… un amendement réduisant chacune des deux sessions plénières d’octobre de quatre à deux jours tout en les regroupant sur une même semaine.
Disons-le clairement : cet amendement est ni plus ni moins, une nouvelle fois, la mise en cause directe de Strasbourg comme ville de siège du Parlement européen ; il est, dans sa motivation, parfaitement inacceptable.
De plus, en droit, en effet, monsieur Sueur, cet amendement est contestable au regard de l’esprit et de la lettre des traités, qui stipulent bien que le Parlement européen a son siège à Strasbourg. Or, nous le savons les uns et les autres, ce qu’un traité a fait, seul un autre traité peut le défaire.
Je pense d’ailleurs que les auteurs de cet amendement le savent fort bien, mais que, tel le Petit Poucet, ils sèment sur le chemin un caillou après l’autre, menant ainsi un combat politique subreptice pour, un jour, parvenir à la décision qu’ils souhaitent.
Eh bien, les choses ne pourront pas se passer de cette façon, parce que le gouvernement français a décidé de contester ce qui a été voté, en portant l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne. Le recours sera déposé dans les tout prochains jours.
Que l’on ne se méprenne pas : nous respectons bien sûr pleinement le Parlement européen, qui est une institution majeure de l’Union et qui apporte une contribution déterminante au projet européen. Nous sommes les défenseurs de son action et de son développement, qui constitue un progrès pour la démocratie européenne elle-même. Nous ne mettons certainement pas en cause son pouvoir d’organisation interne. Il s’agit en revanche de veiller simplement à ce que ce pouvoir s’exerce dans le cadre et le respect des traités et, au-delà, dans le respect de l’esprit européen. Cet amendement combat en réalité, certains d’entre vous l’ont fort bien relevé, cet état d’esprit européen que nous avons en partage.
Comme vous le savez sans doute, le Grand-duché de Luxembourg – M. Ries l’a dit lui-même –, par la voix de son Premier ministre, Jean-Claude Juncker, a annoncé à la suite d’un entretien avec Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, son intention de se joindre au recours des autorités françaises. Je rappelle que, dans des circonstances similaires, nos deux pays étaient intervenus ensemble en 1997.
Cet appui des autorités luxembourgeoises est très important, car c’est bien la « trilocalisation » du Parlement européen que nous entendons défendre, dont le principe est énoncé dans le protocole n° 6 annexé aux traités. Je rappelle, mais vous le savez évidemment tous, que le Luxembourg accueille le secrétariat général et les services du Parlement européen.
Oserai-je dire également que, dans le cas d’espèce, nous avons le sentiment, en contestant le vote du 9 mars, de défendre l’efficacité du Parlement européen ?
Qui peut croire en effet que l’institution parlementaire, dont les attributions ont été significativement renforcées par le traité de Lisbonne, serait en mesure d’accomplir l’ensemble des tâches qui lui reviennent à la faveur de deux sessions d’à peine deux jours chacune, regroupées sur une seule semaine, alors même que le débat budgétaire a lieu au cours de l’une des sessions d’octobre ?
Au-delà, c’est aussi une conception particulière du projet européen que nous entendons défendre. Vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun avec vos propres mots, exprimé un même idéal. Soyez assurés que le gouvernement français le partage.
Le siège de Strasbourg porte en effet témoignage de l’histoire et des valeurs dans lesquelles s’inscrit le projet européen. Il est profondément regrettable et potentiellement dangereux de prétendre ignorer cette réalité, voire de la considérer comme dépassée, au risque d’affecter durablement le sentiment d’appartenance et l’adhésion des citoyens au projet européen, à l’heure où il aurait plutôt besoin d’être renforcé. Comment pourrait-on espérer bâtir un avenir européen commun en ignorant l’histoire ? Cela ne ferait qu’affaiblir la perspective européenne que nous avons en partage.
Notre conception de la réalité européenne n’est pas non plus celle d’une concentration des pouvoirs en un lieu unique, mais, bien au contraire, celle de la nécessaire diversité géographique des sièges. À cet égard, je fais pleinement miens les mots de Roland Ries, lorsqu’il relève que « la concentration ne correspond pas aux besoins d’une Union européenne élargie ». D’autres l’ont dit après lui, et je relève également que cette nécessité est bien comprise des groupes parlementaires du Parlement européen, qui organisent régulièrement des journées d’études dans différentes villes de l’Union européenne.
Le Parlement européen irait ainsi tenir des journées d’études, ici ou là, dans les vingt-sept pays membres, mais serait privé à terme de la possibilité de siéger à Strasbourg… Quelle conception surprenante !
Pour l’ensemble de ces raisons, nous continuerons, non seulement de défendre, mais aussi de promouvoir le statut européen de Strasbourg et ses atouts auprès de nos partenaires et des différents acteurs européens.
Comme vous le savez, ce siège fait également l’objet, depuis 1980, d’un contrat triennal conclu entre l’État et les collectivités territoriales alsaciennes, comme l’ont rappelé, entre autres, MM. Ries et Reichardt. Une enveloppe de quelque 245 millions d’euros est mobilisée à ce titre pour la période 2009-2011, à laquelle l’État contribue à hauteur de 117, 5 millions d’euros, et la négociation du contrat triennal s’engagera prochainement pour la période 2012-2014.