Or on sait ce qu’il est advenu dans les pays qui ont pratiqué cette ouverture à la concurrence.
En France, la dérégulation, entamée en 1996 avec la transposition de la première directive Électricité, approuvée par le Premier ministre Alain Juppé, s’est accélérée après 2002 avec le retour de la droite aux responsabilités. Alors que nous avions fait porter nos efforts sur le maintien d’un « service public de l’énergie », le gouvernement de M. Raffarin a pris le contre-pied en engageant clairement la France sur la voie d’une libéralisation à marche forcée.
Cela a commencé avec l’accord de Mme Fontaine, alors ministre déléguée à l’industrie, sur les grandes lignes de la deuxième directive Énergie, exposées lors du sommet européen de novembre 2002, ce qui n’était rien d’autre que le reniement de l’engagement pris par le président Chirac en février 2002, soit à peine quelques mois auparavant. La loi du 3 janvier 2003 s’est ensuivie ; celle-ci constitue d’ailleurs le canevas de votre politique actuelle. Six autres lois ont ensuite été adoptées, jusqu’à la fameuse loi NOME.
Ces lois ont progressivement libéralisé le secteur de l’énergie, l’ouvrant à la concurrence sous couvert de transposition de directives européennes. Elles ont également été l’occasion pour le Gouvernement de remettre en cause le statut de nos entreprises publiques, ce qui n’a jamais figuré au rang des exigences de Bruxelles. Mais nous en subissons aujourd’hui les conséquences !
Alors que, il y a seulement une semaine, nous débattions dans cette enceinte de notre politique industrielle, je tiens à souligner que cette dernière n’aura pas grand sens si la France se sépare de ses leviers d’action en matière énergétique, et en particulier si elle renonce à l’avantage de compétitivité que représentent nos tarifs de l’électricité.
Je voudrais maintenant, de façon très concrète, revenir sur la situation de ce qui devrait être aujourd’hui un grand service public.
Les Français subissent une double peine : en tant que citoyens et en tant qu’usagers.
En tant que citoyens, ils font face à une véritable entreprise de spoliation, en ce sens qu’EDF – comme GDF en d’autres temps – a bénéficié pendant des décennies d’une véritable manne, en l’espèce des ressources publiques, afin d’assurer la pérennité du réseau et du parc électronucléaires.
La question de la préservation des tarifs réglementés d’électricité se pose avec encore plus d’acuité du fait des investissements financés par les citoyens. En effet, il existe en France une rente nucléaire, évaluée à 9 milliards d'euros par an et dont l’appropriation relève d’une décision d’ordre politique.
Une telle rente peut-elle être captée par le secteur privé ? À qui peut-elle être distribuée ? Aux actionnaires ? Aux consommateurs ? À l’entreprise publique, pour que celle-ci procède à des réinvestissements productifs et environnementaux, alors même que le nucléaire soulève aujourd'hui de nombreuses questions ?
Les Français sont également pénalisés en tant qu’usagers. Après avoir vu cette contrepartie confisquée et assujettie aux lois du marché, ils vont faire face à une augmentation sensible des tarifs d’électricité, alors qu’ils ont déjà eu à subir celle des tarifs du gaz. L’accroissement de la concurrence et la déréglementation contribueront en effet à de fortes tensions sur les prix, avec un alignement tendanciel sur les prix fixés par le marché. Les consommateurs, en particulier les ménages, en feront les frais.
C’est dans cette voie que les autorités de Bruxelles, grâce à Mme Kroes, qui vous a transmis le virus