Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le thème de la proposition de résolution de notre collègue Jean Claude Danglot, relative à la politique énergétique de la France, est loin d’être dépourvu d’intérêt. En effet, il est important de nous interroger sur les choix de la France en matière de politique énergétique, notamment nucléaire, à l’heure où nous avons un peu plus de recul par rapport aux événements qui se sont déroulés au Japon.
La catastrophe de Fukushima a amené la France, pourtant « championne du nucléaire », à entreprendre un audit sur la sûreté des installations nucléaires face à des risques, particulièrement redoutables lorsqu’ils se cumulent, tels que les séismes, les inondations, la perte d’alimentation électrique et l’arrêt du refroidissement.
Plusieurs audits sont en cours ; nous y participons et nous en attendons les résultats. Monsieur le ministre, je souhaite une vraie transparence et une communication sans réserve.
Quels enseignements tirer aujourd’hui de ce choix énergétique ? La filière nucléaire française est très fiable. Elle joue un rôle essentiel dans la sécurité de l’approvisionnement électrique de la France. Gardons-nous donc, en France, de tout catastrophisme, même si nous avons tous été émus et troublés par ces événements, car il est maintenant avéré que « les centrales ont résisté au tremblement de terre, mais c’est dans la chaîne de décisions pour gérer la perte du refroidissement qu’il y a eu des difficultés ; l’organisation n’était pas robuste. »
En France, les risques sismiques, la culture dans la chaîne de décisions et la répartition du capital de l’exploitant ne sont pas les mêmes que pour la centrale de Fukushima. C’est pour ces raisons que les appels à fermeture des centrales que j’ai entendus, et qui ont même été votés par certains conseils municipaux, me semblent peu raisonnables.
L’âge des installations n’est pas forcément le critère le plus pertinent. Si l’on examine les incidents survenus dans les 143 réacteurs en service en Europe, on constate beaucoup d’incidents au cours des cinq premières années et un régime de croisière plus rassurant ensuite. L’amélioration en continu, qui est dans les gènes d’EDF, contribue largement au maintien en parfait état de toutes nos centrales.
Je crois que, en matière nucléaire – je ne parle pas là de l’énergie en général –, il ne faut pas faire primer la logique économique sur la logique sécuritaire. En revanche, il ne faut pas non plus ignorer ni évincer cette logique économique. Il faut articuler les deux. Là est le secret d’une politique énergétique pérenne, rentable, sûre et accessible pour chacun.
Aujourd’hui, c’est le cas : l’accessibilité est assurée par les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité. En revanche, du point de vue de la gouvernance, je regrette que la puissance publique ne semble pas toujours suffisamment jouer son rôle d’actionnaire dans les conseils d’administration où elle est représentée. Pourtant, l’État est garant de l’équilibre entre logique économique et ordre public attaché au fonctionnement de ces entreprises.
Concernant la dimension internationale de la question énergétique, notamment nucléaire, on peut se féliciter que ce sujet soit mis à l’ordre du jour du sommet du G8 des 26 et 27 mai à Deauville et, le 8 juin, d’une réunion des autorités de sûreté des pays du G20 dotés du nucléaire civil.
Enfin, si l’énergie nucléaire est une chance pour la France, ce n’est pas pour autant une énergie renouvelable. Notre indépendance énergétique n’est donc que relative.
Nous avons un besoin absolu de la filière nucléaire pour de nombreuses années. Il n’y a donc pas lieu de nous précipiter, mais engageons une réflexion sur ce que certains ont appelé la sortie progressive du « tout nucléaire », quoiqu’il faille plutôt, notre mix énergétique comportant déjà 20% de non-nucléaire, parler de « diminution de la part du nucléaire ».
Il importe de ne pas limiter la politique énergétique de la France à la seule question du nucléaire. Au contraire, nous devons nous donner les moyens de développer des filières structurées et solides dans le secteur des énergies renouvelables et accroître nos efforts de sobriété énergétique, dans la droite ligne des engagements du Grenelle de l’environnement et par anticipation du relèvement des objectifs de l’Union européenne en la matière, que le Président de la République a su faire adopter par nos partenaires durant la présidence française, en décembre 2008. Nous avons là, monsieur le ministre, un devoir d’exemplarité.
Or, dans ce domaine, l’État n’a pas toujours été bon. Je pense notamment au fiasco de la gestion du photovoltaïque par l’État, dont les mesures d’appui à la filière se sont réduites brusquement. Au demeurant, n’ayant pas toujours été bien expliquées, elles ont parfois été mal comprises par les utilisateurs. De la même manière que pour l’énergie éolienne, l’État a privilégié les aides directes aux installations plutôt que le financement de la recherche, qui aurait permis de promouvoir un made in France performant en la matière. De ce fait, l’État n’a pas réussi à structurer la filière.
Toujours en ce qui concerne les énergies renouvelables, je constate que la géothermie, une filière qui me paraît prometteuse, ne reçoit pas, en métropole, la considération qu’elle mérite.
Le rapport entre l’argent public investi et la consolidation structurelle de ces filières « vertes » n’est donc pas satisfaisant. Mon collègue Claude Biwer l’ayant récemment souligné lors du débat sur la désindustrialisation, je n’y reviendrai pas.
Cependant, il est encore temps d’agir et je ne peux qu’espérer que le Gouvernement conduira une politique raisonnable, stable et structurée dans les filières des énergies renouvelables où cela reste possible : l’éolien off shore, la méthanisation ou encore le solaire.
Si je partage certaines des préoccupations énoncées dans l’exposé des motifs de la présente proposition de résolution, je ne partage pas nécessairement ce qui les justifie ni les conclusions que nos collègues en tirent.
Par exemple, le groupe de l’Union centriste ne souscrit pas à l’éradication de la logique marchande du secteur de l’énergie.