Oui, chaque Strasbourgeois, chaque Alsacien entretient un rapport charnel à l’Europe. Et nos collectivités s’engagent depuis des décennies afin de répondre par l’action et par les faits à ceux qui voudraient défaire les traités internationaux et déplacer le Parlement européen à Bruxelles.
La région Alsace vient par exemple de lancer les études afin de relier par le TER l’aéroport international de Bâle-Mulhouse au centre-ville de Strasbourg. Roland Ries nous a rappelé quant à lui les efforts engagés, sur le plan ferroviaire, en faveur d’un second Thalys.
Monsieur le ministre, l’argument selon lequel Strasbourg serait inaccessible autrement qu’à dos de cigogne ne tiendra plus désormais !.)
De la mauvaise foi, les détracteurs de Strasbourg, siège du Parlement européen, en ont à revendre. Parfois, il est vrai, ils visent juste, et Strasbourg, bien souvent, aurait tout intérêt à oser : oser se développer, oser accueillir de grands événements populaires comme le championnat d’Europe de football, auquel elle a malheureusement renoncé, oser rayonner au rythme d’une métropole.
Mais, mes chers collègues, l’enjeu n’est pas strasbourgeois ; il est national, il est européen.
Le Parlement européen est la seule institution de l’Union européenne à avoir son siège en France. Cela est inscrit dans les traités, tout particulièrement dans le traité d’Amsterdam : Strasbourg, redisons-le, est le siège du Parlement européen !
Alors, au nom de quoi devrions-nous accepter que les traités internationaux soient appliqués à la lettre quand il s’agit de fixer le siège de la Commission à Bruxelles, celui de la Banque centrale à Francfort, celui de la Cour de justice à Luxembourg, et qu’ils ne le soient pas quand il s’agit de fixer le siège du Parlement européen à Strasbourg ?
Au nom de quoi devrions-nous nous taire quand des parlementaires européens se mettent en tête, pour des motivations qu’il ne nous appartient pas de juger, mais sur lesquelles nous pouvons émettre les plus vives réserves, de siéger à Bruxelles plutôt qu’à Strasbourg ?
Le Gouvernement réagit. Il le fait avec fermeté, monsieur le ministre, et je voudrais ici saluer son action.
Mais Strasbourg a besoin de vous, elle a besoin de ses parlementaires, de leur engagement et de leur soutien.
C’est en effet la parole de la France qui est en jeu, c’est la place de notre pays dans la construction européenne qui est en cause.
Nous entendons bien l’argument suivant lequel le travail parlementaire serait facilité à Bruxelles puisque l’exécutif européen, c’est-à-dire le Conseil et la Commission, y ont leur siège. Soit !
Mais, dans ce cas, puisqu’il faut réviser les traités, révisons-les de fond en comble et transférons en un lieu unique à définir – et pourquoi pas, cher Roland Ries, à Strasbourg ? –, la Banque centrale, la Cour de justice, la Cour des comptes. Pendant qu’on y est, rapatrions donc aussi au même endroit les différents organismes et agences de l’Union.
Je croyais que l’Europe en avait fini avec le cauchemar du centralisme bureaucratique. Vous avez compris que nous n’en prendrions pas le chemin.
Je croyais aussi que le modèle européen était le polycentrisme, que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer longuement. Et c’est bien ce modèle polycentrique que nous devons défendre si nous voulons renforcer la démocratie européenne.
L’enjeu de la localisation du siège du Parlement européen à Strasbourg dépasse le niveau local et même national ; c’est un enjeu pour l’Europe tout entière.
Lorsqu’il se réunit à Strasbourg, le Parlement européen tient des débats de nature politique – j’insiste sur ce terme.
Lorsque le Parlement émet un vote de défiance contre la Commission – c’est arrivé –, il le fait non à Bruxelles, lors des séances additionnelles qu’il a le droit d’organiser, mais bien à Strasbourg. Pourquoi ?
Comme le veut un principe qui est quasiment devenu une loi dans l’histoire des démocraties parlementaires, un parlement existe réellement lorsqu’il prend ses distances par rapport à l’exécutif, au sens propre et au sens figuré, lorsqu’il n’en subit pas les actions constantes de lobbying. Un parlement existe lorsque c’est l’exécutif qui se déplace pour venir devant lui rendre des comptes.