Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 29 juin 2010 à 15h00
Réforme des collectivités territoriales — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Brice Hortefeux, ministre :

Merci également d’avoir rappelé que vouloir réformer notre organisation territoriale, pour en corriger les faiblesses, c’est non pas affaiblir la décentralisation mais, au contraire, chercher à lui redonner du souffle !

J’ai bien noté votre attachement au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, qui, comme cela a été souligné, est « simple et lisible » et permet de maintenir un « lien indéfectible entre un élu et son territoire ».

Comme vous l’avez également très clairement rappelé, s’agissant aussi bien des communes nouvelles, des métropoles que des intercommunalités, la réforme prend appui sur les communes, qui demeurent bien les cellules de base de notre organisation territoriale.

Merci de soutenir la réforme, c’est-à-dire le mouvement contre le statu quo. C’est bien là l’esprit de la décentralisation.

Monsieur Hervé Maurey, vous avez regretté le manque d’ambition du texte soumis en deuxième lecture au Sénat et vous avez appelé à des améliorations nécessaires sur plusieurs points, notamment le cumul, les compétences et les cofinancements.

Comme je l’ai dit hier, le Gouvernement envisage très favorablement plusieurs amendements que votre groupe et vous-même avez déposés en ce sens. Cette deuxième lecture nous offre l’occasion de progresser ensemble, peut-être même en confiance, vers un texte plus conforme à vos attentes.

Madame Bernadette Bourzai, vous avez estimé que l’avancée majeure de la décentralisation consistait à rapprocher les centres de décision des citoyens et des administrés. C’est bien cet objectif que vise la création des conseillers territoriaux qui seront donc, demain, les interlocuteurs uniques de l’ensemble des acteurs locaux, entreprises, élus et citoyens : il me semble que nous sommes bien au cœur de l’ambition décentralisatrice.

M. Jean-Pierre Chevènement nous a dit sa conviction que la meilleure formule pour l’élection du conseiller territorial était bien le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, et je l’en remercie. Je le remercie également de son soutien, assorti, il est vrai, d’un certain nombre de remarques critiques, à l’objectif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité qui représente, en fin de compte, l’aboutissement du travail entamé, en 1999, avec la loi qui porte son nom.

Je m’associe à son souhait de voir cet objectif atteint à partir d’un dialogue, par définition exigeant, entre les préfets et les élus locaux. L’économie du texte qui est soumis au Sénat répond à ce vœu : il organise une procédure par étapes permettant un travail conjoint entre les préfets et les CDCI et, surtout, une concertation systématique des conseils municipaux et communautaires.

J’approuve également Jean-Pierre Chevènement quand il affirme que l’intercommunalité doit se construire non pas contre les communes, mais avec elles, et à leur profit.

Je remercie Dominique de Legge d’avoir souligné le caractère équilibré du texte soumis à l’examen du Sénat. Je partage totalement sa conviction selon laquelle « finaliser la carte de l’intercommunalité est le plus sûr moyen de pérenniser le fait communal et d’en optimiser les moyens ».

J’ai bien noté votre souhait, monsieur le sénateur, de ne pas précipiter les évolutions dans le domaine de l’intercommunalité et de laisser les élus disposer du temps nécessaire pour présenter des propositions en vue de l’élaboration du schéma de coopération intercommunale.

Je partage ce souci et c’est pour cette raison que nous défendons, avec Alain Marleix et Michel Mercier, le calendrier actuel du projet de loi, qui prévoit des étapes et des procédures très précises.

J’indique clairement à la Haute Assemblée que mes instructions aux préfets seront sans aucune ambiguïté : l’élaboration des schémas doit se dérouler dans la concertation, chacun doit être entendu, même s’il n’est jamais mauvais d’anticiper sur les diagnostics, les contacts et les éléments objectifs qui permettront d’éclairer le débat, le moment venu.

Madame Jacqueline Gourault, vous n’en serez pas surprise, même si votre intervention m’a paru un peu déséquilibrée), je vous remercie d’avoir apporté votre soutien à l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires et, plus généralement, au volet intercommunal de la réforme, dont vous avez rappelé, à juste titre, le caractère très consensuel.

Sur le mode d’élection du conseiller territorial, j’ai bien entendu vos remarques, vos réflexions et vos analyses : nous aurons un débat sur ce sujet.

Après avoir beaucoup réfléchi et consulté, le Gouvernement, qui avait proposé un scrutin mixte, s’est rallié - c’est le mot - au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Le Gouvernement souhaite bien évidemment, comme vous, madame la sénatrice, que la Haute Assemblée, qui représente les collectivités territoriales, aux termes même de la Constitution, puisse jouer tout son rôle pour enrichir ce projet de loi.

L’Assemblée nationale a utilisé son droit d’amendement pour introduire de nouvelles dispositions électorales, en particulier le mode de scrutin et le tableau des effectifs des conseillers territoriaux. C’est désormais au Sénat de débattre et d’amender.

M. Jean-Pierre Sueur sait que je suis en désaccord avec lui quand il suggère que les conseillers communautaires soient élus au suffrage universel direct lors d’un scrutin autonome. Sa solution est respectable et son analyse intéressante, mais, si le Gouvernement a fait le choix du fléchage, c’est pour préserver la légitimité du maire et l’identité des communes, conformément, d’ailleurs, à la proposition n° 7 du rapport Mauroy, rédigé il y a une dizaine d’années déjà.

Selon M. Sueur, personne ne souhaitait la création du conseiller territorial, mais c’est oublier qu’elle correspond à une proposition essentielle du rapport Balladur, qui en comportait bien d’autres. Depuis plusieurs années, Jacqueline Gourault l’a d’ailleurs rappelé, cette idée est portée, entre autres, par la famille centriste

Monsieur Poncelet, je ne peux pas vous rejoindre lorsque vous affirmez que le conseiller territorial n’est pas représentatif du territoire. En réalité, nous le constaterons lorsque nous examinerons le tableau proposé par le rapporteur, le nombre des conseillers territoriaux prend en compte non seulement les réalités démographiques, mais également les spécificités des territoires. C’est pourquoi aucun département ne comptera moins de quinze conseillers territoriaux : la fixation de ce seuil répond à une demande forte, exprimée lors de la première lecture, émanant de parlementaires légitimement soucieux que le monde rural soit préservé, et même mieux représenté au sein de nos conseils régionaux : ce sera le cas, demain, dans certains départements.

Monsieur Jean-François Voguet, je voudrais vous rassurer : les ressources des collectivités territoriales sont garanties au travers de la réforme de la taxe professionnelle, cette année, mais également les années suivantes. Comme l’a jugé le Conseil constitutionnel en se prononçant sur la loi de finances pour 2010, l’autonomie financière des collectivités territoriales est garantie par notre réforme.

Monsieur Jean-Léonce Dupont, notre projet vise justement à développer une meilleure synergie entre communes et intercommunalités, reprenant en ce sens les dispositions qui figuraient dans l’avant-projet de loi sur la modernisation de la démocratie locale, présenté par Alain Marleix en 2009.

Concernant les métropoles, le statut d’EPCI, pour lequel nous avons opté, permet à la métropole de se développer en harmonie avec son département et sa région d’implantation, car les transferts de compétences reposent, pour l’essentiel, sur des accords conventionnels. En effet, j’en suis tout aussi convaincu que vous, les métropoles doivent se construire non pas contre les départements et les régions, mais avec eux.

J’ai bien noté les observations de Mme Dominique Voynet sur le rapport Balladur, dont elle partage le constat. Je note également que nous avons au moins un point d’accord sur l’achèvement de l’intercommunalité. Sur le reste, en réalité, Mme Voynet se fait l’avocate du statu quo.

Madame Joissains, je vous remercie d’avoir souligné que la réforme était « nécessaire et urgente » pour rendre notre organisation territoriale plus performante et plus efficace. Je voudrais vous rassurer : aucune disposition de ce projet de loi ne porte atteinte au rôle du maire, incontournable, notamment en matière d’aménagement de l’espace et d’urbanisme, en particulier au sein des métropoles.

Contrairement à ce qu’a affirmé M. François Rebsamen, le Gouvernement n’a en rien renoncé à l’ambition qui sous-tend ce projet de loi.

Je confirme que nous souhaitons bien restructurer notre organisation territoriale autour de deux pôles : un pôle regroupant communes et intercommunalité, qui fait d’ailleurs l’objet d’un consensus, comme l’a souligné M. Rebsamen, et la création d’un pôle regroupant les départements et la région : comme toutes les innovations, celle-ci suscite bien évidemment un débat ; qui pourrait s’en étonner ?

D’ailleurs, M. Rebsamen l’a avoué, très directement et très simplement, sa position est claire : il faut laisser les choses en l’état et surtout ne rien changer ! Telle n’est précisément pas la position du Gouvernement.

Je remercie Jean-Paul Virapoullé d’avoir soutenu le choix du Gouvernement de déposer un amendement rétablissant le scrutin majoritaire uninominal à deux tours.

Il a par ailleurs parfaitement rappelé le droit, en précisant que l’application du projet de loi ne revient pas, sur le plan juridique, à créer, à la Réunion et en Guadeloupe, une assemblée unique, au sens de l’article 73 de la Constitution, puisque les deux assemblées resteront juridiquement distinctes en tant qu’organes délibérants de deux personnes publiques différentes.

La réforme entraîne encore moins la création d’une collectivité unique, dans la mesure où le département et la région conserveront leurs compétences respectives.

Cette précision me permet également de répondre à Mme Gélita Hoarau.

Monsieur François Patriat, vous affirmez que ce projet de loi ne sera pas source de simplification et vous vous demandez comment fonctionnera le pôle département-région : précisément grâce à la création d’un nouvel élu local, le conseiller territorial, qui siégera à la fois au sein du conseil général et au sein du conseil régional !

Pourquoi refuser a priori de faire confiance à un élu qui sera proche du territoire, et qui, avec bon sens, cherchera en permanence la complémentarité entre ces deux collectivités territoriales : à la région la stratégie, au département la proximité ?

Ce mandat appartiendra aux femmes et aux hommes qui l’exerceront demain. Pourquoi refuser ce pari audacieux qui revient, finalement, à faire confiance aux élus locaux eux-mêmes pour clarifier, simplifier et mieux articuler les compétences des différentes collectivités ?

Monsieur Philippe Dallier, vous avez soulevé une question récurrente, celle de l’application du dispositif des pôles métropolitains à la région parisienne, et je sais que vous avez déposé deux amendements sur ce point. Le Gouvernement est favorable à une évolution de son texte sur ce sujet, car le pôle métropolitain n’est pas un outil adapté à l’Île-de-France, et je pense que le débat permettra de préciser davantage le dispositif.

Monsieur Gérard Collomb, je vous remercie d’avoir souligné tout le travail d’écoute, de dialogue et de concertation accompli par les uns et les autres : dans votre empressement, vous avez oublié de mentionner le rôle du Gouvernement, sans doute par pudeur et par réserve, mais j’ai bien senti que vous brûliez de lui rendre hommage !

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