Intervention de Jean-Jacques Mirassou

Réunion du 5 mai 2011 à 9h00
Politique énergétique de la france — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Jacques MirassouJean-Jacques Mirassou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier le groupe CRC-SPG, qui, en déposant cette proposition de résolution, permet de lancer un débat utile, intéressant l’ensemble de nos compatriotes.

En effet, depuis de longs mois, dans notre pays, les prix de l’énergie flambent et, malheureusement, rien ne permet d’être optimiste pour le futur, car l’incidence de ces coûts sur les budgets des ménages entraîne de plus en plus d’entre eux dans ce qu’il est convenu d’appeler la « précarité énergétique ». Cela signifie, plus prosaïquement, que beaucoup de ménages n’ont pas pu se chauffer l’hiver dernier, faute de moyens.

Nos concitoyens ont pourtant raison de réclamer des tarifs de l’énergie qui leur permettent de mener une vie décente. Rappelons que 1, 5 million de personnes actives vivent, en France, sous le seuil de pauvreté et que 6 millions de salariés touchent moins de 750 euros nets par mois !

Pourtant, dans le même temps, le Gouvernement, celui dont vous êtes membre, monsieur le ministre, se défausse de ses responsabilités en matière de fixation des tarifs de l’énergie sur la Commission de régulation de l’énergie. Autrement dit, vous avez réduit ce qui était un levier ou un enjeu politique à une question purement technique, en laissant les tarifs s’envoler, même si, dernièrement – élection présidentielle oblige ! –, vous avez fait semblant de froncer les sourcils…

Est-il besoin de répéter que l’énergie est un bien vital et un produit de première nécessité, et que les ménages les plus modestes ne disposent souvent pas de solution alternative en ce qui concerne, par exemple, le mode de transport et le chauffage ? Et cela parce qu’ils sont tout simplement dans l’impossibilité d’opérer des investissements qui leur permettraient de réduire leur facture énergétique, qu’il s’agisse du gaz, de l’électricité ou du carburant.

Faut-il rappeler une nouvelle fois que c’est le Conseil national de la Résistance qui, au lendemain de la guerre, a établi le principe selon lequel il faut soustraire le secteur de l’électricité et du gaz aux logiques du marché et faire de l’État le garant de tarifs équitables pour tous les citoyens ?

Comme le rappelait tout récemment notre excellent collègue Roland Courteau, les tarifs du gaz ont augmenté de 20 % en un an et de 55 % depuis la privatisation de Gaz de France ! Dans le même temps, GDF-Suez annonçait avec cynisme un résultat net en hausse de 4, 6 milliards d’euros, en proposant, bien sûr, une augmentation substantielle des dividendes versés à ses actionnaires.

Nous considérons qu’il y a là une forme de provocation au moment où 3 400 000 ménages sont en situation de précarité énergétique en consacrant plus de 10 % de leurs revenus au paiement de leurs factures.

Et lorsque le Gouvernement sort de son chapeau l’Observatoire national de la précarité énergétique, nous affirmons, avec les associations, que l’urgence est plus à l’action qu’à l’observation.

Pour autant, je n’ignore pas la mise en place du tarif social du gaz. Mais elle arrive bien tardivement et elle sera insuffisante parce que ce dispositif, inspiré du tarif social de l’électricité, n’obtient pas le succès escompté. Je précise à ce propos que, pour de multiples raisons, deux tiers des personnes qui pourraient prétendre bénéficier de ce dispositif y échappent ; cela relativise l’efficacité des deux tarifs sociaux !

Dans un autre registre, parler d’opacité en ce qui concerne les modalités de fixation des prix du gaz ou des carburants est un doux euphémisme. Je pense notamment à l’extravagante indexation du prix du gaz sur le prix du pétrole, qui se fait, de surcroît, sous l’œil amusé et gourmand du PDG de Total, le même qui revendique les bénéfices colossaux de son entreprise, tout en évoquant la fatalité, à court ou à moyen terme, d’un litre de super à 2 euros !

Concernant le prix de l’électricité, plutôt que d’évoquer pêle-mêle le coût des énergies renouvelables, des tarifs sociaux, l’impact de Fukushima, que sais-je encore…, la véritable urgence devrait obliger le Gouvernement à s’interroger – mais en est-il encore temps ? – sur les effets néfastes qu’aura la loi NOME, obligeant EDF à vendre son énergie nucléaire à des opérateurs qui n’auront pas investi un centime dans les unités de production. II en résultera mécaniquement une nouvelle augmentation des tarifs de l’électricité, contredisant formellement la vocation de cette loi, c’est-à-dire une mise en concurrence qui devrait entraîner une diminution des prix.

Dans ce contexte, la mise en place du TARTAM, qui réintroduit – en deuxième main, serais-je tenté de dire – une relative régulation des tarifs, ressemble un peu à un aveu de faiblesse et ne saurait suffire à masquer l’incohérence des décisions prises jusqu’à ce jour.

La question énergétique, parce qu’elle concerne l’intérêt général, relève d’une démarche éminemment politique, dans laquelle l’intervention volontariste de l’État est plus que jamais une nécessité absolue. Elle impose, à notre sens, la taxation des superprofits des groupes pétroliers, qui devrait permettre, par divers moyens, d’agir efficacement sur la facture énergétique des Français. En tout état de cause, dans l’immédiat, l’État doit décréter un moratoire sur tous les tarifs de l’énergie.

Mais, monsieur le ministre, c’est sans illusion que je vous fais ces deux suggestions au nom du groupe socialiste, tout en précisant que, bien sûr, nous voterons la proposition de résolution de nos collègues du groupe CRC-SPG.

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