Séance en hémicycle du 5 mai 2011 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe socialiste, de la proposition de résolution relative à la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Roland Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés (proposition n° 358).

Dans le débat, la parole est à M. Roland Ries, auteur de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 9 mars dernier, les parlementaires européens ont voté l’amendement dit « Fox », du nom du député européen britannique Ashley Fox, amendement ramenant, de fait, de douze à onze le nombre de sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg pour les années 2012 et 2013.

Cet amendement vise à positionner deux périodes de session de deux jours chacune sur une même semaine, aux mois d’octobre 2012 et 2013, en lieu et place des deux sessions de quatre jours prévues initialement au cours de ce mois.

Depuis plusieurs années – vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues –, certains lobbies, emmenés par les plus eurosceptiques des députés européens, s’évertuent à vider de leur contenu les sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg. Le bien-nommé amendement Fox, adopté à la faveur d’un vote à bulletin secret, procédure très rarement utilisée, entre dans cette même logique. Il s’agit là d’une nouvelle attaque visant à remettre en cause le siège du Parlement européen à Strasbourg.

La souveraineté du Parlement européen dans l’organisation de ses sessions ne peut évidemment pas être contestée. En revanche, je regrette l’état d’esprit qui prévaut à ces réorganisations et, surtout, le non-respect manifeste des traités qui, sur ce point, sont sans équivoque : « le Parlement européen a son siège à Strasbourg où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire. » À cet égard, le Gouvernement français, par la voix de M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, a d’ailleurs clairement fait part, le 14 mars dernier, de son intention de saisir une nouvelle fois la Cour de justice de l’Union européenne, afin de contester la légalité de la décision prise par le Parlement européen.

En outre, la mise en place de deux sessions de deux jours sur une même semaine, alors que toutes les autres sessions plénières se déroulent mensuellement sur une période de quatre jours, contrevient sans nul doute au « rythme régulier » auquel le Parlement européen devrait tenir ses sessions.

Je rappelle en ce sens l’arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 1er octobre 1997, arrêt qui a en effet annulé, à la demande de la République française, soutenue devant la cour par le Grand-Duché de Luxembourg – cela sera encore le cas cette fois –, la délibération du Parlement européen du 20 septembre 1995 fixant déjà à onze le nombre de sessions plénières devant avoir lieu à Strasbourg pour l’année 1996. À l’appui de cette décision, l’arrêt mentionnait que « le siège du Parlement est le lieu où doivent être tenues, à un rythme régulier, douze périodes de sessions plénières ordinaires de cette institution ». Il précisait également que « des périodes de sessions plénières additionnelles ne peuvent donc être fixées dans un autre lieu de travail que si le Parlement tient les douze périodes de sessions plénières ordinaires à Strasbourg, lieu du siège de l’institution ». La cour a ajouté par ailleurs qu’« il est cependant constant entre les parties que les périodes de sessions plénières s’étendant d’un lundi à un vendredi se tiennent à Strasbourg ».

Le vote de l’amendement Fox va donc très clairement à l’encontre de la jurisprudence communautaire. Il est également dommageable aux intérêts de l’institution et, plus généralement, de l’Union européenne dans son ensemble. En effet, alors que les pouvoirs du Parlement européen se sont accrus au fil des traités successifs et que le travail parlementaire est devenu sans cesse plus dense, les calendriers, tels qu’ils ont été votés, mettent à mal l’ambition démocratique de l’institution.

Cibler en permanence le siège de Strasbourg, c’est remettre en cause l’équilibre institutionnel de l’Union européenne. En effet, une Europe centralisée serait contraire au principe même d’une Europe « unie dans sa diversité », devise, je vous le rappelle, de l’Union européenne. L’Europe est polycentrique. L’Union a fait le choix de déconcentrer ses centres de décision, afin d’être incarnée dans différents États membres.

Vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, Strasbourg tire sa légitimité non seulement du droit, mais surtout de l’Histoire. Le cœur de l’Europe s’est mis à battre à Strasbourg le 10 août 1949, lors de la session constitutive du Conseil de l’Europe. Moins d’un an après, le 9 mai 1950, Robert Schuman y a prononcé sa fameuse déclaration, qui deviendra le véritable acte de naissance de l’Europe communautaire.

Le choix de la localisation du Parlement européen à Strasbourg est donc loin d’être le fruit du hasard. La construction de l’Europe s’est fondée sur le dépassement des conflits historiques et, plus singulièrement, sur la réconciliation franco-allemande, dont Strasbourg est à l’évidence le symbole. Siège de la première organisation paneuropéenne créée par les gouvernements au sortir de la guerre, à savoir le Conseil de l’Europe, Strasbourg a conscience des responsabilités qui lui incombent dans la mise en œuvre du projet de construction d’une Europe unie autour des valeurs de la démocratie et des droits de l’homme.

La construction européenne s’est développée sur le principe de trois villes hôtes d’institutions, jouant chacune un rôle spécifique, nécessaire et indispensable. Aux côtés de Bruxelles et Luxembourg, qui incarnent respectivement le pouvoir exécutif et judiciaire de l’Union européenne, Strasbourg est le siège du pouvoir législatif. La ville est par ailleurs – faut-il le rappeler ? – le symbole historique de l’humanisme, de la démocratie, de la paix, des droits de l’homme et des citoyens. Elle est ainsi le siège de plusieurs institutions qui incarnent ces valeurs : le Conseil de l’Europe, dont la mission est de promouvoir la démocratie, de protéger les droits de l’homme et l’État de droit en Europe ; la Cour européenne des droits de l’homme, le Médiateur européen et, enfin, le Parlement européen. Il s’agit donc non pas d’opposer ces trois capitales – Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg –, mais bien de les associer dans une perspective de complémentarité.

D’ailleurs, dans cette lignée, le conseil municipal de Strasbourg a acté la création prochaine d’un « Lieu d’Europe », qui aura pour mission principale de faire découvrir l’Europe aux citoyens et de renforcer leur sentiment d’appartenance à un ensemble géographique et politique large.

Nous avons également noué avec le Parlement européen un partenariat qui se décline à travers maintes actions conjointes, la plus emblématique étant sans aucun doute le prix Sakharov, remis chaque année par le Parlement européen. Je pense aussi à la Fête de l’Europe ou aux journées portes ouvertes. Nous entendons approfondir encore ce partenariat, qui pourra peut-être se concrétiser par une convention, à l’instar de celle qui a été conclue entre la ville de Strasbourg et le Conseil de l’Europe en mai 2010.

À l’heure où les peuples se soulèvent au nom des valeurs que je viens d’évoquer et où les Européens ont besoin de repères forts pour traverser la crise qui les accable, le rayonnement européen et international de Strasbourg contribue pleinement à celui de la France. « Strasbourg, capitale européenne » n’est donc pas un simple enjeu municipal. C’est une cause nationale, qui nécessite l’engagement ferme et résolu, dans la durée, de toutes les autorités de l’État.

C’est la raison pour laquelle je souhaite voir aujourd’hui l’ensemble des groupes parlementaires du Sénat soutenir cette proposition de résolution, qui « demande […] aux institutions européennes et notamment au Conseil d’empêcher toute remise en cause de la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg ».

Cette proposition de résolution ayant été reprise par le député Armand Jung et déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, j’espère voir acter une position nationale ferme et forte sur cette question par l’ensemble du Parlement.

Pour répondre aux arguments avancés par ceux qui sont opposés à ce que le Parlement européen siège à Strasbourg, je prendrai la liberté de rappeler certains éléments.

En matière d’accessibilité, outre les actions qui devraient être menées dans le cadre du prochain contrat triennal, j’ai invité, lors de la réunion annuelle des trois capitales européennes en juin 2010, les bourgmestres de Bruxelles et de Luxembourg à répondre de concert à la consultation de la Commission européenne sur les grands projets d’infrastructure visant à la constitution d’un vaste réseau transeuropéen de transport. Ainsi, dans une déclaration commune en date du 10 septembre 2010, nous avons appelé à la réalisation rapide du projet Eurocaprail, soulignant son « intérêt prioritaire » pour « améliorer la qualité, la performance et la fréquence des liaisons ferroviaires » entre nos trois villes, sièges d’institutions européennes.

À cet égard, je tiens à vous informer que, dès la session que le Parlement européen tiendra la semaine prochaine, un second train Thalys sera mis en service, à neuf minutes d’intervalle avec le premier, pour relier Strasbourg et Bruxelles via Paris.

Les conditions de l’hébergement hôtelier à Strasbourg inspirent aux députés qui militent en faveur d’une localisation du Parlement européen à Bruxelles l’un de leurs principaux arguments : ces députés arguent en effet de l’augmentation des tarifs pendant les sessions, hors de proportion selon eux et conduisant au dépassement des plafonds autorisés dans le cadre du per diem. D’autres arguments relèvent de la même critique.

Cette situation révèle l’état de mécontentement dans lequel se trouvent aujourd’hui l’administration et les personnels du Parlement européen, ainsi que celui des députés eux-mêmes.

Afin de remédier à cela, nous avons décidé de réunir ce mois-ci les hôteliers strasbourgeois en vue d’améliorer la qualité de l’offre d’hébergement. À cette occasion, le projet d’une charte des hôteliers sera relancé.

Strasbourg a pour elle le droit et l’histoire, ainsi que le rôle essentiel de complémentarité dont j’ai parlé.

Je crois cependant, monsieur le ministre, que le moment est venu d’être plus offensif face à ces provocations, pour défendre la présence du Parlement européen sur notre territoire.

En 2008 à Copenhague, M. le Premier ministre François Fillon avait vivement et clairement défendu le statut de Strasbourg en tant que capitale parlementaire de l’Union européenne. Répondant à un journaliste qui l’interrogeait sur les dépenses supplémentaires et la trace carbone résultant de ses voyages entre Bruxelles et Strasbourg, il avait déclaré ceci : « si on ne veut pas déplacer autant de personnes, c’est très simple : il suffit de faire siéger le Parlement européen à Strasbourg de manière définitive ! »

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération

Il avait raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

À ce moment-là, il avait, je crois, indiqué clairement la voie : si l’on s’interroge sur le coût de ces déplacements, il faut aller jusqu’au bout de l’esprit des traités en faisant se réunir à Strasbourg l’administration, les commissions et les groupes politiques du Parlement européen ; on pourra alors faire l’économie de ces déplacements.

Il faut donc pousser à l’engagement de discussions devant aboutir à l’implantation de tous les services du Parlement européen à Strasbourg.

Depuis 1980, dans le cadre du contrat triennal « Strasbourg, capitale européenne », la ville et la communauté urbaine de Strasbourg se sont engagées, aux côtés de l’État, de la région Alsace et du département du Bas-Rhin, à améliorer l’attractivité internationale de la métropole alsacienne, dans un esprit de large partenariat et de concertation.

Au titre du contrat triennal 2009-2011, une étude stratégique sur le renforcement du rôle européen de Strasbourg avait été lancée. Elle a aujourd’hui rendu ses conclusions.

J’attire d’ailleurs régulièrement l’attention des ministres successifs en charge des affaires étrangères et européennes sur l’enjeu – enjeu national, je le répète – que représente le statut européen de Strasbourg, ainsi que sur la nécessité d’une réaction concertée des autorités nationales et locales.

Aujourd’hui, plus que jamais, Strasbourg doit pouvoir compter sur la volonté et la détermination du Gouvernement français, pour poursuivre l’amélioration de l’accessibilité de Strasbourg, ainsi que des conditions d’accueil des parlementaires, des fonctionnaires et des assistants.

C’est la raison pour laquelle, en tant que maire de Strasbourg et sur la base de la motion adoptée à l’unanimité par le conseil municipal le 21 mars dernier, j’ai demandé au Gouvernement de prendre une initiative forte visant à engager toutes les démarches nécessaires pour que Strasbourg devienne l’unique lieu de réunion et de travail du Parlement européen, et que, en conséquence, tous les services de celui-ci y soient implantés.

Il conviendra dans cette perspective, et dans le cadre de la négociation du prochain contrat triennal, portant sur la période 2012-2014, entre l’État et les collectivités locales alsaciennes, de prendre la mesure des efforts qui restent à accomplir en vue non seulement de renforcer l’accessibilité de Strasbourg, mais, plus globalement, de conforter la vocation européenne et internationale de cette ville.

La ville de Strasbourg, pour sa part, a déjà pris les mesures nécessaires pour permettre l’accueil des activités du Parlement européen. C’est ainsi que nous allons réaliser, à proximité immédiate du Parlement, un quartier d’affaires international établi sur 12 hectares, dont une réserve foncière de 35 000 mètres carrés destinée aux institutions européennes.

Il s’agit de répondre à la double ambition, d’une part, de fournir au Parlement européen les moyens de l’implantation complète à Strasbourg de tous les services concourant à sa fonction de siège et, d’autre part, d’accueillir au même endroit des implantations internationales relevant des fonctions tertiaires supérieures, autour d’un parc des expositions modernisé et d’un palais des congrès rénové qui dotera le centre-ville de Strasbourg d’une structure apte à accueillir des rencontres internationales de haut niveau, comme, en avril 2009, le sommet de l’OTAN.

Le développement économique induit par ces investissements, pour la ville et son agglomération, permettra aussi de lisser tout au long de l’année l’activité hôtelière, et, par voie de conséquence – je l’espère, du moins – les prix pratiqués.

En outre, l’École européenne ouverte en 2008, école dont les premiers bacheliers sortiront en 2014, dote Strasbourg d’une capacité d’accueil des fonctionnaires européens et de leurs familles. Une cité scolaire européenne verra prochainement le jour, à proximité des institutions européennes, sur un terrain mis à disposition par l’État.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, Strasbourg et la France offrent au siège du Parlement européen un environnement national et local stable. Loin de se laisser affaiblir par les attaques contre le siège du Parlement européen, Strasbourg entend au contraire en tirer parti pour pousser à l’engagement de discussions devant aboutir à l’implantation de tous les services du Parlement européen à Strasbourg.

Au fond, cette énième attaque contre Strasbourg doit pouvoir être retournée contre ses auteurs, de façon à mettre un terme à cette guerre qui dure depuis trop longtemps et à nous permettre d’aller au bout des logiques contenues dans les traités fondateurs de l’Union européenne.

C’est la raison pour laquelle je demande à l’ensemble des groupes parlementaires du Sénat de soutenir cette proposition de résolution, afin de nous permettre d’être plus forts dans cette bataille qui continue, mais dont j’espère pouvoir voir prochainement l’issue.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en avril 2009, à l’occasion du sommet de l’OTAN qui se tenait à Strasbourg, le président des Etats-Unis, Barack Obama, fit se lever l’assemblée en prononçant ces quelques mots, simples mais à la portée universelle : « Pendant plusieurs siècles, Strasbourg a été attaquée, occupée et disputée par les nations en guerre de ce continent ; aujourd’hui, dans cette ville, la présence du Parlement européen et du Conseil de l’Europe demeurent les symboles de l’Europe unie, en paix et libre. » Mes chers collègues, on ne peut mieux dire !

Ces propos cachent pourtant une polémique récurrente, de nature à menacer le destin profondément européen de la ville de Strasbourg. En effet, une « guerre des sièges » oppose depuis plusieurs années les partisans d’un maintien du Parlement européen à Strasbourg aux adeptes d’un siège unique situé à Bruxelles.

Le 9 mars dernier, à l’occasion de l’adoption du calendrier des périodes de session du Parlement européen pour les années 2012 et 2013, les députés européens ont adopté un amendement prévoyant que, sur les douze sessions plénières qui doivent se tenir chaque année à Strasbourg, deux auront lieu durant la même semaine du mois d’octobre.

Cet amendement a été approuvé par 58 % des votants, au cours d’un vote à bulletin secret. Déposé sur l’initiative d’un parlementaire européen britannique, il a été cosigné par 215 autres députés, et finalement voté par plus de 350 d’entre eux.

L’objectif de ce texte est de réduire au maximum les déplacements des élus, fonctionnaires et journalistes accrédités entre Bruxelles et Strasbourg.

Dans un rapport publié en février 2011, un autre eurodéputé britannique avait déjà relancé la polémique sur le double siège du Parlement européen à Bruxelles et Strasbourg, en pointant du doigt les inconvénients supposés du maintien d’un Parlement bicéphale.

Je conviens, mes chers collègues, que la transhumance parlementaire entre les villes capitales de l’Union puisse apparaître comme coûteuse, et pour le moins étrange, à l’opinion ; mais transférer définitivement l’intégralité de la vie parlementaire européenne à Bruxelles serait particulièrement mal perçu par les citoyens européens, la ville belge ayant la réputation tenace d’être synonyme de technocratie européenne.

Les pères fondateurs de l’Europe – les Schuman, Adenauer, de Gasperi ou Jean Monnet – auraient répondu négativement à l’affirmation selon laquelle Strasbourg serait un investissement trop onéreux pour l’Union.

Tout est question de mémoire. Il n’est pas permis d’oublier quand, comment et dans quelles conditions s’est construite l’Europe. Faut-il rappeler que, après les traumatismes provoqués par la Seconde Guerre mondiale, l’unité européenne méritait un lieu à la hauteur de ses enjeux ? Strasbourg fut la localisation idéale.

Qu’il me soit permis de citer un ancien ministre des affaires étrangères de la Grande-Bretagne, Ernest Bevin, qui, au moment du choix de Strasbourg comme capitale européenne en 1949, s’exprimait ainsi : « cette grande cité avait été témoin de la stupidité du genre humain, qui avait essayé de régler les affaires par la guerre, la cruauté et la destruction. L’Europe a gagné le droit de résoudre ses problèmes par des méthodes plus humaines et plus sensées. Nous avons pensé que Strasbourg était vraiment le lieu qui convenait pour développer ce grand effort dans une atmosphère de bonne volonté. »

Il serait bon de rappeler ces propos à quelques députés européens britanniques, qui privilégient le pragmatisme par rapport au symbole… Ce n’est jamais une bonne solution, surtout lorsqu’il s’agit de politique et de construction européenne.

Je crois également utile de rappeler que Strasbourg, en changeant quatre fois de nationalité en soixante-quinze ans, entre 1870 et 1945, est devenue la ville symbole de la réconciliation franco-allemande et, plus globalement, de l’unité européenne.

Le choix de la capitale alsacienne comme carrefour de l’Europe apparaît comme une évidence. J’associe tout particulièrement à mes propos le sénateur du Haut-Rhin Jean-Marie Bockel, mon collègue au sein du groupe RDSE qui n’a pas pu, comme il l’aurait souhaité, siéger ce matin parmi nous.

Le 25 juillet 1952, à l’occasion de l’entrée en vigueur du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, ou CECA, les ministres des affaires étrangères des États membres ont décidé que l’assemblée tiendrait sa première réunion à Strasbourg. La ville de Strasbourg a ensuite été désignée comme le siège du Parlement européen le 7 janvier 1958, au moment de l’entrée en vigueur des traités de Rome instituant respectivement la Communauté économique européenne, ou CEE, et la Communauté européenne de l’énergie atomique, ou CEEA.

Le 22 septembre 1977, au président du Parlement qui l’avait interrogé sur les problèmes de fonctionnement qui se poseraient au Parlement après l’élection de ses membres au suffrage universel et l’accroissement concomitant de leur nombre, le président du Conseil a répondu que les gouvernements des États membres confirmaient qu’il n’y avait pas lieu de modifier, ni en droit ni en fait, les dispositions en vigueur touchant aux lieux de travail de l’Assemblée.

Enfin, le 12 décembre 1992, le conseil européen d’Édimbourg a tranché de façon définitive la question des sièges des principales institutions communautaires. S’agissant du Parlement européen, la formulation ne laisse aucune place au doute : « le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire. » En dehors des sessions mensuelles, le Parlement européen peut organiser des sessions additionnelles consacrées à des sujets spécifiques, lesquelles ont lieu à Bruxelles.

Aujourd’hui, le protocole n° 6 sur la fixation des sièges des institutions, annexé au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, confirme cette décision. De même, le règlement du Parlement européen mentionne, dans son article 135, que « le Parlement tient ses séances plénières et ses réunions de commission conformément aux conditions prévues par les traités. »

Quant à la Cour de justice, elle a confirmé, dans un arrêt du 1er octobre 1997, que le siège du Parlement était fixé conformément à l’article 289 du traité CE ; le contenu de cette décision a ensuite été intégré au traité d’Amsterdam, sous la forme d’un protocole annexé aux traités communautaires.

J’estime, mes chers collègues, que, aux côtés de l’Europe économique et financière installée à Bruxelles et Luxembourg, Strasbourg est le symbole de l’Europe de l’humanisme et de la démocratie, de l’Europe de la paix, des droits de l’homme et des citoyens, en un mot, de cette Europe politique qu’il nous faut construire chaque jour un peu plus.

Strasbourg est également le siège de plusieurs institutions incarnant les valeurs démocratiques qui nous sont si chères : le Conseil de l’Europe, dont la mission est de promouvoir la démocratie et de protéger les droits de l’homme et l’État de droit, la Cour européenne des droits de l’homme, le Médiateur européen et – c’est l’objet de notre débat – le Parlement européen. Aussi ne faut-il jamais oublier que Strasbourg symbolise l’inscription des générations futures dans l’identité européenne.

Prendre pour cible le siège de Strasbourg, c’est menacer tout l’équilibre institutionnel de l’Union européenne, qui n’a jamais fait le choix de la concentration des centres de décision dans un même lieu.

Depuis les prémices de la construction européenne, un consensus s’est toujours dégagé en faveur d’une conception polycentrique de l’Europe afin de respecter la diversité, la pleine participation de tous les États membres au bon fonctionnement des institutions et le souci de proximité avec les citoyens européens.

Par conséquent, les querelles incessantes sur le siège du Parlement européen à Strasbourg et les attaques croissantes visant à vider de leur contenu les sessions plénières se déroulant dans cette ville sont à regretter, et même à condamner, ce à quoi nous invite très clairement la proposition de résolution de notre collègue Roland Ries, lequel – faut-il le rappeler ? – est au demeurant maire de Strasbourg.

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, les membres du groupe RDSE, tous profondément européens et tous profondément militants pour une Europe unie, forte et souveraine, voteront le texte de cette résolution et, plus encore, espèrent que celle-ci sera entendue, au-delà des frontières, par l’ensemble des vingt-sept pays membres de l’Union.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jadis portée aux nues, l’Union européenne paraît de plus en plus contestée par des citoyennes et des citoyens qui subissent, depuis trop longtemps déjà, des décisions aux conséquences bien souvent dramatiques.

Alors que l’Union européenne doit faire face à des crises successives, dans le déclenchement desquelles elle ne peut s’exonérer de toute responsabilité, que ce soient la crise financière qui touche l’Irlande, la crise économique, qui a nécessité la mise en place d’un plan de sauvetage pour la Grèce, ou encore la crise de légitimité démocratique, qui se concrétise par un regain des nationalismes dont l’exemple le plus récent est celui de la Finlande, cette Europe semble aujourd’hui plus encline à trancher des questions comme celle du siège du Parlement européen qu’à tenter d’apporter des réponses politiques fortes à ces situations.

Pour ma part, dans un contexte où la dignité des travailleuses et des travailleurs est sans cesse sacrifiée sur l’autel de la concurrence libre et non faussée, je considère le débat sur le siège du Parlement européen comme surréaliste.

Cette situation m’interpelle d’autant plus que, à l’heure où les députés européens voient leurs compétences étendues – le traité de Lisbonne leur a conféré plus de pouvoirs –, ces derniers décident, par eux-mêmes, et alors que les traités fondateurs de l’Union européenne fixent à douze le nombre de leurs sessions plénières, de réduire celui-ci en votant un amendement supprimant l’une des sessions plénières du mois d’octobre à Strasbourg.

Et, non contents de revoir à la baisse le nombre de leurs sessions plénières, certains eurodéputés souhaitent désormais déplacer le siège du Parlement de Strasbourg à Bruxelles.

Ils nient à l’évidence l’enjeu symbolique de Strasbourg comme siège du Parlement européen.

Ainsi, on a pu lire que « 91 % des membres du Parlement européen, députés et assistants, dont 28 % de Français, préféreraient Bruxelles à Strasbourg » comme siège du Parlement européen.

Les parlementaires européens auraient-ils décidé de privilégier leurs commodités personnelles à la dimension symbolique de Strasbourg ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Pour ma part, je ne minimise pas l’enjeu symbolique que représente Strasbourg dans le processus de construction de l’Union européenne, car il va sans dire que cette ville incarne bel et bien la réconciliation franco-allemande…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… et s’impose, par là même, comme l’un des actes fondateurs de l’Europe actuelle.

En outre, dans un contexte où la légitimité démocratique de l’Union européenne est en perte de vitesse, comme en témoigne la baisse constante du taux de participation aux élections, les députés européens, en se concentrant sur ce faux débat, perdent en crédibilité. Pourtant, le 9 mars 2011, ceux-ci ont approuvé à 58 % la suppression de l’une des sessions plénières du Parlement à Strasbourg !

En outre, non contents de ne pas respecter les traités, les eurodéputés britanniques conservateurs ont déposé cet amendement à la dernière minute, avant de le faire approuver selon la procédure du vote secret.

Soit dit en passant, cela ne dénote pas un très grand courage politique ni une très grande assurance dans le bien-fondé de cette proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Or, après ce premier « coup de canif » dans les traités de l’Union européenne, et fort de sa première victoire, le groupe des « anti-strasbourgeois » a désormais décidé de s’attaquer au protocole n° 6 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : ils entendent désormais déplacer le Parlement européen à Bruxelles !

Les arguments invoqués par ces députés sont tous sinon fallacieux, à tout le moins démagogiques. En effet, arguant des coûts entraînés par les déplacements entre Strasbourg et Bruxelles, des difficultés d’accès à la ville de Strasbourg et de la nécessité de rapprocher le Parlement de la Commission pour une « meilleure collaboration », ce groupe de députés semble avoir occulté le fait que l’Union européenne ne se résume pas à sa seule capitale économique, financière et, comme le rappelait Yvon Collin, technocratique, à savoir Bruxelles.

Ainsi, à Strasbourg siègent également le Conseil de l’Europe, la Cour européenne des droits de l’homme et le Médiateur européen.

De plus, le Parlement européen tient certaines de ses sessions à Luxembourg, où siège également la Cour de justice de l’Union européenne.

Quant à la BCE, la Banque centrale européenne, elle a son siège à Francfort, Europol étant, quant à lui, localisé à La Haye.

Et c’est bien cette multiplicité des lieux d’exercice de l’institution européenne qui donne véritablement à cette dernière son visage européen. C’est ce qu’a rappelé Roland Ries tout à l’heure quand il évoquait le choix fait par l’Europe de déconcentrer ses lieux d’exercice du pouvoir, choix qui a fait sa grandeur.

Certes, les coûts entraînés par les déplacements pourraient justifier de donner au Parlement européen un siège unique ; mais, dans ce cas, il va sans dire que Strasbourg devrait être ce lieu unique.

Abritant déjà le Conseil de l’Europe, Strasbourg, contrairement à Bruxelles, s’impose comme la capitale européenne naturelle des droits de l’homme et de la démocratie.

Comme il est rappelé dans l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, Strasbourg a été choisie en raison de sa position géographique, de sa situation transfrontalière et de son histoire mouvementée.

Ville meurtrie et marquée par une double culture, Strasbourg est devenue une ville de rencontre et de brassage, et c’est dans cette ville, sur une proposition d’un autre Britannique, ministre travailliste des affaires étrangères, que l’assemblée a tenu sa première réunion en 1952.

Cela justifie que la seule institution de l’Union européenne dépositaire d’une légitimité démocratique reste dans cette ville.

De plus, à l’heure où la ville de Bruxelles est devenue le symbole d’une succession de politiques « antisociales » décrétées par les conseils européens, et dont la plus récente prend la forme d’un « pacte de super-rigueur » injuste, concocté par Angela Merkel, avec la collaboration de Nicolas Sarkozy, et dont les mesures principales consistent à déconnecter salaires et inflation, à faire peser la charge des économies sur le travail et non sur le capital, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… installer le siège du Parlement européen à Bruxelles n’aurait, à mon sens, que des conséquences négatives pour la démocratie européenne.

Pour conclure – j’aurais pu m’exprimer plus longuement, mais il me faut respecter le temps qui m’est imparti –, je souhaite souligner que, si le Parlement européen connaît des dysfonctionnements, ceux-ci ne tiennent pas tant au lieu de son siège qu’aux pratiques de certains lobbies, qui essaient d’entraîner des eurodéputés – malheureusement, parfois avec succès – dans des pratiques peu vertueuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Dès lors, contrairement à ce que semblent penser certains eurodéputés, la priorité est non pas de déplacer le siège du Parlement de Strasbourg vers Bruxelles, mais plutôt de lutter contre ce fléau, qui, comme en témoigne l’actualité, aurait tendance à se répandre.

Pour toutes ces raisons, je suis convaincue que le Parlement européen, n’en déplaise à certains, doit rester à Strasbourg. Déplacer son siège vers Bruxelles ne ferait qu’enterrer l’espoir d’une Europe sociale, pour laquelle des politiques fortes en direction des populations, de l’emploi et de la solidarité sont plus que jamais attendues et nécessaires.

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG voteront cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’empresse de dire que je soutiens bien sûr pleinement la proposition de résolution présentée par notre collègue Roland Ries ; je la soutiens à titre personnel, au nom du groupe UMP et au nom de mes collègues alsaciens.

En effet, à Strasbourg, en Alsace, cette question suscite une belle unanimité : unanimité des parlementaires, sénateurs et députés, unanimité des maires, des conseillers généraux, des conseillers régionaux, unanimité de l’Alsace tout entière à défendre la vocation européenne de Strasbourg.

Cette mobilisation des Strasbourgeois, des Alsaciens, n’est pas dictée que par le seul intérêt, même s’il s’agit d’un intérêt bien compris.

C’est un rapport très particulier à l’Europe que la capitale alsacienne entretient. Au long des siècles, elle a appris, comme l’a longuement évoqué notre collègue Roland Ries, le prix de la paix. Ainsi que l’a rappelé le Président de la République, le 8 mai dernier, à Colmar, « l’Alsace sait ce que le mot guerre veut dire ».

Elle a su construire patiemment la réconciliation, et ce à au moins deux reprises : d’abord, une réconciliation essentielle avec l’Allemagne, dès l’immédiat après-guerre, alors que toutes les plaies étaient encore ouvertes ; ensuite, plus récemment, en 1989, une réconciliation de l’est et de l’ouest du continent européen.

C’est à Strasbourg, au Conseil de l’Europe, que les peuples de l’Est sont venus chercher leurs soutiens et leurs appuis. Ce n’est pas par hasard si le président Václav Havel appelle « génération Strasbourg » ces femmes et ces hommes qui ont apporté la démocratie et les droits de l’homme dans leurs pays respectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Oui, chaque Strasbourgeois, chaque Alsacien entretient un rapport charnel à l’Europe. Et nos collectivités s’engagent depuis des décennies afin de répondre par l’action et par les faits à ceux qui voudraient défaire les traités internationaux et déplacer le Parlement européen à Bruxelles.

La région Alsace vient par exemple de lancer les études afin de relier par le TER l’aéroport international de Bâle-Mulhouse au centre-ville de Strasbourg. Roland Ries nous a rappelé quant à lui les efforts engagés, sur le plan ferroviaire, en faveur d’un second Thalys.

Monsieur le ministre, l’argument selon lequel Strasbourg serait inaccessible autrement qu’à dos de cigogne ne tiendra plus désormais !.)

De la mauvaise foi, les détracteurs de Strasbourg, siège du Parlement européen, en ont à revendre. Parfois, il est vrai, ils visent juste, et Strasbourg, bien souvent, aurait tout intérêt à oser : oser se développer, oser accueillir de grands événements populaires comme le championnat d’Europe de football, auquel elle a malheureusement renoncé, oser rayonner au rythme d’une métropole.

Mais, mes chers collègues, l’enjeu n’est pas strasbourgeois ; il est national, il est européen.

Le Parlement européen est la seule institution de l’Union européenne à avoir son siège en France. Cela est inscrit dans les traités, tout particulièrement dans le traité d’Amsterdam : Strasbourg, redisons-le, est le siège du Parlement européen !

Alors, au nom de quoi devrions-nous accepter que les traités internationaux soient appliqués à la lettre quand il s’agit de fixer le siège de la Commission à Bruxelles, celui de la Banque centrale à Francfort, celui de la Cour de justice à Luxembourg, et qu’ils ne le soient pas quand il s’agit de fixer le siège du Parlement européen à Strasbourg ?

Au nom de quoi devrions-nous nous taire quand des parlementaires européens se mettent en tête, pour des motivations qu’il ne nous appartient pas de juger, mais sur lesquelles nous pouvons émettre les plus vives réserves, de siéger à Bruxelles plutôt qu’à Strasbourg ?

Le Gouvernement réagit. Il le fait avec fermeté, monsieur le ministre, et je voudrais ici saluer son action.

Mais Strasbourg a besoin de vous, elle a besoin de ses parlementaires, de leur engagement et de leur soutien.

C’est en effet la parole de la France qui est en jeu, c’est la place de notre pays dans la construction européenne qui est en cause.

Nous entendons bien l’argument suivant lequel le travail parlementaire serait facilité à Bruxelles puisque l’exécutif européen, c’est-à-dire le Conseil et la Commission, y ont leur siège. Soit !

Mais, dans ce cas, puisqu’il faut réviser les traités, révisons-les de fond en comble et transférons en un lieu unique à définir – et pourquoi pas, cher Roland Ries, à Strasbourg ? –, la Banque centrale, la Cour de justice, la Cour des comptes. Pendant qu’on y est, rapatrions donc aussi au même endroit les différents organismes et agences de l’Union.

Je croyais que l’Europe en avait fini avec le cauchemar du centralisme bureaucratique. Vous avez compris que nous n’en prendrions pas le chemin.

Je croyais aussi que le modèle européen était le polycentrisme, que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer longuement. Et c’est bien ce modèle polycentrique que nous devons défendre si nous voulons renforcer la démocratie européenne.

L’enjeu de la localisation du siège du Parlement européen à Strasbourg dépasse le niveau local et même national ; c’est un enjeu pour l’Europe tout entière.

Lorsqu’il se réunit à Strasbourg, le Parlement européen tient des débats de nature politique – j’insiste sur ce terme.

Lorsque le Parlement émet un vote de défiance contre la Commission – c’est arrivé –, il le fait non à Bruxelles, lors des séances additionnelles qu’il a le droit d’organiser, mais bien à Strasbourg. Pourquoi ?

Comme le veut un principe qui est quasiment devenu une loi dans l’histoire des démocraties parlementaires, un parlement existe réellement lorsqu’il prend ses distances par rapport à l’exécutif, au sens propre et au sens figuré, lorsqu’il n’en subit pas les actions constantes de lobbying. Un parlement existe lorsque c’est l’exécutif qui se déplace pour venir devant lui rendre des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Mes chers collègues, imaginez-vous que nous ne puissions plus, demain, siéger au palais du Luxembourg et qu’il nous faille exercer notre mandat à côté de l’hôtel Matignon…

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

… ou – pourquoi pas ? – à côté des différents ministères concernés par les textes qui nous occupent ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Serions-nous encore réellement le même Sénat ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Eh bien, à l’échelle de l’Europe, la même chose se passe pour Strasbourg et Bruxelles.

À Bruxelles, le Parlement, qu’il le veuille ou non, est dans un plus grand état de dépendance par rapport à la Commission; à Strasbourg, c’est exactement le contraire : il gagne en indépendance. C’est un fait !

C’est la raison pour laquelle Philippe Richert, actuel président du conseil régional d’Alsace, propose de transférer aussi à Strasbourg les travaux des commissions des groupes et les services du Parlement, lequel verrait ainsi garantie la plénitude de ses fonctions.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un parlement a besoin d’autonomie, simplement parce que la démocratie a besoin de liberté. Et cette liberté démocratique et parlementaire, si chère à ceux qui se sont succédé sur l’ensemble de nos travées, Strasbourg la garantit au Parlement européen.

Mes chers collègues, mobilisons-nous : l’Europe n’a pas besoin de bureaucratie ; elle a avant tout et plus que jamais besoin de démocratie.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le maire de Strasbourg, mes chers collègues, les orateurs précédents ont excellemment expliqué les raisons institutionnelles fondamentales qui font que Strasbourg est le cœur du Parlement européen ; je n’y reviendrai donc pas.

J’incarne, me semble-t-il, une race en voie d’extinction : celle des Européens convaincus. Aujourd’hui, un Européen convaincu n’ose plus affirmer ses convictions, il rase les murs, il tait son souhait d’une Europe fédérale. C’est sous cet angle que j’aborderai la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui, car s’il est un symbole de l’Europe, un symbole, aussi, de l’amitié franco-allemande, c’est bien Strasbourg !

Tout d’abord, la place de Strasbourg au cœur de l’Europe est commandée par la géographie, puisque la ville est adossée au Rhin, fleuve européen qui traverse huit pays et concentre tant d’histoire.

Cette place se justifie aussi par le travail considérable qui est accompli à l’Eurodistrict de Strasbourg-Ortenau, doté de services publics communs, dont l’objet n’est rien de moins que la création d’une métropole de près d’un million d’habitants au cœur de l’Europe. On l’oublie trop souvent, mais c’est important.

Enfin, Strasbourg est bien évidemment un carrefour commercial et économique. La ville, carrefour routier, est aussi située sur la ligne ferroviaire qui dessert à la fois Stuttgart et le Bade-Wurtemberg, Munich et la Bavière, deux Länder qui réalisent respectivement 450 et 800 milliards d’euros de produit intérieur brut : excusez du peu ! Nous jouons incontestablement dans la cour des grands !

J’ajoute, après d’autres intervenants, que cette ville est chargée d’histoire. Elle est un symbole et de la culture française et de la culture allemande. Certes, ce symbole s’est construit dans la douleur, et nous respectons la souffrance des Strasbourgeois, qui ont changé quatre fois d’« occupants », si je puis m’exprimer ainsi, durant les quatre-vingts dernières années. Mais aujourd’hui, avec le recul, nous constatons bien que la richesse de cette ville tient précisément à son histoire. Strasbourg mène de front deux langues et deux cultures qui sont inscrites dans son urbanisme, dans son université, et plus généralement dans la vie quotidienne des Strasbourgeois.

Ville de culture, qui possède une grande université, avec laquelle j’ai un peu collaboré, Strasbourg est aussi un lieu d’accueil des religions persécutées. C’est une de ces grandeurs de la cité.

Rappelons aussi le serment de Koufra dans lequel, après avoir conquis cette oasis, celui qui n’était encore que le colonel Leclerc fait le serment de ne plus déposer les armes avant que le drapeau français ne flotte sur la ville de Strasbourg. Et il a tenu parole.

Pour ces raisons, mon cœur, comme celui de tous les Français sans doute, bat à l’évocation de Strasbourg.

Comme l’a rappelé André Reichardt, l’Europe se veut une structure décentralisée. Mes chers collègues, les tenants d’une concentration des pouvoirs, au lieu de se tourner vers Bruxelles, devraient plutôt regarder vers Bucarest...

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Eh oui ! À Bucarest, un dictateur fou a construit le plus grand palais du monde – vous l’avez sans doute visité –, car il avait l’idée de réunir tous les centres de pouvoir au même endroit. Il est vrai qu’il est plus facile pour l’exécutif de contrôler le Parlement lorsque le président et le Premier ministre siègent au vingt-cinquième étage ! C’est ni plus ni moins ce que nous proposent ceux qui veulent tout concentrer à Bruxelles… Je force un peu le trait, j’en conviens

Si peu ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Et Strasbourg n’est qu’un exemple parmi d’autres. Dans de nombreux pays, il existe une répartition géographique des pouvoirs, expression de la séparation des pouvoirs que prônait Montesquieu. Ainsi, au Chili, en Afrique du sud ou en Australie, le parlement siège dans une ville et le gouvernement dans une autre. Dans certains pays, le pouvoir judiciaire siège même dans une troisième ville.

La localisation du Parlement européen à Strasbourg s’inscrit dans la logique des institutions démocratiques et d’une construction européenne forte et voulue ; nous soutenons donc ce projet de résolution.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées de l’UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 9 mars dernier, à l’occasion de l’adoption de son calendrier pour les sessions 2012 et 2013, le Parlement européen votait, à bulletin secret, un amendement visant à scinder les deux sessions plénières d’octobre en deux jours chacune et, par ce biais, décidait de regrouper ces deux sessions plénières en une seule semaine.

Le vote de cet amendement présenté par l’eurodéputé conservateur et eurosceptique britannique Ashley Fox a donc relancé la polémique sur la localisation du siège du Parlement européen à Strasbourg.

Je ne reviendrai pas sur la fragilité juridique de cette nouvelle attaque contre la localisation du Parlement européen dans la capitale alsacienne. Cette question a déjà été développée fort justement par mon collègue Roland Ries, et nous ne pouvons qu’être satisfaits de la saisine par le gouvernement français, rejoint par le gouvernement luxembourgeois, de la Cour de justice de l’Union européenne.

Cependant, l’adoption de ce nouveau calendrier du Parlement européen, par le biais d’un scrutin secret peu habituel pour des questions d’une telle portée symbolique, témoigne des progrès d’une hostilité récurrente à la localisation strasbourgeoise du Parlement européen qui mérite que l’on rappelle avec force la légitimité de Strasbourg.

En fait, Strasbourg bénéficie d’une double légitimité, historique et géographique, pour demeurer la capitale exclusive de l’Europe parlementaire.

La légitimité historique de Strasbourg est incontournable. Mieux que toute autre ville, elle symbolise les douleurs et la force de la réconciliation des nations européennes. C’est ainsi que la première session du Comité des ministres du Conseil de l’Europe et la session inaugurale de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, moments fondateurs de l’Europe unie, se tinrent respectivement à l’hôtel de ville de Strasbourg, le 8 août 1949, et au palais universitaire, le 10 août 1949.

Au fil des ans, la ville s’est imposée comme la capitale européenne des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe, protecteur des droits et des libertés et promoteur de la démocratie à l’échelle du continent européen, y siège depuis 1949 alors que la Cour européenne des droits de l’homme, gardienne des libertés fondamentales de 800 millions d’Européens, a son siège à Strasbourg depuis le 1er novembre 1998.

Dans ce contexte, l’impact sur l’opinion publique, notamment française, d’une concentration des institutions européennes à Bruxelles et d’un effacement programmé du rôle de Strasbourg serait désastreux.

L’Europe est aujourd’hui déterminée à combler le fossé démocratique qui la tient encore trop souvent éloignée de ses peuples. Pour cela, elle a besoin plus que jamais de symboles forts permettant de réconcilier son identité, multiple, et la force de son projet unificateur. Quelle ville autre que Strasbourg peut mieux symboliser les douleurs de l’Histoire et la force de la réconciliation des nations européennes ? De la lutte fratricide à la réconciliation exemplaire des ennemis d’hier, devenus les plus proches partenaires, Strasbourg réunit en un même lieu des traditions européennes diverses sur le terreau d’une amitié franco-allemande devenue motrice pour toute l’Europe. C’est cela la légitimité historique de Strasbourg pour héberger la démocratie européenne. Remettre en cause cette légitimité serait un affront à la mémoire européenne.

Le vote intervenu au Parlement européen le 9 mars dernier porte également un coup dangereux à l’un des fondements symboliques les plus forts de l’Union européenne : la diversité assumée de ses centres et de ses racines.

C’est ainsi que chaque ville européenne s’est construite au fil des ans une image forte auprès des citoyens : à Bruxelles la place de la Commission et de l’exécutif européen, à Luxembourg le siège de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’Europe juridique, et à Strasbourg le siège du Parlement européen et de la démocratie européenne.

Concentrer à Bruxelles les institutions européennes reviendrait donc à appauvrir l’Union en la privant de l’une de ses richesses essentielles : la diversité de ses représentations.

L’ambition européenne a toujours été de s’appuyer sur les forces de ses États membres et non sur leur dilution par le biais d’une concentration des institutions européennes en un lieu unique. Cette conception polycentrique reflète une volonté constante de mettre l’Europe au plus près de ses citoyens, et non de l’isoler dans un centre lointain et monolithique. L’extrême soin apporté, parfois au mépris de toute cohérence budgétaire, à répartir harmonieusement les sièges des nombreuses agences et institutions de l’Union sur l’ensemble du territoire européen témoigne de cette volonté de faire toute leur place aux citoyens européens. Remettre en cause cet édifice complexe de la répartition géographique des agences et institutions européennes impliquerait de redoutables marchandages politiques dont l’image de l’Europe sortirait ternie. La multiplicité géographique des implantations des institutions européennes est et doit demeurer l’un des principes cardinaux de la construction européenne.

Le vote intervenu au Parlement européen le 9 mars dernier est le résultat d’une conjonction entre des parlementaires eurosceptiques historiques et des parlementaires européens qui sont gênés dans leur déplacement.

Ce vote doit être entendu. À cet égard, je sais que notre collègue Roland Ries a d’ores et déjà engagé, en partenariat avec l’État et la région Alsace, tous les efforts nécessaires pour renforcer les moyens immobiliers du Parlement européen et l’amélioration des transports en direction de Strasbourg.

Ces efforts doivent être soutenus par une mobilisation politique forte. Je considère, avec les membres du groupe socialiste, que le Sénat participera utilement à cette mobilisation et s’honorera en votant cette proposition de résolution. Strasbourg est la capitale de l’Europe parlementaire où se déroulent les sessions plénières du Parlement européen. La défense de la démocratie européenne ne peut souffrir aucune ambiguïté.

Bravo ! et applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me suis inscrit dans ce débat par amitié pour Roland Ries. C’est le premier motif de mon intervention, et il est important, mais ce n’est pas le seul.

Je me suis aussi inscrit dans ce débat par conviction pour ce que, à l’instar de Roland Ries, nous défendons tous : une certaine idée de l’Europe, une certaine conception qui est l’Europe du partage, l’Europe polycentrique – comme l’a dit notre collègue maire de Strasbourg –, où les pouvoirs et les institutions ne sont pas centralisés en un même lieu, enfin une Europe de l’histoire parce que le choix de Strasbourg tient à l’histoire.

À cet égard, je voudrais relever à mon tour ce qu’il y a d’insidieux et de subreptice dans la démarche de M. Fox. Tout le monde sait ici, et il n’est pas nécessaire d’avoir fait de longues études de droit pour le comprendre, que seul un traité pourrait défaire ce qui est acté dans un traité.

Par conséquent, cet amendement ne peut pas avoir d’effet, puisque, s’il en avait, cela reviendrait à bafouer le traité qui engage tous ses signataires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il est donc quelque peu insidieux, et même hypocrite, de défaire le traité sans le dire. Ce n’est pas acceptable !

Je note aussi, comme plusieurs de nos collègues, que le vote de cet amendement a été acquis de manière secrète. Or je tiens à souligner que, au sein du Parlement de notre République, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, nous nous proclamons tous les héritiers de la Révolution française. Or, dans les différentes assemblées qui ont été mises en place pendant la Révolution française, il est un point qui n’a jamais été remis en cause : les votes publics. Pourquoi ? Tout simplement parce que, dans la mesure où nous sommes les représentants de la nation, les représentants des Français, il est normal que ceux-ci puissent savoir, en lisant le Journal officiel ou, beaucoup plus simplement aujourd’hui, en consultant les sites internet des assemblées, quel a été le vote des différents parlementaires, qu’il s’agisse des votes ordinaires ou, a fortiori, de votes plus importants.

C’est pourquoi il existe un vote à main levée et un vote par scrutin public, où chacun engage sa responsabilité. Le vote à bulletin secret est utilisé uniquement lors de l’élection du président du Sénat, qui est un vote sur une personne.

Donc, ce vote secret a quelque chose d’insidieux, parce que c’est une manière de faire passer une disposition contraire au traité sans le dire, et sans que ceux qui votent justifient leur position devant les peuples de l’Europe.

Il est vrai que tout a été dit sur l’initiative d’Ernest Bevin.

Tout a été dit sur le fait que Strasbourg est une ville qui accueille des institutions importantes : je pense à la Cour européenne des droits de l’homme et au Conseil de l’Europe.

Tout a été dit, par Roland Ries, sur les efforts qu’accomplit Strasbourg sous son impulsion et sur ce qui m’est apparu très important, à savoir le travail mené en commun par les maires de Strasbourg, de Bruxelles et de Luxembourg pour porter ensemble une certaine idée européenne dans l’union et non la division, pour créer les infrastructures nécessaires et aller de l’avant : c’est quelque chose de très positif.

J’évoquerai maintenant le protocole n° 6 : « Le Parlement européen a son siège à Strasbourg où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire… » C’est le traité : nous défendons tout le traité, rien que le traité, et nous refusons toutes les manœuvres subreptices qui viseraient à le nier.

En conclusion, je rappellerai cette période de l’histoire où l’Alsace et la Lorraine ne faisaient plus partie de la France.

Je rappellerai que le cœur de tous les Français bat quand on parle de Strasbourg, qui a été par excellence la ville de l’unification européenne, la ville de l’esprit européen, la ville de l’espoir européen, et qui est pour moi le cœur battant de l’Europe. C’est pourquoi nous défendons Strasbourg !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’initiative de M. Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg, le Sénat est donc invité ce matin à approuver une proposition de résolution relative à la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg.

La séance de ce matin me prive d’ailleurs de participer au séminaire gouvernemental qui se tient en ce moment même…

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Cependant, d’une part, le Gouvernement est à la disposition du Parlement, et je suis heureux d’en faire la démonstration en son nom, et, d’autre part, je n’ai aucun regret, dans la mesure où ce que j’ai entendu depuis plus d’une heure me fait chaud au cœur ; je suppose qu’il en est de même pour chacune et chacun d’entre vous.

J’ai en effet entendu des interventions de grande qualité, d’une profonde authenticité, ayant toutes pour objet de défendre une juste et noble cause. J’ai vu se déployer ce matin beaucoup de talent et de passion, dans le mélange harmonieux du cœur et de la raison.

Je voudrais donc vous dire d’emblée, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement souscrit pleinement et intégralement aux motivations et aux termes de la proposition qui vous est soumise. J’espère vivement que la Haute Assemblée sera en mesure de lui apporter l’adhésion la plus large possible, peut-être même unanime. Ce serait pour le Gouvernement un soutien de poids, d’une forte portée symbolique et politique.

Il est essentiel en effet – dans cette affaire, nous sommes évidemment tous mobilisés – que, dans sa défense du siège à Strasbourg du Parlement européen, le Gouvernement, à la place qui est la sienne, puisse savoir compter sur l’appui du Parlement français. Je me félicite à cet égard qu’une initiative similaire ait été portée à l’Assemblée nationale, sur le rapport de Christophe Caresche.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi quelques observations même si tout a été dit, et fort bien dit !

Le 9 mars, lors du vote du calendrier des sessions plénières pour 2012-2013, le Parlement européen a donc adopté, dans le cadre d’un vote à bulletin secret – j’ai bien entendu ce qu’a dit à l’instant M. Sueur sur ce sujet –, presque honteusement…

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

… un amendement réduisant chacune des deux sessions plénières d’octobre de quatre à deux jours tout en les regroupant sur une même semaine.

Disons-le clairement : cet amendement est ni plus ni moins, une nouvelle fois, la mise en cause directe de Strasbourg comme ville de siège du Parlement européen ; il est, dans sa motivation, parfaitement inacceptable.

De plus, en droit, en effet, monsieur Sueur, cet amendement est contestable au regard de l’esprit et de la lettre des traités, qui stipulent bien que le Parlement européen a son siège à Strasbourg. Or, nous le savons les uns et les autres, ce qu’un traité a fait, seul un autre traité peut le défaire.

Je pense d’ailleurs que les auteurs de cet amendement le savent fort bien, mais que, tel le Petit Poucet, ils sèment sur le chemin un caillou après l’autre, menant ainsi un combat politique subreptice pour, un jour, parvenir à la décision qu’ils souhaitent.

Eh bien, les choses ne pourront pas se passer de cette façon, parce que le gouvernement français a décidé de contester ce qui a été voté, en portant l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne. Le recours sera déposé dans les tout prochains jours.

Que l’on ne se méprenne pas : nous respectons bien sûr pleinement le Parlement européen, qui est une institution majeure de l’Union et qui apporte une contribution déterminante au projet européen. Nous sommes les défenseurs de son action et de son développement, qui constitue un progrès pour la démocratie européenne elle-même. Nous ne mettons certainement pas en cause son pouvoir d’organisation interne. Il s’agit en revanche de veiller simplement à ce que ce pouvoir s’exerce dans le cadre et le respect des traités et, au-delà, dans le respect de l’esprit européen. Cet amendement combat en réalité, certains d’entre vous l’ont fort bien relevé, cet état d’esprit européen que nous avons en partage.

Comme vous le savez sans doute, le Grand-duché de Luxembourg – M. Ries l’a dit lui-même –, par la voix de son Premier ministre, Jean-Claude Juncker, a annoncé à la suite d’un entretien avec Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, son intention de se joindre au recours des autorités françaises. Je rappelle que, dans des circonstances similaires, nos deux pays étaient intervenus ensemble en 1997.

Cet appui des autorités luxembourgeoises est très important, car c’est bien la « trilocalisation » du Parlement européen que nous entendons défendre, dont le principe est énoncé dans le protocole n° 6 annexé aux traités. Je rappelle, mais vous le savez évidemment tous, que le Luxembourg accueille le secrétariat général et les services du Parlement européen.

Oserai-je dire également que, dans le cas d’espèce, nous avons le sentiment, en contestant le vote du 9 mars, de défendre l’efficacité du Parlement européen ?

Qui peut croire en effet que l’institution parlementaire, dont les attributions ont été significativement renforcées par le traité de Lisbonne, serait en mesure d’accomplir l’ensemble des tâches qui lui reviennent à la faveur de deux sessions d’à peine deux jours chacune, regroupées sur une seule semaine, alors même que le débat budgétaire a lieu au cours de l’une des sessions d’octobre ?

Au-delà, c’est aussi une conception particulière du projet européen que nous entendons défendre. Vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun avec vos propres mots, exprimé un même idéal. Soyez assurés que le gouvernement français le partage.

Le siège de Strasbourg porte en effet témoignage de l’histoire et des valeurs dans lesquelles s’inscrit le projet européen. Il est profondément regrettable et potentiellement dangereux de prétendre ignorer cette réalité, voire de la considérer comme dépassée, au risque d’affecter durablement le sentiment d’appartenance et l’adhésion des citoyens au projet européen, à l’heure où il aurait plutôt besoin d’être renforcé. Comment pourrait-on espérer bâtir un avenir européen commun en ignorant l’histoire ? Cela ne ferait qu’affaiblir la perspective européenne que nous avons en partage.

Notre conception de la réalité européenne n’est pas non plus celle d’une concentration des pouvoirs en un lieu unique, mais, bien au contraire, celle de la nécessaire diversité géographique des sièges. À cet égard, je fais pleinement miens les mots de Roland Ries, lorsqu’il relève que « la concentration ne correspond pas aux besoins d’une Union européenne élargie ». D’autres l’ont dit après lui, et je relève également que cette nécessité est bien comprise des groupes parlementaires du Parlement européen, qui organisent régulièrement des journées d’études dans différentes villes de l’Union européenne.

Le Parlement européen irait ainsi tenir des journées d’études, ici ou là, dans les vingt-sept pays membres, mais serait privé à terme de la possibilité de siéger à Strasbourg… Quelle conception surprenante !

Pour l’ensemble de ces raisons, nous continuerons, non seulement de défendre, mais aussi de promouvoir le statut européen de Strasbourg et ses atouts auprès de nos partenaires et des différents acteurs européens.

Comme vous le savez, ce siège fait également l’objet, depuis 1980, d’un contrat triennal conclu entre l’État et les collectivités territoriales alsaciennes, comme l’ont rappelé, entre autres, MM. Ries et Reichardt. Une enveloppe de quelque 245 millions d’euros est mobilisée à ce titre pour la période 2009-2011, à laquelle l’État contribue à hauteur de 117, 5 millions d’euros, et la négociation du contrat triennal s’engagera prochainement pour la période 2012-2014.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Dans ce cadre, la poursuite de l’amélioration de l’attractivité de Strasbourg et, singulièrement, de son accessibilité sera une priorité forte.

Il est tout de même assez paradoxal de vouloir remettre en cause le siège du Parlement européen à Strasbourg alors que l’accès à la métropole alsacienne a été notoirement amélioré, et qu’il le sera encore à l’avenir.

Telles sont les quelques observations que je souhaitais brièvement faire devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement français.

Pour conclure, je me réjouis que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif défendent ensemble cette noble cause. Il ne s’agit pas de défendre le siège de Strasbourg parce que la ville est française ; il s’agit de défendre la ville française de Strasbourg, qui, au moins autant que d’autres, pour ne pas dire plus, occupe une place singulière dans ce bel idéal de la construction européenne.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole ?...

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,

Vu le protocole n° 6 du Traité sur l’Union européenne sur la fixation des sièges des institutions de l’Union européenne,

Vu l’article 135 du règlement du Parlement européen,

Considérant que la légitimité historique et le caractère hautement symbolique qui a fondé le choix de la ville de Strasbourg comme siège du Parlement européen ne peuvent être remis en cause,

Considérant que la conception polycentrique de l’Union européenne traduit la volonté d’un équilibre institutionnel entre les États membres,

Rappelle que, en vertu des traités, « le Parlement européen a son siège à Strasbourg où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire »,

Estime que les actions visant à vider de leur contenu les sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg vont à l’encontre de ces dispositions des traités,

Demande par conséquent aux institutions européennes et notamment au Conseil d’empêcher toute remise en cause de la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution relative à la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg.

Je constate qu’il n’y a pas de vote contre.

La proposition de résolution est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Par ce vote, la proposition de résolution est devenue résolution du Sénat. Elle sera communiquée au Gouvernement et publiée, imprimée et distribuée, et sera mise en ligne sur le site du Sénat.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à onze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean-Claude Danglot et les membres du groupe CRC-SPG (proposition n° 397).

La parole est à M. Jean-Claude Danglot, auteur de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, mes chers collègues, si les sénateurs du groupe CRC-SPG ont souhaité que leur proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France soit examinée par le Sénat en séance publique, c’est notamment parce qu’ils considèrent qu’il est grand temps que soit lancé un véritable débat public sur les questions énergétiques et que les femmes et les hommes politiques assument leur projet énergétique et l’expliquent clairement à la population .

L’accident nucléaire majeur qui est survenu au Japon, et qui touche en premier lieu les populations se trouvant à proximité de la centrale de Fukushima ainsi que les personnels intervenant sur le site, a réveillé les inquiétudes fondées et légitimes de la société civile sur cette source d’énergie.

Cet accident a cristallisé les antagonismes entre les partisans et les opposants au nucléaire. Le Président de la République a rapidement clos les discussions en déclarant deux jours après le drame que, pour la France, il n’était « évidemment pas question de sortir du nucléaire », tandis que d’autres voix, tout aussi intransigeantes, portaient le message d’une sortie immédiate, oubliant malheureusement les contraintes scientifiques et climatologiques qui s’imposent à nous.

Rappelons à ce propos que, pour répondre à l’urgence climatique, il faudra diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre dans les pays de l’OCDE d’ici à 2050.

En l’état actuel des connaissances scientifiques, quelle est la solution alternative à l’arrêt immédiat des centrales ? Les énergies carbonées ? Cela mérite une clarification.

Notre proposition de résolution, vous l’aurez noté, pose les termes d’un débat qui dépasse la seule question du nucléaire. Selon nous, on ne peut prendre de décision en ce domaine sans examiner l’ensemble des problématiques énergétiques. J’ajoute que notre débat ne peut faire l’économie de la question des actions et des politiques à mener au niveau européen et mondial.

Or, jusqu’à présent, les débats raccourcis organisés par le Gouvernement au Sénat, au travers des questions cribles thématiques, un jour sur « l’avenir de la filière photovoltaïque », un autre sur « les problèmes énergétiques », ne nous ont pas permis d’avoir des discussions de fond sur la politique énergétique.

Ils ont cependant mis en exergue les impasses dans lesquelles la droite a conduit la France en faisant le choix de la libéralisation et de l’argent. Cette politique est mauvaise ; elle est incapable d’ouvrir la voie aux investissements énormes qui devraient être réalisés dans le secteur ; elle ignore la recherche ; et elle est source de désorganisation et de fragilisation de l’ensemble du système énergétique.

Ces désordres, qui découlent des contradictions entre les objectifs de rentabilité à travers la spéculation, la rémunération du capital, les marchés spot, la concurrence, ont des conséquences délétères sur l’indépendance énergétique et la sécurité de l’ensemble des installations et des réseaux. Ce sont là autant de vecteurs d’inégalités sociales.

Cependant, si une maîtrise publique du secteur énergétique – tant à l’échelon national et qu’au niveau européen – est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Elle doit s’accompagner d’une plus grande transparence et associer étroitement les citoyens et les salariés aux décisions prises, comme aux problèmes rencontrés.

Or la politique de privatisation menée par la droite a été conduite dans le mensonge et le secret.

En 2004, en effet, Nicolas Sarkozy déclare : « Il n’y aura pas de privatisation d’EDF et de Gaz de France, c’est clair, c’est simple et c’est net. » Pourtant, en 2006, la droite vote la privatisation de GDF et, en 2010, elle contraint EDF à engraisser les opérateurs privés…

En 2007, partant du constat selon lequel la France traversait une crise climatique et écologique de grande ampleur, le Président de la République lance le Grenelle de l’environnement avec M. Borloo. C’est ce dernier qui a signé les permis d’exploration en France de gaz de schiste sans la moindre transparence.

François Fillon, quant à lui, a confié à l’Autorité de sûreté nucléaire la réalisation d’une étude sur la sûreté des installations nucléaires au regard des risques d’inondations, de séismes, de pertes d’alimentation électrique et de pertes de refroidissement. Or, quand ma collègue Evelyne Didier a demandé en séance un audit social, aucune réponse ne lui a été apportée !

Vous jurez que le nucléaire restera sous maîtrise publique. Mais l’article 1er de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, la loi NOME, prévoit – et cette disposition a été introduite par la droite sénatoriale – que l’on pourrait envisager « une prise de participation d’opérateurs privés dans les réacteurs nucléaires d’EDF ».

Enfin, vous affirmez haut et fort le principe de transparence en ce qui concerne, notamment, la sûreté dans le domaine nucléaire. Nous vous avons demandé que le rapport Roussely sur la filière industrielle nucléaire soit rendu public ; tout n’est pas classé « secret défense » ! Là encore, refus du Gouvernement !

Ce double langage témoigne de l’incapacité ou, pis, de l’absence de volonté du Gouvernement de répondre aux attentes de nos concitoyens en termes d’accès à l’énergie, de sécurité, d’indépendance énergétique et de préservation de l’environnement.

Pour atteindre ces objectifs, nous devons changer radicalement notre politique énergétique. Les logiques marchandes et financières, qui ont guidé l’action des gouvernants aux niveaux national, européen et mondial, doivent être abandonnées. La perversité du marché, qui entraîne des délocalisations d’industries polluantes et qui multiplie les transports de marchandises par avion et camion, tout cela témoigne, au passage, de la grande illusion de l’écologie libérale.

L’énergie n’est pas une marchandise comme les autres. Elle est vectrice de développement humain, de progrès social. Or, dans le monde, 1, 6 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité. Le tiers des habitants de la planète n’a pas du tout accès aux sources d’énergie modernes et 20 % de la population mondiale consomme 80 % de la production énergétique. Cette situation emporte des conséquences dramatiques sur le niveau des services de santé, d’éducation, de transport, particulièrement pour les populations du Sud.

La politique étrangère en matière énergétique dans le contexte de raréfaction des ressources énergétiques doit être orientée vers la coopération et la solidarité, non vers l’exploitation et la guerre.

La précarité énergétique est un fléau qui progresse également en Europe et en France. Comme vous le savez, grâce à votre Observatoire de la précarité énergétique, et comme le vivent 3, 5 millions de personnes au quotidien, ces foyers consacrent 10 % à 15 % de leurs ressources aux factures de gaz et d’électricité, soit une deux fois et demie plus importante que celle qu’y consacrent les ménages les plus riches. Et combien de personnes renoncent à se chauffer, faute d’avoir les moyens de payer leur facture ?

Depuis 2009, en pleine crise économique, le Gouvernement a également abandonné les ménages aux revenus modestes en supprimant la prime à la cuve. Cette prime les aidait à payer une facture dont le prix a augmenté de 61 % entre octobre 1999 et octobre 2009, soit près de 5 % par an. Votre argument : le prix du fioul a baissé ! Depuis, les prix ont flambé, mais la prime n’a pas été rétablie… La contribution des compagnies pétrolières que vous avez annoncée est une goutte d’eau dans l’océan des difficultés financières des ménages.

Alors que les bénéfices de Total continuent d’augmenter ses – le groupe a réalisé un bénéfice net de 3, 1 milliards d’euros au premier trimestre de 2011 –, vous laissez le groupe fermer des sites de raffinage stratégiques pour l’indépendance énergétique du pays et vous jetez des centaines de salariés à la rue !

Depuis le début de la libéralisation du secteur de l’énergie, les tarifs du gaz et de l’électricité ont également augmenté de façon spectaculaire. Cela s’accompagne, bien entendu, d’une augmentation des coupures de gaz et d’électricité chez les particuliers, coupures que les tarifs sociaux ne parviennent pas à endiguer.

La politique économique et sociale du Gouvernement aggrave la détresse des foyers. Le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, le faible niveau des retraites, la vétusté des logements et des installations ont plongé une partie de la population dans une véritable misère sociale.

Là où devrait s’imposer une réflexion sur une politique tarifaire solidaire et de long terme, c’est la déréglementation, la concurrence au profit de la hausse des prix qui s’organisent. Pour le gaz, les tarifs ont augmenté de 5, 2 % le 1er avril 2011, ce qui porte l’augmentation à plus de 20 % en un an et à plus de 61 % depuis 2005. Au titre de 2010, GDF-Suez a réalisé 4, 6 milliards d’euros de bénéfices.

Ces augmentations ont été cautionnées par le Gouvernement puisqu’il s’est complètement désengagé de la fixation des tarifs du gaz. En effet, le décret du 18 décembre 2009 met en place une seule révision annuelle et prévoit, entre deux décrets, que l’entreprise peut modifier ses tarifs sur sa seule initiative, en demandant simplement l’avis la Commission de régulation de l’énergie. L’article 13 de la loi NOME organise pour 2015 un dispositif similaire pour les tarifs de l’électricité.

Vous avez annoncé, monsieur le ministre, vouloir réviser la formule tarifaire du gaz. Est-ce encore d’actualité ? Si c’est le cas, il serait judicieux de ne plus faire payer aux consommateurs le déficit de la marge commerciale, inventé de toutes pièces par la direction commerciale : vous le savez fort bien, il n’y a jamais eu de vente à perte sur l’ensemble de la chaîne, depuis l’approvisionnement jusqu’à la vente ; il s’agit simplement d’un transfert de marge interne au détriment de la branche commerciale de GDF-Suez.

L’opacité dans la formation des tarifs n’est pas acceptable. Nous demandons qu’une commission composée d’élus, de salariés et d’usagers soit associée à l’État pour définir des mesures de régulation dans la fixation des tarifs réglementés. Il est également nécessaire de revenir à la notion de coûts réels comptables, qui permettrait aux usagers de bénéficier de l’optimisation des approvisionnements.

En ce qui concerne l’électricité, votre ministère a annoncé une « légère hausse » des tarifs pour cet été. L’entreprise aurait demandé « de 28 % à 37 % » d’ici à 2015. Alors, de quoi se plaint-on ? D’ailleurs, selon la Commission européenne, le prix de l’électricité, qui a déjà augmenté de 6, 4 % depuis un an, serait trop bas dans notre pays…

La recherche de la rentabilité au profit de l’actionnariat public ou privé, qui pèse lourdement sur les consommateurs, a également des conséquences sur la réduction des investissements nécessaires à la maintenance et à la sûreté des installations, des réseaux de transport et de distribution électriques.

À ce titre, la loi NOME, adoptée par la majorité, est un véritable gâchis du patrimoine énergétique de la France. Elle est absurde et injuste. En effet, elle constitue une véritable aide de l’État au privé, au détriment des investissements de l’entreprise publique, lesquels ont été payés, faut-il le rappeler, par les usagers.

Cette loi oblige EDF à revendre une partie de sa production nucléaire et lui permet de reporter la mise en œuvre du plan de constitution des actifs dédiés au démantèlement des installations nucléaires. Il semblerait que le drame de Fukushima ait joué en faveur du tarif de rachat proposé par M. Proglio, le Gouvernement prenant subitement conscience des dépenses que devra couvrir l’entreprise pour assurer la maintenance de ses installations nucléaires.

Pour notre part, nous avons demandé le retrait pur et simple de cette réglementation. La production énergétique, en particulier celle qui est d’origine nucléaire, ne doit pas être laissée entre les mains d’opérateurs privés. Or la loi NOME ouvre cette voie, notamment en donnant aux opérateurs privés l’obligation d’investir dans des moyens de production d’énergie. Pourtant, le nucléaire reste la principale source de production énergétique.

Pour ce qui concerne la filière nucléaire, nous demandons que la production des pièces ne soit pas sous-traitée. Je rappelle que le groupe AREVA a déjà reçu des mises en garde de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN. En effet, le contrôle de l’ASN « a mis en évidence un écart dans la conformité de la réalisation d’essais mécaniques permettant de vérifier la qualité des pièces fabriquées ».

Si le Gouvernement souhaite réellement plus de transparence dans ce secteur, qu’il arrête de mettre en concurrence l’opérateur AREVA, le CEA – Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – et EDF. S’il veut améliorer la sûreté, pourquoi avoir tenté d’instaurer une redevance pour financer l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ?

Grâce à la résistance des salariés, la solution alternative votée dans la loi de finances est un moindre mal. En effet, contrairement à ce qui était prévu pour la redevance, la contribution sera payée non pas pour chaque dossier, mais correspondra à un forfait annuel. Surtout, elle sera versée au Trésor public et non pas directement à l’IRSN.

En matière de sûreté et de sécurité de toutes les installations et de tous les réseaux énergétiques, notamment du secteur nucléaire, il est absolument nécessaire de garantir de hautes conditions salariales, ainsi qu’une formation poussée, qui passe en partie par le retour d’expérience. Le management privé, les petites économies faites sur le personnel, la sous-traitance doivent être prohibés.

En occultant le problème de la sous-traitance, une manière pour les donneurs d’ordres d’externaliser 80 % des risques professionnels, en particulier les doses de radioactivité et les dégâts sociaux, le Gouvernement et les entreprises refusent d’aborder le véritable débat : celui d’une gestion uniquement tournée vers l’argent. Des positions claires doivent être prises pour garantir l’aspect social de la sûreté. II faut en revenir, en dépit du troisième paquet énergétique, qui reste un choix purement idéologique, au modèle de l’entreprise intégrée.

Les exigences sociales appellent une maîtrise publique, et, en cela, elles rejoignent les impératifs environnementaux et climatologiques.

En effet, le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre, la raréfaction des ressources fossiles, la spéculation qu’elle engendre et la nécessité de sortir des énergies carbonées contraignent les États à abandonner toute libéralisation du secteur énergétique. Les objectifs de rentabilité et les logiques marchandes ne sont pas conciliables avec les objectifs de préservation de l’environnement. Les États se sont d’ailleurs engagés aux niveaux mondial et européen à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Des efforts doivent être consentis, nous en sommes d’accord, en faveur des économies d’énergie et du développement des énergies renouvelables. Cependant, la politique du Gouvernement en la matière de même que les dispositions du Grenelle restent anecdotiques et ne tiennent pas compte de la réalité, notamment en ce qui concerne la vétusté de certains logements et la pauvreté des personnes qui y habitent.

Pour ce qui est des énergies renouvelables, le rôle de l’État est fondamental. Le fiasco du photovoltaïque est emblématique d’un État incapable de conduire une telle politique énergétique et industrielle cohérente, complémentaire à l’échelle de l’ensemble de son territoire. Vous le savez, mes chers collègues, les énergies renouvelables sont contraignantes dans le sens où elles doivent être associées à d’autres sources d’énergie.

De plus, l’État doit définir une politique industrielle de la formation professionnelle au traitement des déchets produits par ces types d’énergie. On est donc loin du compte !

Le Gouvernement a été pris à son propre piège en faisant reposer les énergies renouvelables sur l’initiative privée anarchique, l’incitation fiscale et le crédit d’impôt. En confiant la production d’électricité d’origine hydraulique à des intérêts privés, vous avez également fragilisé la stabilité du système électrique. En effet, dès lors que l’énergie hydraulique de pointe sera entre les mains d’industriels ou de traders, l’État perdra une grande partie de ses capacités d’action en ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Ensuite, il est indispensable d’engager un effort massif en faveur de la recherche et du développement des énergies renouvelables englobant la question du traitement des déchets produits parfois à moyen terme, comme pour les panneaux photovoltaïques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Les moyens dédiés à la recherche fondamentale doivent être renforcés. Le recul des moyens financiers et humains dévolus au CEA nous conduit à nous interroger sur ce que désire réellement le Gouvernement. Il reste à accomplir des progrès immenses dans la recherche ; je pense notamment au stockage de l’électricité à grande échelle.

Enfin, le marché libéralisé au niveau européen entre en opposition avec la garantie de la sécurité d’approvisionnement électrique.

En effet, comme le notait notre collègue Michel Billout, soutenu par l’ensemble de ses co-rapporteurs, dans le rapport d’information sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, déposé le 27 juin 2007, « ce choix, qui a considérablement bouleversé les conditions d’exercice du métier d’électricien et remis en cause des logiques d’organisation parfois vieilles de cinquante années, n’a pas été assorti d’une véritable réflexion sur la spécificité du système électrique et sur la notion de sécurité d’approvisionnement ».

La grande panne qui avait privé d’électricité dix millions d’Européens, en 2006, n’appartient pas au passé ; il est temps d’en tirer les enseignements.

Au-delà du volet « sûreté » de la politique énergétique, qui est un point central, il est nécessaire de revoir l’ensemble de la conception de cette politique. L’accès à l’énergie pour tous, la nécessité d’un prix de l’énergie régulé, la lutte contre la précarité énergétique, la place des énergies renouvelables et la redéfinition du mix énergétique, les économies d’énergie, la recherche, l’indépendance et la sécurité énergétique, le traitement des déchets résultant de la production énergétique représentent des enjeux incompatibles avec les appétits de la finance et des opérateurs privés.

Les États doivent redéfinir des coopérations et des accords sur le long terme, afin de sécuriser les échanges, de lutter contre les spéculations et de mettre en œuvre des stratégies cohérentes, complémentaires et solidaires à des échelons supranationaux. La maîtrise publique du secteur énergétique, accompagnée de sa démocratisation sociale, est la seule voie possible. Elle s’impose au Gouvernement s’il veut respecter les engagements qu’il a pris envers nos concitoyens, que ce soit en termes de pouvoir d’achat ou de sûreté.

Monsieur le ministre, l’État doit reprendre la place qui est la sienne dans un secteur aussi stratégique. Notre projet est d’avoir une politique énergétique publique au service de l’intérêt général et dans le respect des exigences environnementales, une politique qui favorise les coopérations et la solidarité entre les États, une politique qui encourage la recherche fondamentale et qui définisse des exigences sociales fortes pour les travailleurs du secteur. §

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon ami Jean-Claude Danglot ayant présenté la question des problèmes énergétiques dans leur ensemble, j’interviendrai, pour ma part, plus précisément sur celle de la sécurité nucléaire.

Celle-ci doit être garantie au regard des risques naturels, mais elle doit aussi intégrer les aspects techniques et la dimension sociale et humaine. Ce point a d’ailleurs fait l’objet d’une question crible thématique de ma collègue Évelyne Didier en avril dernier, question hélas restée sans réponse.

Les sénateurs de mon groupe et moi-même sommes très attachés à l’aspect social et organisationnel de la sûreté nucléaire, c'est-à-dire aux collectifs de travail, aux habitudes de coopération et à la transmission des savoirs, qui sont les fondements de la culture de la sûreté dans une entreprise.

S’agissant, tout d’abord, des savoir-faire, s’il est un secteur qui nécessite une main-d’œuvre hautement qualifiée et très compétente, c’est bien l’industrie nucléaire, car, de l’exploitation aux contrôles de sûreté, aucune défaillance n’est concevable. Les qualifications, l’expérience et la compétence des opérateurs à tous les niveaux sont tout aussi essentielles.

Comme le souligne, l’OCDE, « la disparition de spécialistes expérimentés et compétents préoccupe de plus en plus les autorités de sûreté et l’industrie nucléaire ». Il est indispensable de disposer d’un personnel de maintenance compétent pour prévenir les incidents dus à des défaillances ou des dysfonctionnements. Or la formation à la maintenance a été plutôt négligée et le besoin d’amélioration est généralement reconnu. On compte actuellement, en France, 300 diplômés de niveau bac+5 dans cette filière, alors que les besoins sont estimés à 1 200 par an.

De plus, si l’accent a été mis sur le renforcement de l’attractivité des métiers de haut niveau, on reste muet sur la formation des ouvriers chargés de la maintenance des sites et la perte progressive de leur savoir-faire face aux restructurations et à la nouvelle culture managériale d’EDF.

Les salariés de la centrale nucléaire du Blayais ont rappelé à plusieurs reprises le risque de voir se perdre les savoir-faire des agents, dont une grande partie a atteint l’âge de cinquante ans, alors que, dans le même temps, « on demande aux nouveaux de surveiller des travaux qu’ils n’ont jamais effectués ». Et les salariés d’expliquer encore : « Dans les dix années à venir, on va perdre tous les bâtisseurs de la centrale, ceux qui ont vécu le démarrage de la centrale. » Ce mouvement est renforcé par la politique de remplacement d’un salarié sur trois partant à la retraite.

De plus, dès 2004, l’OCDE a lancé l’alerte sur les risques du recours à la sous-traitance pour la maintenance des sites, soulignant que ces salariés avaient souvent « une expertise et une expérience limitées et n’avaient pas toujours une compréhension globale de la sûreté des centrales sur lesquelles ils interviennent ».

En France, par exemple, on dénombre quelque 600 sous-traitants intervenant dans 58 centrales nucléaires, avec un chiffre d’affaires de 800 millions d’euros par an. Le volume de maintenance sous-traitée est passé, en cinq ans, de 20 % à 80 %. Il arrive même que des sous-traitants confient leurs tâches à d’autres sous-traitants !

Les témoignages alarmants ne manquent pourtant pas. Ainsi, Le Monde diplomatique nous rapporte les propos de salariés d’EDF : « Les conditions de cette externalisation se traduisent par une montée des accidents parmi les salariés de cette sous-traitance. Beaucoup de ses salariés ont été affectés à ces activités sans formation et, pour la plupart, sans connaissance des règles de sécurité fondamentales inscrites dans le recueil des prescriptions au personnel. » Ils sont en outre soumis à de fortes pressions en termes de temps d’intervention.

Le moment est venu de mettre un terme à cette logique d’externalisation des risques, à cette course au moins-disant social ! Et je ne fais qu’évoquer la sous-traitance en Chine d’une partie de la fabrication des matériels nucléaires, comme les générateurs de vapeur ou les cuves, qui met à mal non seulement le principe de sécurité, mais aussi la politique industrielle de la France.

J’en viens maintenant à la question de la nécessité d’un audit social.

Nicolas Sarkozy a dû se résoudre, il y a quelques jours, à demander un audit financier portant sur toute la filière à la Cour des comptes, un audit qui intégrera les coûts des futurs renouvellements et le démantèlement des centrales, lesquels ne sont pas, pour l’instant, pris en compte. Nous nous en réjouissons, mais nous pensons qu’il est impératif d’intégrer la dimension sociale à cet audit.

En effet, établissement public transformé en société anonyme en 2004 et coté en bourse, ce « service public » doit désormais rémunérer ses actionnaires. Cependant, comme le rappelle M. Michel Lallier, représentant CGT, « la sûreté nucléaire a reposé durant des décennies sur un cadre social bien défini pour un personnel qualifié, par la vigilance et le travail de ce personnel et par la cohérence humaine de ce collectif de travail ». Il ajoute : « Or la dérégulation du marché de l’électricité, puis la privatisation partielle d’EDF avec sa course aux économies mettent à mal depuis les années 1990 tout cet édifice. »

C’est pourquoi un audit général des installations nucléaires doit intégrer les conditions d’exploitation en lien avec les conditions de travail des salariés et les activités confiées à la sous-traitance.

Durant de nombreuses années, les salariés d’EDF ont tiré la sonnette d’alarme sur leurs conditions de travail, sur l’accélération des rythmes, dénoncé les ravages du nouveau management sur la santé psychologique des personnels, la dévalorisation et le cloisonnement des métiers, mais tout cela est resté sans écho.

Enfin, nous pensons que le débat sur la sécurité nucléaire est inséparable du débat sur le démantèlement du service public de l’électricité et des grands services publics en réseaux.

Ainsi que Jean-Claude Danglot l’a très bien expliqué, il ne faut pas se leurrer : les impératifs de rentabilité, la charge de travail accrue, le recours massif à la sous-traitance et la situation des salariés qui n’est pas favorable à une sûreté optimale des centrales françaises sont les maux d’une politique d’ouverture à la concurrence et de privatisation partielle de l’opérateur historique.

L’acceptation démocratique du nucléaire repose sur le contrat moral passé entre les Français et le Conseil national de la Résistance. Une remise en cause du risque zéro en faveur du risque calculé est inacceptable.

C’est pourquoi nous souhaitons la tenue d’un grand débat public national sur l’organisation et l’utilisation du nucléaire dans des conditions de sécurité, de sûreté et de transparence qui garantissent l’accessibilité de tous à l’énergie.

Pour notre part, nous pensons que seul un grand service public national de l’énergie est en mesure de répondre à ces exigences ! §

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France présentée par M. Danglot et plusieurs de ses collègues nous donne l’occasion d’évoquer aujourd’hui certaines questions que se posent les Français, notamment au sujet du nucléaire. Nous serons très attentifs aux éclaircissements que vous nous apporterez, monsieur le ministre, et je me félicite de votre présence au banc du Gouvernement.

Vous l’avez compris, j’évoquerai principalement la question du nucléaire.

L’industrie nucléaire française, après cinquante-cinq ans d’activité, est la plus surveillée au monde. Cela dit, la catastrophe japonaise nous oblige à toujours plus de sûreté, à toujours plus de rigueur, ce qui passe impérativement par une autorité nucléaire forte, totalement indépendante et intraitable.

Le Japon a été victime d’une catastrophe qui était d’origine non pas nucléaire, mais bien sismique, et qui a induit un drame humanitaire. La catastrophe de Fukushima a touché de vieux réacteurs, puisqu’ils sont âgés d’une quarantaine d’années. Elle amène forcément à s’interroger à la fois sur le risque sismique et sur le vieillissement des centrales françaises de Fessenheim, du Bugey, de Saint-Alban, de Cruas et du Tricastin, situées en zones sismiques.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Toutefois, ce risque sismique a été étudié dès le départ, en prenant en compte les spécificités de chaque site. Une marge de sécurité appropriée a été ajoutée au risque maximal historiquement vraisemblable.

Notons qu’il n’existe pas, à ce jour, de zone à force sismicité en France. Certes, des tremblements de terre se produisent sur notre territoire, mais ils sont peu nombreux et de très faible magnitude. Par ailleurs, le risque d’un tsunami pouvant menacer nos centrales nucléaires est quasi nul.

Cependant, il ne faut rien négliger, et surtout pas les risques que peuvent engendrer les tempêtes, notamment sur le littoral. Souvenons-nous de celle de décembre 1999 en Gironde. La conjonction de la fameuse tempête du siècle avec une très grande marée a provoqué, à la centrale du Blayais, des inondations qui ont été aggravées par la non-réalisation par EDF des travaux de rehausse de la digue et de remise en état demandés par l’Autorité de sûreté nucléaire, laquelle, je tiens à le rappeler, est une autorité administrative indépendante chargée depuis 2006 de contrôler les activités nucléaires civiles en France.

Le vieillissement des centrales est une autre question. Les réacteurs français les plus anciens, comme ceux des centrales de Fessenheim, de Golfech et du Triscastin, ont plus de trente ans. Tous les dix ans, l’Autorité de sûreté nucléaire impose une visite extrêmement fouillée ; c’est l’occasion d’une remise à niveau de la sûreté.

Vieillissement ou non, la plupart du temps, l’accident survient là où on ne l’attend pas : il y a des possibilités de défaillance matérielle et, malheureusement, d’erreur humaine. Souvenons-nous de Tchernobyl !

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous donner des précisions sur l’audit, actuellement en cours, des centrales nucléaires françaises existantes, notamment des plus anciennes, comme celle de Fessenheim. Peut-on considérer cette dernière comme dangereuse ? Quelles décisions comptez-vous prendre quant à son avenir ?

Par ailleurs, l’Autorité de sûreté nucléaire pourrait, dit-on, envisager de suspendre la construction du réacteur EPR de Flamanville 3, qui est fourni par AREVA et qui doit être exploité par EDF, en réaction à la crise nucléaire japonaise. Qu’en est-il ? Et quid du futur EPR de Penly, en Seine-Maritime ? Ce site n’a pas encore été mis en chantier. Toutefois, l’entrée en service du réacteur de Penly, qui doit également être exploité par EDF, est attendue pour 2017. L’hypothèse d’un éventuel moratoire est-elle concevable pour ces futurs projets ?

Quoi qu'il en soit, cela ne doit pas engendrer de retards sur les projets en cours, car l’arrêt des chantiers serait fort dommageable, non seulement pour les territoires concernés, mais également pour le pays tout entier. L’émotion suscitée par le drame du Japon ne doit pas nous faire prendre des décisions qui ne sont pas forcément appropriées, surtout si elles devaient laisser penser que l’ensemble de nos centrales ne sont pas suffisamment contrôlées ni sécurisées, ce qui n’est absolument pas le cas.

Enfin, qu’en est-il du projet de construction du réacteur EPR sur le site du Tricastin, dans la Drôme ? Observons que ce site abrite déjà une centrale comportant quatre réacteurs et l’usine d’enrichissement d’uranium Eurodif. Est-il possible d’y ajouter un EPR sous la responsabilité d’un autre opérateur électricien français ? Les ressources en eau, plus particulièrement l’été, seront-elles suffisantes ? Faut-il limiter la taille des centrales ? En tout cas, il faudra raison garder sur cette question que, pour être élu local de cette région, vous connaissez mieux que personne, monsieur le ministre et maire de Donzère.

Chaque Français doit savoir que, grâce à l’énergie nucléaire, il paie l’électricité 40 % moins cher que partout dans le monde. Sans le nucléaire, il faudrait utiliser le charbon, le gaz ou le pétrole, tous grands émetteurs de CO2 dans l’atmosphère, avec une facture énergétique qui serait de plus de 200 milliards d’euros par an.

Les énergies renouvelables ont toute leur place, mais elles ne pourront offrir que des solutions partielles. Dans vingt ans, elles ne représenteront au mieux 15 % à 20 % des dépenses d’énergie actuelles. C’est la raison pour laquelle l’avenir du nucléaire ne peut être remis en cause.

Toutefois, tirant les leçons de Fukushima, nous devons être toujours plus rigoureux sur le choix des sites, des matériels et aussi des hommes, et pousser la sûreté des centrales toujours plus loin.

En tant qu’élu de la Bourgogne, permettez-moi de vous interroger également sur le pôle nucléaire bourguignon et, à l’intérieur de celui-ci, sur une disposition qui est à mes yeux essentielle pour l’avenir : la création d’une formation très pointue sur le démantèlement des centrales dans le monde entier. Elle est d’autant plus nécessaire que nombre de centrales sont déjà arrivées en fin de vie ou sont sur le point d’y arriver. Or, à ce jour, nous n’avons aucune technique assurée ni aucune démarche arrêtée pour démanteler des centrales.

Enfin, la filière nucléaire française, reconnue comme l’une des plus sûres du monde, doit, dans sa structure, demeurer composite et très complémentaire, en particulier en conservant le couple AREVA-EDF tel qu’il est actuellement constitué, et dont j’ai pu récemment constater la parfaite efficacité sur le chantier du premier EPR chinois à Taishan.

Il convient de ne pas céder aux prétentions monopolistiques de certains au détriment des intérêts de toute l’ingénierie française, laquelle doit pouvoir concourir et s’investir dans tous les projets du monde, quel que soit le distributeur électrique concerné. Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de toutes les précisions que vous ne manquerez pas de nous apporter aussi sur ce sujet.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera contre la proposition de résolution qui est présentée par le groupe CRC-SPG et qui va à l’encontre de la politique énergétique de la France mise en œuvre par le gouvernement que nous soutenons.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le thème de la proposition de résolution de notre collègue Jean Claude Danglot, relative à la politique énergétique de la France, est loin d’être dépourvu d’intérêt. En effet, il est important de nous interroger sur les choix de la France en matière de politique énergétique, notamment nucléaire, à l’heure où nous avons un peu plus de recul par rapport aux événements qui se sont déroulés au Japon.

La catastrophe de Fukushima a amené la France, pourtant « championne du nucléaire », à entreprendre un audit sur la sûreté des installations nucléaires face à des risques, particulièrement redoutables lorsqu’ils se cumulent, tels que les séismes, les inondations, la perte d’alimentation électrique et l’arrêt du refroidissement.

Plusieurs audits sont en cours ; nous y participons et nous en attendons les résultats. Monsieur le ministre, je souhaite une vraie transparence et une communication sans réserve.

Quels enseignements tirer aujourd’hui de ce choix énergétique ? La filière nucléaire française est très fiable. Elle joue un rôle essentiel dans la sécurité de l’approvisionnement électrique de la France. Gardons-nous donc, en France, de tout catastrophisme, même si nous avons tous été émus et troublés par ces événements, car il est maintenant avéré que « les centrales ont résisté au tremblement de terre, mais c’est dans la chaîne de décisions pour gérer la perte du refroidissement qu’il y a eu des difficultés ; l’organisation n’était pas robuste. »

En France, les risques sismiques, la culture dans la chaîne de décisions et la répartition du capital de l’exploitant ne sont pas les mêmes que pour la centrale de Fukushima. C’est pour ces raisons que les appels à fermeture des centrales que j’ai entendus, et qui ont même été votés par certains conseils municipaux, me semblent peu raisonnables.

L’âge des installations n’est pas forcément le critère le plus pertinent. Si l’on examine les incidents survenus dans les 143 réacteurs en service en Europe, on constate beaucoup d’incidents au cours des cinq premières années et un régime de croisière plus rassurant ensuite. L’amélioration en continu, qui est dans les gènes d’EDF, contribue largement au maintien en parfait état de toutes nos centrales.

Je crois que, en matière nucléaire – je ne parle pas là de l’énergie en général –, il ne faut pas faire primer la logique économique sur la logique sécuritaire. En revanche, il ne faut pas non plus ignorer ni évincer cette logique économique. Il faut articuler les deux. Là est le secret d’une politique énergétique pérenne, rentable, sûre et accessible pour chacun.

Aujourd’hui, c’est le cas : l’accessibilité est assurée par les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité. En revanche, du point de vue de la gouvernance, je regrette que la puissance publique ne semble pas toujours suffisamment jouer son rôle d’actionnaire dans les conseils d’administration où elle est représentée. Pourtant, l’État est garant de l’équilibre entre logique économique et ordre public attaché au fonctionnement de ces entreprises.

Concernant la dimension internationale de la question énergétique, notamment nucléaire, on peut se féliciter que ce sujet soit mis à l’ordre du jour du sommet du G8 des 26 et 27 mai à Deauville et, le 8 juin, d’une réunion des autorités de sûreté des pays du G20 dotés du nucléaire civil.

Enfin, si l’énergie nucléaire est une chance pour la France, ce n’est pas pour autant une énergie renouvelable. Notre indépendance énergétique n’est donc que relative.

Nous avons un besoin absolu de la filière nucléaire pour de nombreuses années. Il n’y a donc pas lieu de nous précipiter, mais engageons une réflexion sur ce que certains ont appelé la sortie progressive du « tout nucléaire », quoiqu’il faille plutôt, notre mix énergétique comportant déjà 20% de non-nucléaire, parler de « diminution de la part du nucléaire ».

Il importe de ne pas limiter la politique énergétique de la France à la seule question du nucléaire. Au contraire, nous devons nous donner les moyens de développer des filières structurées et solides dans le secteur des énergies renouvelables et accroître nos efforts de sobriété énergétique, dans la droite ligne des engagements du Grenelle de l’environnement et par anticipation du relèvement des objectifs de l’Union européenne en la matière, que le Président de la République a su faire adopter par nos partenaires durant la présidence française, en décembre 2008. Nous avons là, monsieur le ministre, un devoir d’exemplarité.

Or, dans ce domaine, l’État n’a pas toujours été bon. Je pense notamment au fiasco de la gestion du photovoltaïque par l’État, dont les mesures d’appui à la filière se sont réduites brusquement. Au demeurant, n’ayant pas toujours été bien expliquées, elles ont parfois été mal comprises par les utilisateurs. De la même manière que pour l’énergie éolienne, l’État a privilégié les aides directes aux installations plutôt que le financement de la recherche, qui aurait permis de promouvoir un made in France performant en la matière. De ce fait, l’État n’a pas réussi à structurer la filière.

Toujours en ce qui concerne les énergies renouvelables, je constate que la géothermie, une filière qui me paraît prometteuse, ne reçoit pas, en métropole, la considération qu’elle mérite.

Le rapport entre l’argent public investi et la consolidation structurelle de ces filières « vertes » n’est donc pas satisfaisant. Mon collègue Claude Biwer l’ayant récemment souligné lors du débat sur la désindustrialisation, je n’y reviendrai pas.

Cependant, il est encore temps d’agir et je ne peux qu’espérer que le Gouvernement conduira une politique raisonnable, stable et structurée dans les filières des énergies renouvelables où cela reste possible : l’éolien off shore, la méthanisation ou encore le solaire.

Si je partage certaines des préoccupations énoncées dans l’exposé des motifs de la présente proposition de résolution, je ne partage pas nécessairement ce qui les justifie ni les conclusions que nos collègues en tirent.

Par exemple, le groupe de l’Union centriste ne souscrit pas à l’éradication de la logique marchande du secteur de l’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

M. Marcel Deneux. Elle est en effet nécessaire pour assurer la rentabilité des investissements dans ces secteurs et, à l’heure où les caisses de l’État sont vides, il faut pouvoir faire appel au marché des capitaux.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Pour autant, cette logique marchande ne doit pas gouverner notre politique énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Les principes du service public, et notamment celui de l’égalité d’accès, appliqués d’ailleurs par des entreprises tant privées que publiques, doivent conserver toute leur place dans un domaine aussi stratégique que celui de l’énergie.

De même, nous ne souscrivons pas à l’analyse selon laquelle la loi NOME est responsable de la hausse des prix de l’énergie. C’est la prise de conscience trop tardive de la sous-évaluation grave, pendant des années, des tarifs de l’électricité qui nécessite un jour ou l’autre le rehaussement de ces tarifs. Les gouvernements passés en sont, avec la bienveillance d’EDF, en partie responsables, car ils ont sans cesse repoussé la hausse des tarifs, pour des raisons certainement électoralistes.

Il faut dire aux Français que nous sommes entrés pour longtemps dans un cycle de prix élevés de l’énergie. Tout gaspillage d’énergie est une dépense inutile qui nuit au pouvoir d’achat des consommateurs.

De surcroît, nous ne faisons pas nôtre l’allégation selon laquelle les objectifs de rentabilité et les logiques marchandes ne sont pas conciliables avec les objectifs de préservation de l’environnement : la puissance publique, nationale ou communautaire, fixe un cadre de normes environnementales, à l’intérieur duquel les entreprises inscrivent leur logique marchande. Les deux principes ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, mais ils doivent être bien articulés.

Rappelons enfin qu’une entreprise peut être publique et bien gérée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

… et qu’il n’est pas question aujourd’hui de privatisations.

Pour ces raisons, les membres de notre groupe voteront contre la proposition de résolution, tout en restant vigilants sur les travaux parlementaires à venir – s'agissant notamment du gaz de schiste –, au cours desquels ils feront entendre une voix prônant l’équilibre entre les dimensions économique, sociale et environnementale des choix énergétiques de la France d’aujourd’hui et de demain.

Dans le système économique et social qui est le nôtre, il n’est pas de développement global sans consommation d’énergie. Mais ne nous égarons pas : si l’on exclut la production d’électricité, qui est un peu l’arbre qui cache la forêt, notre mix énergétique est bien trop carboné, et il le demeurera encore longtemps.

Pour l’améliorer, et cela est nécessaire, il nous faudra utiliser toutes les technologies disponibles aujourd’hui : compteurs intelligents, biocarburants au-delà de la première génération, stockage d’électricité, piégeage de CO2 et bien d’autres qui font actuellement l’objet de recherches, notamment pour mieux comprendre le cycle du carbone.

La France a des atouts à faire valoir, des textes à appliquer, des filières industrielles et des chercheurs à encourager. Il y a de quoi faire, monsieur le ministre ! Mais c’est sans doute pour cela que votre ministère a compétence sur l’énergie.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la proposition de résolution déposée par le groupe CRC-SPG est le bienvenu et permet de souligner une nouvelle fois les carences résultant de la dérégulation du secteur énergétique et les problèmes que celle-ci pose.

Je voudrais dénoncer ici le non-sens que représente cette voie après ce qui s’est passé à Fukushima.

Le paradoxe réside dans le fait que cette dérégulation a été pensée dans les années 1980 et 1990, à une époque où les prix étaient bas et où l’approvisionnement n’était pas menacé. Tant du point de vue de la géopolitique ou de l’environnement que de celui du marché, cette ouverture à la concurrence s’est effectuée à contre-cycle, à rebours des intérêts des États et de leurs citoyens.

Je souhaite insister une fois de plus sur les conséquences à venir de cette dérégulation sur les prix de l’énergie, et plus particulièrement sur ceux de l’électricité.

Il convient tout de même de rappeler que l’objectif affiché de l’ouverture à la concurrence était la baisse des prix pour le consommateur. Mais cette ouverture a fini par devenir un objectif en soi, une option purement idéologique, une décision dépourvue de tout souci pragmatique, en somme une sorte de TOC, c'est-à-dire un « trouble obsessionnel de la concurrence ».

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Or on sait ce qu’il est advenu dans les pays qui ont pratiqué cette ouverture à la concurrence.

En France, la dérégulation, entamée en 1996 avec la transposition de la première directive Électricité, approuvée par le Premier ministre Alain Juppé, s’est accélérée après 2002 avec le retour de la droite aux responsabilités. Alors que nous avions fait porter nos efforts sur le maintien d’un « service public de l’énergie », le gouvernement de M. Raffarin a pris le contre-pied en engageant clairement la France sur la voie d’une libéralisation à marche forcée.

Cela a commencé avec l’accord de Mme Fontaine, alors ministre déléguée à l’industrie, sur les grandes lignes de la deuxième directive Énergie, exposées lors du sommet européen de novembre 2002, ce qui n’était rien d’autre que le reniement de l’engagement pris par le président Chirac en février 2002, soit à peine quelques mois auparavant. La loi du 3 janvier 2003 s’est ensuivie ; celle-ci constitue d’ailleurs le canevas de votre politique actuelle. Six autres lois ont ensuite été adoptées, jusqu’à la fameuse loi NOME.

Ces lois ont progressivement libéralisé le secteur de l’énergie, l’ouvrant à la concurrence sous couvert de transposition de directives européennes. Elles ont également été l’occasion pour le Gouvernement de remettre en cause le statut de nos entreprises publiques, ce qui n’a jamais figuré au rang des exigences de Bruxelles. Mais nous en subissons aujourd’hui les conséquences !

Alors que, il y a seulement une semaine, nous débattions dans cette enceinte de notre politique industrielle, je tiens à souligner que cette dernière n’aura pas grand sens si la France se sépare de ses leviers d’action en matière énergétique, et en particulier si elle renonce à l’avantage de compétitivité que représentent nos tarifs de l’électricité.

Je voudrais maintenant, de façon très concrète, revenir sur la situation de ce qui devrait être aujourd’hui un grand service public.

Les Français subissent une double peine : en tant que citoyens et en tant qu’usagers.

En tant que citoyens, ils font face à une véritable entreprise de spoliation, en ce sens qu’EDF – comme GDF en d’autres temps – a bénéficié pendant des décennies d’une véritable manne, en l’espèce des ressources publiques, afin d’assurer la pérennité du réseau et du parc électronucléaires.

La question de la préservation des tarifs réglementés d’électricité se pose avec encore plus d’acuité du fait des investissements financés par les citoyens. En effet, il existe en France une rente nucléaire, évaluée à 9 milliards d'euros par an et dont l’appropriation relève d’une décision d’ordre politique.

Une telle rente peut-elle être captée par le secteur privé ? À qui peut-elle être distribuée ? Aux actionnaires ? Aux consommateurs ? À l’entreprise publique, pour que celle-ci procède à des réinvestissements productifs et environnementaux, alors même que le nucléaire soulève aujourd'hui de nombreuses questions ?

Les Français sont également pénalisés en tant qu’usagers. Après avoir vu cette contrepartie confisquée et assujettie aux lois du marché, ils vont faire face à une augmentation sensible des tarifs d’électricité, alors qu’ils ont déjà eu à subir celle des tarifs du gaz. L’accroissement de la concurrence et la déréglementation contribueront en effet à de fortes tensions sur les prix, avec un alignement tendanciel sur les prix fixés par le marché. Les consommateurs, en particulier les ménages, en feront les frais.

C’est dans cette voie que les autorités de Bruxelles, grâce à Mme Kroes, qui vous a transmis le virus

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Compte tenu de ces hausses régulières des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité, que se passe-t-il pour les ménages ? On estime aujourd’hui que 3, 4 millions d’entre eux, soit 13 % des foyers, sont en situation de précarité énergétique, consacrant plus de 10 % de leur revenu au paiement de leur facture d’énergie. En réalité, si l’on prend en considération ceux qui ne peuvent plus se chauffer correctement, ce sont sans doute plutôt 4 à 5 millions de personnes qui sont touchées par cette précarité.

C’est donc une nouvelle fois le pouvoir d’achat des plus modestes qui va subir le contrecoup de cette dérégulation, alors que celle-ci était initialement censée favoriser la baisse des prix…

Par ailleurs, je rappelle que les tarifs réglementés profitent non seulement aux ménages, mais aussi aux entreprises. En effet, de par leur stabilité, ils offrent à ces dernières des possibilités d’anticipation sur un horizon plus lointain : c’est, pour nos entreprises, un élément de compétitivité par rapport à leurs concurrentes européennes. Les tarifs réglementés sont donc indispensables au maintien et au développement de toute notre industrie, actuellement mal en point.

Aujourd’hui, les prix de gros se situent en moyenne aux alentours de 60 euros par mégawattheure, contre moins de 35 euros pour les tarifs verts dont bénéficient certains industriels, et dont la loi NOME programme l’extinction à la fin de l’année 2015.

De la même façon, le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, le TARTAM, a permis aux gros consommateurs d’électricité, comme les collectivités territoriales ou des établissements publics tels les hôpitaux, de bénéficier d’un tarif inférieur aux prix de marché et ne pouvant dépasser de plus de 25% le tarif réglementé en vigueur. Ce tarif transitoire prendra fin, selon ce que prévoit la loi NOME, avec la mise en œuvre effective de l’ARENH – l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique –, c'est-à-dire dès 2015.

Puisque vous savez mettre en œuvre des moratoires, monsieur le ministre, utilisez donc ce savoir pour repousser l’application de cette loi eu égard au nouveau contexte né de ce qui s’est passé au Japon et attendez les conclusions de l’audit parlementaire actuellement en cours.

Cette proposition de résolution souligne à juste titre que la libéralisation du secteur énergétique, sa soumission à la concurrence libre et non faussée et sa privatisation sont incompatibles avec les exigences de sécurité, de sûreté et d’indépendance énergétique.

Par ailleurs, il faut effectivement exclure la sous-traitance dans un certain périmètre autour des centrales, ce qui doit recouvrir des domaines aussi sensibles que la sûreté nucléaire ainsi que toutes les opérations de maintenance de l’enceinte de confinement et de stockage des combustibles.

Nous sommes donc en accord avec l’esprit qui se dégage de cette proposition de résolution. Après la catastrophe de Fukushima, la maîtrise publique du nucléaire en France est encore plus impérieuse. C’est pourquoi je vous demande une nouvelle fois, monsieur le ministre, de repousser l’application de la loi NOME en attendant le rapport parlementaire sur le nucléaire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution présentée par M. Jean-Claude Danglot et ses collègues du groupe CRC-SPG vient en discussion devant le Sénat deux mois après la catastrophe de Fukushima. Elle a le grand intérêt de mettre l’accent sur les conséquences pratiques que nous devons en tirer si nous voulons préserver l’atout que le secteur nucléaire représente pour la France, plutôt que céder à la démagogie obscurantiste et technophobe de la « sortie du nucléaire ».

Il faut tout d’abord comprendre la nature de l’accident. Rappelons que la catastrophe de Fukushima tient à l’insuffisance des dispositifs de sécurité mis en place par l’exploitant, Tokyo Electric Power Company, ou TEPCO, face à l’ampleur du tsunami : des murs de sept mètres de haut n’ont pu arrêter des vagues de vingt-trois mètres, qui ont noyé les centrales diesel de secours, alors que l’arrêt automatique des réacteurs, du fait d’une secousse sismique d’intensité 9 sur l’échelle de Richter, avait entraîné la perte des alimentations électriques externes. Le cœur des réacteurs et les assemblages combustibles n’ont plus été refroidis en raison de cette imprévoyance quant à la hauteur de la vague du tsunami. De l’arrêt des circuits de refroidissement, dû à la perte d’électricité, tout le reste a découlé : échauffement des combustibles irradiés, dégagement d’hydrogène, explosions endommageant l’enceinte de confinement.

Je le répète, il est extrêmement important de comprendre l’origine de l’accident pour en tirer les leçons adéquates. C’est la survenue d’un événement naturel imprévu, à savoir le tsunami, qui a rendu inopérants les dispositifs de secours. À ce stade, ce n’est pas s’aventurer que de pointer la responsabilité de l’exploitant, TEPCO, qui n’a pas pris les précautions nécessaires eu égard à l’ampleur des tsunamis observés, fût-ce dans des temps assez anciens, comme à la fin du XIXe siècle.

L’analyse de l’accident mérite sûrement d’être complétée. Dès maintenant, cependant, on peut dire – et la résolution présentée par M. Danglot le souligne à juste titre – qu’il est important de soustraire le secteur énergétique, particulièrement la filière nucléaire, aux logiques de rentabilité qui gouvernent la libéralisation de l’énergie.

Il faut affirmer avec force la nécessité d’un grand pôle public de l’énergie, incluant la totalité des entreprises composant l’industrie nucléaire. C’est la raison pour laquelle je voterai cette proposition de résolution. J’ajoute que ce texte attire justement l’attention sur l’importance d’une formation de haut niveau des personnels – Mme Schurch en a parlé avec beaucoup de pertinence – ainsi que sur la proscription de la sous-traitance dans le secteur nucléaire.

M. Danglot a aussi raison de pointer les conséquences de la libéralisation du secteur de l’énergie sur la fixation des prix. Il est tout de même admirable, au sens classique de ce terme, que l’intervention de l’Europe, au nom de la concurrence, aboutisse à un relèvement des prix de l’électricité et du gaz !

Le Gouvernement est dessaisi de ses attributions : ce n’est plus lui qui fixe les tarifs de l’énergie !

Monsieur Danglot, je vous adresserai une seule remarque : la loi NOME est intervenue en application de directives prises sur la base des décisions arrêtées lors des sommets de Lisbonne, en 2000, et de Barcelone, en 2002, à une époque où le parti communiste participait au gouvernement.

M. Jean Desessard s’exclame. – Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Ne riez pas trop tôt, chers collègues : attendez que j’aille au bout de ma remarque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

En effet, je ne rappelle ce fait que pour montrer combien il est difficile de résister à une logique de libéralisation européenne qui se déroule implacablement, depuis plus de vingt ans, en vertu de l’Acte unique ratifié en 1987 par l’ensemble des forces politiques, à l’exception – il faut tout de même le rappeler – du parti communiste.

Il est vrai que ceux qui l’ont voté, comme moi d'ailleurs, n’étaient nullement avertis du contenu des trois cents directives d’application qui allaient le suivre.

N’est-il pas temps de remettre en cause cette philosophie de la concurrence, qui imprègne tous les textes européens, y compris le traité de Lisbonne, et qui n’exprime rien d’autre que le dogme néolibéral de l’efficience des marchés, auquel Milton Friedman a attaché son nom ?

En votant la loi NOME, le Parlement n’a fait qu’exécuter un dessein conçu il y a plus de trente ans par les doctrinaires d’un néolibéralisme aujourd’hui à bout de souffle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

M. Jean-Pierre Chevènement. Il faut cesser de libéraliser. Il est nécessaire de réglementer de nouveau, de mettre un peu de viscosité dans le fonctionnement de marchés devenus fous, car la totale déréglementation conduit à des mouvements spéculatifs dont l’amplification, dans un monde décompartimenté et globalisé, ne peut plus être maîtrisée.

M. Jean-Louis Carrère applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Cette nécessité vaut plus encore pour les marchés financiers que pour l’électricité, mais il s'agit d’une vérité générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Si le progrès procède d’erreurs corrigées, il est tout de même préférable, quand c’est possible, d’éviter de se tromper !

La catastrophe de Fukushima alimente une immense campagne en faveur de la sortie du nucléaire, qui est, soit dit en passant, le noyau – si j’ose dire ! – de l’idéologie des Verts fondamentalistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Il est vrai que de nombreux gouvernements n’ont pas montré beaucoup de courage pour résister à cette « giga-campagne », et d’abord pour expliquer la nature de l’accident. Le comportement de l’exploitant japonais et les failles du contrôle public n’ont évidemment pas aidé à la réalisation de cet effort de pédagogie, pourtant nécessaire.

Bien sûr, la capacité acquise par l’homme de désintégrer la matière, inévitablement associée aux explosions d’Hiroshima et de Nagasaki de 1945, contribue à maintenir autour de l’industrie nucléaire un halo d’épouvante méthodiquement exploité par tous ceux que révulse la vision cartésienne de l’Homme « maître et possesseur de la nature ».

C’est un vieux débat : Ève fut punie pour avoir cueilli le fruit qui poussait sur l’arbre de la connaissance et Prométhée, pour avoir dérobé le feu aux dieux afin de le donner aux hommes. Rien de nouveau sous le soleil !

La proposition de résolution de M. Danglot vise à ouvrir un grand débat public sur les choix en matière de politique énergétique. Nous en sommes pleinement d’accord ! Mais encore faut-il que cette discussion soit instruite de manière approfondie.

Ceux qui nous proposent tout bonnement la « sortie du nucléaire » ont-ils bien mesuré toute la portée du « choix de société », comme ils disent, qu’ils nous proposent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur Desessard, vous devriez tout de même vous en rendre compte : il n’existe aucune énergie, dans le bouquet dont nous disposons, qui n’emporte de lourds inconvénients.

L’exploitation des réserves de pétrole, et même de gaz, sera de plus en plus coûteuse étant donné leur épuisement prévisible à l’horizon de quelques décennies.

Le charbon, disponible en plus grande quantité, est encore plus polluant. Selon l’OMS, la pollution de l’air par l’utilisation massive de ce combustible en Chine tue au moins 750 000 personnes par an – un chiffre non démenti par le gouvernement chinois.

Les gaz non conventionnels et l’exploitation de schistes bitumineux sont à la source de pollutions qui sont considérées comme plus graves encore.

Le nucléaire, lui, ne rejette pas de gaz à effet de serre et produit un kilowattheure très bon marché. Il a, certes, deux inconvénients : d'une part, la sûreté des centrales ne peut être garantie à 100 %, mais il n’y a pas d’activité humaine sans risque ; d'autre part, la recherche n’a pas encore résolu complètement le problème des déchets radioactifs à très long terme. Toutefois, il faut comparer ces inconvénients, qui peuvent être réduits, à ceux que présentent d’autres activités humaines.

La sortie du nucléaire en vingt ans, selon les calculs du sénateur honoraire M. René Trégouët – vous vous souvenez certainement, mes chers collègues, qu’il a créé le groupe de prospective du Sénat – impliquerait, si l’on voulait remplacer le nucléaire pour une moitié par l’énergie solaire et pour l’autre par l’énergie du vent, la pose de 2 000 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques, de 3 400 éoliennes terrestres géantes et de 8 400 éoliennes marines.

M. Trégouët évalue le coût de cette politique de substitution à 100 milliards d’euros par an, soit plus du double de notre facture énergétique actuelle. Il estime que cet effort n’est pas hors de notre portée, mais encore faut-il que nous soyons prêts à le consentir.

Toutefois, ce choix serait-il raisonnable ? Il faut se souvenir que le kilowattheure d’origine éolienne coûte deux fois plus cher que celui qui est produit par le nucléaire ou le gaz. Quant au prix du kilowattheure d’origine photovoltaïque, il est dix fois plus élevé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Les centrales nucléaires fournissent 80 % de l’électricité que nous consommons. La sortie du nucléaire aurait donc un coût exorbitant pour notre pays, pour sa compétitivité et pour son commerce extérieur – 8 milliards d’euros si l’on compte à la fois les exportations d’électricité et celles des services nucléaires.

Ce choix serait non pas seulement hors de prix, mais aussi contraire à l’intérêt national, à l’aune duquel une partie importante de nos responsables semble avoir désappris de se placer.

Ceux qui parlent de « choix de société » doivent avoir l’honnêteté de mettre le nucléaire en parallèle avec d’autres choix collectifs que nous avons réalisés : la pollution de l’air par les énergies fossiles tue chaque année, selon l’OMS, 13 millions de personnes ; les accidents de la route coûtent annuellement la vie à 1, 2 million de personnes.

Le choix du néolibéralisme effectué dans les années 1980 et 1990 par la France a entraîné dans notre pays une désindustrialisation massive et un chômage structurel touchant 10 % de la population active. On ne compte pas les drames humains que cette situation entraîne. Le vrai choix de société, ce serait de mettre un terme à la dictature des marchés financiers !

Il me semble que les choix technologiques ne doivent pas être dissociés des décisions économiques et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je termine, monsieur le président.

La sortie du nucléaire est un choix de régression, non de société. En ce sens, la proposition de résolution de M. Danglot liant l’exploitation du nucléaire au choix de l’appropriation publique et visant plus généralement à réglementer de nouveau le secteur de l’énergie me paraît mériter pleinement d’être soutenue. C’est les sénateurs du groupe RDSE, dans leur majorité, la voteront.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Vous permettrez que je n’applaudisse pas !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd'hui nous incite, à juste titre, à débattre de la politique énergétique de la France à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima.

Ce texte met l’accent, en premier lieu, sur le rôle du nucléaire, auquel le Sénat et l’Assemblée nationale – plusieurs orateurs l’ont rappelé – consacrent des travaux communs dans le cadre d’une mission constituée autour de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, élargi à huit sénateurs et huit députés supplémentaires.

Je me trouvais d'ailleurs ce matin à l’Assemblée nationale en tant que membre de cette mission, qui tenait sa première audition publique sur la gestion du risque à la suite d’un accident nucléaire. J’aurai donc d’autres occasions d’évoquer ici la question fondamentale de la place de l’électricité d’origine nucléaire dans le mix énergétique français.

Ce texte traite aussi des autres sources d’énergie, notamment celles qui sont renouvelables.

Mes chers collègues, dans le temps qui m’est attribué, je voudrais évoquer ici une énergie renouvelable qui possède l’un des plus grands potentiels de développement : la biomasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Sur une production primaire totale d’énergies renouvelables de 20 millions de tonnes d’équivalent pétrole en 2009, la biomasse en assurait près de la moitié : 9 millions.

Je le rappelle, la bioénergie a représenté 6, 7 % de la consommation finale d’énergie dans l’Union européenne en 2007.

L’essentiel de cette production est constitué par le bois-énergie, mais les autres utilisations de la biomasse ont vocation à constituer le principal poste d’accroissement de la production d’énergies renouvelables dans les années à venir.

En effet, la production de biomasse-énergie devrait progresser de 7, 4 millions de tonnes d’équivalent pétrole d’ici à 2020, contre – retenez ces chiffres, mes chers collègues ! – 5 millions de tonnes pour l’éolien, moins d’un million pour l’hydraulique et à peine un demi-million pour le photovoltaïque.

Tel est l’objectif que nous avons souhaité atteindre dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Serons-nous à la hauteur de cette ambition ?

D’après les tendances actuelles, la France risque de ne pas atteindre l’objectif de 36 millions de tonnes d’équivalent pétrole d’énergie d’origine renouvelable en 2020. Un effort est donc nécessaire si nous voulons réaliser 23 % de notre consommation d’énergie à partir des énergies renouvelables à cette date. Au demeurant, nous n’avons pas vraiment le choix, car il s'agit d’un engagement que nous avons pris devant Bruxelles !

Seul le photovoltaïque, nous le savons, devrait atteindre ses objectifs, et cela bien avant 2020. Cependant, si ce secteur constitue un enjeu considérable en termes de filière industrielle et d’emplois, il n’apportera pas une contribution aussi importante que les autres sources renouvelables à l’approvisionnement en énergie de notre pays. En outre, comme M. Jean-Pierre Chevènement vient de le rappeler, son coût est particulièrement élevé puisqu’il est dix fois plus cher que toutes les autres énergies.

C’est donc sur les autres filières qu’il faut mettre l’accent : l’éolien, sur terre et en mer, la géothermie et les pompes à chaleur, le solaire thermique, les biocarburants, enfin la biomasse, que je voudrais évoquer plus en détail.

En effet, la production d’énergie à partir de la biomasse présente un intérêt en termes à la fois écologiques, énergétiques et d’aménagement du territoire. Elle permet d’économiser les sources d’énergies fossiles et évite des émissions de gaz à effet de serre ; elle favorise l’indépendance énergétique grâce à une production au plus près de la consommation ; elle crée de l’activité et des emplois à l’échelon local, qu’il s’agisse de construction de chaudières, de génie civil ou d’exploitation forestière.

Il est donc important de poursuivre le soutien à cette filière, monsieur le ministre, aussi bien pour la production de chaleur que pour l’électricité.

Il faut saluer la mise en œuvre du fonds chaleur par l’ADEME en application du Grenelle de l’environnement. Le fonds chaleur soutient, par exemple, les projets de production de chaleur à partir de biomasse d’une capacité annuelle supérieure à 1 000 tonnes d’équivalent pétrole par an, dans le cadre d’un appel à projets national renouvelé chaque année.

Lancé l’an dernier, le deuxième appel à projets « Biomasse chaleur industrie, agriculture et tertiaire » a permis de sélectionner 31 projets et a atteint l’objectif de production qui lui était fixé. Le coût à la tonne de CO2 évitée est d’environ 16 euros, ce qui est tout à fait compétitif.

La question est de savoir si ce fonds est suffisamment pourvu. Doté de 1 milliard d’euros pour la période 2009-2011, il devrait atteindre les objectifs qui lui ont été fixés en 2012, mais il faudra veiller à poursuivre l’effort dans les années qui suivent. Malgré un contexte budgétaire difficile, nous devons considérer qu’il s’agit d’un investissement d’avenir prioritaire.

Pour ce qui est du bois-énergie à usage individuel, le potentiel est déjà considérable puisqu’il représente aujourd’hui près de la moitié de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. L’enjeu porte moins sur l’augmentation des capacités que sur l’amélioration des appareils de chauffage : le parc doit être amélioré et développé afin de chauffer un nombre de logements plus importants avec la même quantité de bois, tout en réduisant les émissions polluantes.

S’agissant de la production d’électricité, les possibilités de développement supplémentaire de l’hydroélectricité en France sont aujourd’hui limitées. La biomasse représente donc un mode de production d’électricité renouvelable intéressant, même si le potentiel le plus important se trouve sans doute dans les éoliennes. Cette production a du sens dans le cadre de la cogénération – chaleur et électricité –, afin de privilégier l’utilisation de la biomasse.

Le Gouvernement a choisi de soutenir les installations d’une capacité supérieure à 5 mégawatts, en raison du coût des petites installations et de leur bilan moins satisfaisant en termes de qualité de l’air.

D’abord, le tarif d’achat de l’électricité produite à partir de biomasse a triplé pour les installations les plus efficaces en 2010 et, malgré une baisse légère, il demeure très intéressant en 2011.

Ensuite, plusieurs appels d’offres ont été organisés depuis 2005 pour les unités les plus importantes, mais leur efficacité est remise en cause par des organisations professionnelles qui estiment que seuls 40 % des projets sélectionnés ont été effectivement mis en œuvre. Cela mérite, monsieur le ministre, que le groupe d’étude sur l’énergie, que je préside, se penche sur ce problème.

Enfin, je rappelle que le Grenelle a prévu la possibilité de valoriser le biogaz issu de la méthanisation en l’injectant dans le réseau de gaz naturel, comme le font plusieurs pays voisins. Nous sommes, monsieur le ministre, dans l’attente du décret d’application sur ce délicat problème technique de raccordement. Les professionnels sont aussi en attente de la fixation du nouveau tarif d’achat pour l’électricité produite à partir de biogaz. Comme vous le voyez, le cadre réglementaire doit encore être finalisé pour permettre un développement de l’énergie à partir de la biomasse.

Voilà quelques points que je souhaitais souligner dans ce débat consacré à la politique énergétique de la France.

La proposition de résolution sur laquelle nous devons nous prononcer met avec raison l’accent sur la nécessité de la régulation, ainsi que sur le renforcement des investissements dans la recherche.

Pour autant, vous comprendrez que, en tant que rapporteur de la loi NOME, je ne puisse m’associer aux conclusions de cette proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

C’est normal, en effet, car elle remet en cause l’ouverture des marchés de l’énergie et l’instauration de la concurrence, y compris dans la production et la commercialisation de l’énergie.

Certes, le système de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’ARENH, mériterait sans doute d’être adapté dans les années à venir, notamment à l’occasion des investissements importants que vous évoquez dans votre proposition de résolution, chers collègues, et qui vont concerner le secteur nucléaire, aussi bien pour assurer le prolongement des centrales que pour mettre en œuvre des mesures de sûreté renforcées sur lesquelles tout le monde travaille en ce moment. Toutefois, je ne crois pas qu’il y ait lieu de remettre en cause la loi NOME, qui trouve progressivement un équilibre entre concurrence et régulation. Il faut, au contraire, la mettre en application et veiller, pour cela, monsieur le ministre, à la publication des décrets qu’elle prévoit.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier le groupe CRC-SPG, qui, en déposant cette proposition de résolution, permet de lancer un débat utile, intéressant l’ensemble de nos compatriotes.

En effet, depuis de longs mois, dans notre pays, les prix de l’énergie flambent et, malheureusement, rien ne permet d’être optimiste pour le futur, car l’incidence de ces coûts sur les budgets des ménages entraîne de plus en plus d’entre eux dans ce qu’il est convenu d’appeler la « précarité énergétique ». Cela signifie, plus prosaïquement, que beaucoup de ménages n’ont pas pu se chauffer l’hiver dernier, faute de moyens.

Nos concitoyens ont pourtant raison de réclamer des tarifs de l’énergie qui leur permettent de mener une vie décente. Rappelons que 1, 5 million de personnes actives vivent, en France, sous le seuil de pauvreté et que 6 millions de salariés touchent moins de 750 euros nets par mois !

Pourtant, dans le même temps, le Gouvernement, celui dont vous êtes membre, monsieur le ministre, se défausse de ses responsabilités en matière de fixation des tarifs de l’énergie sur la Commission de régulation de l’énergie. Autrement dit, vous avez réduit ce qui était un levier ou un enjeu politique à une question purement technique, en laissant les tarifs s’envoler, même si, dernièrement – élection présidentielle oblige ! –, vous avez fait semblant de froncer les sourcils…

Est-il besoin de répéter que l’énergie est un bien vital et un produit de première nécessité, et que les ménages les plus modestes ne disposent souvent pas de solution alternative en ce qui concerne, par exemple, le mode de transport et le chauffage ? Et cela parce qu’ils sont tout simplement dans l’impossibilité d’opérer des investissements qui leur permettraient de réduire leur facture énergétique, qu’il s’agisse du gaz, de l’électricité ou du carburant.

Faut-il rappeler une nouvelle fois que c’est le Conseil national de la Résistance qui, au lendemain de la guerre, a établi le principe selon lequel il faut soustraire le secteur de l’électricité et du gaz aux logiques du marché et faire de l’État le garant de tarifs équitables pour tous les citoyens ?

Comme le rappelait tout récemment notre excellent collègue Roland Courteau, les tarifs du gaz ont augmenté de 20 % en un an et de 55 % depuis la privatisation de Gaz de France ! Dans le même temps, GDF-Suez annonçait avec cynisme un résultat net en hausse de 4, 6 milliards d’euros, en proposant, bien sûr, une augmentation substantielle des dividendes versés à ses actionnaires.

Nous considérons qu’il y a là une forme de provocation au moment où 3 400 000 ménages sont en situation de précarité énergétique en consacrant plus de 10 % de leurs revenus au paiement de leurs factures.

Et lorsque le Gouvernement sort de son chapeau l’Observatoire national de la précarité énergétique, nous affirmons, avec les associations, que l’urgence est plus à l’action qu’à l’observation.

Pour autant, je n’ignore pas la mise en place du tarif social du gaz. Mais elle arrive bien tardivement et elle sera insuffisante parce que ce dispositif, inspiré du tarif social de l’électricité, n’obtient pas le succès escompté. Je précise à ce propos que, pour de multiples raisons, deux tiers des personnes qui pourraient prétendre bénéficier de ce dispositif y échappent ; cela relativise l’efficacité des deux tarifs sociaux !

Dans un autre registre, parler d’opacité en ce qui concerne les modalités de fixation des prix du gaz ou des carburants est un doux euphémisme. Je pense notamment à l’extravagante indexation du prix du gaz sur le prix du pétrole, qui se fait, de surcroît, sous l’œil amusé et gourmand du PDG de Total, le même qui revendique les bénéfices colossaux de son entreprise, tout en évoquant la fatalité, à court ou à moyen terme, d’un litre de super à 2 euros !

Concernant le prix de l’électricité, plutôt que d’évoquer pêle-mêle le coût des énergies renouvelables, des tarifs sociaux, l’impact de Fukushima, que sais-je encore…, la véritable urgence devrait obliger le Gouvernement à s’interroger – mais en est-il encore temps ? – sur les effets néfastes qu’aura la loi NOME, obligeant EDF à vendre son énergie nucléaire à des opérateurs qui n’auront pas investi un centime dans les unités de production. II en résultera mécaniquement une nouvelle augmentation des tarifs de l’électricité, contredisant formellement la vocation de cette loi, c’est-à-dire une mise en concurrence qui devrait entraîner une diminution des prix.

Dans ce contexte, la mise en place du TARTAM, qui réintroduit – en deuxième main, serais-je tenté de dire – une relative régulation des tarifs, ressemble un peu à un aveu de faiblesse et ne saurait suffire à masquer l’incohérence des décisions prises jusqu’à ce jour.

La question énergétique, parce qu’elle concerne l’intérêt général, relève d’une démarche éminemment politique, dans laquelle l’intervention volontariste de l’État est plus que jamais une nécessité absolue. Elle impose, à notre sens, la taxation des superprofits des groupes pétroliers, qui devrait permettre, par divers moyens, d’agir efficacement sur la facture énergétique des Français. En tout état de cause, dans l’immédiat, l’État doit décréter un moratoire sur tous les tarifs de l’énergie.

Mais, monsieur le ministre, c’est sans illusion que je vous fais ces deux suggestions au nom du groupe socialiste, tout en précisant que, bien sûr, nous voterons la proposition de résolution de nos collègues du groupe CRC-SPG.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’une des raisons qui conduisent les écologistes à demander la sortie du nucléaire, c’est le caractère irrémédiable des dégâts qu’occasionne un accident. Le tsunami du Japon est une catastrophe d’ampleur inédite, extrêmement meurtrière. Malgré tout, à terme, il sera remédié aux dommages qu’il a causés. En revanche, à la contamination nucléaire des sols, de ce qui y pousse, des poussières qui circuleront pendant des décennies, de la chaîne alimentaire dans l’océan, il n’y aura pas de remède !

Autour de Tchernobyl, des territoires de plusieurs centaines d’hectares sont contaminés sans qu’aucune des initiatives internationales prises pour dépolluer les sols aboutisse à des résultats probants.

Les populations ont absorbé des quantités importantes de radioéléments, iode, césium et autres, qui se sont installés dans leurs organismes, entraînant cancers, leucémies et anomalies génétiques des bébés.

La défense du nucléaire repose sur des affirmations mensongères.

Il n’y aurait, paraît-il, pas de facteur de dépendance énergétique ? Pourtant, il faut exploiter de rares gisements d’uranium sur d’autres continents, souvent au mépris des conséquences sanitaires pour les populations locales.

Il s’agirait, paraît-il, d’une filière sans reproche ? Pourtant, à Cadarache, le suivi rigoureux de la matière active se trouve pris gravement en défaut. Le CEA évaluait à 7 kilogrammes de poussières de plutonium ce que l’on retrouverait au démontage des boîtes de manipulation du combustible… On en a retrouvé 39 kilogrammes !

La sécurité serait, paraît-il, garantie à 100 % ? Pourtant, au Tricastin, des négligences laissent se répandre dans la nature le liquide contenant l’uranium. Et l’on n’a toujours pas de solutions pour les déchets nucléaires, comme cela a été dit ici même à plusieurs reprises. Il est à noter qu’EDF exporte en Sibérie des centaines de tonnes d’uranium sans que cela soit mentionné dans le plan de gestion des matières et déchets radioactifs, alors que la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire l’avait imposé.

Nous pourrons aussi, monsieur Chevènement, discuter du coût du nucléaire : il est largement sous-estimé.

Quant à la prétendue probabilité d’accidents graves qui avait été annoncée, si faible que de tels accidents ne devaient jamais se produire, Fukushima nous en démontre l’inanité !

Oui, cela peut aussi arriver en France : les centrales nucléaires vieillissantes de Fessenheim et de Cruas-Meysse, qui sont respectivement installées sur une faille sismique et sur un barrage, en sont des exemples menaçants.

Les écologistes sont pour une transition sobre et responsable. Sans retomber dans les carburants fossiles et leur cortège de maladies respiratoires en ville et d’effet de serre pour toute la planète, il est possible de faire mieux et, à terme, à moindre coût. Pour cela, cessons de vampiriser les budgets de la recherche en énergie pour le nucléaire, aux dépens de l’efficience énergétique du solaire et de l’éolien. Cessons de changer sans cesse de stratégie économique. Le dernier exemple est la brutale remise en cause des aides au solaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cessons de tirer vers le bas les exigences d’économie dans le bâtiment, qui nous conduisent à construire encore des logements énergivores qui coûteront au final plus cher aux locataires et à la collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’évoquerai enfin la folie des gaz de schiste.

Destructeur du sous-sol, saboteur des territoires, fatal pour l’eau potable, disséminateur de polluants chimiques en nombre inédit, ce projet est une hérésie.

Signée par le ministre Borloo, l’autorisation de prospection a été combattue par tous, et même, ensuite, par le député Borloo !

Alors que notre pays est théoriquement engagé dans la lutte contre les changements climatiques, il est pour le moins contradictoire de chercher de nouveaux combustibles d’origine fossile au moyen d’une technique extrêmement coûteuse en énergie.

Mes chers collègues, je souhaite également attirer votre attention sur le risque financier de ce genre de pratique. Les exploitants déboutés de la mine d’or de Kaw, en Guyane, réclament actuellement 80 millions d'euros de dommages et intérêts au Gouvernement !

À signer des autorisations irresponsables de prospection pour le gaz de schiste, ne prend-on pas le risque de brader à terme l’argent public ?

Après Fukushima, après les nombreux accidents et pollutions de rivières provoqués aux États-Unis par des fracturations hydrauliques, il est encore plus urgent de fonder une politique énergétique responsable, durable, adaptée aux territoires, fondée sur les énergies renouvelables et la réduction des consommations.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de résolution qui vient d’être présentée m’offre l’occasion de remettre en perspective notre politique de l’énergie. Je répondrai ensuite plus précisément aux différents intervenants.

Vous le savez, la politique énergétique de la France vise cinq objectifs, qui sont de pleine actualité : la sécurité des approvisionnements et la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles ; la compétitivité des prix pour les particuliers et pour les entreprises ; la protection de notre environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ; l’accès de tous à l’énergie ; l’objectif industriel de développement de filières porteuses de croissance et d’emploi.

Nous nous sommes donné les moyens d’atteindre ces objectifs au travers de trois grands axes.

Le premier concerne la régulation. Celle-ci a fait l’objet de profondes réformes permettant de moderniser et de pérenniser une action efficace de l’État, dans un contexte de marchés ouverts.

Pour ce qui est de l’électricité, la loi NOME, qui a été diabolisée par certains au cours de ce débat, ...

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

... constitue la pierre angulaire de cette nouvelle régulation. Elle garantit un accès de tous les consommateurs à un prix de l’électricité tirant pleinement parti de la compétitivité de notre parc de production électronucléaire.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Elle suscite également une émulation entre les fournisseurs d’électricité se focalisant sur les segments les plus utiles : les services innovants, les économies d’énergie, etc. Elle permet encore une contribution responsable de chacun à la gestion de nos pics de consommation. Elle assure enfin le maintien de tarifs réglementés pour tous les Français, ce qui a permis au Gouvernement de s’engager à ce que la hausse du prix de l’électricité soit limitée à 1, 7 % pour le tarif et à 1, 2 % pour la contribution spéciale, soit 2, 9 % pour les douze prochains mois.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé que le prix du gaz naturel n’augmentera pas dans les douze prochains mois. Cette période sera mise à profit par GDF-Suez pour prendre en compte les opportunités d’optimisation de ses approvisionnements. §

Au-delà de ce cadre qui reste très régulé, le Gouvernement mène une action concrète pour lutter contre la précarité énergétique. Ainsi, nous avons augmenté de dix points le rabais social sur l’électricité. Nous avons également créé un tarif social du gaz que nous avons revalorisé de 20 % au 1er avril dernier.

Le Gouvernement a créé un fonds d’aide à la rénovation thermique des logements, doté de 1, 35 milliard d’euros. Plus de 300 000 foyers en situation de précarité bénéficient de ce dispositif.

Des mesures plus conjoncturelles ont également été prises. Je pense à la revalorisation du barème kilométrique pour les Français qui utilisent beaucoup leur véhicule pour travailler, ainsi qu’à la prime à la casse des anciennes chaudières. Songez qu’on estime à 1 million le nombre de logements équipés de chaudières de plus de vingt ans !

Je tiens à souligner que ces aides s’accompagnent le plus souvent d’un effort en termes de maîtrise de la demande énergétique. Tout est lié : économiser l’énergie, c’est aussi se protéger demain des impacts des potentielles évolutions de prix.

Le deuxième axe est relatif au renforcement de notre politique de maîtrise de l’énergie et à la diversification de notre bouquet énergétique.

En matière de maîtrise de l’énergie, au-delà de la lutte contre la précarité énergétique, nous respecterons, grâce aux mesures du Grenelle de l’environnement, l’objectif européen de 20 % de gain en efficacité énergétique à l’horizon 2020, notamment dans le secteur du bâtiment qui concentre 44 % des consommations énergétiques du pays. Nous avons également, outre le renforcement des certificats d’économie d’énergie, créé un éco-prêt à taux zéro allant jusqu’à 30 000 euros.

En matière d’énergies renouvelables, sujet sur lequel beaucoup se sont exprimés, le cap est clair et très ambitieux, contrairement à ce qui a pu être suggéré. Il s’agit de faire en sorte que, d’ici à 2020, les énergies renouvelables représentent 23 % de notre consommation finale d’énergie. Nous avons défini une trajectoire précise avec des points de passage en 2012, pour atteindre 38 millions de tonnes équivalent pétrole produites en énergies renouvelables en 2020.

Je souhaite, à cet égard, rappeler que l’effort porte majoritairement sur les énergies renouvelables non électriques, au premier rang desquelles la fourniture de chaleur, qui concentrera plus de la moitié de la hausse d’ici à 2020 et pour laquelle nous avons créé le fonds chaleur renouvelable. Ladislas Poniatowski, président du groupe d’études de l’énergie, a consacré une large part de son intervention à ce sujet. Il a pleinement raison : l’énergie ne se limite pas à l’électricité.

Sur les énergies renouvelables électriques, notre objectif sera atteint grâce aux différentes formes d’énergies que nous avons soutenues.

S’agissant de l’éolien, sur les quatre dernières années, la capacité installée a été multipliée par quatre. En matière d’éolien offshore, le Gouvernement lancera à la fin du mois la première tranche d’un appel d’offres visant à doter la France d’une première capacité de 3 000 mégawatts.

Par ailleurs, depuis le mois de janvier 2010, le tarif d’achat de l’électricité biomasse, évoqué par Ladislas Poniatowski, pour les installations de moyenne puissance – de 5 mégawatts à 12 mégawatts – a plus que doublé.

Enfin, sous ce Gouvernement, la puissance installée du parc photovoltaïque français a été multipliée par 73 entre 2007 et 2010. L’objectif 2012 du Grenelle de l’environnement est quasiment atteint avec deux ans d’avance.

Nous nous assurons que ces développements soient porteurs d’emplois. C’est tout le sens des investissements d’avenir : 2, 6 milliards d’euros sont consacrés à la création d’instituts d’excellence pour des énergies décarbonées, pour des démonstrateurs en énergies renouvelables et chimie verte et pour les réseaux de distribution d’énergie intelligents, que l’on appelle en bon français smarts grids.

Sourires

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Le troisième axe porte sur notre politique nucléaire, qui a été largement évoquée. Elle est, je crois, responsable et ambitieuse. Il s’agit là d’un pilier fort, maîtrisé et reconnu.

Ce choix du nucléaire, confirmé depuis près de cinquante ans par tous les gouvernements successifs, a été motivé par nos besoins en matière tant de sécurité d’approvisionnement que de compétitivité. Il est aujourd’hui renforcé dans la mesure où il s’agit de la production d’une électricité décarbonée.

Le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler mardi dernier lors de son déplacement à la centrale de Gravelines. Nous n’avons eu de cesse d’accompagner ce choix d’une amélioration continue en matière de sûreté nucléaire et de transparence.

Je vous rappelle que le Parlement a voté en 2006 deux lois très importantes sur le nucléaire : la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire et la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Le Gouvernement a veillé à la mise en œuvre de ces deux lois, avec la publication de plus d’une vingtaine de textes réglementaires.

Nous disposons de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, dont les compétences et l’indépendance sont reconnues dans le monde entier, et du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire. Le Gouvernement a veillé à ce que cette dernière instance soit impliquée dans les audits qui seront réalisés après la catastrophe de Fukushima.

Monsieur Danglot, vous avez parlé de désengagement de l’État. C’est bien tout le contraire que nous avons fait, que nous faisons et que nous continuerons de faire !

Le Conseil de politique nucléaire, qui n’avait pas été saisi depuis 1997, l’a été cinq fois par le Président de la République. Par les décisions qui y ont été prises, ces réunions ont signifié sans ambiguïté un retour et un renforcement de l’État dans la politique nucléaire.

Nous consacrons par ailleurs, dans le cadre du grand emprunt, 1 milliard d’euros à la recherche dans le domaine nucléaire, dont 650 millions d'euros pour un prototype de réacteur dit de quatrième génération.

Nous répondons aux interrogations soulevées par l’accident très grave survenu au Japon en mettant en œuvre des audits de sûreté sur notre parc, en pleine transparence et sous la responsabilité de l’ASN.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà le cadre général de déploiement de notre politique de l’énergie et l’articulation cohérente entre les trois axes sur lesquels le Gouvernement concentre ses efforts. J’ajoute que nos choix domestiques sont solidement relayés à l’échelle européenne et internationale.

Je voudrais maintenant répondre de façon plus détaillée aux différents intervenants.

Monsieur Danglot, vous avez souligné qu’il fallait une action forte à l’échelon international, européen, mais aussi national. Mais nous le faisons déjà ! J’aurai sans doute l’occasion d’y revenir lors de prochaines auditions devant la Haute Assemblée.

Madame Schurch, vous avez à juste titre insisté sur l’importance de la formation et des compétences dans le domaine du nucléaire. C’est vrai à l’échelon national comme à l’échelon international. Nous sommes nombreux à affirmer qu’aucun pays ne devrait pouvoir se doter d’une industrie nucléaire sans avoir préalablement formé ses salariés, qu’ils soient agents ou cadres, au pilotage nucléaire. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Président de la République, s’exprimant sur ce point avant-hier, a déclaré qu’il refusait tout moratoire. En effet, l’investissement et la formation dans le nucléaire sont des préoccupations constantes qui ne peuvent faire l’objet d’une suspension, sauf à les fragiliser.

En revanche, madame la sénatrice, vous vous êtes trompée lorsque vous avez évoqué le nombre de diplômés issus des formations nucléaires : ils sont bien 600, et non 300. Je rappelle, par ailleurs, que nous avons créé l’Institut international de l’énergie nucléaire et que nous allons prochainement installer le Comité stratégique de l’énergie nucléaire, qui sera compétent sur les questions que vous avez soulevées.

Monsieur Beaumont, je partage les préoccupations que vous avez exprimées dans votre intervention, qui était tout à fait pertinente. Vous avez fort opportunément rappelé que nous n’avions pas attendu l’accident de Fukushima pour nous préoccuper de la sûreté nucléaire. Dans le même temps, nous tiendrons compte du retour d’expérience de cet événement.

Il va de soi qu’EDF intégrera dans les projets de l’EPR les conclusions des audits qui seront menés. Nous n’arrêterons pas le chantier de Flamanville, mais ce site ne sera pas exonéré de l’audit post-Fukushima et les recommandations qui seront éventuellement formulées seront intégrées.

Le projet de Penly n’est pas arrêté, contrairement à ce qui a pu être suggéré hier. Le dossier est en cours d’élaboration et sera soumis à l’enquête publique, dès lors qu’il sera complet. À quelle date ? Cela relève à la fois d’EDF et de l’ASN.

Nous espérons, en revanche, que l’entrée en activité de l’EPR de Flamanville aura lieu en 2014.

Pour ce qui concerne un éventuel nouveau réacteur dans la vallée du Rhône, par exemple sur le site du Tricastin que vous avez cité, cette question n’est pas pour l’instant à l’ordre du jour, même si le dernier conseil de politique nucléaire avait conclu à l’intérêt d’étudier l’opportunité de construire en France un réacteur dit de moyenne puissance ATMEA. Nous allons réfléchir à cette possibilité.

Pour l’instant, il n’y a pas d’autre nouvelle construction envisagée. Un tel projet relèverait de l’élaboration de la prochaine programmation pluriannuelle des investissements de production électrique, qui sera préparée par le gouvernement actuel et arrêtée par le prochain gouvernement.

Sur le démantèlement de réacteurs nucléaires, je tiens à apporter une légère nuance : notre expertise n’est pas aussi limitée que vous le dites. Vous êtes bien placé pour savoir qu’à Marcoule, à Pierrelatte, nous sommes en train de réaliser des démantèlements très importants, mais j’ai bien retenu votre suggestion pour aller plus loin, notamment en Bourgogne. Nous regarderons cela ensemble.

Monsieur Deneux, vous avez fait une intervention que j’ai trouvée, elle aussi, très intéressante. Je vous sais gré d’avoir notamment dit très clairement qu’il n’y a pas de lien entre l’âge d’une centrale qui, par hypothèse, aurait atteint vingt-cinq ou trente ans, et le nombre d’incidents qui peuvent s’y produire. Je le rappelle, et il faut insister sur ce point, la référence à cette durée de trente ans relève plus d’une question d’amortissement financier que d’espérance de vie proprement dite. Vous savez, de plus, que chaque centrale, à l’occasion des travaux requis par la garantie décennale, bénéficie du retour d’expérience de toutes les autres. Aussi, sans provocation aucune, il peut être affirmé qu’une centrale de vingt, vingt-cinq ou trente ans est presque plus sûre qu’elle ne l’était à sa mise en route, car elle a bénéficié de travaux.

L’audit sur les installations nucléaires, qui devra être transparent, portera sur cinq points : les risques d’inondation et de submersion marines, les risques sismiques, la perte des alimentations électriques, la perte des systèmes de refroidissement et la gestion opérationnelle des situations accidentelles majeures.

Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire contribuera à toutes les étapes de cet audit. Il est présidé par le sénateur honoraire Henri Revol et accueille en son sein deux députés et deux sénateurs, ce qui permettra d’associer étroitement le Parlement à cette démarche. Les conclusions de cet audit seront rendues publiques et feront l’objet d’une large discussion.

Je ne m’attarderai pas sur la filière industrielle des énergies renouvelables. Vous avez évoqué la nécessité de créer une telle filière. Un instrument a été spécialement créé à cet effet dans le cadre des comités stratégiques de filières industrielles : il s’agit du Comité stratégique des éco-industries, COSEI, que nous installerons, avec ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, dans le courant du mois de juin. Il devra travailler sur les perspectives des différentes filières vertes.

Monsieur Raoul, vous avez parlé de « double peine ». Pour ma part, je suis toujours surpris lorsqu’on utilise ce type d’expression ou d’image en dehors de son contexte.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je pourrais vous citer, à une certaine époque !

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

À mon tour, je pourrais reprendre cette expression pour vous dire que vous nous infligez, vous aussi, une double peine.

En premier lieu, vous pratiquez le déni de réalité : on peut certes critiquer la libéralisation du marché de l’électricité en Europe, mais il n’est pas nécessaire de la caricaturer. Nous conservons un certain nombre de moyens de régulation, avec les tarifs réglementés et la loi NOME pour l’encadrement. Si vous critiquez cette libéralisation, ayez au moins l’honnêteté de reconnaître que cette ouverture du marché de l’énergie est une œuvre commune de la droite et de la gauche. Vous devriez par conséquent vous auto-flageller !

Le premier « paquet énergie » a été mis en œuvre par la loi du 10 février 2000, quand le Premier ministre était Lionel Jospin. Le deuxième paquet, qui concernait la séparation des activités de production et de transport d’électricité, a, quant à lui, été adopté lors du Conseil européen de Barcelone du 16 mars 2002, en présence du Président de la République et du Premier ministre de l’époque. Évitons donc les caricatures !

En second lieu, vous ne nous avez strictement rien dit de ce que pourrait être, à vos yeux, une politique de rechange. Les observateurs qui lisent le projet du parti socialiste en cours d’élaboration – pour ma part, je l’ai lu avec encore plus d’intérêt que d’autres –…

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Monsieur Raoul, l’ambiguïté et les faux-semblants sur le nucléaire ont justement été l’une des causes de ma rupture avec le parti socialiste.

J’ai donc lu que le parti socialiste propose de sortir à la fois du « tout-nucléaire » et du « tout-pétrole ». J’attendais avec intérêt que vous nous disiez comment, mais le temps vous a sans doute manqué, car vous n’en avez pas parlé…

Monsieur Poniatowski, vous avez raison de le rappeler, l’énergie, c’est non seulement l’électricité, mais également la chaleur.

La biomasse, sur laquelle vous avez beaucoup insisté, est l’une des sources les plus appropriées pour la production de chaleur. Le Gouvernement a mis en place le fonds chaleur à cette fin, avec les résultats que vous avez évoqués : 31 projets retenus en 2009 ; un succès également en 2010, avec de nouveau 31 projets retenus, pour 313 millions d’euros d’investissement et une puissance thermique de 665 mégawatts, ce qui représente une économie de 338 000 tonnes de pétrole. La biomasse concerne aussi l’électricité produite en cogénération : depuis 2010, les tarifs de rachat de l’électricité ainsi produite ont doublé, conformément aux engagements du Président de la République.

Quant à la méthanisation, les tarifs de rachat de l’électricité qui en est issue seront publiés ce mois-ci. Le décret est actuellement examiné par le Conseil d’État et pourrait être publié en juin ou, au plus tard, dans le courant de l’été.

Monsieur Chevènement, j’espère ne pas vous porter préjudice en relevant que je suis d’accord avec de nombreux points de votre intervention. Vous avez eu raison de souligner que le nucléaire reste un atout pour notre pays. Je n’aurais pas utilisé les formules dont vous avez le secret, mais j’ai tout de même noté que vous aviez parlé de « démagogie obscurantiste et technophobe » : il fallait oser !

Vous avez très bien expliqué ce qu’ont été les enchaînements de l’accident de Fukushima : un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, puis un tsunami d’une violence inouïe et, malgré cela, la centrale de Fukushima n’a, pour l’essentiel, pas bougé. C’est si vrai d’ailleurs qu’il a fallu attendre vingt-quatre à trente-six heures pour qu’on commence à parler d’un problème nucléaire. La centrale a ensuite « encaissé » beaucoup de répliques de force 6 ou 7 pendant le mois suivant. Elle a donc bien résisté.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Ce sont, vous l’avez souligné, les systèmes de refroidissement qui ont cédé. Il faut en tirer une leçon pour l’avenir. L’audit nous le confirmera, et ira probablement plus loin : bien que nos systèmes de refroidissement soient plus puissants et plus solides qu’à Fukushima, il sera sans doute nécessaire de les multiplier, de mieux les protéger, en les rehaussant encore pour empêcher toute inondation. Surtout, il sera indispensable d’installer des systèmes de secours à proximité, en cas d’accident majeur.

En ce qui concerne la sortie du nucléaire, vous avez bien posé les termes du débat. Je le dis à ceux qui sont intervenus en ce sens, nous pouvons évoquer ce sujet, qui n’est pas tabou. Il faut simplement proposer une solution de remplacement et, surtout, évaluer combien il en coûtera à nos concitoyens.

Ma remarque vaut pour Jean-Jacques Mirassou et Daniel Raoul.

Debut de section - Permalien
Éric Besson, ministre

Monsieur le sénateur, je regrette que vous ayez encore cité, dans votre intervention, votre mot fétiche : le moratoire. Je vous suggère de respecter un « moratoire sur les moratoires », car vous n’arrêtez pas de les multiplier…

Je conclus en répondant à Jean Desessard. Monsieur le sénateur, vous êtes constant et cohérent lorsque vous demandez que nous sortions du nucléaire, personne ne le conteste. Mais, de grâce, ne caricaturez pas le problème ! Nous n’avons jamais évoqué le risque zéro. Il n’existe ni en matière industrielle ni en matière nucléaire. Simplement, nous pensons que ce risque est bien maîtrisé en France.

Par ailleurs, je tiens à vous signaler que le Commissariat à l’énergie atomique a investi 150 millions d’euros dans les énergies renouvelables. Nous contribuons au développement du solaire et de l’éolien, mais vous devez dire clairement qu’il s’agit d’énergies par essence intermittentes. En effet, lorsque le soleil ne brille pas ou que le vent ne souffle pas, ces énergies s’arrêtent. Il faut donc prévoir des énergies de substitution.

Enfin, je livre ces quelques données pour illustrer notre débat, notamment à l’adresse des écologistes qui prennent souvent l’Allemagne comme exemple : les ménages allemands paient leur électricité deux fois plus cher que les ménages français ; les entreprises allemandes paient leur électricité une fois et demie plus cher que les entreprises françaises ; un Allemand émet 40 % de gaz à effet de serre de plus qu’un Français. Il faudra bien un jour essayer d’en comprendre les raisons.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole ?...

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,

Considérant que le droit à l’énergie est un droit fondamental de l’homme, que l’accès à l’énergie doit être garanti équitablement à l’ensemble des peuples et des individus,

Considérant que l’énergie, bien essentiel au développement humain, ne peut être assimilée à une marchandise,

Considérant que l’indépendance énergétique et la sécurité énergétique constituent des enjeux majeurs dans les relations internationales,

Considérant qu’il est essentiel de protéger les équilibres de la planète et les intérêts écologiques des générations futures,

Considérant que la sûreté des installations de production, de transport et de distribution de l’énergie, et particulièrement de l’énergie nucléaire, doit être renforcée,

Considérant que la spéculation financière sur les matières premières énergétiques, la volatilité des prix qui en résulte et la rémunération des actionnaires sont responsables de l’augmentation chronique des tarifs énergétiques renforçant les inégalités sociales et la précarité énergétique,

1. Considère que la libéralisation du secteur énergétique, sa soumission à la concurrence libre et non faussée découlant des textes européens et internationaux et sa privatisation sont incompatibles avec les exigences de sécurité, sûreté, d’indépendance énergétique et avec celles du service public de l’énergie, tant en terme d’accessibilité que de solidarité,

2. Affirme que les activités de production, de transport, de distribution et de commercialisation doivent être entièrement publiques et placées sous le contrôle de la puissance publique, dans le cadre d’un pôle public de l’énergie qui associe les citoyens et les travailleurs du secteur énergétique,

3. Souhaite insister sur l’importance de la qualification des personnels du secteur, de l’organisation du travail, et interdire la sous-traitance,

4. Estime nécessaire d’instaurer une régulation dans la fixation des tarifs de l’énergie et de garantir la transparence dans leur formation,

5. Réaffirme solennellement son attachement au renforcement des investissements dans la recherche dans le secteur énergétique, notamment celui des énergies renouvelables, pour trouver de nouveaux moyens de production d’énergie et de traitement des déchets,

6. Souhaite l’organisation d’un grand débat public national sur les choix en matière de politique énergétique nationale dans les années à venir, portant sur l’utilisation actuelle du nucléaire dans des conditions de sécurité renforcées, mais aussi sur l’ensemble des choix énergétiques menacés,

7. Estime nécessaire que tous les moyens utiles soient mis en œuvre au niveau national, européen et international pour porter ces exigences.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe CRC-SPG.

Je vous rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 202 :

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, la proposition de résolution est rejetée.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.