Intervention de Guy Fischer

Réunion du 23 janvier 2008 à 15h00
Pouvoir d'achat — Article 2

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Pour un gouvernement qui veut parler à tous les Français et qui vante la culture de la réussite, c'est pour le moins curieux !

Selon une étude de l'INSEE en date de mars 2006 et intitulée Épargne salariale : des pratiques différenciées selon les entreprises et les salariés, 4, 7 millions de Français ont constitué une épargne salariale. Mais cette étude ne vous fait pas bonne presse, tant s'en faut. En fait, on y vérifie ce que nous dénoncions déjà lors de l'adoption de ce dispositif, à savoir une inégalité flagrante entre les salariés. On y lit notamment que 10 % des salariés les mieux lotis en matière d'épargne salariale ont perçu 40 % des sommes versées à ce titre.

Les conclusions de cette enquête sont claires : partout où il existe des inégalités de salaires, l'épargne salariale, loin de les corriger, les amplifie.

Il faut ajouter qu'entre 2000 et 2004 l'épargne salariale a fait un bond de 6, 7 % par an, alors que, sur la même période, les salaires n'ont pas progressé. C'était, en fait, de la confiscation de pouvoir d'achat.

Nous pouvons en conclure qu'il existe un réel danger de substitution de cette solution à une vraie politique salariale, qui devrait être centrée sur le bulletin de paie. Mais n'est-ce pas là l'un de vos objectifs ?

Ce texte participe de votre volonté de faire adhérer progressivement l'ensemble de la société, et les travailleurs en particulier, au modèle capitaliste et libéral : on fait pression sur les salaires et on en confisque une partie, ce qui permet de renforcer le capital de l'entreprise avec l'argent des salariés.

Cela est confirmé par l'étude de l'INSEE, qui indique que « plus de la moitié des détenteurs ont une partie de cette épargne en titres ». Vous faites donc croire aux salariés que ce mode d'épargne est un complément légitime du salaire, alors que, indexé sur la Bourse, il fait varier le montant des sommes perçues là où le salaire est préalablement défini et individualise de plus en plus la relation salariale.

De façon insidieuse, ces formes de rémunération contournent les structures collectives existantes, qui protègent le salarié dans la relation inégalitaire qui le lie à son employeur.

L'article 2 s'inscrit dans cette logique, ce que nous ne pouvons tolérer. Nous savons pertinemment que cela n'aura que peu d'effet sur la consommation et le pouvoir d'achat puisque, comme nous l'avons vu par le passé, ce sont d'abord et avant tout les banques qui captent massivement ces sommes pour les placer dans d'autres formes d'épargne, souvent d'ailleurs sur des plans épargne en actions.

Autant dire que, de façon indirecte, votre mesure alimentera la Bourse et la spéculation au meilleur moment, en cette période de crise, ce qui ne me paraît pas judicieux. Cette analyse est partagée par le journal Les Échos, sous le titre « Un impact final très léger ». Il y est écrit : «e risque, souligné par les économistes, est aussi que le phénomène constaté en 2005 se répète. Bénéficiant à l'époque d'une même mesure, les ménages avaient en effet consacré plus des deux tiers des 7, 5 milliards débloqués à rembourser des emprunts immobiliers ou à réépargner sous d'autres formes, et non à consommer, pour un impact final très léger sur la croissance. Dans ces conditions, le jeu n'en vaut pas la chandelle, estiment les professionnels de l'épargne salariale ».

Je conclurai sur l'analyse, ô combien juste, de Michel Lamy, secrétaire national de la CFE-CGC : « C'est une technique de pickpocket : on laisse entendre aux Français qu'on va leur donner du pouvoir d'achat en plus, mais en fait on pique dans leur épargne ». Et cela, ni plus ni moins, pour le plus grand bénéfice des actionnaires !

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