urgente. Le rythme du quinquennat a malheureusement, à mon sens, altéré la consultation des élus locaux.
La réforme s’organise autour de deux piliers : départements-région, communes-communauté.
Pour ce qui est du premier pilier, on constatait que, selon les territoires, urbains ou ruraux, soit le département jouait le rôle essentiel, au préjudice de la région, soit l’inverse. La réunion de leurs compétences en un seul élu a permis de conserver et de concentrer leurs avantages. Cela constitue, je le crois, une avancée notable, mais nous ne devons pas en tirer de conclusion hâtive ou pernicieuse. Si la réduction du nombre d’élus peut être une conséquence, elle ne doit en aucun cas être un objectif.
Le second pilier est fort complexe. La commune, entité territoriale la plus ancienne de France, est aussi la seule véritablement lisible par le citoyen. Cela appartient aux particularités de l’histoire. En 1884, sur le territoire français, les anciennes paroisses, construites et rassemblées de façon naturelle au fil du temps, sont devenues des entités administratives, des communes.
Ainsi, la pertinence des communes, à l’époque de leur création, était déjà inscrite, et parfois depuis des siècles, dans le découpage des territoires, dans les esprits, dans les mentalités, dans les racines de chaque citoyen, de chaque famille, bref, dans le patrimoine identitaire de chacun.
Aucun autre échelon territorial ne peut se prévaloir d’une telle proximité, d’une telle légitimité auprès du citoyen. Vous êtes nombreux, mes chers collègues, à ceindre l’écharpe de maire, d’adjoint, de conseiller municipal, et nous savons tous combien les décisions politiques prises quelquefois à d’autres échelons que le nôtre nous incombent pourtant dans l’esprit des Français. Il est a fortiori essentiel que chaque conseil municipal soit le garant des compétences qui lui ont été dévolues par la loi.
Le plan local d’urbanisme, le droit du sol et du sous-sol, en bref tout ce qui a vocation à devenir construction sur le territoire de la commune, doit rester l’apanage du maire. Cela constitue la marque directe, immédiate, de sa responsabilité face à ses électeurs et à ses concitoyens. La loi ne saurait, sous quelque forme juridique que ce soit, mettre ce droit en péril.
Lui ôter ce droit revient à transformer le maire en simple officier d’état civil et, par là même, à déstabiliser, voire à altérer dangereusement l’interaction et le lien que l’habitant entretient avec son espace de vie et, il faut le dire, sa confiance dans l’institution politique.
Ainsi, le besoin de rationaliser le territoire, de le rendre compétitif, lisible et plus juste aurait dû trouver son expression avant tout autour de la commune. Notre devoir est de considérer celle-ci comme ce qu’elle est, à savoir le fondement républicain de nos territoires.
En conséquence, les communes doivent disposer tant du pouvoir de décision que du droit de veto sur toutes les dispositions concernant leur territoire, quel que soit l’EPCI dont elles sont membres.
De même, il paraît inconcevable que, à la faveur d’une fusion de communes ou d’EPCI, un maire voie le droit qu’il exerce sur le sol de sa commune transféré de facto à un EPCI dont le régime juridique le prévoit. Je pense aux communautés urbaines et aux métropoles. C’est pourquoi le pôle métropolitain me paraît le meilleur des systèmes.
Le temps a manqué à la concertation des maires et la réforme a péché par manque d’appréhension des réalités communales et intercommunales.
La réussite de l’intercommunalité est souvent liée à la représentation des communes et au statut de vice-président de leurs maires.
Les élus municipaux s’unissent au sein de l’intercommunalité pour mettre en commun leurs compétences, leurs connaissances, leurs moyens afin de rendre non seulement un meilleur service à la population, mais aussi de travailler au dynamisme pertinent et naturel de leurs territoires. Pour ce faire, les élus de toutes tendances doivent – cela est plus facile ici qu’ailleurs – travailler ensemble afin de permettre aux spécificités, aux diversités, voire aux nuances et aux harmonies territoriales de continuer à enrichir et à irriguer la France.
Dans cette optique, il est utile que communes et intercommunalités gardent toute liberté pour décider ensemble du nombre de membres élus ou de vice-présidents appelés à siéger au sein du conseil de communauté. A minima, un poste de vice-président doit pouvoir être une option pour chaque commune, dans le cadre, bien entendu, du strict respect de l’enveloppe financière consentie par la loi.
L’amendement que je présenterai respecte l’impératif de maîtrise de la dépense publique, tout en s’appuyant sur les caractéristiques de consensus et de négociation propres aux intercommunalités.
Les clauses de revoyure, dont l’immense majorité d’entre nous auraient voulu par nécessité de cohérence, de lisibilité et de sécurité qu’elles puissent être discutées avant la rentrée prochaine, joueront un rôle crucial.
Les systèmes de péréquation devront permettre de réparer les injustices les plus profondes de nos territoires. Or nous savons déjà que certaines de nos communes ne pourront s’aligner sur les exigences de minima légaux en matière de financements croisés.
Les clauses de revoyure, si l’on veut continuer à être un pays où les territoires puissent se porter assistance, devraient aussi être conçues de façon à ne pas pénaliser les territoires qui s’étaient adaptés à la taxe professionnelle et étaient, par leur compétitivité, devenus moteurs pour la France.
Des progrès un peu trop timides sur le statut de l’élu – mais je sais qu’un texte ultérieur sera déposé sur le sujet – figurent aujourd’hui dans la réforme. Nous avons sur ce point beaucoup de retard sur nombre de nos voisins européens. Il est impératif, pour la démocratie et pour la République, de parfaire, voire de construire ce statut de manière à conserver un juste équilibre entre le pouvoir de l’élu et celui de l’administration, faire en sorte que la diversité citoyenne puisse être représentée dans son ensemble et que l’égalité de tous face au mandat électif soit accrue.
C’est sans démagogie qu’il nous faudra y réfléchir. Il est en effet aujourd’hui difficile pour les professions libérales, les commerçants, les salariés du privé ou les chefs de petites et moyennes entreprises de pouvoir accéder à un poste d’élu en l’absence des garanties conférées soit par l’appartenance à la fonction publique, soit au pouvoir de l’argent.
Les échanges que nous aurons dans cet hémicycle feront de ce texte, je l’espère, une belle réforme.
Je salue le travail accompli au sein de la commission des lois par son président, Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, et la tâche était difficile.