Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 23 janvier 2008 à 15h00
Pouvoir d'achat — Article 1er

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Notre amendement vise à supprimer la première partie de cet article 1er, qui constitue une véritable tromperie à l'égard du monde du travail et une attaque contre la négociation collective.

Pour entrer dans le cadre de ce texte, il faut d'abord bénéficier de la réduction du temps de travail. Or, 38 % des salariés bénéficient des RTT : que faites-vous pour le pouvoir d'achat des 62 % restants, monsieur le ministre ?

Nous entendons parler du fabuleux succès de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, sur les heures supplémentaires défiscalisées et exonérées de cotisations. Mais nous ne sommes pas naïfs au point de ne pas voir que vous avez provoqué un formidable effet d'aubaine, en permettant le blanchiment de millions d'heures de travail au noir que tout le monde a maintenant intérêt à déclarer !

On peut pourtant exprimer deux regrets devant cette brillante réussite. Premièrement, elle ne rapporte pas un sou au budget de l'État ni à celui de la sécurité sociale et, deuxièmement, elle ne crée pratiquement pas de pouvoir d'achat, puisque l'on voit émerger des emplois jusque là cachés.

En réalité, cette affaire révèle surtout que les salariés sont depuis trop longtemps contraints d'accepter ces conditions particulières de rétribution, dans des proportions encore plus importantes que l'on ne pensait.

Passée la première phase, le phénomène va se stabiliser à l'étiage des heures disponibles.

Les salariés soumis à un accord de modulation annualisé ne risquent pas de profiter de la loi TEPA puisque, pour eux, les heures supplémentaires ont disparu au profit de la flexibilité. Quant au dispositif de renoncement aux RTT, ils ne pourront pas non plus en profiter. Mais vous n'hésitez pas à présenter vos mesures comme étant de portée générale. C'est bien tout le problème de ces bricolages miracles dont les Français sont accablés, auxquels personne ne comprend plus rien et qui ne sont que rideau de fumée.

Les bases de l'économie ne changent pas. Si un employeur n'a pas un carnet de commandes suffisant, que ce soit pour distribuer des heures supplémentaires ou pour faire renoncer les salariés à leurs RTT, rien ne se fera.

Les textes sont d'ailleurs explicites : ils présentent les mesures comme étant prises sur l'initiative du salarié, mais toujours avec l'accord de l'employeur. Comment pourrait-il, d'ailleurs, en être autrement ? Un salarié pourra toujours demander à son employeur de travailler au lieu de prendre ses jours de RTT. Comme dans le cas des heures supplémentaires, la durée du travail en dehors des accords collectifs reste à la discrétion de l'employeur.

C'est la deuxième tromperie : ce projet de loi procède à une nouvelle introduction de l'opting out dans notre droit, c'est-à-dire du contournement de l'accord, qu'il soit de branche, d'entreprise ou d'établissement, par des accords individuels de gré à gré. Encore venons-nous d'indiquer qu'il ne s'agit que de pseudo-accords, dans la mesure où, si l'une des parties a le pouvoir de solliciter, l'autre a tout pouvoir de disposer.

En fait, votre objectif est la généralisation de ce système. Depuis plusieurs années, vous organisez l'élimination de toutes les règles qui encadrent le travail et qui protègent les salariés. Vous voulez que le droit du travail ne devienne qu'un particularisme du droit civil et qu'il perde sa spécificité. Pour cela, il vous faut le réduire à quelques grands principes, faire perdre leur valeur aux accords collectifs et les remplacer par des contrats individuels, modulables à tout moment en fonction des volontés de l'employeur. Pourtant, vous le savez, dès lors qu'une des parties n'est pas en mesure de faire valoir équitablement ses intérêts, le contrat prend un caractère léonin.

Nous sommes tout à fait opposés à la duplicité de cette politique, fondée sur une communication qui célèbre l'accessoire et le temporaire pour mieux dissimuler l'essentiel.

Nous demandons un scrutin public sur cet amendement.

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