Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 5 mai 2011 à 9h00
Politique énergétique de la france — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution présentée par M. Jean-Claude Danglot et ses collègues du groupe CRC-SPG vient en discussion devant le Sénat deux mois après la catastrophe de Fukushima. Elle a le grand intérêt de mettre l’accent sur les conséquences pratiques que nous devons en tirer si nous voulons préserver l’atout que le secteur nucléaire représente pour la France, plutôt que céder à la démagogie obscurantiste et technophobe de la « sortie du nucléaire ».

Il faut tout d’abord comprendre la nature de l’accident. Rappelons que la catastrophe de Fukushima tient à l’insuffisance des dispositifs de sécurité mis en place par l’exploitant, Tokyo Electric Power Company, ou TEPCO, face à l’ampleur du tsunami : des murs de sept mètres de haut n’ont pu arrêter des vagues de vingt-trois mètres, qui ont noyé les centrales diesel de secours, alors que l’arrêt automatique des réacteurs, du fait d’une secousse sismique d’intensité 9 sur l’échelle de Richter, avait entraîné la perte des alimentations électriques externes. Le cœur des réacteurs et les assemblages combustibles n’ont plus été refroidis en raison de cette imprévoyance quant à la hauteur de la vague du tsunami. De l’arrêt des circuits de refroidissement, dû à la perte d’électricité, tout le reste a découlé : échauffement des combustibles irradiés, dégagement d’hydrogène, explosions endommageant l’enceinte de confinement.

Je le répète, il est extrêmement important de comprendre l’origine de l’accident pour en tirer les leçons adéquates. C’est la survenue d’un événement naturel imprévu, à savoir le tsunami, qui a rendu inopérants les dispositifs de secours. À ce stade, ce n’est pas s’aventurer que de pointer la responsabilité de l’exploitant, TEPCO, qui n’a pas pris les précautions nécessaires eu égard à l’ampleur des tsunamis observés, fût-ce dans des temps assez anciens, comme à la fin du XIXe siècle.

L’analyse de l’accident mérite sûrement d’être complétée. Dès maintenant, cependant, on peut dire – et la résolution présentée par M. Danglot le souligne à juste titre – qu’il est important de soustraire le secteur énergétique, particulièrement la filière nucléaire, aux logiques de rentabilité qui gouvernent la libéralisation de l’énergie.

Il faut affirmer avec force la nécessité d’un grand pôle public de l’énergie, incluant la totalité des entreprises composant l’industrie nucléaire. C’est la raison pour laquelle je voterai cette proposition de résolution. J’ajoute que ce texte attire justement l’attention sur l’importance d’une formation de haut niveau des personnels – Mme Schurch en a parlé avec beaucoup de pertinence – ainsi que sur la proscription de la sous-traitance dans le secteur nucléaire.

M. Danglot a aussi raison de pointer les conséquences de la libéralisation du secteur de l’énergie sur la fixation des prix. Il est tout de même admirable, au sens classique de ce terme, que l’intervention de l’Europe, au nom de la concurrence, aboutisse à un relèvement des prix de l’électricité et du gaz !

Le Gouvernement est dessaisi de ses attributions : ce n’est plus lui qui fixe les tarifs de l’énergie !

Monsieur Danglot, je vous adresserai une seule remarque : la loi NOME est intervenue en application de directives prises sur la base des décisions arrêtées lors des sommets de Lisbonne, en 2000, et de Barcelone, en 2002, à une époque où le parti communiste participait au gouvernement.

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